Vengeance




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ELENA

Je ne savais pas ce que je ressentais à cet instant. De la peur ? Du désir ? De l'affection ? Mais il était hors de question de m'attarder sur mes sentiments alors qu'une sombre machination semblait être à l'œuvre. Je décidai donc de ne rien dire, et de finir de me changer. Quand Princeton essaya de me parler, je levai la main en signe d'avertissement. C'était cruel de ma part mais il fallait que je reste concentrée, et jouer des scènes de Grey's Anatomy n'allait sûrement pas m'aider.

À ma grande surprise, Princeton n'insista pas et me suivit dans mon périple pour sortir du New-York Presbytarian Hospital. Je ne savais pas si je devais me sentir blessée par sa réaction ou contente qu'il ne fasse pas cas de notre moment d'égarement. À chaque fois que j'essayais de croiser le regard que j'aimais tant, il me fuyait. Mauvais signe.

Quand nous sortîmes enfin des labyrinthes de l'Hôpital, il ne restait plus qu'à trouver un moyen de nous rendre chez Diana récupérer ce maudit colis. Qui était derrière tout cela ? Je n'en avais strictement aucune idée, parce que je ne voyais pas Adam être assez intelligent pour monter un coup pareil. J'étais sûre qu'il n'était qu'un petit rouage dans le mécanisme funeste du véritable psychopathe, qui lui, se cachait dans l'ombre. Alors que je m'apprêtai à appeler un taxi je me souvins soudain que si Princeton était à l'hôpital c'est qu'il devait être venu par ses propres moyens. Je me tournai donc vers lui. Son visage fermé était assez intimidant mais le moment n'était pas aux excuses pour avoir blessé l'ego d'un jeune étudiant :

« Tu es venu en voiture ?

- Oui. Elle est garée juste là ».

Il me montra la splendide Maserati rouge vif de l'autre côté de la rue. Sans demander mon reste, je fonçai dans cette direction. Il ne fallait pas que l'on perde de temps. J'avais un mauvais pressentiment. Princeton me rejoignit d'un pas nonchalant. Il m'en voulait je le savais mais il allait devoir arrêter ses enfantillages, car sinon il était inutile qu'il m'accompagne. Quand nous fûmes installés dans la voiture et qu'il commença à conduire, je décidai de poser les choses à plat :

« Est-ce que l'on pourrait oublier ce... ce moment dans le local s'il te plait ». Bon, je le conçois, le tact n'était pas mon fort, mais je ne voyais pas comment aborder les choses autrement pour crever l'abcès. Princeton ne répondit rien. Il resta de marbre à mes paroles et semblait même dans une autre dimension. Il restait concentré sur la route et j'avais l'impression d'être invisible à ses yeux. Question maturité, il faudrait repasser...

« Princeton...

- C'est bon, ne te fatigue pas, j'ai saisi

- Non je ne crois pas... Ce que je voulais dire c'est que...

- ... Que tu t'es bien fichue de moi...

- Non mais je n'y crois pas... Princeton ce n'est vraiment pas le moment ! Diana a failli se suicider à cause d'un colis qui lui a été envoyé, Gordon a disparu et tu es sûrement toi aussi en danger ! Alors ton côté macho vexé tu le garde pour toi et tu agis comme un adulte pour une fois...

- Bien.

- Bien.

Le reste de la route se déroula dans un silence morbide. Comme je m'en doutais, la famille de Diana logeait dans l'Upper East Side. Princeton se gara le long d'un trottoir devant une magnifique bâtisse. Le portail en fer forgé donnait sur une propriété gigantesque cachée en plein milieu de la ville. Mon brun ténébreux devait être venu souvent ici car quand le gardien de l'entrée le vit, il lui fit un grand signe et le magnifique portail s'ouvrit devant nous. Des pavés de pierre menaient jusqu'à un escalier sculpté à même les rochers. Ce dernier donnait sur une véranda ouverte, un salon anglais trônait au centre de celle-ci. Le sol était en joli bois clair et donnait un contraste agréable face au côté grisâtre de la pierre. La porte d'entrée était à double battant. Elle arborait des moulures d'un autre temps où l'on pouvait apercevoir des oiseaux, feuilles et branches se mélanger pour former un ensemble très esthétique.

