Je vis qu'il était recouvert de tatouages tout aussi intimidants que ses muscles saillants. Son crâne était rasé et une large cicatrice recouvrait la partie droite de son visage, faisant de son œil droit une simple fente. Je l'avais sa faiblesse : si je l'attaquais tout de suite avec force de ce côté au niveau du flan, il serait déstabilisé. Quant au fait de me libérer de son emprise, cela ne devrait pas poser trop de problème.

Au moment où il s'y attendait le moins, je pris ses poignets avec mes deux mains et y enfonçaient mes ongles pour qu'il sente légèrement la douleur au niveau de son nerf radian, celui qui était relié au coude. À partir de là, les choses s'accélérèrent. Je sentis ses coudes s'affaisser une demie-seconde, il ne me fallut pas plus de temps pour lâcher mon emprise et pousser de toutes mes forces avec mes pieds son torse massif. Comme je m'y attendais il me lâcha, même si j'étais un peu étourdie par son étranglement je lui balançai un coup de pied retourné au niveau du flan droit. Je fus satisfaite car j'entendis une côte craquer. Mais Goliath ne sembla pas s'en formaliser, il fonça sur moi et me fit tomber au sol en m'écrasant de tout son poids. Je n'arrivais plus à respirer, je me sentais vaincu et j'entendais Diana hurler de terreur. David... J'étais désolée.

Soudain j'entendis un bruit de verre qui se brisait et je sentis le corps du géant se faire plus lourd encore. Seulement, je ne remarquai aucune réaction de sa part... Il était inconscient. Je le basculai sur le côté pour m'extirper et observai son crâne imbibé de sang. Le liquide pourpre coulait dans sa nuque et commençait à tâcher la moquette du couloir de l'immeuble. Princeton tenait dans sa main ce qui avait été autrefois un vase. Il avait l'air à la fois choqué, mais je crus percevoir une once de combativité dans son regard. Ses yeux s'étaient assombris à cause de l'adrénaline et sa poitrine se soulevait à un rythme effréné. Soudain son regard ne se fixa plus sur l'homme à terre mais sur moi et ce que je vis ne fut ni du dégoût, ni de la condescendance, mais une sorte d'admiration qui s'exprimait à travers ses pupilles sombres. Je n'eus pas le temps de dire quoi que ce soit que j'entendis la porte de mon appartement s'ouvrir brusquement.

David sortit et me fixa avec frayeur.

« J'ai entendu des cris et puis plus rien... J'avais vu dans le judas de la porte cet homme mais je n'ai pas voulu ouvrir, je me suis caché... Quand je n'aie plus rien entendu j'ai cru qu'il vous avait tué Miss Da.... Ellie ».

Je lui adressai un sourire timide mais quand je fis ce mouvement je sentis une douleur irradier le bas de mon visage. Ma lèvre était fendue et j'avais sûrement un bel hématome qui ne tarderait pas à se voir...

« Ne t'inquiète pas David, la situation est pour l'instant arrangée mais il ne faut pas que l'on reste ici, ce n'est plus sûr... ».

J'entendis des sanglots derrière moi. Diana et Rose s'étaient recroquevillées sur le sol du couloir et semblaient en état de choc. Il ne fallait surtout pas que cela arrive maintenant car l'urgence était bien là.

Je me précipitai vers les deux jeunes filles qui tremblaient de tous leurs membres. Leurs regards étaient vides, et quand je pris la main de Rose, elle était glacée.

« Les filles, je sais que c'est une situation horrible mais il faut vraiment que l'on s'en aille. D'autres vont arriver et je ne suis pas de taille à les affronter toute seule »

Diana relevait soudain ses yeux vers moi, elle était terrifiée mais avait un regard haineux et sombre :

-       Vous vous foutez de nous ? C'était qui ce mec ? Vous devez de l'argent à des dealers ou quoi ? Je refuse de vous suivre, je préfère attendre la police.

-       Ils connaissent des gens dans la police et croyez-moi ils sont déjà plus près que toutes les voitures d'intervention qui pourraient nous sortir de là. Ce n'est pas une bonne idée, il faut vraiment que vous preniez sur vous et...

-       Que je prenne sur moi ? Non mais vous rigolez ? On a failli se faire assassiner dans cet immeuble miteux parce que l'on a accepté de suivre un putain d'atelier de merde avec une camée !

