Trahisons et regrets (partie 3)

ELENA

J'entendis les tirs se faire de plus en plus proches et les balles siffler autour de moi. Elle me visait moi et mon enfant, sans avoir la moindre once de compassion.

Je pus enfin atteindre la voiture, ouvris la portière côté conducteur, Lucy toujours dans les bras. Elle hurlait de peur et je pouvais aisément la comprendre. Les bruits des coups de feu n'aidaient pas non plus à la calmer. « Concentre-toi Elena, la vie de ta fille est entre tes mains ». Soudain, les tirs cessèrent et je réussis enfin à mettre la clé dans le contact. J'osai regarder ce qu'il se passait, elle n'avait sûrement plus de munitions. Là je le vis : Gordon. L'air frais qui était rentré dans la pièce avait dû aider à le réveiller et il s'évertuait à essayer de désarmer la folle furieuse qui me faisait office de demi-sœur. « Fuis Elena ! Fuis ! ». Les paroles de ma mère me revinrent en mémoire et je décidai effectivement de m'enfuir, ma fille entre les bras, pour la sauver d'un destin sordide.

Je m'arrêtai sur un parking de supermarché pour réfléchir. Que pouvais-je faire ? Il fallait que tout cela se termine mais je ne pouvais pas y emmener Lucy. J'étais désemparée et je pensais même à quitter le pays, mais mes démons me poursuivraient encore, même si je choisissais un pays lointain sans connexion internet. Ma décision était prise, ma mission était d'offrir un monde meilleur à ma fille, anéantir le monde criminel de mon père et mettre hors d'état de nuire Irina Arazov. Je ne pouvais pas abandonner tous les gens qui m'avaient aidé jusque-là et qui s'étaient mis en danger pour moi.

Je regardai une dernière fois ma fille qui me fit un sourire des plus attendrissants, comme si elle savait depuis toujours qui j'étais. La fatigue émotionnelle me faisait sûrement divaguer mais j'avais immédiatement senti une connexion entre ce petit bout de choux et moi.

La seule idée qui m'était venue à l'esprit était de la faire garder par quelqu'un de confiance, hélas tous les amis que je possédais à New-York étaient soit mort soit en très mauvaise posture et près à se faire tuer. Perdue dans mes pensées je remarquai soudain un square, de l'autre côté de la rue. Une jeune mère jouait avec son petit garçon qui rigolait en descendant d'un toboggan rouge. Cette femme avait l'air douce et gentille, et tellement attentionnée. Alors oui... Je décidai que c'était ma seule chance de m'assurer que Lucy serait en vie si je réussissais à sortir indemne de cette aventure. N'importe qui m'aurait jugé comme étant une mère indigne à ce moment-là, complètement écervelée, et ces personnes auraient raison. C'était une idée grotesque et j'en étais consciente, mais quelles étaient mes autres options ? Je n'en voyais aucune qui me venait à l'esprit, alors, les genoux tremblants et la boule au ventre je descendis du SUV, avec Lucy qui s'accrochait à mon cou de ses tous petits bras.

Je traversai la route d'un pas mal assuré. Je venais juste de retrouver ma fille, ma seule raison de vivre, et j'allai la confier à quelqu'un que je ne connaissais même pas mais qui m'avait juste donnée une bonne impression.

Ma mine devait être affreuse et je devais sûrement faire peur avec tout ce sang sur moi et mes vêtements déchirés. Je déduisis cela des regards que me lançaient les différentes mères présentes dans le square et le fait qu'elles rappelaient leurs enfants auprès d'elles, en signe de protection.

Je m'avançai doucement vers cette jeune femme que j'avais repéré depuis le parking. Elle devait sans doute avoir mon âge. Son regard noisette me fixait d'une façon étrange. Elle semblait interloquée et elle s'était interrompue dans le jeu avec son petit garçon. Ses longs cheveux châtains lui descendaient jusqu'en bas du dos et elle avait un visage doux et compatissant. Ses lèvres s'entrouvrirent légèrement quand elle se rendit compte que c'était vers elle que je me dirigeais. Mon cœur battait la chamade et je sentais le sang affluer dans mes tempes, me provoquant un terrible mal de tête.

