La collision des âmes (partie 1)

PRINCETON

Le jeune homme se réveilla dans un lit au matelas moelleux et confortable. Une forte douleur lui irradiait le torse, due au choc électrique du taiser. La pièce était luxueuse. Un immense tapis rouge recouvrait le parquet en chêne. Des tapisseries d'un autre temps décoraient les murs, et le lustre à bougies donnait une ambiance chaleureuse. Princeton n'eut pas le temps d'examiner plus en détail les lieux car soudain la porte en bois s'ouvrit. Rose, enfin Irina, entra sans dire un mot et s'assis, avec grâce, sur le fauteuil en cuir disposé à côté d'une bibliothèque ancienne. Elle bascula ses longues boucles blond cendrées sur son épaule. Elle ne le regardait pas en face et se contentait d'observer le mur devant ses yeux. Princeton n'avait jamais vu Rose aussi bien apprêtée. Elle était totalement différente et semblait bien plus âgée que lui. Son rouge à lèvre pourpre, ses longs cils noirs et ses pommettes hautes lui donnaient l'apparence d'une poupée. Elle portait une chemise en satin noir et une jupe crayon beige. Ses longues jambes fuselées étaient terminées par de brillants escarpins carmin. Tout en elle était classe et sophistication.

Elle tourna enfin ses grands yeux bleu marine vers lui. Son regard était vide, exempt de toute émotion. Le jeune homme n'aurait su dire si elle allait lui faire du mal, ou si elle était tout simplement en train de réfléchir à ce qu'elle allait lui dire. Elle ouvrit la bouche mais aucun son n'en sortit. Un malaise l'enveloppait, Princeton pouvait le sentir de l'endroit où il était. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il prit les devants :

- Rose ? Est-ce que tu pourrais m'expliquer ce que tu nous veux ?

La jeune femme se racla la gorge et essuya ses paumes moites sur sa jupe. Elle porta ses ongles parfaitement manucurés à ses tempes et se massa lentement.

- Princeton, je suis tellement désolée de t'entraîner là-dedans mais il faut que tu me comprennes.

- Je t'écoute.

S'il y a bien une chose que savais le jeune homme c'est qu'il ne fallait pas contrarier un malade mental. Ils avaient toujours besoin d'être compris, même dans le pire de leur folie.

- J'ai grandi en Russie, à Moscou. Ma mère était enseignante dans une prestigieuse école. Mon père était conseiller au gouvernement et ancien membre du KGB. J'avais deux petits frères... Bref. Mon père a été assassiné pour avoir tenté de démanteler une immense organisation criminelle. Comme si cela ne suffisait pas, ils ont aussi tué mes deux frères et ma mère. Le chef qui a ordonné ces assassinats n'était autre que Nicolas David, le cher père d'Elena. Enfin... C'est sa mère, Agnès qui a commandité son meurtre après l'avoir trahi. Il avait toutes les preuves... Mon père aimait ma mère mais il a fait une erreur de tomber sous le charme de cette...

Irina prit une grande inspiration. Les mots semblaient difficiles à sortir. C'était comme si elle avait enfoui une rancœur depuis des années. Lorsque ce genre de haine sortait au grand jour, elle créait des ravages.

- Mais pourquoi nous ? Pourquoi en vouloir à Elena, Diana, Jacob, Gordon et moi ? Ça n'a aucun sens !

- C'est là que tu te trompes Princeton. La meilleure des vengeances est celle qui est travaillée, calculée et qui détruit tout sur son passage.

Ses yeux brillaient de colère et son visage s'était transformée. Jamais Princeton n'avait vu une telle réaction de la part de quelqu'un. C'était une tueuse...

********

Il y a deux ans, demeure de Nicolas David en France

La jeune femme reconnut la bâtisse qu'elle avait vu par satellite. C'était là que résidait le fameux Nicolas David, le maître de « La Parada » européenne. Elle avait fait tout le voyage depuis New-York quand elle avait su, par le biais de son réseau, où était situé sa demeure principale, en d'autres termes, où était sa famille.

Elle devait la jouer fin stratège pour arriver à convaincre un homme comme lui de l'embaucher au sein de son organisation. C'est elle qui avait cependant les cartes en main. Le clou du spectacle serait de retrouver la « poterya », l'œuvre de son père pour laquelle il avait perdu la vie.

Quand elle sonna au portail, ses mains tremblèrent d'excitation. Il fallait qu'elle se contienne pour ne pas le tuer tout de suite, lui et toute sa famille.

