Chapitre 9

— Maître Drago ?
— Qu'est-ce qu'il y a ?
— Vous avez de la visite, Maître...

Malefoy releva la tête, étonné.

— De la visite ? Mais qui... ?

L'Elfe de Maison haussa une épaule et Malefoy Junior grommela. Il quitta son petit secrétaire où il était en train de lire, et descendit dans l'entrée du manoir. Il était seul cet après-midi. Il était rentré une heure plus tôt et quand il avait discuté avec son père, celui-ci avait aussitôt mis les voiles et n'était pas encore rentré. Sa mère, elle, battait la campagne à la recherche d'une maison, trouvant finalement que vivre avec son fils serait malsain pour eux deux au bout d'un court laps de temps.

.

— Granger ?

Hermione leva les yeux vers l'escalier et avala sa salive. Elle dansait d'un pied sur l'autre, comme impatiente, se tordant les doigts.

— Qu'est-ce que tu fais là ? demanda le Serpentard.
— Je...

Sa voix partit dans les graves et elle se racla la gorge.

— Je dois te parler... avant que ton père ne rentre. Il n'est pas encore revenu, si ?
— Eh bien, non, pas que je sache... Qu'est-ce qui se passe ?
— On peut aller ailleurs... ?
— Oui, bien sûr...

Malefoy indiqua une double-porte en bois entrouverte et la jeune femme s'y dirigea. Elle était tellement angoissée qu'elle ne remarqua même pas le décor du salon du Manoir Malefoy. Elle se contenta de jeter un œil vite-fait puis de pivoter vers Malefoy qui venait de refermer la porte après lui.

— Alors ? demanda-t-il.

Hermione ouvrit la bouche et remua la mâchoire. Elle baissa ensuite le nez et inspira profondément.

— Tu veux savoir ce que j'ai fait cette année passée ? demanda-t-elle.

Elle déglutit et Malefoy pinça la bouche en opinant. Il tendit alors une main, prit la jeune femme par le coude et l'invita à aller s'asseoir.

— Écoute, Granger, je sais, d'accord, dit-il.
— Tu...

La voix de la brunette s'étrangla dans sa gorge.

— Oui, je sais, répondit Malefoy. J'ai... Tu te souviens, l'autre jour, dans la ruelle, quand tu m'as abandonné ton sandwich ?

Hermione referma la bouche.

— Je... Oui, je m'en souviens, je suis partie en te le laissant, je n'avais plus faim, mais...
— Eh bien, quand tu n'as plus été à portée, j'ai songé à partir, mais un petit garçon m'a interpellé, Joshua, je crois... Tu le connais ?

Hermione avala sa salive et opina, puis elle soupira.

— C'est le fils d'une prostituée, répondit-elle. Il vit plus dans la rue qu'avec sa mère, mais ce qu'il vole, il lui ramène...

Malefoy opina.

— Il m'a dit que contre mon sandwich, il me conduisait là où tu vivais...

Hermione opina.

— Iris m'en a parlé quand je suis rentrée, dit-elle. Je... Joshua n'a pas le droit d'amener des hommes aux filles, il... Il sait que ça peut être dangereux, il...

Elle secoua la tête et Malefoy se leva alors et lui proposa un fond d'alcool. La jeune femme accepta d'un mouvement de tête et le blond revint en lui tendant le verre qu'elle regarda d'un air un peu lointain.

— Tu le sais... dit-elle alors en posant son verre dans son autre main sur ses cuisses. Et tu ne dis rien ? Qui d'autre le sait ?
— Mon père... Du moins, il refuse d'y croire...
— Il sera bien obligé maintenant. Il m'a posé directement la question, juste avant que je n'arrive ici...

Malefoy hocha lentement la tête.

— Je vois... Ne t'en fais pas, il va s'en remettre. Il ne te fera aucun mal et il ne te tournera pas le dos. Il lui faut juste un peu de temps pour encaisser.

Hermione secoua la tête et passa sa langue sur ses lèvres.

— Je me fiche qu'il me tourne le dos, dit-elle en haussant les épaules. Nous n'avons rien en commun, lui et moi... Ce que je crains, c'est qu'il n'en parle à Harry ou à Ron, ou à Percy...
— Il ne le fera pas.
— Tu en es bien sûr...
— C'est mon père, Granger, répondit Malefoy avec un sourire en coin. Je le connais comme si je l'avais fait...

