La collision des âmes (partie 3)
ANDREI (il y a 15 ans) – Moscou
Il devait l'avouer à sa femme. Il l'aimait de tout son cœur et ne pouvait imaginer lui mentir une seconde de plus. Comment avait-il pu commettre une telle erreur...
Leur rencontre resterait un souvenir impérissable, ancrée à jamais dans sa mémoire. Elle était la plus talentueuse des danseuses étoiles du Bolchoï et consacrait sa vie à la fois à cet art, mais aussi à sa classe d'élèves. Sa douceur était telle, que les enfants l'adoraient et buvaient ses paroles à chaque fois qu'elle leur enseignait une nouvelle leçon. Son sourire radieux aurait pu faire fondre toute la glace de Sibérie, et sa joie de vivre aurait pu faire rire le plus grincheux des hommes.
Les parents d'Andreï, de riches oligarques russes, avaient organisés une grande réception en l'honneur de leur anniversaire de mariage. Ils avaient engagé, justement, les danseuses classiques de l'Opéra du Bolchoï, pour animer leur soirée.
Les lumières s'étaient éteintes et elle était apparue, sous une magnifique lumière blanche qui faisait ressortir ses lèvres roses. Ses yeux d'acier étaient hypnotisant et sa peau pâle permettait d'admirer sa magnifique chevelure couleur blé. Elle était vêtue d'une simple robe de ballet rose pâle, la couleur de l'innocence. Andreï ressentit un frisson quand la première note fut jouée.
Elle virevoltait avec la grâce d'un cygne et ses pas étaient tellement précis, que l'assemblée en était ébahie. Il regardait cette déesse se déplacer sur la piste de danse avec la grâce d'un félin, la force et la vigueur d'un aigle et la douceur d'une plume prise dans le vent.
À la fin de la prestation, seuls les applaudissements le firent revenir à la réalité et quitter ce doux rêve. Il fallait qu'il la rencontre, qu'il lui parle, qu'il sache son nom. Il était allé dans sa loge, d'abord dans le but de la féliciter pour sa prestation, mais il n'avait pas pu s'empêcher de l'inviter à boire un verre avec lui, en quittant la fête plus tôt.
Le coup de foudre existait bel et bien, et Andreï et cette danseuse-enseignante en étaient la preuve.
Jamais il n'aurait pu penser à cette époque qu'il serait assez faible pour répondre aux charmes d'une française. Agnès. Elle lui avait fait pitié, il avait voulu l'aider et elle détenait des secrets qui lui avaient servi à monter toute une opération pour mettre fin aux agissements des plus grands criminels que le monde ait connu.
Il avait fallu d'une nuit et d'un peu d'alcool pour concevoir une merveilleuse petite fille. Quand il avait su qu'il était le père de cette merveille, son premier sentiment fut la honte puis il fut remplacé par l'amour. Il ne l'avait vu qu'en photo mais il savait déjà qu'elle serait l'un des trésors de sa vie. Le seul problème était qu'elle était entre les mains d'un puissant malfrat et il se devait, en tant que père, de la protéger de ce monde. Agnès ne comprenait pas sa vision des choses et avait trop peur, pourtant Andreï était persuadé que la petite Elena grandirait de manière beaucoup plus sécurisée à Moscou, éloignée de ce Nicolas David.
Il avait tout prévu. Il avait été invité à la soirée de Noël de cette famille en France dans la demeure du criminel, afin de livrer la fameuse « poterya ».
Quand il vit les lumières de sa maison encore allumées, son angoisse augmenta. Il allait falloir qu'il s'arme de courage pour tenter de se faire pardonner par l'amour de sa vie.
Il neigeait et il commençait à avoir froid, cela le décida à faire le premier pas et à finalement franchir le seuil de la porte d'entrée. Sa femme était déjà aux fourneaux pour le repas du soir, les jumeaux s'amusaient avec leur grande sœur. Il avait la vie dont tous les hommes rêvaient et il souhaitait les préserver de toute la violence qui existait en ce monde.
- Chéri c'est toi ?
Sa voix était tellement douce, accueillante. Cela rendit Andreï encore plus mal, la culpabilité rongeait et amenuisait peu à peu son courage.
