PRINCETON

Il n'entendait plus rien derrière la porte de sa prison luxueuse. Sacha avait cessé de crier et une sorte de silence pesant semblait avoir envahi les lieux. Il fallait qu'il trouve un moyen de s'échapper, de pouvoir retrouver Elena, et surtout, de fuir cette folle.

Alors qu'il ne s'y attendait pas, le mécanisme de la serrure se fit entendre et Princeton, par réflexe, alla se remettre en position assise, sur le bord du lit.

Irina fit son apparition avec un drôle d'air peint sur son visage de poupée. Elle possédait l'ours en peluche d'Elena dans l'une de ses mains, le même qu'elle avait interdit à Sacha d'emprunter. Dans son autre main, la jeune russe tenait ce qui ressemblait à un mini-boîtier noir où un écran lumineux était incrusté sur le dessus.

Elle se dirigea précipitamment vers l'armoire de la chambre, ouvrit la porte où un coffre-fort y était incrusté. Princeton se demanda pourquoi Irina l'avait enfermé dans une chambre où elle détenait ses trésors ? Elle avait pourtant fait preuve d'une grande jugeote jusqu'à présent, était-ce une simple négligence de sa part ?

Quand Princeton vit que le coffre en question ne s'ouvrait que par empreinte rétinienne, il comprit que la méfiance d'Irina était inutile finalement. À l'intérieur, un ordinateur portable, une pile de passeports et des billets de monnaies internationales, étaient conservés dans des sacs plastiques séparés.

Irina prit l'ordinateur sans adresser un seul regard au jeune homme. Ses yeux étaient brillants d'excitation et ses gestes étaient fébriles et agités.

Elle posa l'ordinateur sur le secrétaire qui se situait sous la grande fenêtre de la chambre de l'hôtel. Princeton osa l'interrompre dans sa tâche :

- Qu'est-ce que vous avez fait à Sacha ?

- Oh ne t'inquiète pas pour ton insupportable petite sœur, elle va venir te rejoindre. Adam ! Lâche le petit tigreau qui semble prendre le dessus sur toi.

Princeton entendit un juron et la perle de ses yeux apparut à la porte, Sacha arborait un large sourire et courut dans les bras de son frère. Elle tremblait de tous ses membres et son étreinte était tellement forte que le jeune homme la fit un peu reculer, pour pouvoir à nouveau respirer correctement. Il lui fit signe de garder le silence et lui caressa gentiment sa joue, humidifiée par les nombreuses larmes que la petite fille avait versées.

- C'est pas vrai !

Irina avait poussé un cri de frustration et elle se leva pour frapper lourdement contre le premier mur qui était à sa portée. Visiblement, cette fille n'avait pas un sang-froid inébranlable.

Princeton réfléchit rapidement. La porte de la chambre était restée ouverte et il y voyait la possibilité de franchir la dernière étape qui le mènerait vers la liberté. L'obstacle principal était cet enfoiré d'Adam. Il ne lâcherait rien, tel un pitbull en manque de son morceau de viande quotidien. C'est à ce moment qu'il reconnut une autre personne dans l'appartement, elle discutait avec Adam. Non c'était impossible... David... David Keywast ! Le petit protégé d'Elena... Mais que faisait-il aux côtés de ces criminels ? Princeton croyait qu'il lui avait donné la possibilité d'avoir une nouvelle vie... Où étaient les Marshall qui l'accompagnaient ? C'est après ses multiples interrogations mentales que Princeton délia sa langue malgré lui :

- David ? Mais... Qu'est-ce que tu fais ici ?

L'adolescent se tourna lentement vers Princeton et le dévisagea avec un regard qui ne lui connaissait pas. Ce n'était plus le jeune homme apeuré et peu sûr de lui qu'il avait en face de lui, mais plutôt une âme vidée de toute bonté. Qu'est-ce qu'Irina lui avait promis pour qu'il se range de son côté ? De plus, il discutait avec le chef des Shark, celui qui voulait sa tête il n'y a pas si longtemps...

L'adolescent se leva du canapé où il était assis avec Adam, et se dirigea d'un pas rapide vers l'entrée de la chambre. Irina était trop absorbée par l'étude de ce mini-boîtier noir pour s'occuper de son environnement.

La première chose que demanda David surprit Princeton :

- Où est Elena ?

- Heu... Je n'en sais rien. La dernière fois que je l'ai vu, c'était avec Adam... Elle est en danger David. Il faut qu'on la sauve.

Il avait chuchoté ces derniers mots comme si le jeune homme pouvait l'aider, par un moyen ou un autre, à le faire sortir d'ici. Mais David ne semblait pas coopératif puisqu'il éclata soudain d'un rire sarcastique. Ses yeux, autrefois remplis d'innocence, brillaient à présent de colère et de mépris.