Hermione sourit puis renifla. Malefoy lui prit alors la main et la serra dans la sienne.

— Tu vas t'en sortir, dit-il. Nous allons t'aider, d'accord ? Tu as de l'argent de côté ?
— Oui. C'est de l'argent sale, mais c'est de l'argent, et j'ai tâché de mettre de côté tout ce que je pouvais pendant l'année écoulée. Je... J'ai de quoi vivre confortablement pendant plusieurs mois, mais...

Malefoy opina.

— Je pourrais te proposer de t'installer ici, le temps de rebondir, dit-il. Mais cela dépendra de mon père. Le Manoir est à lui et...

Hermione opina.

— Je dois partir, dit-elle alors en se levant. Je... Tiens-moi au courant, d'accord ?

Malefoy se leva et hocha la tête puis la jeune femme s'éloigna des meubles et transplana.

— Entrez, père, dit alors Malefoy en pivotant.

Lucius entra dans le salon et regarda son fils.

— Elle est la bienvenue ici, c'est une évidence, dit-il. Mais est-ce une bonne idée ? Après tout, c'est une prostituée...
Ancienne, corrigea Malefoy Junior. Elle ne veut plus de tout ça, elle veut redevenir Hermione Granger et obtenir le crédit qu'elle mérite pour la mort du Lord.
— Ancienne peut-être, mais pour les gens du Chemin de Traverse, elle restera Miss Jean ! grogna Lucius en s'effondrant dans un fauteuil. Et que vont dire ses amis quand ils l'apprendront ? Toi, tu le savais déjà, du moins tu l'as compris tout seul, mais eux ?
— Et vous, père ?

Lucius regarda son fils avec étonnement.

— Moi ? Quoi, moi ?
— Comment avez-vous réagi ? Vous n'êtes rien pour elle, ni un membre de sa famille, ni un ami, tout juste une connaissance, mais elle vous l'a dit, elle a été franche avec vous...

Lucius serra les mâchoires.

— J'ai tourné les talons et quitté le Chaudron Baveur sans me retourner, dit-il en évitant le regard accusateur de son fils.

Malefoy Junior leva les mains et soupira.

— Parfait, dit-il. Elle avait juste besoin de ça...
— Nous ne sommes pas amis, Drago ! persiffla aussitôt Lucius. J'ai voulu l'aider, elle ne veut pas de mon aide, qu'elle reste dans son coin.
— Vous aurait-elle avoué son « passé » si elle ne voulait vraiment pas de votre aide ? demanda Malefoy. Elle a besoin d'aide et la seule personne qui puisse lui en fournir actuellement, c'est vous, par mon biais certes, mais vous, père, et personne d'autre !
— Percy Weasley est plus proche du Ministre que je ne le serais jamais plus !
— Peut-être. Sans doute même, mais vous avez toujours des amis au Ministère, notre nom vaut encore quelque chose, non ?
— Oui mais... Je ne sais pas, à vrai dire.

Lucius soupira puis se leva en s'appuyant lourdement sur les accoudoirs du fauteuil. Son fils l'observa et grimaça.

— Vous me semblez plus fatigué chaque jour qui passe, dit-il en croisant les bras. Allez-vous bien, père ?
— Bien ? Oui, je vais bien, mais parfois, les maltraitances subies à Azkaban me rattrapent... répondit l'homme blond. Je n'ai plus trente ans, mon fils, cela ne va pas aller en s'arrangeant...

Il se redressa en grimaçant et soupira.

— Quoi qu'il en soit, ma porte lui est ouverte, si elle le désire, dit-il.
— Je le lui dirait, répondit Drago. Mais essayez de digérer l'info avant son arrivée sinon l'ambiance risque d'être bien pourrie ici...

Lucius serra les mâchoires puis quitta la pièce et Drago soupira. Il se rassit lentement dans le canapé et posa son menton dans sa main. L'horreur de la situation de son ancienne camarade de classe lui remonta alors dans la gorge en une bile amère et brûlante.

Comment ? Comment pouvait-on descendre si bas au point que vendre son corps était devenu la seule et unique chose à faire ?
Malefoy déglutit. Soudain, il se leva et monta dans sa chambre. Il récupéra quelques affaires et retourna dans le hall d'entrée. Il s'arrêta devant une table, près de la porte d'entrée, et farfouilla dans un étalage de clefs suspendues dans un boitier en bois.