Je m'arrêtai brusquement face à elle, les larmes aux yeux et la mine défaite. J'avais tellement besoin d'aide.

-              Je... Je suis désolée de vous demander ça mais j'ai... J'ai un gros problème à résoudre et cela pourrait être dangereux pour ma fille. Je vous en supplie, il faudrait que vous vous occupiez d'elle avant que je ne revienne.

-              Mais...

-              Je n'ai pas d'argent sur moi mais je peux vous promettre, si cela vous intéresse, de vous verser une grosse somme pour ce service rendu, et vous aurez ma reconnaissance éternelle. Mais, je vous en supplie, il faut que...

Je n'arrivai plus à prononcer le moindre mot, et je me mis à pleurer, encore une fois. « Mais qu'est-ce qu'il t'arrive Elena putain ! Elle va te prendre pour une folle ! reprends-toi ! ». Je repris mon souffle et j'allai continuer ma tirade quand la jeune femme se leva et me serra dans ses bras, Lucy au milieu de nous.

-              Ne pleurez-pas, donnez-moi votre petite fille et je vous promets de m'en occuper le temps que... enfin que tout s'arrange.

-              Oh merci ! Je ne sais comment vous remercier ! Vous êtes adorable !

-              Mais... Je vais vous donner mon numéro de téléphone et mon adresse au cas où vous mettriez plus longtemps que prévu. J'allais rentrer avec Lucas. Comment s'appelle cette adorable petite fille ?

-              Lucy...

Je lui tendis la prunelle de mes yeux et pris le numéro et l'adresse de cette femme, qui se nommait en réalité Fanny Devers. Lucy pleura quand elle me vit m'éloigner et cela me brisa le cœur, mais je refusais de me retourner. « Je ne t'abandonne pas mon amour... Je reviendrai te chercher promis. »

Quand j'eus atteint de nouveau le SUV, je pus me rassurer en voyant ma petite fille rire aux éclats sous les chatouilles de cette femme adorable. Alors, je démarrai et pensai à toutes les choses qu'il fallait que je prépare avant de me rendre à nouveau à l'entrepôt où était encore prisonnière Vera.

Je me garai le long de la rue de mon ancien appartement. Il fallait que je me dépêche, le temps était compté et je n'avais pas le luxe de m'appesantir sur mon sort. Je sortis en trombe du véhicule et entrai dans l'immeuble. Je montai les marches aussi vite que je le pus et arrivée en haut, mon cœur rata un battement.

-              David ?

Le jeune adolescent pour lequel je m'étais battu m'attendait devant ma porte, un pistolet à la main, les yeux rouges et l'air épuisé. Mais que faisait-il ici ? Je le croyais dans le Wyoming mais visiblement, je ne sus comment je déduisis cela, j'étais certaine à cet instant qu'Irina était encore derrière tout cela.

David refusait de me regarder et préférait fixer le mur en face de lui, comme si son esprit avait été vidé de toute émotion.

-              Est-ce que vous avez tué mon père ?

Nous y étions. Il savait et je supposais qu'il l'avait appris de la bouche de ma charmante demi-sœur.

-              Oui.

Ma réponse ne méritait pas plus d'explication tout simplement parce que je n'avais pas le temps et que je n'étais pas d'humeur à lui expliquer mes choix de manière calme et posée. Ma mère s'était faite tirée dessus et je ne savais pas si elle était encore vivante, j'avais retrouvé ma fille que je croyais morte, j'étais la proie d'une psychopathe en puissance, alors s'il me titillait je savais que je craquerai. Je choisis la solution de facilité et l'ignorais pour pouvoir entrer dans mon appartement. Je ne l'avais pas fermé depuis la dernière fois, ce qui était un avantage vu que je n'avais pas mes clés sur moi. Mais alors que j'entrepris de m'approcher, cette fois David pointa son arme sur moi.

