Que la partie commence ! (partie 3)

VERA

Vera reprit peu à peu connaissance. Sa tête la faisait atrocement souffrir, sans parler des nombreuses ecchymoses qu'elle pouvait sentir sur son visage. Elle était à nouveau seule dans la pièce où elle était détenue. L'observation des lieux était une des premières choses qu'on lui avait enseigné en cas de prise d'otage. Une seule porte, du béton au sol, un plafond haut sans fenêtre et des murs opaques. Ses yeux se tournèrent plus attentivement vers la serrure de la porte en fer : une simple à crémone actionnée par une clé. Il lui fallait juste un fil de fer pour la crocheter et sortir. Le problème principal était qu'elle avait les mains liées par une corde, et ses pieds étaient accrochés, par des chaînes, aux barreaux de la chaise sur laquelle elle était assise. Mais Vera n'avait pas dit son dernier mot et ne comptait pas laisser Agnès et Elena seules face au monstre « Nicolas David ».

Elle entreprit de tenter de se libérer les poignets. La technique était qu'il fallait faire croiser ses mains pour vriller la corde. Après plusieurs essais et un nombre incalculable de brûlures aux poignets, Vera réussit à créer un mini-espace entre ses deux mains. Il suffisait ensuite d'en faire passer une dans ce minuscule interstice. L'ennui était que cela demandait de sacrifier quelque peu la peau qui entourait le poignet. Une vive douleur lui parcourut tout le bras mais Vera ne s'arrêta pas. L'esprit était plus fort que les sensations physiques. Il fallut encore quelques minutes avant qu'elle puisse totalement se libérer. Elle sentait un mince filet chaud lui descendre au creux de la paume. Elle saignait. Dans un dernier mouvement, et une ultime souffrance, elle réussit à libérer sa main droite, et par conséquent la gauche également. Elle saignait abondamment à cause des nombreux capillaires sanguins qui se trouvaient au niveau des poignets. Mais Vera ne faiblit pas.

La prochaine étape : la serrure à crocheter. Pendant qu'on la torturait, elle avait aperçu des morceaux de ferrailles qui trainaient dans un coin de la pièce. Elle délivra ses chevilles en faisant passer les chaînes hors des pieds de la chaise. À présent libre de ses mouvements, elle avança discrètement vers l'endroit où étaient entassés des déchets d'acier. Elle trouva ce qu'elle cherchait : un mince fil de cuivre qui ferait l'affaire pour sortir de cet enfer.

Quand elle s'approcha de la porte, elle écouta attentivement pour savoir si quelqu'un se trouvait derrière le battant. Si elle était repérée, autant abandonner la partie maintenant. La seule chose perceptible dans le silence environnant était son souffle.

Elle n'avait pas perdu la main et la serrure fut crochetée aussi rapidement qu'un véritable tour de magie. Vera ignora le supplice que lui demandait le moindre de ses mouvements, et ouvrit la porte.

Un couloir sombre, éclairé par des ampoules solitaires, s'étendait devant elle et semblait ne jamais finir. C'est à cet instant qu'elle entendit des voix, sur sa droite. Agnès ! Elle aurait reconnu ce timbre entre mille, à la fois doux et tranchant.

Vera avança difficilement dans le couloir, en se faisant la plus discrète possible. À chaque pas, elle empêchait le moindre gémissement surgir de ses lèvres. Au bout de quelques minutes, elle atteint un endroit du couloir où une vive lueur s'échappait d'une porte.

-       Vous pouvez faire tout ce que vous voudrez ! Vous n'aurez rien de moi !

Agnès et son tempérament de feu ! C'était bien elle qui criait contre ses bourreaux. Vera devait se l'avouer, cette femme était une force de la nature, et sa fille lui ressemblait sur beaucoup de points.

Vera jeta un regard furtif par l'ouverture et vit un homme, grand et fort, face à son amie. Il était simplement armé d'un Sig Sauer, coincé dans un blaster qu'il avait attaché à sa ceinture. Un seul homme contre deux femmes surentraînées : il ne ferait pas le poids. Le seul problème était qu'Agnès était prisonnière de multiples liens.