— Que faites-vous, Maître ?
— Nellis, dit le blond en se retournant. Prépare la chambre d'amis, tu veux ? Je vais aller chercher une amie à moi qui va séjourner un moment chez nous.
— Une fille ? demanda l'Elfe de Maison en agitant les oreilles.
— Oui, une ancienne camarade de classe qui a touché le fond. Prépare-lui une chambre confortable, d'accord ?
— Dois-je avertir le Maître ?
— Non, il est au courant.

Nellis hocha la tête puis Drago transplana et reparut sur le Chemin de Traverse, dans la courette derrière le Chaudron Baveur, exactement.

.

— Bonjour, Tom.
— Oh, Drago Malefoy, dit le vieux barman édenté, surpris. Il y avait bien longtemps qu'on ne vous avait vu ici...

Le blond ne répondit rien.

— Hermione Granger est dans les parages ?

Tom plissa un œil et Malefoy leva les mains.

— Je ne lui veut aucun mal, dit-il.
— Mouais. Bougez pas de là...

Tom se détourna et disparut par une porte derrière le bar. Malefoy l'entendit discuter puis un bruit d'eau qui coule s'arrêta et Hermione apparut, suivie de Tom qui s'éloigna pour continuer son service.

— Tu bosses dans ce boui-boui ? demanda Malefoy, surpris, en voyant le tablier grisâtre et le torchon qu'Hermione avait dans les mains.
— Quand je m'ennuie, seulement. Qu'est-ce que tu veux ?
— J'ai parlé à mon père, tu es la bienvenue au manoir.

Hermione haussa un sourcil.

— J'imagine que tu fais ça par pitié, non ? Et ton père aussi ?

Malefoy serra les lèvres.

— Non, dit-il. Pas de pitié. Disons que je suis plutôt choqué par ce qui t'es arrivé. Comment peut-on en arriver là ?

Hermione se mordit les lèvres et détourna la tête.

— Quand vous n'avez plus personne sur qui compter, la vie n'a plus aucune saveur... Devenir une pute a été l'option la moins mortelle que j'ai envisagée ces derniers mois...
— Mortelle ? Mais...

Malefoy ferma les yeux. Il soupira ensuite puis fouilla dans sa poche et en sortit une grosse clef noire en métal.

— La clef du manoir, dit-il. Tu connais le mot de passe du portail d'entrée. Nellis t'a déjà préparé une chambre. Tu peux venir quand tu veux.
— Et ton père ? demanda Hermione en passant sa langue sur ses lèvres.
— Mon père est très remonté contre toi, je dois te le dire, répondit le Serpentard. Mais même si nous n'avons jamais été amis, je n'ai pas le droit de te laisser comme ça. Il en va de mon honneur et s'il t'arrivait quelque chose alors que j'avais la possibilité de l'en empêcher, je ne me le pardonnerai jamais.

Hermione regarda la clef posée sur le comptoir. Elle la tira à elle du bout des doigts, serrant les lèvres, puis elle la prit et déglutit. Elle détourna ensuite la tête en passant sa main sur ses joues. Malefoy posa une main sur son épaule et elle esquissa un sourire.

— Quand on a touché le fond, Granger, il n'y a qu'un moyen pour s'en sortir...
— Remonter, acheva la jeune femme.

Elle eut un bref rire puis elle contourna le comptoir et enlaça le Serpentard qui la serra dans ses bras.

— Merci, Malefoy... dit-elle en reculant. Le Ministère refuse toujours d'entendre raison, mais grâce à toi et à ton père, je vais pouvoir avoir de nouvelles armes pour me battre contre lui. Je vais récupérer Harry, puis Ron, et ensemble, nous allons nous faire entendre et réparer l'injustice.

Malefoy sourit.

— On dirait que tu vas partir à la guerre, dit-il doucement.
— J'ai passé un an dans les bas-fonds puants du monde sorcier à me faire sauter pour de l'argent à cause du Ministère, gronda la brunette. J'ai bien l'intention qu'il paie !
— Du calme...

Hermione soupira. Elle retourna derrière le comptoir et prit la clef de bronze dans sa main. Elle la glissa dans son tablier et serra les mâchoires.

