Cauchemar et réalité (partie 1)


J'avais laissé David aux bons soins du procureur mais j'avais quand même donné au jeune garçon mon numéro de téléphone, en lui faisant promettre qu'au moindre problème, il m'appellerait.

Princeton et Jacob discutaient vivement dans un coin quand je les rejoignis. Le beau brun ténébreux me regarda pour la première fois avec une once de respect dans le regard. C'était incroyable la manière dont ses pupilles exprimaient ses sentiments. Jacob, quant à lui baissait sans arrêt la tête devant moi et se recroquevillait sur lui-même. Est-ce que je lui avais fait peur ? Sûrement... Après tout je n'étais vraiment pas quelqu'un de fréquentable ces temps-ci. Une pancarte lumineuse rouge devrait être accrochée à mon cou : « DANGER ».

Je m'apprêtai à rentrer toute seule chez moi quand Princeton m'arrêta en me passant devant. Interloquée je l'interrogeai du regard pendant que lui me souriait d'un air de défi :

« Vous ne croyez tout de même pas que l'on va vous laisser partir toute seule Miss David ?

- Il faut que j'aille chercher mes affaires à mon appartement, je ne dois pas rester ici et je doute que l'administration de l'Université ne me laisse le poste d'enseignante après ce qu'il vient de se passer aujourd'hui. Je m'en veux terriblement, je suis tellement désolée de vous avoir fait subir tout cela... Regarde tes mains Princeton, elles sont écorchées et tu devrais aller les bander au plus vite et toi Jacob, j'espère ne pas t'avoir traumatisé à vie ».

Je soupirai... J'étais éreintée, et je sentais la culpabilité m'envahir, la honte me submerger et le désespoir m'engloutir... Je ne voulais plus de violence, plus de souffrance, mon cœur ne le supporterait plus et mon âme, déjà brisée, n'était plus qu'une infime lueur voulant s'échapper de mon corps.

« Ce n'est pas une bonne idée de retourner chez vous. Je vous propose de loger chez Jacob et moi. Mon père possède un appartement à Manhattan et il est assez spacieux pour qu'on ne se sente pas à l'étroit.

- Jacob et toi êtes colocataires ?

- Je dirais plus que c'est un ami, je trouve que le terme de « colocataire » n'est pas très valorisant ». Il me sourit et cette fois je ressentis de la sincérité dans ses paroles.

Je vis également un mince sourire se dessiner sur les lèves de Jacob. Une grande partie de moi avait envie de refuser mais Princeton avait raison. Ils allaient revenir et cette fois ce n'était pas un homme qu'ils enverraient mais une dizaine et je savais que je n'étais pas de taille à tous les affronter. Mais n'est-ce pas ce que je voulais après tout ? Que tout cela cesse ? Pourquoi vivais-je encore au juste ? Face à mes pensées les plus noires je regardais David en train de parler au procureur. Son visage était étincelant de reconnaissance et d'espoir. Elle était là, la raison pour laquelle je n'avais pas encore mis fin à mes jours, la raison pour laquelle je me battais nuit et jour pour garder la tête hors de l'eau, elle était juste devant mes yeux. Il fallait que je m'accroche, ma mission n'était pas encore terminée. Je savais que d'autres personnes auraient besoin de mon aide et je ferais tout pour parvenir à les sortir de l'horreur de leur vie.

« Bon allez Miss David, ce n'est pas une proposition, c'est un ordre. Vous montez dans ma voiture et je vous emmène chez nous ! »

Jacob paraissait gêné tout d'un coup.

« Prince...Princet...on... Tu... m'avais promis... que... que tu... tu me déposerai à... à l'hopi... l'hôpital...

- Ah oui pardon Jacob ! Je te dépose en passant et tu m'appelles pour que je vienne te chercher !

- Non... Non... Ramène...moi...à... l'apparte...l'appartement... je... je prendrai... la... la mienne.

- Ça marche fréro ».

Princeton était d'une extrême patience avec ce jeune garçon et il semblait très protecteur à son égard. J'admirais ce trait de personnalité chez cet homme au regard d'ébène, et je me surpris à imaginer que, peut-être, je pourrais lui faire confiance et lui donner, tout du moins, le bénéfice du doute.

Je jetai un dernier regard derrière moi pour fixer dans ma tête l'image de bonheur de David et suivit ensuite Princeton et Jacob.

Le trajet fut court cette fois-ci, car les deux garçons n'habitaient pas loin.

L'immeuble était luxueux et un chauffeur pris en charge la belle Maserati de Princeton. Un portier se tenait à l'entrée et ce dernier nous salua avec un large sourire. L'appartement se situait au dernier étage. Quand je passai la porte, je ne m'attendai pas à voir autant de luxe en un seul coup d'œil. Partout où mes yeux se posait, une œuvre d'art était accrochée au mur. Entre Monnet, Auguste Renoir, Manet, ou encore Van Gogh, les tableaux se succédaient devant mes yeux ébahis. Le parquet sombre était orné d'un magnifique tapis rouge et une cheminée trônait au centre de ce qui devait être la pièce principale. Deux fauteuils et un canapé en cuir marron finissaient de donner une touche chaleureuse à la pièce. Un énorme écran plat était accroché au mur face à moi, et une platine de disques était installée juste en dessous. J'avançai timidement dans l'appartement et sur ma gauche je pus apercevoir une cuisine américaine entièrement aménagée avec les appareils dernier cri. Un bar et un billard étaient situés plus loin et à côté de ces deux meubles se trouvait un de mes instruments préférés : un magnifique piano à queue. J'étais conquise par l'ambiance des lieux. Je me sentais en sécurité, au cœur d'un cocon de chaleur où personne ne pourrait m'atteindre. Si seulement les choses étaient aussi simples...