- Oui. Écoute, mon amour j'ai quelque chose à t'annoncer.
Elle suspendit son geste et regarda son mari intensément. Elle savait toujours déceler quand quelque chose clochait, quand il était angoissé ou même quand il était malade. Elle avait ce don de lire l'âme des personnes qui l'entouraient et s'en servait souvent pour les aider. Là, une chose était certaine, elle n'allait pas pouvoir faire grand-chose à part accepter la vérité, aussi cruelle soit-elle.
- Les enfants, allez vous amuser dans votre chambre, maman et papa vont avoir une discussion. Après on mangera le super repas que j'ai préparé
- Moi j'ai aidé à battre les œufs !
- Moi aussi !
Les deux jumeaux courraient autour de leur mère, tout excités et euphoriques. Irina riait de leur réaction et, comme une deuxième mère, elle vint les serrer contre elle. Chacun eut le droit à un tendre baiser sur la joue et aussi, à de gentilles chatouilles sur le ventre.
- C'est vrai les garçons ! Vous avez été champions sur ce coup-là ! Personne dans toute la Russie ne cuisine aussi bien que vous !
Irina était à présent une adolescente, qui aimait tendrement ses deux jeunes frères. Cet adorable trio était la réussite d'Andreï, leurs rires étaient la plus douce des musiques pour le vieil homme qu'il était. Lui et son adorable épouse avaient mis du temps à concevoir ces merveilles, mais dès qu'elles furent là, elles avaient été inondées d'amour. Sa vie était parfaite et pourtant il avait tout gâché...
Irina prit les devants et dirigea ses deux frères vers la chambre qu'ils partageaient tous les trois.
Sa femme s'assit sur le rebord du buffet de leur cuisine et regarda son mari. Son regard ne présageait rien de bon... Savait-elle ?
- Écoute chérie je...
- Comment s'appelle-t-elle ?
Les femmes avaient un sixième sens pour ce genre de chose, c'était une prouesse de leur part et Andreï devait s'avouer vaincu.
- J'ai fait une erreur.
- Oui effectivement.
Elle ne lui rendait pas la tâche facile. Le silence était lourd, menaçant et Andreï n'en pouvait plus. Il s'agenouilla devant sa femme et la tint dans ses bras. Elle ne le repoussa pas, simplement aucune réaction de sa part ne vint. Elle restait stoïque pendant qu'Andreï cherchait les mots pour arranger cette situation insoutenable.
- Écoute. Tu es la seule qui compte et qui comptera à jamais. Je t'aime de tout mon cœur et mon âme n'appartiendra à personne d'autre que toi, je t'en fais la promesse. Mais...
- Tu vas nous quitter ?
- Quoi ? Non !
Des larmes commençaient à perler au coin des yeux de sa femme et Andreï se précipita de se remettre debout face à elle. Il posa ses paumes sur ses épaules et les caressa doucement, afin d'apaiser les craintes de sa reine.
- Jamais je ne t'abandonnerai ! Ni toi ni les enfants ! Jamais tu m'entends !
- Andreï je...
- Non écoute-moi. J'ai fait une erreur impardonnable mais s'il te plait ne me déteste pas... C'est juste que cette femme est l'épouse d'un grand criminel que j'essaye de faire tomber et durant cette... Cette fameuse nuit... Elle est tombée enceinte.
La révélation était tombée comme un couperai et le visage de son épouse devint aussi pâle que la mort. Elle se dégagea de l'étreinte d'Andreï pour aller s'asseoir sur l'une des chaises de la table de la cuisine. Ses beaux yeux gris étaient fixés droit devant elle et aucun son ne sortit de sa bouche. Ses mains tremblaient et elle dût les maintenir sous ses bras afin de cacher cette faiblesse.
- Quel âge a l'enfant ?
- Je ne l'ai appris qu'aujourd'hui mais elle a seulement dix ans. C'est une fille, elle s'appelle Elena.
- Pourquoi me raconte-tu cela maintenant ?
- Il faut la sauver...
- Quoi ? Mais pourquoi ?