-              David. Je n'ai vraiment pas le temps. Des vies sont en jeu, alors s'il te plaît pose ce flingue et laisse-moi passer.

-              Pourquoi ?

-              Pourquoi quoi ?

-              Pourquoi vous l'avez tué ? Il était ma seule famille et vous le saviez...

-              Sérieusement David ? Oui je suis un monstre, une tueuse, un assassin, tout ce que tu veux mais si j'ai tué ton père c'était dans l'espoir de démanteler le trafic des Sharks et des italiens. Des centaines de garçons de ton âge meurent quand leurs parents traînent dans ce genre de magouille ! Alors oui ! J'ai eu tort, je m'en veux d'être ce que je suis, une personne effroyable qui n'hésite pas à tuer de sang-froid des êtres sanguinaires et impitoyables. Je ne veux pas me justifier parce que je n'en peux plus... David j'ai tout essayé pour que tu puisses avoir une vie meilleure, et je voulais tellement... Je ne sais pas... Voilà, David, je ne sais plus, je ne suis pas la bonne fée ou un ange, loin de là, mais j'ai essayé de faire au mieux. Savais-tu que ton père a tué tout au long de sa vie plus de soixante personnes dont vingt mineurs ?

-              Ça ne vous donnait pas le droit de faire justice par vous-même !

-              Je sais... Je suis loin d'être parfaite David. Mais là, il faut que je sauve des gens dont la vie est en danger à l'instant où l'on parle. Le monde n'est pas tout blanc ou tout noir, il est fait de nuances et parfois je me suis perdue dans la nuance la plus sombre de la palette de gris. Mais si je peux te dire une chose : ton père ne t'aimait pas.

-              Qu'est-ce que vous en savez !

-              Parce que s'il t'aimait, jamais il ne t'aurait entraîné dans son trafic, jamais il n'aurait fait prendre de tels risques à son fils ! Tu risquais ta vie David ! Tous les jours ! Mais réveille-toi bordel !

-              Irina m'a dit que...

-              Parlons d'Irina si tu veux mais pendant que je me change et baisse ce flingue s'il te plaît.

-              Vous n'êtes pas mieux qu'elle.

-              Peut-être pas effectivement... la seule chose que je peux te dire c'est que je ne voulais pas te faire souffrir et que j'ai toujours essayé de faire au mieux. Irina n'hésitera pas à te tuer quand elle n'aura plus besoin de toi. C'est une psychopathe, une meurtrière perverse qui prend du plaisir à faire souffrir le plus longtemps possible ses victimes. Si tu restes de son côté, tu cours à ta perte et je n'ai pas envie de te voir mort. David... Tu as toujours beaucoup compté pour moi et tu comptes toujours autant, alors s'il te plaît baisse ton arme et réfléchis à tout ce qu'a fait cette femme pour arriver à ses fins. Je sais qu'au plus profond de toi tu es quelqu'un de bien et je sais aussi que tu reconnais le mal quand il est devant toi. Suis-je vraiment le mal David ?

Je continuai à le fixer sans ciller. Je vis le doute s'installer peu à peu en lui et à mon grand soulagement, d'un geste tremblant et peu assuré, la pointe de son pistolet se dirigea à nouveau vers le sol.

-              Je ne sais plus où j'en suis.

-              Moi non plus David.

-              Est-ce que je peux vous aider ?

Sa question me prit de cours, et finalement, malgré mon instinct protecteur qui me hurlait intérieurement de laisser cet adolescent tranquille, je savais que j'avais besoin de quelqu'un à mes côtés qui m'aide à transporter toutes les armes et munitions dont j'avais besoin. En revanche, je m'assurerai qu'il reste dans la voiture : aucune chance que j'accepte de porter sur les épaules la mort d'une autre personne.

-              Entre David.

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