Jacob prit congé quelques minutes après être arrivé. Il prit ses clés dans l'entrée et me souhaita de me remettre rapidement. C'était bien la première fois que l'on me disait une chose pareille.

Quand la porte se referma, je me sentis mal à l'aise. J'étais seule, dans un appartement que je ne connaissais pas aux côtés d'un jeune homme séduisant. C'était digne d'un mauvais roman à l'eau de rose. Pour m'occuper j'entamai sans que l'on m'y invite, la visite de ce magnifique espace. J'étais une vraie enfant, je touchais à tout, soulevais des vases, triturais des babioles posées sur les meubles. Je fus surprise de ne voir aucune photo.

« Tout va bien ? Vous ne dites rien ? ». Princeton avait l'air aussi gêné que moi et dansait d'un pied sur l'autre. Il avait encore cet air mignon que possède les jeunes étudiants, mais sa carrure et son regard ne pouvaient être qualifiés d'enfantin. Une puissance se dégageait de tout son être et à ma grande surprise, je me sentis en sécurité, seule, avec lui...

Il se racla la gorge et disparût dans un long couloir. J'entendis des portes de placard claquer, et des jurons à peine prononcés. Il revint au bout de quelques minutes avec dans les mains tout le nécessaire pour soigner des blessures. Je m'avançai vers lui et lui pris tout ce qu'il avait apporté. Je le fis asseoir presque de force sur le canapé en cuir et entrepris de sortir une pince pour enlever les morceaux de verre incrustés dans ses phalanges, du désinfectant, des cotons et deux bandes.

Il ne protesta pas et semblait au contraire figé. Il respirait fort et je supposais qu'il n'avait pas l'habitude que quelqu'un s'occupe de lui comme je le faisais à cet instant. Il sursauta quelque peu quand j'entrepris d'enlever le verre à l'aide de la pince à épiler. Ce que les garçons pouvaient être douillets par moment... Il dut voir que je me moquais de lui car il me sourit d'un air taquin :

« J'aimerai bien vous y voir vous, ça fait super mal ! Ce n'est pas gentil de se moquer des blessés... ».

Je ris de bon cœur et cette fois je lui désinfectai avec douceurs ses deux mains, l'une après l'autre. Je fis attention que le coton ne râpe pas contre les blessures, qui étaient tout de même assez profondes... Je m'en voulais.

Quand j'eus enfin terminé, il avait deux bandages blancs sur ses deux magnifiques mains. Mais je trouvai qu'il ressemblait à un esquimau avec une paire de moufle. Ce constat me fit sourire et je me mordis la lèvre pour ne pas éclater de rire. Décidément, heureusement que je ne m'étais pas reconvertie en infirmière parce que j'étais vraiment nulle.

« Non mais je rêve ? Qu'est-ce que vous avez fait à mes mains ? On dirait deux amas de coton. Vous n'êtes vraiment pas douée ». À cet instant, je ne pouvais plus me retenir, j'éclatai de rire. Un rire franc, libérateur. Il se joignit à moi et je m'arrêtai uniquement quand je sentis son regard me fixer avec plus de gravité. Sa façon de m'observer était intense et ses pupilles brillaient d'une lueur nouvelle. Soudain il m'invita à m'asseoir à côté de lui. Quand il vit que j'hésitais, il me sourit d'un air narquois.

« Je ne vais pas vous violer Miss David, vous avez une énorme plaie sur le front qu'il faut soigner, sans parler de la balafre que vous avez sur le menton ». Oh. Je me sentis gênée. Je vins donc me placer timidement à côté de lui, et Princeton entreprit de prendre tout ce qui lui était nécessaire, à son tour, pour soigner mes blessures.

Il était maladroit et je souris quand je le vis se débattre avec les cotons et le désinfectant. J'avais vraiment fait n'importe quoi avec ses bandages. Mon cœur se figea quand il m'invita à me tourner vers lui pour qu'il puisse atteindre mon visage. Mon cœur rata un battement quand je croisai son regard sombre. J'aurais pu me noyer dans la profondeur de ses yeux. Il était vraiment très beau il n'y avait aucun doute, et mon instinct de femme avait pris le dessus sur mon côté réfléchi et prudent. Je me sentais en sécurité, protégée. Le seul danger qui pouvait surgir à cet instant, c'est le fait que j'étais en train de tomber sous le charme puissant d'un de mes élèves... Or je détestais ce type de personne : imbu d'eux-mêmes, toujours à rabaisser les autres. Il m'avait peut-être montré son côté gentil aujourd'hui mais qu'en serait-il des autres jours ? On ne pouvait pas changer en un coup de baguette magique. J'étais méfiante et je supposais que mon moment de faiblesse sentimentale était du à la fatigue accumulée ces dernières heures...


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