-       Diana je suis désolée – je tentai de lui toucher l'épaule mais elle se dégagea avec force.

-       Ne me touchez pas ! C'est de votre faute ! Jamais on n'aurait dû accepter que vous remplaciez le merveilleux professeur Smouth ! Vous n'êtes qu'une bonne à rien, une...

-       Ta gueule Diana ». La jeune blonde hoqueta de surprise.

Je me retournai brusquement. Princeton se tenait juste derrière moi et semblait sorti de sa torpeur. Une force se dégageait de lui et je ne sus pourquoi mais cela me rassura. Je n'étais pas seule et il m'avait sauvé la vie... Néanmoins je me sentis coupable et mon cœur se serra quand je vis l'état de ses mains. Elles étaient couvertes de sang. Il avait dû se couper quand le vase s'était brisé sur le crâne du géant musclé. Certes, il ne semblait pas s'en plaindre mais je ne pus m'empêcher de penser que c'était ma faute car si nous étions dans cette situation c'est uniquement dû au fait que le passé que je cherchais à tout prix à enfouir était à présent sorti de la tombe et allait faire des ravages...

C'est Rosa qui se leva avec peine en premier, suivie péniblement par Diana qui ne dit plus un mot. Elle s'accrochait au bras de Gordon qui étrangement semblait presque plus effrayé que sa copine car lui aussi restait muet et n'osait plus me regarder.

Jacob était resté dans un coin et ne bougeait pas lui non plus. Mon dieu je savais que j'allais sûrement avoir de gros soucis avec l'administration de l'université... Mon travail en tant qu'enseignante se terminerait et je devrais à nouveau fuir...

Je me retournai vivement vers mon petit protégé : David. Il semblait honteux et terrifié. Je courus jusqu'à lui et le serrai fort dans mes bras en lui répétant que tout allait bien se passer. Je fermai rapidement la porte de l'appartement et ordonnai à mes futurs anciens élèves de me suivre. Princeton prit les devants et composa un numéro sur son téléphone portable.

« Qu'est-ce que tu fais ?! » m'affolais-je. Il me regarda avec la mine grave et m'ignora complètement.

« Ici Princeton Sutherland, il faut que j'aie un rendez-vous au plus vite avec le procureur général de New-York, Hershell Bloom. C'est une urgence, dites-lui que c'est le fils de Malcolm qui le demande ».

Nous étions tous pendus à ses lèvres. Finalement, il avait été assez convaincant car je compris à sa mine soulagée que la secrétaire du juge le basculait sur la ligne privée de ce fameux magistrat.

« Bonjour Hershell, je m'excuse de te déranger mais tu sais très bien que je ne t'aurais jamais appelé si ce n'était pas un cas de force majeure. J'ai un jeune homme qui a dénoncé des grands noms de la pègre, le gang des Sharks, et j'attends de toi que tu lui donnes tous les papiers nécessaires à la protection des témoins. Est-ce que tu peux me faire ça dans la demie-heure ? ».

Mon cœur battait la chamade, si seulement c'était si simple... Si je pouvais sauver David alors je serais éternellement reconnaissante à ce beau brun ténébreux.

« Il a quinze ans et se nomme David Keywast, c'est le fils de Silas Keywast, l'ancien leader des Sharks. Il lui faut absolument une nouvelle identité et il est nécessaire qu'il quitte l'État, voire si possible que tu l'envoies au beau milieu du Wyoming. »

Mais... Mais comment savait-il tout cela ? Je n'avais parlé de l'affaire à aucun d'entre eux et il semblait assez renseigné pour donner tous les détails nécessaires à la protection de David. J'étais soudain méfiante. Néanmoins, mon esprit me dicta d'élucider le mystère plus tard car ce qui comptait pour l'instant c'était la réponse du juge.

« Merci Hershell. Je te revaudrai ça. Nous passons à ton bureau pour récupérer les papiers. ». Princeton raccrocha et se tourna vers moi et se mit à prendre la direction des opérations :

« -       Je vais appeler un taxi pour Diana, Rose et Gordon. Jacob va venir avec nous.

-       Nous ?

-       Oui, vous et David allez monter dans ma voiture. Je nous emmène directement dans le bureau du juge pour qu'il signe tous les papiers. Vous êtes bien sa représentante juridique ?

-       Euh... oui... mais – balbutiais-je

-       Alors c'est réglé. En route. »