Sauver David (partie 3)







Je n'hésitai pas plus longtemps, je sortis de ma cachette, empoignai mon arme à deux mains et tirai sur ma cible. Le premier homme, un grand gaillard aux allures de néo-nazi, plongea au sol en hurlant de douleur. Je me roulai sur le côté pour échapper à l'attaque du deuxième tireur. En me relevant je l'atteignis à l'épaule du côté où il tenait son arme. Celle-ci tomba au sol et j'achevai mon assaillant en lui tirant dans la cuisse de manière à ce qu'il perde assez de sang pour ne pas riposter tout de suite. L'artère fémorale avait dû être touchée car une grande tâche sombre recouvrait le sol sous son corps. Je comptais sur les voisins pour appeler les secours car je n'avais pas le temps de m'en occuper.

Je hurlai à David de courir à ma suite mais ce dernier semblait paralysé par la peur et refusait de faire un pas. Je dus le secouer pour qu'il sorte de son état de choc.

« Dave ! On va crever tous les deux si tu restes planté là ! ». Cette seule phrase parut le sortir de sa torpeur car il m'emboîta immédiatement le pas et nous courûmes jusqu'à la voiture de Miss Hampton que j'avais laissé plus loin. Grâce au ciel, elle était toujours là. Je me précipitai à l'intérieur de l'habitacle, mis la clé dans le contact et démarrai en trombe une fois que je me fus assuré que David était monté lui aussi.

Je vérifiai toutes les deux minutes dans le rétroviseur arrière si nous étions suivis mais cela ne semblait pas être le cas. L'adrénaline était encore présente dans mon organisme et m'évitais de trop réfléchir à ce que j'avais fait et surtout à qui je m'étais attaquée. Les Sharks... Je n'aurais pas pu choisir pire ennemi.

La bonne nouvelle c'est qu'ils ne me connaissaient sûrement pas et que j'avais donc une longueur d'avance sur eux. Maintenant il fallait que je trouve un endroit sûr pour David, que je téléphone en vitesse à un juge, que je signale ce qui s'était passé au poste de police. Les montagnes de choses que j'avais à effectuer se déroulaient dans ma tête à la vitesse de la lumière. La priorité était cependant de protéger David dans l'instant présent. Si nous restions dans les parages, nous étions morts tous les deux et autant commencer à rédiger nos testaments.

Je n'étais pas sûre que c'était une bonne idée mais mon choix se fixa sur mon appartement. Le seul lieu que je maîtrisais et dont j'étais sûre que personne ne connaissait, du moins j'osais l'espérer...

David ne dit pas un mot de tout le trajet, sans doute encore sous le choc. Quand la mort nous faisait face, elle avait cette capacité à nous ôter toute forme d'élan vital avant même que notre âme quitte notre corps. Le temps que cette force de vie revienne variait en fonction des personnes, mais j'avais suffisamment expérimenté la chose pour savoir que cela était long. Quand nous arrivâmes aux frontières du Lower East Side, je m'autorisai à relâcher un peu la pression qui semblait avoir envahi tout l'habitacle.

Je garai la voiture de Miss Hampton juste devant le service juridique, ouvrit la portière à David pour qu'il descende et le fit entrer dans les bureaux. Je savais qu'à cette heure encore tardive Miss Hampton était toujours là puisqu'elle avait besoin de sa voiture pour rentrer chez elle.

Quand j'entrai dans le bureau, ma patronne faillit lâcher les dossiers qu'elle avait entre les mains. Je devais vraiment avoir une mine affreuse. En effet, mes collants étaient déchirés et j'étais écorchée aux deux genoux. Mon manteau beige ne ressemblait plus à rien avec les deux trous béants qui s'étaient formés à la place des coudes, sans compter toute la saleté du Bronx qui s'était accrochée au tissu.

La vielle dame posa ce qu'elle avait entre les mains et se précipita vers moi :

« - Ellie !!! Mais que s'est-il passé ? Qui est ce garçon ? C'est David ? Mon dieu dans quelle histoire es-tu allée te fourrer ?

