Sous-surveillance (partie 3)




DAVID

Sa tête le faisait atrocement souffrir. Quand David ouvrit les yeux, malgré la douleur qui lui transperçait les tempes, il s'aperçut qu'il était dans une cellule. En effet, des barreaux installés du plafond au sol, s'érigeaient entre la pièce où il était détenu et un couloir sombre. Le jeune garçon était sur un simple matelas de fortune, encore vêtu des vêtements qu'il portait lors de l'accident. De grosses tâches de sang maculaient son tee-shirt, mais on semblait avoir soigner ses blessures car des bandages entouraient son torse meurtri.

Il n'avait aucune idée de l'endroit où il était mais une chose était certaine, les évènements qui se passeraient à présent ne lui seraient en rien favorables.

Au bout de quelques minutes, David entendit des voix qui s'élevaient au loin. Puis des pas se rapprochèrent dangereusement du lieu où il était détenu. Une sueur froide envahit le corps du jeune garçon qui n'osait plus bouger. Il adoptait la même réaction qu'une pauvre créature face à un tyrannosaure : ne pas bouger pour éviter de se faire tuer. Il était pitoyable et il le savait. Son père avait voulu en faire un guerrier, il n'était qu'un misérable rat, bon à abattre.

Les pas se rapprochèrent et David se recroquevilla sur lui-même. De cette manière, il ne verrait pas la mort en face et l'inévitable arriverait bien plus vite. Il ne sentirait rien, il partirait rejoindre un monde meilleur. Il espérait sincèrement ne pas trop avoir contrarier le ciel par ses actions, pour finir l'éternité en enfer. Qu'y avait-il après la mort ? Personne ne le savait mais une chose était certaine, tout le monde en avait peur.

Les pas s'arrêtèrent devant sa cellule et le cliquetis de la serrure se fit entendre. Un énorme bruit de porte rouillée lui vrilla l'estomac.

- Bonjour David.

Cette voix. Il ne s'attendait pas à une telle douceur de la part de ses bourreaux. Il osa soulever peu à peu les paupières afin de distinguer celle qui s'adressait à lui. Cette femme ne pouvait pas faire partie des Sharks. Il connaissait chacun des membres et il y avait aucune chance pour que la gente féminine entre un jour au cœur de l'organisation.

La jeune femme s'approcha lentement du lit de fortune du jeune garçon et lui sourit. Cette réaction laissa David coi.

- David. Je ne te veux aucun mal. Au contraire, je viens te donner une nouvelle chance.

Il avait déjà entendu cela de la bouche d'Elena David. Elle devait lui offrir une nouvelle vie et une nouvelle identité, afin qu'il puisse disparaître de ce monde cruel. La vie ne voulait pas le laisser tranquille et les démons le rattrapaient à chaque fois qu'il essayait de s'échapper du monde où il était né. Il ne ferait plus jamais confiance à personne. Pourtant, un regain d'espoir grandit en lui. Certes, il était naïf mais il était surtout opportuniste et, si on lui laissait la possibilité de vivre, il la saisirait.

La jeune femme s'assis soudain sur le matelas abîmé et entreprit de caresser le front du jeune garçon. Ce dernier recula, tel un animal que l'on avait trop souvent battu.

- Qui... Qui êtes-vous ?

David fut étonné du son de sa propre voix. Elle était rauque et faible. L'inconnue lui sourit et entama une approche afin de l'apprivoiser.

- L'important David n'est pas de connaître mon nom mais plutôt de te demander ce que je peux t'apporter.

- On m'a déjà fait cette proposition et j'allais vers une nouvelle vie quand vous avez failli me tuer. Pourquoi est-ce que je devrais vous faire confiance...

- Oh David...

Cette fois, le jeune garçon ne recula pas quand la jeune femme lui caressa son visage transpirant de peur.

- Tu ne comprends pas que l'on aurait fini par te retrouver ? Elena David n'est qu'une pauvre pièce dans mon échiquier et n'a absolument aucune idée de ce qui se prépare.

- Je ne comprends pas...

- Le temps viendra où j'arriverais à te convaincre que nous sommes tes alliés, tes amis. Tu pourras compter sur nous quoi qu'il puisse se passer.