— Merci, dit-elle néanmoins. Je pourrais rester ici, mais il y a trop de monde qui me connait sous mon mauvais jour...
— Chez mon père, tu seras en sécurité, il n'y a pas une habitation à dix kilomètres à la ronde... et la maison la plus proche est celle de Rogue...

Hermione baissa le nez. Malefoy détourna la tête et la Gryffondor soupira.

— Quelque chose a été fait pour lui ? demanda-t-elle.
— Oui. Il a été enterré sur le domaine de Poudlard, près de Dumbledore...
— Tu y étais ?

Malefoy opina.

— Votre absence à tous les trois a été très remarquée et certains étaient même surpris que vous ne soyez pas là...

Hermione déglutit et hocha lentement la tête.

— J'imagine... Les profs ont dit quelque chose ?
— McGonagall m'a demandé si je vous avais vus, Potter, Weasley ou toi, depuis la bataille, mais comme j'ai fui avec mes parents jusque fin juin, j'ai répondu que non... Quelques autres ont assuré t'avoir vue sur le Chemin de Traverse, mais tu es une jeune femme passe partout, je veux dire, on peut te confondre avec n'importe qui alors...

Hermione soupira et hocha lentement la tête. Elle glissa ensuite sa main dans la poche de son tablier et serra la clef de bronze.

— Prends ton temps, dit alors Malefoy. Mon père attend ta venue, mais il comprendra que tu ne débarques pas demain... As-tu des affaires ?

Hermione secoua la tête.

— Un carton de vêtements, quelques bibelots, dit-elle avec un haussement d'épaules. Rien qui ne tienne pas dans mon sac sans fond...

Malefoy esquissa un sourire. Il embrassa alors la jeune femme sur la joue puis passa sa main contre sa tempe pour repousser ses cheveux.

— Tu auras bientôt tout ce que tu veux, Granger, dit-il doucement. Et si ça n'avait tenu qu'à moi, je t'aurais aidée beaucoup mieux, mais je suis fiancé, je ne peux rien faire pour toi...
— Tu fais déjà énormément, Malefoy, répondit la jeune femme en lui prenant la main. Toi qui me détestait tant à l'époque de Poudlard, te voilà en train de me proposer ton aide... Je n'en espérais pas tant, crois-moi.

Malefoy hocha la tête et Hermione pinça les lèvres et effleura l'anneau d'argent que le blond avait la main droite.

— Fiancé, alors ? dit-elle. Je la connais ?
— Je pense... C'est Astoria Greengrass, la sœur de Daphné...

Hermione opina.

— Elle est belle ?

Malefoy sourit.

— Oui, dit-il. Elle est belle, elle est cultivée et elle est apte à faire des enfants.
— Tu es amoureux ?

Le blond rangea son sourire.

— Non, répondit-il franchement. Mais ce mariage n'est pas un mariage d'amour, Granger, cela viendra éventuellement avec le temps, mais jusque-là, c'est un mariage de convenances, pour renflouer les coffres de mon père et redorer notre blason.
— Je comprends... Je crois. Que va faire ta mère quand le divorce sera effectif ?
— Se trouver un autre mari, je suppose, répondit Malefoy. Ou bien rester seule et s'occuper de tout ce qu'elle voulait faire sans le pouvoir pendant qu'elle était mariée.
— Narcissa ne m'a jamais paru être une personne soumise, si ?
— Soumise non, mais à la laisse raccourcie, ça oui. Surtout quand Voldemort est revenu d'entre les morts... Mon père lui tenait la laisse courte pour qu'elle ne dilapide pas notre argent, mais une fois Voldemort revenu, il lui a interdit beaucoup de choses et elle n'a pas franchement apprécié.
— À ce point ?
— Ma mère est quelqu'un de très libre, Granger, elle aime faire sa vie comme elle l'entend, mais elle doit quand même se plier aux règles de son mari...
— Tu vas imposer des règles à Astoria, toi aussi ?
— Si nécessaire, oui...

Hermione baissa le nez, pinça la bouche, puis retourna derrière son comptoir. Elle attrapa un verre et une bouteille de Old et poussa le verre vers Malefoy.

— Je paie, dit-elle.
— En quel honneur ?
— Tu le sais.

Malefoy opina. Hermione se servit un autre verre et ils trinquèrent puis le Serpentard s'en alla par le Chemin de Traverse et Hermione alla annoncer à Tom qu'elle allait prochainement le quitter.

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