Les masques tombent (partie 2)
DIANA
La jeune femme détestait les hôpitaux. Elle trouvait l'odeur insupportable et les chambres aussi froides que la mort. La fenêtre était cachée par des barreaux : une tentative désespérée de la part de la direction, pour empêcher ses patients psychiatriques de se suicider. Diana avait répertorié au moins dix manières différentes, depuis qu'elle était ici, pour enfin mettre fin à ses souffrances. Cependant, la seule chose qui l'empêchait, pour le moment, de passer à l'acte, c'était Gordon. Elle désirait savoir s'il allait bien, s'il n'était pas en train d'agoniser, seul dans un coin sombre, sans possibilité d'être sauvé. Ces lettres lui avaient fait extrêmement peur et ce fut comme la goutte d'eau qui manquait pour faire déborder le vase de ses émotions.
Elle observa ses avant-bras bandés et les perfusions qui lui avaient été mises. Diana voulait sortir de cet endroit. Si elle retournait à sa vie d'avant, elle recommencerait à tenter de mettre fin à ses jours. Elle ne possédait pas de vie, juste un semblant de balbutiement, une once de lumière qui la persuadait qu'elle n'était pas encore morte.
Alors qu'elle se tourna dans le lit afin de se rendormir, elle aperçut une personne dans l'entrebâillement de la porte.
En temps normal, l'heure des visites était très stricte et seules les après-midis étaient destinées à cela. Or, il était à peine neuf heures du matin.
Soudain, Diana reconnut la personne qui venait la voir :
- Rose ? Mais qu'est-ce que tu fiches ici ?
La jeune femme ne dit rien et s'approcha du lit de Diana d'un pas lent. Elle avait toujours eu cet aspect fragile, d'aussi longtemps qu'elle la connaissait. Toutes les deux avaient suivis le même cursus depuis la licence. Cependant, Diana ne se souvenait pas d'un seul moment où elle avait pu se montrer aimable avec cette fille.
Elle portait des vêtements bien trop larges pour elle, ses cheveux n'étaient jamais coiffés correctement et son visage était loin de respirer la santé. Rose tritura les manches de son pull avant d'enfin se décider à parler.
- Comment tu te sens ?
Mon dieu... Diana n'avait absolument pas envie d'une conversation de ce genre. La seule chose qu'elle désirait c'était qu'on la laisse tranquille, au moins une fois dans sa vie. Cette malade pouvait vaquer à ses occupations habituelles et s'en aller. Elle n'avait pas besoin d'un psychologue et sûrement pas une amie supplémentaire, capable de découvrir tous ses secrets.
- Dégage Rose. Franchement je doute que tu puisses aider qui que ce soit. Non mais sérieusement... Regarde-toi, tu fais peine à voir.
Diana savait qu'elle pouvait être méchante, acerbe, en bref : une vraie garce. Mais elle utilisait ce paravent pour se protéger des attaques extérieures. Rose en faisait les frais à cet instant, mais la belle blonde était fatiguée de devoir se justifier.
- Je peux t'aider Diana. J'ai une solution qui pourrait t'intéresser.
La jeune femme éclata de rire face à une Rose décontenancée par cette brusque réaction. L'aider ? Elle ? On nageait en plein délire. Mais, au point où elle en était, Diana décida quand même de lui accorder le bénéfice du doute.
- Et comment comptes-tu m'aider exactement ? Autant te dire que je n'ai pas les moyens de me payer un tueur à gage pour liquider mes parents, ni pour engager un détective privé afin de retrouver Gordon.
- Moi j'ai les moyens.
Visiblement cette fille ne comprenait pas le cynisme de ses paroles. Sans que Diana l'y aie invité, Rose s'assit sur le rebord de son lit et ses yeux noisette croisèrent ceux de la jeune femme.
- Je peux t'aider à t'échapper de cette vie. Je sais que l'on ne se connaît pas depuis longtemps, mais j'ai appris durant les années pendant lesquelles on a passé ensemble, que tu souffrais bien plus que n'importe qui. La douleur transpire dans chacune de tes réactions, chacun de tes gestes.