Un homme de main vint à sa rencontre. Il portait une oreillette et un costard noir, agrémenté d'une cravate de la même couleur. Son air austère n'intimida pas Irina et elle lui adressa un large sourire enjôleur. Sa réputation auprès des hommes n'était plus à faire, elle savait que son charme slave pouvait jouer en sa faveur. Aux États-Unis, elle portait un masque, celui d'une pauvre jeune fille, honteuse de son corps. Ses talents d'actrice la surprenaient elle-même, aussi bien que la manière dont elle arrivait à s'enlaidir par un simple maquillage. À New-York elle était méconnaissable.

- Qu'est-ce que vous voulez ?

- J'aurais souhaité voir Mr David, j'ai quelque chose qui pourrait l'intéresser.

- Attendez un instant.

L'homme s'éloigna afin de se faire confirmer par le patron qu'il pouvait la laisser pénétrer les lieux. Personne ne se doutait que le virus allait envahir la cellule pérenne initiée par Nicolas David. Elle allait détruire son monde, pièce par pièce...

Le gardien la fit entrer et la mena jusqu'à l'immense bâtisse. Le jardin était magnifique et une immense fontaine en pierre trônait juste devant les portes. Elle représentait Poséidon, roi de la mer, chevauchant les vagues, armé de son trident.

L'intérieur de la maison était tout aussi splendide. Sans parler des nombreuses œuvres d'art qui ornaient les murs blancs, tous les mobiliers étaient mis en valeur. Allant de la bibliothèque en merisier à la table de salon en verre travaillé, elle devait avouer qu'elle n'avait jamais rien vu d'aussi magnifique. Tout était décoré avec goût et aucune poussière ne traînait. Les lustres, aux arabesques complexes, étaient somptueux et donnaient à l'ensemble des pièces un éclairage mystique.

Sans plus attendre, Irina fut conduite dans le fameux bureau du chef des lieux. Nicolas David était un homme séduisant, impressionnant mais peu affable. Elle devrait jouer de ses charmes pour arriver à créer une légère fissure dans sa carapace d'acier. Sans plus de cérémonie, il lui indiqua l'une des chaises qui trônaient devant son large bureau en bois massif. Irina, d'un pas lent et assuré, se dirigea directement vers Nicolas et ne prit pas la peine de s'asseoir. Elle devait se démarquer et s'assurer qu'il la respecterait, elle, et son travail.

Surpris par son affront, Nicolas David eut un léger mouvement de recul mais un sourire apparût sur son visage. Les hommes tels que lui aimaient être provoqués. Leur but dans la vie était de dépasser leurs limites internes.

Elle posa sur le cuir du bureau cinq photos d'homme. Deux d'entre eux étaient des ingénieurs finlandais capturés par les autorités internationales, et prêts à parler. Un autre était un faux-monnayeur, pas très fidèle à ses clients. Les deux derniers étaient des marchands d'armes, l'un spécialisé notamment dans les armes bactériologiques. Tous avaient été en lien avec « La Parada », mais ils étaient aussi tous, sans exception, un danger immense pour l'avenir de l'organisation.

- Qu'est-ce que ça veut dire ?

Il paraissait surpris et restait sur ses gardes. Irina s'était attendue à ce qu'il se méfie. C'est pour cela qu'elle sortit à nouveau cinq autres clichés. Cette fois, ce fut des images d'horreur qui apparurent devant les yeux de Nicolas David. Cependant il ne laissa transparaître aucune émotion. Les deux ingénieurs avaient les viscères arrachés et le cou tranché. Le faux-monnayeur avait les deux mains coupées, la langue posée sur son front et un trou béant à la place du cœur. Ceux avec lesquels Irina s'était le plus amusé, c'était les marchands d'armes. Elles les avaient découpés, membres après membres, en prenant garde à ce qu'ils reprennent conscience le plus possible. Tous les clichés montraient ses exploits.

- Je vous ai débarrassé de vos problèmes...

- Vous avez fait cela toute seule ?

- Oui.

- Comment pourrais-je vous croire sur parole ?

- Appelez le gardien qui m'a fait venir ici.

Sans plus d'explication, Nicolas David s'exécuta et l'homme qui avait reçu Irina entra dans le bureau en saluant son patron.