- Du calme, du calme... Tout est fini... Je ne risque plus rien pour l'instant et David sera mieux en sécurité avec moi que tout seul dans les rues de New-York. Le poste de police où il devait être retenu jusqu'à ce que j'aie obtenu l'accord pour une nouvelle identité, l'a relâché cinq heures avant ce qui était convenu, et les Sharks allaient l'abattre. J'ai fait ce que j'avais à faire. ».

Mon souffle était encore haletant mais je parlais d'une voix mesurée et contrôlée. Le regard que me lançait ma patronne était dur et froid mais j'en comprenais la raison : elle avait peur pour moi. Je pris ses mains entre les miennes et la regardai avec assurance et compassion.

« Il allait mourir Miss Hampton et vous plus que quiconque dans ce monde savez pourquoi je ne pouvais pas laisser une telle chose arriver. Je vais emmener David chez moi et il y restera jusqu'à ce que je trouve une solution. J'en prends l'entière responsabilité et je ne vous demanderai rien. Faites-moi confiance. »

La vielle femme soupira et reprit les clés que je lui tendais.

« Oust ! Je ne veux plus te voir ici. Et la prochaine fois, prends le temps de m'avertir que tu vas jouer les Lara Croft avant de débarquer comme ça dans mon service juridique ». Je sentai qu'elle avait eu peur et qu'elle ne se sentait pas à l'aise avec la situation mais je la remerciai du fond du cœur de ne pas poser plus de questions.

David me suivit sans broncher. Il était trop interloqué pour prononcer la moindre parole. Au moment où j'allai franchir la porte du bureau, Miss Hampton me héla :

« Je suis responsable de ta sécurité depuis que tu as franchi le seuil de mon service il y a deux ans Ellie. Ce n'est pas maintenant que ça va changer. Appelle-moi au moindre problème, tu sais que je débarquerai dans les cinq minutes ».

Je la remerciai du regard et sortis dans le froid glacial. J'étais gelée et David semblait avoir aussi froid que moi. Il tremblait de tous ses membres. Néanmoins je ne savais pas si je devais attribuer cela à la peur ou à la météo.

Une fois arrivés dans mon appartement, je refermai la porte derrière nous et verrouillai les nombreux verrous de sécurité que j'avais fait installer en supplément avec l'accord du propriétaire. David me regarda faire sans prononcer un mot.

J'entrepris de jeter dans un coin mon manteau qui était fichu et enlevai mes collants déchirés sans la moindre gêne devant David. Je me dirigeai vers la cuisine et pris dans un placard une bouteille de Vodka. Je ne la sortais qu'en cas d'extrême urgence. Cette situation me semblait en être une.

Je me servis un grand verre, en proposai à David qui déclina et allai m'asseoir sur le canapé du salon en soupirant. Je ne savais plus où j'en étais.

Le jeune adolescent n'osait pas faire un geste, il restait debout, paralysé dans le couloir et me dévisageait avec une sorte de crainte dans les yeux. Je lui faisais peur ? Soudain il sortit de son mutisme et vint s'installer à côté de moi. Il prit son visage entre ses mains et pleura. Il se lâcha et de gros sanglots secouèrent son jeune corps d'adolescent. Je tentai de le serrer dans mes bras mais il recula et soudain me fixa d'un air hagard. Il tremblait...

« Mais vous êtes qui putain ?! ».

Voilà la question que je redoutais et à laquelle il fallait que je donne une réponse, à la fois honnête mais aussi discrète. Personne ne connaissait mon passé, pas même Miss Hampton qui avait deviné des choses par elle-même mais elle était loin de savoir toute la vérité.

Je soupirai et m'affalai dans le canapé puis j'entrepris de finir mon verre d'alcool. La journée avait été riche en émotions.

David repartit à l'attaque :

« - Vous allez me le dire putain ?! Vous êtes qui ? Un agent des renseignements américains ? Une espionne internationale ? Un flic ?

- Commence par te calmer David – l'invitais-je d'un ton plus rude que je ne l'aurais voulu.

- Que je me calme ??? Vous avez tiré sur deux mecs des Sharks avec une précision millimétrée ! Vous saviez exactement ce que vous aviez à faire ! On aurait dit que vous aviez été entraînée pour ça !

- Tu es en sécurité ici David, c'est tout ce qui compte. En effet j'ai été entraîné au combat mais pas pour les raisons que tu imagines. Je n'ai pas envie de parler avec toi de mon passé car, comme son nom l'indique, c'est le passé. Tu vas rester ici quelques temps en attendant que je te trouve une meilleure solution ».