- Et que pourrais-tu faire pour moi la russkov ?
Le ton de Diana était acide. Elle détestait que les autres voient en elle quelqu'un de faible. Si seulement Gordon était là... Elle se sentirait moins seule, plus rassurée. Il était l'unique être humain à savoir le fond de ses pensées, les plus heureuses comme les plus sombres.
Rose regarda derrière elle afin de vérifier qu'elles n'étaient pas observées et écoutées, puis elle reprit d'une voix que Diana ne lui connaissait pas, ferme et glaciale :
- Écoute jolie blonde, je sais que tu ne m'estimes pas beaucoup. Tout ce que je peux te dire c'est que si tu décides de t'échapper, je te donne les clés d'une voiture qui t'attend au troisième sous-sol du parking de l'hôpital. Je t'ai également amené des vêtements de rechange et une casquette pour passer inaperçue.
- Mais...
- Ne me demande pas pourquoi, accepte juste le cadeau que je te fais Diana. Tu mérites de vivre une vie beaucoup plus heureuse que celle que tu possèdes actuellement.
Rose partit avant même que la jolie blonde ne puisse dire quoi que ce soit. Elle regardait fixement les clés d'une BMW, posées sur son lit. Le sac de sport trônait sur la chaise des visiteurs.
Diana ne savait plus quoi penser, tout se bousculait dans sa tête... Une nouvelle vie ? Un nouveau départ ? Sa mère venait cette après-midi lui rendre visite, et son père lui avait promis de l'appeler ce soir. En réalité elle n'en avait rien à faire. Diana savait pertinemment qu'elle serait dans l'obligation de reprendre ses études là où elles les avaient arrêtées. Et si elle pouvait réaliser son rêve ? Elle possédait assez d'argent sur son compte personnel pour recommencer tout à zéro, passer des examens pour devenir enseignante, déménager. Et puis il y avait Gordon... Il était sa pierre angulaire, son roc. Il fallait qu'elle le retrouve, mais c'était strictement impossible enfermée ici. On lui avait pris toutes ses affaires personnelles à son arrivée dans le service.
Alors qu'elle n'y croyait plus, la jeune femme eu un éclair de courage. Elle détacha les fils des transfusions et débrancha le monitoring cardiaque. Lorsqu'elle entreprit de se lever, sa tête lui tourna légèrement mais elle reprit vite l'équilibre. Dans le sac de sport, il y avait un pantalon de jogging noir, des baskets gris foncé et un sweet à capuche à l'effigie des Knicks. Les gestes de Diana étaient fébriles et rapides mais elle était décidée à aller jusqu'au bout. Pour une fois dans sa vie, elle allait faire quelque chose qui la mènerait vers son bonheur. Ce qu'elle n'arrivait pas à cerner c'était pourquoi Rose lui proposait cela... Ça n'avait absolument aucun sens. Diana était détestée et crainte auprès de la plupart des jeunes femmes de l'université. Rose était plutôt le type d'élève qui ne cherche pas d'histoires, une fille timide qui ne demande qu'à disparaître à chaque fois que l'on pose le regard sur elle.
Cependant, la jolie blonde se dit qu'elle aurait tout le temps de réfléchir à tout ça une fois qu'elle se serait échappée de cette monstrueuse chambre d'hôpital. Quand elle fut prête, elle s'arrêta net en repensant à quelque chose. Qu'elle était stupide ! Elle était dans un secteur fermé. Aucune échappatoire n'était possible... C'est à cet instant que Diana tourna la tête vers la porte. Elle était installée dans la dernière chambre du couloir et elle s'aperçu avec un énorme soulagement que la porte de service avait mal été refermée. C'était sûrement Rose qui avait prévu le coup. Une fine lamelle de bois la retenait.
