Prisonniers (partie 3)

JACOB

Une lumière aveuglante éclaira le visage du jeune garçon. Quand il tenta de bouger, il se rendit compte qu'il était attaché à une table en métal, comme celle des morgues dans les hôpitaux. Les sangles étaient tellement serrées que ses doigts le faisaient souffrir par manque de sang dans les extrémités. Une lanière le traversait de part en part au niveau du torse. Il était complétement immobilisé et Jacob commençait à avoir peur. L'angoisse grimpait en lui comme une vague puissante, dévastant le peu d'espoir qu'il avait en la vie. Comment s'était-il retrouvé dans cette situation, et surtout, pourquoi ?

Il se souvint de quelques bribes de son enlèvement, mais rien de concret pour l'aider à visualiser où il se trouvait. Il entreprit de regarder autour de lui pour emmagasiner le plus d'informations. Cela ressemblait fortement à une salle d'opération, des outils étaient disposés sur une table métallique : scalpel, écarteur, seringues. Même le pire des cauchemars n'aurait pas pu avoir le même effet sur Jacob à cet instant.

            Pourquoi le sort s'acharnait sur lui ? C'en était épuisant, tellement décevant, et surtout, il n'en pouvait plus de lutter pour des chimères.

Perdu dans ses pensées, il n'entendit que trop tard la porte s'ouvrir derrière lui. Rose ? Pourquoi portait-elle une blouse d'hôpital ? Quand Jacob vit le nom inscrit sur la poche extérieure, il crut que c'était un cauchemar. Un coup en plus qui lui vrilla le crâne. Tous les éléments s'entrechoquèrent dans sa tête. L'inquiétude de Princeton était plus que justifiée...
Cette femme... Elle était apparue devant lui tel l'ange de la mort. Elle venait sûrement lui donner le coup de grâce. Irina Arazov, celle qui lui avait redonné un espoir de guérison, allait finalement être l'instigatrice de sa mort. Quelle ironie. Cette fois, sans maquillage et vêtements sophistiqués, il savait pourquoi son visage lui avait été si familier lors de l'entrevue avec le Dr Grayson. Il décida de ne pas prononcer un seul mot et de garder les lèvres scellées. De toute manière, il ne pouvait pas aligner une phrase sans être pris de bégaiements insupportables.

-       Bonjour Jacob.

-       ...

-       Je ne vais pas te faire languir plus longtemps. Ne t'inquiète pas je vais tout t'expliquer. Connais-tu bien ta mère Jacob ?

Le jeune homme ne savait pas où elle voulait en venir mais il ne cilla pas. Son ton était ironique, empreint d'une folie qu'il ne lui connaissait pas. Ses yeux d'habitude si secrets, portaient en eux une lueur nouvelle. Elle était comme possédée.

-       Ta mère n'a pas été très fidèle comme femme, mais ça je pense que tu le sais déjà... Après tout, ton père est parti de la maison.

Jacob avait horreur que l'on parle de tout cela et il aurait voulu frapper cette femme, mais les liens le rappelèrent vite à l'ordre. Irina continua sur sa lancée :

-       Tu vivais dans l'Alabama et donc vous n'étiez pas à ma portée. J'ai donc, grâce à mes nombreux contacts, réussi à obtenir un emploi de choix pour ta mère, une promotion qu'elle ne pouvait pas refuser. Hop ! Le tour était joué, les valises bouclées et te voilà exactement où je voulais que tu sois. Ton cancer a été le clou du spectacle. C'est fou ce que le cerveau peut faire admettre au corps. Le Dr Grayson et quelques connaissances en psychiatrie m'ont aidé à simuler une leucémie chez toi. Tu as suivi un traitement, qui n'était en rien une chimiothérapie. Les produits que l'on t'injectait étaient uniquement destinés à te faire te sentir faible, te faire perdre peu à peu l'appétit... Bref, les choses ont marché à merveilles. J'aurais adoré voir la tête de ta mère quand on lui annoncé que la prunelle de ses yeux était atteinte d'une leucémie en phase terminale. Une femme si intelligente, et pourtant, elle n'y a vu que du feu.

-       Alors.... Je... Je... Je n'ai rien ?

-       Tu es en parfaite santé mon petit Jacob... Sinon tu ne me servirais à rien aujourd'hui.

Le pauvre jeune homme était complètement perdu. Cela faisait des années qu'il connaissait Rose. Cette femme avait une patience à toute épreuve.