La vieille femme n'avait pas gagné en sagesse avec le temps. Elle entreprit de passer la porte de la pièce où était détenue son amie. La seule solution était qu'elle immobilise une bonne fois pour toute cet homme. Justement, elle aperçut une barre en fer qui lui parut assez lourde pour assommer un grand gaillard comme lui.

Agnès aperçut son amie derrière son bourreau et comprit immédiatement qu'elle devait le distraire. Il fallait qu'elle laisse le temps à Vera d'agir. Pendant qu'elle continuait à balancer des injures, la vieille femme put avancer discrètement jusqu'à son arme improvisée. Elle fit le moins de bruit possible en soulevant la barre de fer. Elle s'approcha discrètement de Goliathet lui asséna un coup à l'arrière du crâne, aussi puissant qu'elle le put. Du sang gicla sur sa chemise de nuit et l'assaillant s'effondra sur le sol, inerte. Vera était certaine qu'il n'était pas mort, c'est pourquoi elle se sentit obligée de lui défoncer le crâne en le rouant de nombreux coups. Sa tête n'était plus qu'un amas de cervelle et de peau, mélangé à un liquide pourpre qui s'étendait autour de lui à une vitesse fulgurante. Vera savait qu'elle avait perdu son âme il y a bien longtemps, un meurtre de plus ou de moins ne l'empêcherait pas d'accéder au paradis. Elle se savait destinée à l'enfer.

-       Vera ! Au mon Dieu ! Qu'est-ce qu'ils t'ont fait ? Où est Elena ?

La voix affolée d'Agnès sortit la veille femme de ses pensées morbides. Les yeux de son amie étaient remplis de larmes et son regard océan, insondable pour la plupart des gens, reflétait une peur viscérale.

Vera ne répondit pas tout de suite et entreprit d'abord de la détacher afin qu'elle puisse fouiller le moindre recoin de cet entrepôt. Si Elena était en danger, elle était forcément ici, il fallait juste trouver la bonne pièce.

Une fois libre, Agnès prit la barre en fer des mains de Vera. L'arme était encore trempée de sang et parsemée de morceau de cervelle. La mère d'Elena déchira un morceau de son chemisier et l'essuya avant de jeter le tissu sur le sol.

-       Il faut que je retrouve Elena. Vera je suis tellement désolée de t'avoir entraîner là-dedans. Il faut que tu fuies et appelles la police. Nous n'avons plus le choix.

Vera ne répondit rien et s'approcha du corps de l'homme qu'elle avait assassiné. Elle prit le Sig Sauer qu'elle enleva du holster. Elle vérifia qu'il était chargé et enleva la sécurité. Ses yeux croisèrent ceux d'Agnès. Elle ne l'abandonnerait jamais, quoi qu'il en coûte.

-       Si tu crois que je vais te laisser seule face à ces gorilles, tu rêves ma grande.

-       Mais...

-       Tu m'as dit un jour que l'on ne pourrait jamais oublier tout ce que nous a fait subir cette ordure. Le temps est venu de lui faire payer. Mais surtout...

Vera s'interrompit quelques instants, prise soudain par l'émotion.

-       Elena compte autant pour moi que pour toi et je refuse qu'elle souffre autant que nous. Je veux qu'elle vive une existence heureuse. Elle le mérite Agnès, et je veux qu'elle conserve la pureté et la gentillesse qu'elle a en elle. Il ne faut pas qu'elle soit pervertie par ce monde.  C'est ma mission et je m'en irai uniquement quand je l'aurai mené à bien. Ta fille est une femme exceptionnelle, tachons de l'être autant qu'elle l'espace d'un instant pour la sauver.

Agnès ne trouva rien à redire devant le monologue de son amie. Les deux femmes se serrèrent dans les bras et, après une ultime larme versée, elles prirent les choses en main. Elles partirent à la recherche du trésor de leur vie.

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