Princeton fit sonner la cloche suspendue à droite du pallier. Nous entendîmes des pas précipités s'approcher. La porte s'ouvrit sur une jeune femme à peine plus âgée que moi. Ses cheveux de jais étaient attachés en un haut chignon. Des cernes creusaient son visage déjà amaigri et maladif. Elle ne devait pas dépasser les un mètre cinquante pour quarante kilos. Un coup de vent et elle s'envolait. Elle portait une robe noir sobre et un tablier blanc par-dessus, je supposais donc qu'elle devait être au service de la famille. Elle me confirma cela en se présentant comme étant Denise Hallister, la gouvernante de la maison. En réalité, elle s'adressait surtout à moi car elle semblait bien connaître Princeton qui lui sourit. Moi qui croyais qu'il avait perdu son magnifique rictus, je fus rassurée de voir sa fossette apparaître sur sa joue droite. Il lui adressa même la parole de ce ton enjôleur qui me faisait à présent fondre :

« Denise, bonjour. Comment vont Kévin et Max ?

- Bonjour Mr Sutherland, Max travaille encore dans l'usine de chaufferie au nord-est de la ville et Kévin commence à faire ses nuits. J'ai cru que je n'y arriverais jamais. Cela fait une éternité que je n'ai pas passé une nuit complète...

Ils continuèrent leur bavardage pendant au moins cinq minutes. Mon impatience due se faire ressentir car Princeton s'empressa ensuite de demander à cette fameuse Denise, la permission de nous rendre dans la chambre de Diana. Enfin ! La jeune femme nous fit entrer et nous la suivîmes jusqu'aux appartements de la princesse Diana. En effet, la maison était tout simplement fabuleuse. La décoration datait du XVIIème siècle, les meubles étaient luxueux sans parler des nombreux tapis qui ornaient le parquet sombre. Denise nous laissa seuls devant la chambre de Diana. Quand j'entrai, je fus surprise par le décalage avec le reste de la maison. Nous étions dans un environnement épuré, exempt de toutes décorations inutiles. Les choses étaient simples et bien ordonnées. Un bureau au centre de la pièce était fait en verre et bois de hêtre. Le tapis au sol en fourrure blanche apportait une touche de chaleur à cet environnement aseptisé. Les tableaux accrochés aux murs représentaient tous des scènes de ballets russes : Le lac des Cygnes, casse-Noisette, et bien d'autres. Le lit à baldaquin était isolé du reste de la pièce comme s'il représentait à lui-seul un espace unique. Le colis gisait à l'endroit où Diana me l'avait indiqué : aux pieds de sa table de nuit.

Un sentiment d'effroi me parcouru quand je vis ce paquet, encore ouvert. Je n'osais imaginer la douleur que cette jeune fille avait pu ressentir en faisant face à tout son passé et à une telle horreur.

Princeton resta en retrait pendant que j'entrepris d'aller fouiller dans ce carton. Il était noir et rouge avec un immense ruban doré. Une carte y était accrochée. Il y était écrit : « Pour Diana, avec tout mon amour ». Je comprenais mieux pourquoi elle avait cru que ce présent venait de Gordon. L'écriture était magnifique et le message semblait avoir été écrit à la plume. J'étais face à une œuvre d'art calligraphique. Le contenu de la boîte se retrouva bientôt vidé par terre pour que je puisse avoir une vue d'ensemble sur ce qu'elle contenait. Tout y était : les fameux tubes à essai remplis d'un liquide pourpre, et les étranges fioles où flottaient des mèches de cheveux de différentes couleurs. J'observais ensuite les photos. Elles semblaient venir d'un livre d'anciens élèves que l'on distribuait en fin de lycée. Aucun des hommes ne se ressemblait mais selon Diana ils avaient tous une chose en commun : ils avaient abusé d'elle. C'est à cet instant que j'aperçu la clé USB. J'entrepris de la cacher aux yeux de Princeton en la mettant rapidement dans ma poche de veste. Il ne se rendit pas compte de mon geste car son regard était figé dans le vide. Il semblait ailleurs.

« Princeton ? ». Ma voix se voulait rassurante, douce. Ce n'eut pas l'effet escompté car quand je prononçai son nom, il se retourna vivement vers moi et me fusilla du regard. Si des yeux avaient pu être une arme, je serais morte. La noirceur de ses pupilles me transperça violemment et je n'osai plus faire le moindre mouvement.

« Qu'est-ce que c'est que ce bordel Elena ? ». Effectivement c'était exactement la même question que je me posais et à laquelle j'étais bien incapable de répondre.

« Je n'en sais rien. Je ne comprends pas ce que tout cela veut dire mais je te promets que je vais trouver ce qu'il se cache derrière ces monstruosités, je...

- Depuis que tu es arrivée, tout va mal ! Tu ne te poses pas la question de savoir si ce n'est pas à toi que ce malade en veut ? Si en réalité ce n'est pas de ta faute si on est tous en danger ? »

Évidemment que je m'étais posée la question, je n'étais pas stupide mais comme je l'avais pensé en sortant de l'hôpital, Adam n'était qu'un pion, il fallait que je déloge le roi de la partie.