-       Mais attends ! Je n'ai pas fini ma petite histoire sur ta charmante mère. Elle était une avocate de renom en Alabama et je dois dire qu'elle a trempé dans des affaires plutôt louches. Qu'est-ce que l'on ne ferait pas pour gagner de l'argent avec des affaires qui valent vraiment le coup ? Elle a défendu des criminels, clients d'un certain Nicolas David. Ah cet homme en a charmé plus d'une, ne t'en fais pas. Ta mère est tombée dans ses filets en un rien de temps et de cette union, qui a tout de même duré plusieurs semaines, est né un petit Jacob.

-       Qu... Quoi ?

Irina rit aux éclats et secoua lentement la tête. Jacob, quant à lui, ne pouvait pas y croire... Il était le fils d'un criminel.

-       Tu sais ce qui est le plus drôle c'est de voir ta tête d'ahuri. Si tu savais à quel point je t'ai détesté, dès le début. Tu étais pitoyable, à te replier sur toi-même au lieu de te battre. J'ai toujours détesté les espèces dans ton genre, incapable d'assumer.

Le regard d'Irina était devenu effrayant et elle avait les yeux rivés à ceux de Jacob. Son visage n'était qu'à quelques centimètres du sien.

-       Tu es un déchet, quelqu'un qui ne mérite pas de vivre. Tu as le sang de la pire des pourritures qui coule dans tes veines. Je dois t'avouer que ça n'a vraiment pas été facile de te trouver. Les recherches que j'ai faites ont finalement payé et je vais pouvoir ENFIN respirer ! Ce poids qui me pèse depuis des années me sera enlevé, mais j'ai sué pour en arriver à ce résultat. C'est cela se battre pour les autres, pour les morts comme pour les vivants. Vous, les américains, vous croyez toujours au slogan « the way of life » des années cinquante. C'est tellement pitoyable, vous êtes incapables de vous battre pour obtenir quelque chose. Vous êtes nombrilistes et totalement imbus de vous-même.

Le monologue d'Irina était empli de haine et de colère. Jacob pouvait tout de même ressentir une profonde douleur, une entaille, de la taille de la faille de Sand Andreas, au milieu de son cœur. Il aurait eu presque pitié pour elle, s'il n'avait pas aussi peur de ce que le sort lui réservait dans cette salle de chirurgie.

-       Qu'est.... Qu'est-ce... que je fais... fais ici ?

-       Tu vas m'aider à rendre la vie à un homme qui le mérite. Figure-toi que ton foie est parfaitement compatible pour pouvoir assurer la transplantation avec Bryan.

-       Mais... Mais il... il a besoin...

-       D'un foie entier et d'un rein, oui je le sais. Je vais lui donner l'un des miens pendant que toi tu donneras ton foie. Ensuite, je t'arracherai le cœur pour le livrer en paquet cadeau à ton père. Il n'est absolument pas au courant de ton existence alors qu'il aurait toujours voulu avoir un fils. J'espère qu'il aura mal, qu'il souffrira. Tout du moins, avant que je lui loge moi-même une balle en pleine tête.

De grosses gouttes de sueur perlaient sur le front du jeune homme. Il voulait vivre ! Rose, enfin Irina, lui avait déjà enlevé plusieurs années de sa vie, à cause de son plan machiavélique. La panique commençait à revenir et cette fois c'est la terreur qu'il ressentit, une douleur puissante dans la poitrine, celle qui vous dit que tout est fini.

-       Je... Je t'en... prie...

Jacob reçu une gifle magistrale au moment où il ne s'y attendait le moins.

-       Mes deux petits frères n'ont pas supplié pour qu'on leur laisse la vie sauve. Ma mère était la douceur incarnée et était aussi généreuse que belle. Je t'interdis de me faire le grand show !

La joue encore douloureuse, Jacob fixait toujours Irina de ses yeux caramel. Il ne pouvait pas croire en une telle cruauté, certes il pouvait comprendre la volonté de vengeance, mais jamais il n'aurait décidé de la vie ou de la mort de quelqu'un. Cette femme se prenait pour Dieu.

-       Ne t'inquiète pas l'opération n'est pas prévue pour tout de suite. Tu vas être tranquille face à tes pensées pendant encore un moment. J'ai deux, trois choses à régler ailleurs.

Irina se détourna du jeune homme et entreprit de s'en aller. Quand soudain, Jacob prit la parole et tenta de se convaincre qu'il pouvait prononcer une phrase sans bégayer. Au prix d'un effort surhumain, il réussit à prononcer ces simples mots.

-       Je... Je suis désolé Irina. Mais tu aurais pu trouver le bonheur toi aussi. Je sais...qu'au... qu'au fond de toi, tu n'es pas celle que tu veux nous montrer.

Aucune réponse ne se fit entendre, et Jacob entendit seulement la lourde porte en fer se refermer après le départ d'Irina. Il était seul à présent, sanglé et impuissant. C'était terminé...

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