Sous-Surveillance (partie 1)







ELENA

-        Bonsoir Elena

La voix de mon interlocuteur était modifiée, et je n'aurais su dire s'il s'agissait d'une femme ou d'un homme. Un silence suivit cette annonce. Aucun son ne voulait sortir de ma bouche, j'étais paralysée par la peur. Il ou elle, me connaissait. Cela réduisait considérablement la liste des suspects. Je m'étais cachée du reste du monde assez longtemps pour que mon cercle de connaissance se limite à Miss Hampton, ainsi que quelques connaissances au bureau de police. Cela ne pouvait pas être l'un de mes adolescents, le mobile était manquant.

Ceux qui m'avaient fréquentée le plus récemment faisaient partie de la classe que j'aurais dû avoir à ma charge : Rose, Tiffany, Jacob, Diana, Gordon, Princeton et le reste des élèves. Là aussi, mes réflexions ne menaient à rien. Ils n'avaient pas de raison de me vouloir autant de mal en montant un plan aussi machiavélique.

La personne que j'avais à l'appareil semblait s'élever devant mon silence.

-        La moindre des choses lorsque l'on salue quelqu'un c'est de lui répondre.

-        Qu'est-ce que vous me voulez ?

Je n'allai certainement pas entrer dans son jeu malsain. Même si la terreur me tiraillait l'estomac, je possédais encore assez de répondant pour lui faire sentir que l'on ne pourrait pas faire de moi ce que l'on désirait.

-        Tu m'as déçu aujourd'hui... As-tu jeter le petit présent que j'avais offert à cette chère Diana ?

-        Non. Mais je ne l'ai pas avec moi.

-        Tu vas pouvoir te rattraper alors. Je n'ai pas fait tout ce travail pour le voir anéanti par ta stupidité.

La voix, certes modifiée, n'était ni agressive, ni enjouée. Le ton restait monotone et c'était comme si j'entendais des instructions pour effectuer une mission quelconque. Mon correspondant reprit la parole, au même moment, je demandai à Princeton de vite me rapporter un stylo et une feuille de papier. Je sentais que ce qu'il allait me révéler allait être important. Une fois que j'eus entre les mains une simple serviette et un marqueur noir, je fus plus qu'attentive face à cette voix modifiée.

-        Dans les petites fioles avec les cheveux se trouvent des messages... Les petits papiers sur lesquels se trouvent une lettre ont été trempés dans une solution. Ce produit permet de révéler l'encre grâce à une formule qui prend en compte la génétique. Évidemment j'avais déjà dans la tête l'identité de mes victimes quand j'ai élaboré ces petits papiers. Ensuite dans les tubes à essai se trouve également un liquide mélangé au sang des victimes. Si tu verses le sang sur une feuille de papier, les molécules vont se rassembler entre elle pour créer une carte. Je te laisserai compléter le dernier tube à essai qui contient déjà le produit.

-        C'est impossible.

-        La science est pleine de surprises, à toi d'en faire la découverte.

Ce qui m'inquiétait le plus dans ces révélations, c'était que mon tyran était doté d'une grande intelligence, ainsi que de moyens importants pour mettre en place son plan. Il tirait les ficelles de manière remarquable. En somme, j'étais face à un puissant adversaire.

Je n'eus pas le temps de répondre à mon interlocuteur que celui-ci avait déjà raccroché...

Je regardais Princeton interdite qui quant à lui fixait le téléphone ahuri. Comme moi, il était sous le choc. Cependant, nous ne devions pas nous laisser dépasser par les évènements.

-        Il faut que tu restes auprès de ta sœur Princeton, moi je vais me rendre chez Miss Hampton récupérer la boîte qui a été envoyée à Diana.

Alors que je me levai avec l'intention de partir le plus vite possible, il me maintint sur le canapé et se tourna vers moi les yeux brillants. C'était bien la première fois que je n'arrivais pas à déchiffrer quelqu'un. Il fallait dire que ce jeune homme était tout sauf limpide, il avait dû avoir l'habitude de ne rien laisser transparaître, ni peine, ni joie.

Il mit soudain ses deux mains puissantes autour de mon visage et colla son front au mien, en ne cessant de me regarder. Princeton était un homme plein de secrets, comme moi. Nous avions plus de points communs que je n'osais me l'admettre.

-        S'il te plait Ellie. Une fois que tu as récupéré le paquet, j'aimerai que tu restes ici pour la nuit.

-        Mais Princeton...