David avait envie d'y croire, mais les choses étaient bien trop compliquées pour lui, il n'en comprenait ni les tenants ni les aboutissants. En quoi était-il important à ses yeux ? Qu'est-ce qu'elle lui voulait ?

- Nous avons un ennemi commun. Il faut l'éliminer. Toi aussi tu veux assouvir cette vengeance, n'est-ce pas David ?

Comment savait-elle ce qu'il ressentait depuis la mort de son père. Il était sa seule famille et elle lui avait été arrachée. Aucun mot n'était assez puissant pour exprimer la colère qui l'animait face à cet état de fait.

Ils l'avaient tué, sans sommation... Il était sûr que son père aurait pu aller en prison, comme tous les malfrats, mais ces maudits policiers avaient cru bon, pour cette société, de le faire disparaître.

- J'ai quelque chose à te montrer David. Les gens ne sont pas ce toujours ce qu'ils paraissent.

La jeune femme héla un des gardes qui était à l'entrée de la cellule. Ce dernier lui apporta une tablette. Une vidéo était en pause sur l'écran.

- Je voudrais te prévenir : ces images te bouleverseront à jamais, mais elles te feront comprendre bien des choses et tu sauras toute la vérité. Veux-tu que j'appuie sur la touche « play » David ?

Le jeune garçon n'hésita pas une seconde et hocha vivement la tête. La vérité... Enfin... Cependant quand les images défilèrent devant ces yeux, une fois la vidéo enclenchée, il en fut bouleversé. Il comprit à cet instant ce que son père lui avait dit un jour : « il n'y a pas plus grande force que la haine de son prochain, c'est elle qui a animé les plus grands guerriers ».

JACOB

Le Presbytarian Hospital était son lot quotidien. Il y allait depuis maintenant cinq ans absolument tous les jours. Ces longs couloirs épurés, cette odeur aseptisée, les blouses qui dansaient devant ses yeux fatigués, il connaissait cela par cœur. C'était comme une comptine qui défilait en boucle dans sa tête. Une fois arrivé à l'étage du service d'oncologie, ce fut le même rituel qui se mit en place. Il s'annonça à l'accueil et les secrétaires, habituées à son visage, lui adressèrent le seul regard qu'il détestait : la pitié se lisait dans leurs yeux. Il n'en avait pas besoin. Il se sentait faible, meurtri, inutile... Quand on lui avait diagnostiqué une leucémie cela ne lui avait fait ni chaud ni froid. Il fallait dire que sa vie n'était déjà pas une des meilleures, alors une merde de plus ou de moins... Sa mère, hystérique comme à son habitude, s'était effondrée sur le sol de leur salon en pleurant toutes les larmes de son corps. Elle s'était même évanouie et finalement, c'était d'elle dont s'était occupée les médecins. Quand il avait commencé à perdre ses cheveux et à maigrir, elle lui avait pris rendez-vous avec un nutritionniste et un coiffeur qui lui avait posé des implants capillaires. Le nutritionniste n'avait servi strictement à rien : comment expliquer à sa mère, qui ne l'écoutait jamais, que la moindre nourriture était aussitôt rejetée par son corps. Il ne pouvait rien avaler.

Aujourd'hui il en était à sa troisième série de chimiothérapie et il était fatigué. Il ne voulait plus lutter, mais cela, personne ne le savait. Princeton avait été comme un frère pour lui et c'était un des seuls qui le considérait comme une personne normale. Bryan et lui faisaient partie de sa vie à présent. Le grand-frère de Princeton était toujours de bon conseil et, lui rendre visite tous les jours, était son moment de bonheur. Le service où il était n'était pas très éloigné du sien et il ne manquait pas de le saluer à chaque fois qu'il venait pour une de ses séances.

Aujourd'hui, les choses étaient différentes. Le traitement avait échoué, il le savait. Ce n'était pas par hasard qu'il avait rendez-vous, aujourd'hui, avec le médecin en charge de son dossier. Dans la salle d'attente, les gens pleuraient, soit de joie, parce qu'ils étaient en rémission, soit de peine, car on leur annonçait qu'ils n'allaient pas vivre plus de trois mois. Jacob s'était promis une chose : il ne montrerait aucune émotion. De toute manière, à présent personne ne l'écoutait. Ses bégaiements étaient une des conséquences de ses métastases cérébrales. Seul Princeton et Bryan arrivaient à lui faire échapper des phrases plus longues.