Irina s'approcha lentement de lui. Soudain, au moment où ce dernier s'y attendait le moins, elle planta un long canif dans son menton, la lame ressortant dans sa bouche. Ses yeux étaient exorbités. Il ne comprenait pas ce qu'il se passait et regarda Irina avec le sentiment qu'elle adorait faire ressentir à ses victimes : la terreur. D'un seul geste, elle retira le couteau et trancha la gorge du pauvre homme qui s'écroula par terre. Afin d'atténuer ses souffrances, elle souleva sa jupe courte où était caché un magnum. C'était impressionnant à quel point les femmes étaient avantagées pour dissimuler des objets sous leurs vêtements. Irina n'attendit pas plus longtemps pour lui tirer une balle dans l'arrière du crâne.

Nicolas David restait de marbre devant ce spectacle. C'était quitte ou double et Irina le savait : soit il la faisait tuer, bien qu'elle réussirait à s'échapper, soit il l'engageait.

- Pourquoi l'avez-vous tué ?

- Trouvez-vous cela normal qu'un agent de sécurité ne fouille pas ceux qui rentrent dans votre propriété ? Il a négligé son devoir par le seul fait que je sois une femme. Il n'a même pas daigné vous protéger comme il aurait dû le faire. Il était inutile.

Un lourd silence se fit et soudain Nicolas David éclata de rire. Quand il eut terminé, il regarda Irina droit dans les yeux, un sourire carnassier peint sur son visage.

- Vous êtes engagé Mme ?

- Irina. Irina Blame.

Elle n'allait sûrement pas lui donner son véritable nom de famille, il ferait le lien tout de suite. Son plan machiavélique pouvait commencer. La jeune femme sentait, qu'elle allait bien savourer sa vengeance.

********

IRINA ARAZOV, RUSSIE, IL Y A 20 ANS

- PAPA !

- Ma princesse ! Viens dans mes bras.

Irina serra son père si fort qu'il rit en disant qu'elle allait l'étouffer. Il la chatouilla gentiment et la jeune fille courut se réfugier dans les bras de sa mère en riant.

- Andreï ! Arrête de l'exciter elle ne va plus vouloir dormir après ça !

- Bonjour ma chérie, moi aussi je suis heureux de te voir.

La jeune mère adressa un sourire tendre à son mari et l'enlaça. Les jumeaux étaient déjà couchés mais Irina avait insisté pour rester réveillée en attendant son père.

- Mon trésor, approche.

La jeune fille courut vers son père, un large sourire sur le visage. Ses longs cheveux blonds virevoltaient autour d'elle et lui tombaient légèrement devant les yeux. Elle les repoussa d'un souffle, ce qui fit rire son père.

- J'ai un cadeau pour toi ma princesse.

- Oh ! C'est quoi ? C'est quoi ?

- Qu'est-ce que l'on dit d'abord ?

- Merci tu es le meilleur papa du monde et je serais toujours gentille !

Le jeune père éclata de rire et sortit une boîte en carton de sa besace. Il la tendit à sa jeune fille émerveillée. Elle l'embrassa sur sa joue barbue et piquante et s'empressa d'ouvrir son présent. Une peluche... Irina ne voulait pas paraître déçue mais elle regarda son père avec un air interloqué. Elle était un peu grande pour ce genre de jouet et ses frères en auraient plus besoin qu'elle.

Devant la mine contrite de sa jeune princesse, Andreï éclata de rire et expliqua quelque chose à Irina. Cela elle ne l'oublierait jamais.

- Il y a toujours quelque chose de cacher derrière la surface mon amour. Donne-moi la peluche.

La jeune fille, sans comprendre, tendit le petit ourson couleur chocolat à son père. Ce dernier retourna la peluche devant ses yeux inquisiteurs et ouvrit une petite fente dans son dos. Il en sortit un magnifique collier en argent, le pendentif représentait une belle rose rouge qui brillait de mille feux. Émerveillée devant un tel cadeau, Irina sauta à nouveau dans les bras de son père et l'embrassa sur les deux joues, le front et le menton.

Tout en riant il lui passa la chaîne autour du cou.

- Irina, tu es ma princesse. N'oublie jamais d'être généreuse avec ceux qui t'entourent. Tes frères auront besoin de toi, tout comme tes enfants un jour. Promets-moi une chose : sois fidèle à ceux que tu aimes.

- Je te le promets papa.

- Je t'aime Irina.

- Je t'aime moi aussi, de tout mon petit cœur

- Il est déjà énorme ma chérie, il suffit juste que tu le remplisses...

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