-        Peu importe le temps que tu mettras, je t'attendrai. Je te promets que je t'aiderai sur cette histoire de code. S'il te plaît... J'en ai besoin... Je suis un peu perdu.

Il n'était pas le seul à être complètement paumé. Néanmoins, pour le rassurer je caressai une des mains qui tenait mon visage.

-        D'accord. Je reviens.

Sur ces derniers moments, je l'embrassais timidement. Alors que j'allai me libérer de son emprise, il prolongea notre échange en me rendant mon baiser de manière plus passionnée. Une fois nos lèvres séparées, nous étions tous les deux haletants. Son regard était plus profond qu'à l'accoutumée, et je pouvais distinguer dans ses iris noirs, les faibles notes de gris qui y flottaient. Il me sourit et je pus me diriger vers la sortie de la suite, en prenant au passage mes affaires. Je jetais tout de même un coup d'œil dans la chambre du fond. Sacha dormait paisiblement. Il était incroyable d'observer que, chaque être humain, avait une chaleur qui l'inondait à chaque fois qu'il regardait un enfant, aussi infime soit elle.

Une fois dehors, je décidai de prendre un taxi jusqu'à l'appartement de Vera Hampton. Durant le trajet, j'eus une pensée pour Gordon. Ma mère ne m'avait toujours pas rappelée, mais vu l'état des blessures du jeune homme, je doutais que l'opération soit terminée. De toute manière, si d'ici demain je n'avais aucune nouvelle, j'avais retenu où se trouvait le hangar et je m'y rendrai moi-même. Je n'avais pas une confiance aveugle envers ma génitrice, il y avait des limites à ne pas franchir.

Quand j'arrivai à l'adresse convenue, je demandai au chauffeur du taxi de m'attendre quelques minutes. Je montai quatre à quatre les marches de l'immeuble.

Comme je m'y attendais, la vieille dame ne dormait pas. Quand elle m'ouvrit, ses yeux étaient plus fatigués que d'habitude. Elle portait une robe de chambre rose assez épaisse, et ses cheveux mi-longs étaient relâchés. Ses lunettes devaient être posées quelque part, car seuls ses yeux gris acier me fixaient. Alors que je crus qu'elle allait me réprimander de ne pas lui avoir donné de nouvelles, elle se jeta sur moi en me serrant dans ses bras.

-        Ellie ! Comme je me suis inquiétée ! Ta mère m'a prévenu que tu étais partie en urgence du hangar avec ce jeune homme, mais...

-        Je t'expliquerai tout, mais il faut que tu me donnes la boîte que j'ai récupéré chez Diana. Celle qui contient les nombreuses fioles.

Je n'eus pas à me répéter et automatiquement Vera Hampton se dirigea, presqu'au pas de course, à l'intérieur de son appartement. Je restai dans l'entrée, en attendant que l'on m'apporte le fameux code que je devrai déchiffrer. Après quelques minutes, la vieille femme revint avec le paquet.

-        J'ai absolument tout remis à l'intérieur. Tu avais tout réparti sur le lit et je n'avais rien touché de peur de faire une bêtise.

-        Merci. Maintenant il faut que je file.

-        Tu ne restes pas dormir ? Ta maman...

-        Ma maman n'a pas fait son apparition quand tu es venue à l'hôpital me voir, alors que j'étais plongée dans le coma à cause de mon ex-fiancé. Je te le dis et te le répète, elle n'est plus rien pour moi, ni elle, ni mon père.

-        Ne sois pas si dure avec elle. Allez fiche le camp maintenant, je n'ai pas fini de regarder mon émission...

La fameuse Miss Hampton que je connaissais avait repris le dessus. Nous nous sourîmes avant que la vielle femme ferme la porte derrière moi.

Heureusement, le taxi m'avait bel et bien attendu et je me précipitai à l'intérieur du véhicule pour demander au chauffeur de retourner à l'hôtel. Ce qui était pratique avec les taxis new-yorkais, c'est que les conducteurs ne posaient jamais de questions. Vous auriez pu demander la direction d'un abattoir abandonné, en pleine nuit, en mini-jupe et décolleté plongeant, ils ne feraient aucune réflexion.

En attendant, cet état de fait m'arrangeait. Il fallait que je résolve cette énigme, et le plus vite serait le mieux.

Autre chose trottait dans ma tête. Il s'agissait de la manière dont Vera Hampton m'avait regardée quand je lui avais parlé de ma mère. Elle l'avait défendue sévèrement. J'avais l'impression que je n'avais pas toutes les cartes en main, et je haïssais jouer à l'aveugle...

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