- Elle m'a complètement roulé dans la farine ! Elle se fout de moi depuis le début ! Avec ces « Oh mon pauvre David », ou encore « Je suis désolée pour ton père ». C'est une menteuse ! Un imposteur ! Un assassin !

- David je ne comprends pas...

- C'est elle qui a tué mon père !

Princeton resta interdit devant la révélation de l'adolescent. Il ne pouvait y croire, pourquoi aurait-elle fait cela ? Quel était son intérêt ? Si, effectivement, elle avait tué le chef des Shark, elle avait sûrement une bonne raison. Il ne fallait pas qu'il commence à douter d'elle sinon il allait finir dingue.

- Mais qui t'as dit tout ça David ?

Le jeune homme désigna Irina d'un geste de la tête. Princeton se retourna vers la jeune femme, toujours affairée sur le clavier de son ordinateur, et se leva brusquement, bousculant quelque peu Sacha.

- Qu'as-tu mis dans la tête de ce gamin !?

La colère faisait rage en lui et menaçait de tout exploser dans cette pièce. La fatigue, la peur, l'angoisse, tous ses sentiments se bousculaient en lui et voulaient sortir de sa cage thoracique. C'était bien trop imposant pour le cœur d'un seul homme.

Irina leva doucement la tête vers son interlocuteur et prit soudain conscience que David était juste derrière elle. Elle se leva précipitamment de sa chaise et ordonna à l'adolescent de quitter la pièce et de rejoindre Adam.

Princeton reprit sa tirade une fois la porte refermée :

- Elena n'est pas un assassin ! Qu'est-ce que tu as pu mettre dans la tête de ce gamin pour qu'il croit ça ?!

- Mon pauvre Princeton, tu es tellement aveuglé par tes sentiments que tu ne peux pas croire, un seul instant, que ta chère et tendre ait tué quelqu'un de sang-froid... C'est mignon mais je vais devoir te sortir de ton rêve éveillé. C'est la vérité. Elena a tué le père de ce pauvre adolescent. Elle a été douée sur ce coup-là, c'est elle qui a monté toute l'opération sans la moindre aide extérieure. Elle ne t'en avait pas parlé ?

Princeton resta sans voix. Elena n'était pas une tueuse... Quoique... Il n'en était plus tellement sûr à présent.

- Oh Princeton... C'est une fille ultra entraînée qui a été au service de son père criminel de nombreuses années ! Elle est forte et possède un esprit tactique hors-norme. Cela a été difficile de la piéger d'ailleurs. Pour une fois, je suis assez fière de moi. Bientôt tout cela sera terminé.

- Tu répètes cela à longueur de temps mais je te signale que tu n'es même pas capable d'ouvrir un mini-boîtier en plastique depuis tout à l'heure. Il me semble que ton plan n'est pas aussi bien rôdé que tu le penses ! Et puis, tu n'as aucune preuve qu'Elena ait fait toutes ces choses dont tu l'accuses ! Tu as monté la tête à David, qui est influençable et seul.

- Oh mais si tu veux des preuves, je vais te montrer exactement la même chose qu'à David. Tu auras ton propre avis après. Ce sera ton interprétation contre la sienne. À ta place, je m'assiérais pour éviter de tomber à la renverse, vu ta sensibilité.

- Ma sensibilité t'emmerde Irina !

- C'est à peu près la même répartie qu'aurait sorti un gamin de douze ans Princeton... Tu me déçois.

Le jeune homme se mordit la langue afin de ne pas hurler à la figure de cette garce. Il fallait qu'il garde son calme, il devait réfléchir à un moyen de s'échapper avec Sacha tout en comprenant le mystère qui s'épaississait autour de lui.

Il s'assit sur le rebord du lit tout en gardant un œil sur Sacha, qui s'était réfugié dans un coin de la pièce, le menton sur les genoux. Elle fixait son grand-frère d'un air apeuré et ce dernier tenta, tant bien que mal, d'esquisser un faible sourire pour tenter de la rassurer. C'était peine perdue, il le savait, il était aussi terrorisé qu'elle.

Irina vint s'asseoir à côté de lui et un malaise envahit tout son être à la simple présence de cette femme à ses côtés.

Elle sortit son smartphone et déverrouilla l'écran avec son empreinte. Elle se dirigea dans l'application photos pour pouvoir montrer à Princeton plusieurs vidéos. Elles provenaient toutes de caméras de surveillance, sauf la dernière, qui avait directement été filmée via l'application « film » du Smartphone.