Diana se glissa discrètement à la frontière entre le couloir et sa porte, et attendit que l'infirmière de garde et le médecin entrent dans la chambre d'un des patients du service. Une fois la voie libre, elle courut vers cet espoir de fuite. La lourde porte s'ouvrit sans difficulté et elle la referma derrière elle avec le plus grand soin. Les lumières automatiques illuminèrent les escaliers de service et Diana s'élança. On n'entendait que ses pas dont le son s'entrechoquait sur les murs. Arrivée au rez-de-chaussée, la jeune femme ouvrit la porte qui donnait sur le service des entrées de l'hôpital. Personne ne faisait attention à elle, mais par précaution elle baissa la casquette de sport sur son front.
Elle vit le panneau qui indiquait la direction du parking au bout de cinq longues minutes passées à scruter le moindre recoin. Diana prit l'ascenseur et descendit au troisième sous-sol, comme le lui avait indiqué Rose. Il n'y avait personne et ce n'était pas pour rassurer la jeune femme. En revanche, il y avait un grand nombre de voitures. Diana sentit qu'elle allait passer au moins des heures entières à chercher celle qu'avait réservée Rose pour elle. Dans un maigre espoir, elle appuya sur le bouton d'ouverture de la clé. Un son bruyant retentit et Diana se rendit compte que le véhicule qu'elle cherchait était juste en face d'elle : un magnifique break gris anthracite.
Elle soupira de soulagement quand elle rentra dans l'habitacle. La liberté n'était plus très loin...
Soudain, alors qu'elle allait démarrer, elle entendit une sonnerie. C'était un portable prépayé situé sur le siège avant. Diana savait qu'il ne s'agissait pas d'un hasard et une montée d'angoisse s'empara d'elle. Il fallut que l'appareil sonne encore cinq fois avant que, d'une main tremblante, elle s'en empare pour répondre au mystérieux correspondant.
- Allo ?
Sa voix n'était qu'un souffle et une immense boule s'était formée au fond de sa gorge. Diana avait peur et, dans ce parking froid et sombre, elle savait qu'elle n'aurait pas la possibilité d'être secourue si elle était attaquée.
- Ça me fait plaisir que tu répondes enfin ma chère Diana.
La voix était modifiée. Impossible de déterminer s'il s'agissait d'un homme ou d'une femme. Une sueur froide descendait le long du dos de Diana et la jeune fille fut incapable de bouger ni de dire un seul mot.
- Je souhaite que tu fasses quelque chose pour moi. Dans le coffre, se trouve une de tes amies... J'aimerais que tu la conduises à l'adresse que je vais t'indiquer. Ensuite je te donnerai des instructions précises et il faudra que tu m'obéisses au doigt et à l'œil. Me suis-je bien fait comprendre Diana ?
- Ou...Oui.
- Bien, dans ce cas, allume le GPS de la voiture et suit la route indiquée. Je te préviens Diana, si jamais tu oses emprunter un autre chemin ou prévenir quelqu'un, je te retrouverai et je t'étriperai devant un miroir. Tu pourras observer tes boyaux se déverser sur le sol et ton sang couler à mes pieds. Je te promets que c'est exactement ce que je vais faire, et je tiens toujours mes engagements.
Diana déglutit et des larmes commençaient à perler au coin de ses yeux. Elle était terrifiée. Néanmoins, elle ne savait pas si c'était l'instant de survie ou la folie, elle s'exécuta et alluma le GPS. L'adresse indiquée se trouvait à vingt minutes de l'hôpital. Son correspondant raccrocha soudainement. Un silence de mort régnait dans l'habitacle mais un minuscule bruit arrivait à percer ce voile lugubre. Ça venait du coffre... Son interlocuteur avait dit qu'une de ses amies y était prisonnière, mais qui était-ce ? La curiosité l'emporta sur la peur et Diana descendit du véhicule pour aller à l'arrière. Quand elle ouvrit le coffre, une image d'horreur se déroula devant ses yeux : La tête de sa mère et de son père étaient disposées dans des bocaux en verre fermés hermétiquement, et Rose était recroquevillée sur elle-même, pétrifiée de terreur...
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