Mon ton était sans appel. J'étais ferme et j'espérais que David comprenait l'urgence de la situation. Il ne fallait pas qu'il quitte cet appartement sinon son corps se refroidirait très vite et pas seulement à cause de la météo.

- Je ne suis pas certain d'être en sécurité avec vous ! Vous avez failli buter deux gars !

- Je ne les ai pas tués et crois-moi si j'avais voulu en arriver là, je n'aurais sûrement pas raté ma cible. Il fallait que je les neutralise pour nous permettre de nous échapper. Il fallait que je te sauve David. Mais si tu as envie de partir et que tu te sens de te débrouiller tout seul, libre à toi de débarrasser le plancher. Néanmoins laisse-moi juste te rappeler une chose : après ce que j'ai fait, il va y avoir des représailles et ta tête va être mise à prix. Tu sors à peine le pied dehors, tu te fais abattre. Si tu restes ici tu as une chance de survivre et d'obtenir la vie que je t'ai promise.

David commençait à paniquer je le pressentais. Je lui pris la main et il tressaillit. Je continuai d'une voix douce en espérant le convaincre définitivement :

« - Tu mérites de vivre David Keywast. Ton père était un enfoiré de première et maintenant qu'il est mort, tu n'as plus de raison d'avoir un quelconque lien avec les Sharks. Prouve ta vraie valeur dans ce monde. Tu peux accomplir de grandes choses et je te promets que jamais je ne t'abandonnerai.

- Pourquoi vous faites tout ça pour moi ? Ça n'a aucun sens...

- Je le fais parce que je ne supporte pas l'injustice. Tu es quelqu'un de bien qui n'a simplement pas eu la bonne famille au départ. Tu n'as pas choisi ta couveuse David... Fais-moi confiance et tout ira bien.

- Je suis fatigué...

- Tu peux prendre ma chambre pour la nuit, je vais dormir sur le canapé. Est-ce que tu veux manger quelque chose ?

- Non...

- Bien. Je vais te montrer la douche et te sortir des vêtements propres.

- Vous n'êtes pas seul ??? Pourquoi vous possédez des vêtements d'homme ?? – j'éclatais de rire.

- Je ne suis pas une bonne sœur David, et il est arrivé que je sois en couple à certaines périodes de ma vie. »

Il rougit, visiblement gêné d'avoir été aussi affolé. Je lui souris avec compassion et me levai pour aller lui chercher des affaires. Un vieux jogging de sport noir, et un Tee-Shirt à l'effigie d'une équipe de football américain traînaient au fond d'un de mes tiroirs. Je lui tendis et lui montrai la salle de bain.

« Un conseil... Une douche bien chaude te fera le plus grand bien ». Sur ces mots je lui adressai un clin d'œil complice et refermai la porte de la salle de bains derrière moi. J'entendis l'eau couler quelques minutes après. Je ne savais toujours pas comment j'allais exactement gérer toute cette situation mais j'étais soulagée de veiller sur David. J'aurais bien pu le perdre aujourd'hui.

Je me levai pour aller me servir un autre verre de cette délicieuse vodka que je vidai d'une traite. Je pris une couverture et un coussin dans mon armoire et allai m'installer sur le canapé. J'entendis la porte de la salle de bain s'ouvrir quelques minutes après.

David était propre comme un sou neuf mais les vêtements que je lui avais donnés était bien trop grands pour lui. Il faudrait que je lui en rachète de nouveaux.

Il me regarda de ces grands yeux caramel et me souris pour la première fois de la soirée.

- Merci Miss David. J'ai complètement oublié de vous dire à quel point je vous suis reconnaissant. Vous m'avez sauvé la vie...

- Appelle-moi Ellie maintenant. Je trouve que Miss David, ça fait un peu trop vieux pour mon âge tu ne trouves pas ?

Je lui souris et il rit discrètement.

- Merci Ellie...

Mon cœur se serra. J'allais te sauver David, je t'en faisais la promesse. Après un « bonne nuit » échangé, il s'enferma dans ma chambre et je ne mis pas longtemps à être happée par le sommeil... J'étais épuisée.

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