Tout le monde a ses secrets (partie 5)
ELENA
Ma phrase resta en suspens et Princeton me fixait toujours de ses grands yeux noirs. Ses cheveux lui retombaient devant le visage et je ne sais pas quelle mouche me piqua à cet instant, mais je lui dégageais quelques mèches afin de le recoiffer. Sa peau était à la fois rugueuse et chaude. Ma main s'attarda sur sa joue et il ne fit rien pour me l'enlever. Au contraire, il la serra fort de sa main puissante, et déposa un baiser plein de douceur au creux de ma paume. Ce contact me fit tressaillir et je me relevai rapidement du canapé avant d'aller trop loin. Je rejoignis la baie vitrée et plongeais mon regard dans le ciel étoilé.
Je le sentis s'approcher lentement derrière moi et à ma grande surprise, il enfouit son visage dans mon cou et me prit dans ses bras. Je me sentais en sécurité et protégée. Plus rien ne pouvait m'atteindre. Ses mains se posèrent sur mon ventre et c'est à cet instant que mon cerveau reptilien le rejeta. Je tressaillis et quand Princeton sentit ma gêne, il me posa la question que je redoutais. Ce n'était même pas vraiment une question, cela ressemblait plus à un ordre, ou peut-être une prière
- Dis-moi ce qui t'est arrivé Elena. Je t'ai tout dévoilé, je mérite au moins que tu en fasses de même.
C'est cet instant qu'il choisit pour m'obliger à me retourner vers lui et à le fixer droit dans les yeux. Il prit mon visage entre ses mains et me supplia du regard.
- Laisse-moi accéder à tout ce qui cogite dans ta tête.
- Je...
Ma respiration était haletante et mon angoisse commença à m'envahir. Ce fut le moment que choisit Princeton pour approcher son visage du mien. Mais il ne franchit pas la barrière entre nous et déposa un simple baiser sur mon front. C'était un signe d'encouragement de sa part et je compris que je ne pouvais plus faire machine arrière. J'allai tout lui dire, trop de secrets pesaient sur mes épaules et l'heure était aux révélations. Je savais pertinemment que si j'attendais trop, je n'aurais plus le courage suffisant ensuite pour me confier.
- Adam.
Ce simple prénom était déjà très difficile à prononcer à voix haute et des larmes commençaient à se former au coin de mes yeux.
Princeton me serra dans ses bras et à cet instant, les vannes du silence se brisèrent.
- Il était l'homme de ma vie. Enfin c'est ce que je pensais... Il... Il avait eu beaucoup de problèmes quand il était jeune. Son père l'a abandonné alors qu'il n'avait que cinq ans et sa mère était une pauvre junkie incapable de s'occuper de son fils. Il est tombé dans la délinquance. Adam était l'exemple-type du garçon que j'avais envie de sauver à tout prix. Cependant, de la position de sauveur je suis passée à celle de victime. Il était violent et je pensais au départ que c'était de ma faute et que, contrairement à lui, je n'avais pas connu une enfance aussi rude... Mais je me trompais sur toute la ligne, maintenant j'en suis consciente.
- Il te frappait ?
- Oui.
- Putain quel connard. Excuse-moi, vas-y continue Elena, je veux savoir ton histoire.
Après avoir repris difficilement mon souffle, je serrai plus fort Princeton afin de me donner du courage pour raconter la suite.
- Quand je suis tombée enceinte, j'ai cru que ce serait un nouveau départ et que j'allai enfin nous rendre heureux, tous les deux. J'en étais au huitième mois quand...
Les larmes commençaient à couler et je mouillais malgré moi le Tee-shirt de Princeton.
- Prends ton temps Elena. Je suis là.
En prononçant ces mots, sa main me caressa le dos avec beaucoup de douceur. Ce simple geste m'apaisa et je sentis la chaleur qui émanait de son corps puissant.