« Écoute Princeton je...

- Non ! C'est toi qui vas m'écouter à présent. Tu me prends peut-être pour un idiot, mais si tu veux que l'on t'aide tous sur ce coup, il va falloir que tu nous en dises un peu plus. Je suis dans le flou total ! C'est quoi ces conneries de tubes remplis de sang ? Ces photos ? Putain Elena ! C'est de la folie !

- Je n'ai jamais demandé d'aide...

- Diana me l'a demandé Elena et c'est mon amie, je ne la laisserai pas tomber sous prétexte que tu te crois plus forte que nous tous réunis ».

Ses paroles étaient blessantes mais je comprenais sa réaction. Il avait peur, tout comme moi, sauf qu'il était beaucoup plus concerné à présent que l'une de ses meilleures amies avait été la cible d'un malade mental. Il faudrait que je lui raconte certaines choses pour acquérir à nouveau sa confiance. En étais-je capable ?

Je n'eus pas le temps d'y réfléchir quand soudain mon regard se fixa sur la lettre en question dont Diana m'avait parlé. J'ignorai à nouveau Princeton pour me concentrer sur ma lecture. Ce dernier s'approcha pour la lire au-dessus de mon épaule.

« Chère Diana,

Comme tu as souffert... Les gens sont si durs parfois... Comment peut-on encore les qualifier d'êtres humains ? D'ailleurs quelle est la définition de « l'Homme » : est-ce que cela correspond à l'idée que l'on s'en fait tous : une espèce dotée d'intelligence et de bonté capable de grandes choses ? Ou alors n'est-on pas tout simplement qu'un amas de haine, empreint d'un désir de vengeance. Le seul être sur terre à pouvoir imaginer son pire ennemi souffrir, être terrorisé, et en éprouver un grand plaisir, c'est bien l'Homme... Le lion ne torture pas ses semblables, il chasse pour se nourrir et se bat pour défendre son territoire. Nous sommes différents et c'est pour cette raison que je trouve que l'on se rapproche de la définition du monstre. Je suis un monstre et je l'ai accepté il y a de cela très longtemps. On ne renie pas sa nature propre...

Et toi Diana ? Es-tu un monstre ? N'as-tu pas désiré au plus profond de ton âme la mort de tes bourreaux. Ne t'inquiète pas je te comprends, nous sommes pareils. La seule différence qu'il y a entre toi et moi, c'est que tu n'en as pas encore pris conscience. Je t'ai aidé, je t'ai soulagé d'un poids que tu ne pouvais plus porter... Pourtant une dernière question me vient à l'esprit. Es-tu toujours humaine Diana ? N'as-tu pas ressenti du soulagement en observant le sang de tes victimes ? Tu as rejoint les ténèbres sans t'en rendre compte mais j'ai su lire en toi comme dans un livre ouvert.

Tu sais à présent ce qu'il te reste à faire, car le cercle de la vengeance est sans fin... Dois-je te rappeler que ces garçons avaient des parents, des frères et sœurs mais aussi un amour auquel ils tenaient profondément ? Un dernier sacrifice doit être effectué ma chère Diana et je sais qu'en lisant ces lignes tu comprendras...

Avec tout mon amour,

R. »

Je restai interdite. Cette personne était un psychopathe en puissance ! Il fallait l'arrêter tout de suite ou je sentais qu'elle ferait d'autres dégâts. Les questions qui envahissaient mon esprit à cet instant étaient les suivantes : Pourquoi maintenant ? Pourquoi cela coïncidait-il avec ma venue dans cette université ? Qui était ce R et surtout, que voulait-il ?

J'allai demander à Princeton de partir quand je vis un autre mot écrit en lettres manuscrites. La calligraphie était tout aussi travaillée que celle de la lettre. J'entrepris de le lire mais quand je vis à qui ce mot était adressé mon sang se glaça et je restai pétrifiée. Mes mains tremblaient, je commençais à manquer d'air. La crise de panique envahissait mon corps et ma vue commença à se troubler. Princeton intervint aussitôt :

« Ellie ? Tout va bien ? Qu'est ce qui se passe ? Ellie ? Réponds-moi ? ». Cependant j'étais incapable de prononcer une seule phrase. Je ne pus que lui montrer le minuscule morceau de papier : celui qui confirmait que tout était lié.

« Принцессаprintsessa » : princesse en russe)

La mort n'est pas derrière les montagnes, elle est derrière nos épaules ».

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