- Mr Hershell ? Le médecin va vous recevoir.

Il était temps que les choses se terminent enfin. Jacob se leva avec le peu d'énergie qui lui restait et rentra dans le bureau où son sort serait scellé à jamais.

Le Dr. Greyson était un homme grand et corpulent, il respirait la santé et la joie de vivre. C'était d'ailleurs un comble pour quelqu'un qui annonçait toute la journée à des personnes qu'ils allaient mourir. Son teint légèrement halé montrait qu'il prenait du bon temps sur les terrains de golf, et sa barbe de trois jours, qu'il adorait la compagnie de la gente féminine la nuit. L'homme raccrocha son IPhone X, le posa sur son bureau en verre, et adressa un large sourire à Jacob. Le jeune homme le détestait.

- Jacob ! Je t'en prie assieds-toi mon grand.

Les chaises en face du bureau du médecin étaient froides, comme le visage d'un cadavre. Jacob mit les mains dans ses poches et étendit ses longues jambes devant lui. Ses yeux caramel croisèrent le regard bleu ciel du médecin. Ce dernier se gratta la tête et ses cheveux noir jais, déjà hirsutes, en furent encore plus décoiffés.

- Jacob, j'ai une mauvaise nouvelle et une très bonne nouvelle.

- Com... Commencez... Par... par la... La mau... La mauvaise...

Bon dieu qu'il détestait le cancer. Il avait l'air ridicule à essayer de parler, autant se taire une bonne fois pour toute.

- Tu ne réponds pas au traitement. La leucémie gagne du terrain et en l'état actuel des choses, il ne te reste que quelques mois à vivre.

Étrangement, cette annonce ne lui fit ni chaud ni froid. Jacob s'attendait à mourir depuis cinq ans.

- Mais la bonne nouvelle est qu'une entreprise pharmaceutique étrangère a mis en place un traitement expérimental qui a déjà soigné plus de 500 cas comme le tien. Je t'ai inscrit au programme et tu pourras commencer le traitement d'ici la semaine prochaine.

À cet instant, une jeune femme rentra dans le bureau du médecin. Elle n'avait pas frappé, ce qui signifiait que le docteur l'attendait sûrement. Quand elle se tourna vers lui, Jacob sursauta. Il la connaissait, il en était sûr ! Mais ce n'était pas possible... Il n'était plus certain de rien à présent.

- Je te présente Irina Arazov. Elle travaille pour un grand groupe pharmaceutique européen qui a investi beaucoup dans les recherches sur les traitements de la leucémie. C'est une chance inespérée et ce sera sans doute ta dernière Jacob. Je sais que j'ai anticipé les choses en ne te demandant pas ton avis, mais ton cas est important pour moi. Je souhaiterais t'apporter les meilleures chances de guérison. Irina va pouvoir te montrer quelques cas en rémission complète.

La jeune femme fit défiler sur sa tablette des visages de personnes avec quelques éléments de leurs dossiers médicaux. Ils avaient tous été atteints d'une leucémie, et ils s'en étaient tous sortis. Jacob ne voulait pas y croire. Non... Il était trop fatigué, il fallait que le monde le laisse partir.

Voyant le doute dans les yeux du jeune homme, la jeune femme reprit d'un ton plein de douceur :

- Vous avez une chance inouïe Mr Hershell. Tous les cas que je vous ai montré présentaient les mêmes caractéristiques au niveau des cellules cancéreuses. La leucémie que vous avez contractée est un cas assez rare et elle est facilement identifiable grâce à quelques tests. J'aimerais beaucoup pouvoir vous offrir la possibilité de vivre votre vie. C'est une nouvelle chance qui s'offre à vous, saisissez-là.

Combien de fois Jacob avait entendu cela ? Et combien de fois le sort s'était chargé de le mettre à terre, encore et encore ? Mais, si...

L'once d'espoir qui était enfouie au fond de lui, grandit à nouveau, et prit le pas sur la raison.

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