- Il m'a poignardé à plusieurs reprises. Il avait appris que mon père était un des plus grands criminels d'Europe et il croyait que j'étais envoyée par lui, afin de réduire à néant ses projets ou je ne sais quoi. Il était devenu complètement paranoïaque et c'était comme si on lui avait retourné le cerveau. Ses propos étaient absolument incohérents. Il voulait me tuer, moi et ma fille, ma magnifique petite fille qui aurait due naître un mois après. J'ai réussi à rester en vie mais...
J'éclatai en sanglots, s'en était trop. Je ne pouvais pas dire à voix haute que j'avais perdu mon bébé. Je n'en étais pas capable, et Princeton comprit immédiatement car il n'insista pas et continua à me serrer dans ses bras. C'était la première fois que je me confiais réellement à une personne. Au bout de quelques minutes, mes larmes avaient séché et Princeton me berçait doucement. Je ne le connaissais que depuis quelques jours et il m'apportait déjà énormément.
- C'est pour cela que tu as tressailli quand je t'ai touché le ventre. Je suis désolé...
Il paraissait sincèrement navré et ses yeux étaient remplis de compassion. Nous étions deux âmes blessées qui s'étaient confiées l'une à l'autre. Nos cicatrices n'étaient pas les mêmes mais elles étaient toutes les deux loin d'être guéries. Même si j'avais survécu à cette agression, ma vie s'était arrêtée ce jour-là, en même temps que le petit cœur de ma fille. J'avais l'impression que ma douleur était enfin comprise. Il n'y avait pas de mots gentils ni de phrases assez puissantes pour m'enlever ce chagrin, et cela, Princeton le comprenait mieux que quiconque.
Il ne dit plus rien pendant un moment et soudain, il s'agenouilla devant moi. Surprise de sa réaction, je restai interdite. D'un geste il entreprit de soulever délicatement mon pull et mon tee-shirt. Son regard se fixa au mien, et il semblait me demander la permission de continuer. J'avais peur, il allait voir les nombreuses cicatrices blanches qui rendaient mon corps si immonde. Pourtant, je le laissai continuer. Je n'étais plus vraiment maîtresse de mes actes ce soir.
Quand Princeton vit ce que m'avait fait subir Adam, il ne cilla pas et il fit quelque chose qui me pris de court. Il embrassa avec douceur chacune des balafres qui traversaient mon abdomen. Ses lèvres étaient comme le passage d'un drap de soie sur mon corps. Ses gestes firent émerger en moi un désir qu'à présent je ne pouvais plus contrôler. Je l'obligeai à se relever devant moi. Puis il dit la seule phrase qu'il me fallait pour sauter dans le vide :
- Tu es magnifique Elena.
J'entourai mes mains autour de son cou et nos lèvres se joignirent pour la seconde fois. Ce baiser était différent, il était plus profond, plus fort, plus passionné. Les mains de Princeton glissèrent sous mon pull et sa chaleur irradia tout mon être. Nous réparions nos blessures, la douleur de nos âmes était apaisée pendant un bref laps de temps.
Il m'embrassa dans le cou et me souleva pour me prendre dans ses bras. J'entourai mes jambes autour de sa taille et il m'emporta en direction du canapé. Avec délicatesse, il s'allongea sur moi en faisant attention de ne pas m'écraser sous son poids. Il posa ses lèvres sur toutes les parties de mon corps qui lui étaient accessibles. Il était patient et semblait s'occuper de moi comme s'il voulait me soigner. Sa bouche avait encore le goût du whisky et ses baisers étaient enivrants.
Soudain nous furent interrompus. Le téléphone prépayé se mit à sonner dans ma poche. Princeton se releva immédiatement et me regarda avec inquiétude. Mes mains tremblaient tellement que j'eus du mal à attraper l'appareil et appuyer sur le téléphone vert afin de répondre.
Aucun son n'était perceptible à l'autre bout de la ligne. Je posai l'objet de toutes mes angoisses sur la table basse devant moi, et mis le haut-parleur. D'une voix stressée, je scellai un pacte avec mon interlocuteur, le jeu ne faisait que commencer, je le pressentais :
- Allo ? Qui est à l'appareil ?
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