- Elle est entourée de criminels, elle peut être facilement prise comme monnaie d'échange quand la tête de son père sera mise à prix ! Elle est en danger... je t'en supplie...
Elle renifla et s'essuya les quelques larmes qui coulaient sur ses joues d'un revers de manche. Puis elle souffla un grand coup, expulsant toute l'air de ses poumons et repris une inspiration pour se calmer.
- Cela fait partie de ton travail ?
- De quoi ?
- De faire tomber cet homme ? Es-tu obligé de faire tout cela ?
- Chérie... C'est l'un des plus grands criminels que le monde actuel connait et j'ai de quoi à la fois le faire tomber lui, mais aussi toute son organisation ! On parle de meurtres de masse, de chantages, de ventes d'armes bactériologiques !
- C'est bon c'est bon... Laisse-moi deux minutes s'il te plait...
Andreï décida de laissa sa femme seule un moment, lui laissant le loisir de digérer tout ce qu'il lui avait balancé jusque-là.
Il décida d'aller voir ses trois enfants, son unique ressource pour le moment. Quand il ouvrit délicatement la porte, il vit Irina agenouillée par terre en train de raconter une histoire à ses deux frères. Tous les deux étaient allongés face à elle, sur le ventre, les deux coudes posés sur le sol, avec leurs petites mains qui tenaient leur jolie tête blonde.
- Hey Papa !
Sa jeune fille l'accueillie avec un immense sourire et les deux jumeaux se retournèrent eux-aussi.
- Bonsoir mes amours... Alors comment s'est passée la journée ?
Les deux jumeaux gigotèrent dans tous les sens en racontant leurs exploits à l'école. Par « exploits », il fallait bien sûr entendre les « pires bêtises qu'ils pouvaient inventer ». Irina restait silencieuse et admirait en souriant ces deux petits monstres.
- Et toi ma princesse ?
- Je crois que j'ai enfin trouvé ce que je veux faire plus tard. On a eu l'intervention de quelques professionnels à l'école.
- Ah oui ?
- Oui... Je veux être infirmière. J'aimerais aussi faire médecine dans le meilleur des cas, mais je ne suis pas sûre que j'y arriverais.
- Tu peux tout faire ma princesse...
Andreï embrassa tendrement sa jeune fille sur le haut de la tête. Soudain, la porte de la chambre des enfants s'entrouvrit légèrement. Sa femme avait semble-t-il une réponse à lui donner. Il quitta la pièce pour aller la rejoindre et enfin savoir ce qu'elle avait décidé.
- Cette enfant n'a pas choisi sa famille... Et surtout elle n'a pas choisi de naître d'un adultère. Je suis d'accord pour que tu l'amènes ici Andreï mais que va-t-elle faire sans sa mère ?
- Je...
- Voilà ce que je te propose... Tu vas répondre à deux questions et cela va déterminer ce que je vais décider.
- D'accord. Je t'écoute.
- Aime-tu cette femme ?
- Non. J'ai simplement de la tendresse envers elle.
- Si elle vient ici, dois-je craindre que tu refasses une « erreur » ?
- Non. Plus jamais je ne te trahirai. Tu...
- Stop. J'ai pris ma décision. Cette petite Elena mérite de vivre la vie que l'on peut offrir à nos enfants. Étant donné qu'elle est ta fille, je l'aimerai autant que je t'aime toi, ainsi qu'Irina et ses frères. Je supporterai la présence de cette femme parce que j'estime qu'une petite fille a besoin de sa mère pour grandir. Mais je t'en prie Andreï, ne me fait plus souffrir... J'en mourrai.
- Je te le promets mon amour... Je t'aime tellement...
- Quand est-ce que tu dois aller les chercher ?
- Ils m'ont invité pour les fêtes de Noël. Ce sera la première fois en dix ans que je la verrai...
- Sois prudent s'il te plait... Je ne veux pas te perdre. Toi et les enfants, vous êtes tout ce que j'ai.
- Je te le promets Vera... Je t'aime моя королева (« moya koroleva » : « ma reine » en russe).
- Je t'aime мой король (« moy korol' » : « mon roi » en russe)
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