CHAPITRE 7
Bon, maintenant que le choix du livre est fait : il faut travailler.
Et avant tout, se motiver. Heureusement, c'est un livre qui me plaît beaucoup. D'ailleurs, je suis encore surprise que Léandre Hellespont ait accepté de choisir Jane Eyre, mais ce qui m'étonne c'est ce qu'il a dit. Léandre Hellespont, le mec le plus populaire de la licence, le plus beau avec un charisme indéniable, aime la romance. Après, j'ai peut-être l'esprit hyper stéréotypé pour oser être surprise. S'il n'y avait pas tous ces stéréotypes, ces clichés que l'humain à créer au fil des siècles alors il n'y aurait plus de surprise et on trouverait toutes ces choses d'un banal fou. Un garçon jouant à la poupée, une fille faisant des courses de moto, un garçon qui fait à manger, une fille qui se bat pour la justice, un garçon qui respecte les femmes, une fille présidente. Tout peut être inversé, dans la vie, il n'y a pas qu'un unique sens qui détermine la vie de chacun selon le genre que nous sommes. Si on trouvait toutes ces choses banales, normales. Comme le consentement, le respect, aimer quelqu'un du même genre que soi ou alors vouloir changer de genre. La guerre serait peut-être finie depuis longtemps.
— Hey, Eve ! Tu es avec nous ?
Je lève les yeux vers Camille, son visage proche de moi avec les yeux si grands qu'on dirait un poisson. Non, mieux ! La tête de Dory.
— Enfin réveillée ? s’enquiert Julie, sa brioche dans la bouche.
— Ce n'est pas dans tes habitudes d'être dans la lune aussi longtemps, tu pensais à quoi ?
Je hausse les épaules.
— Pas grand chose.
Camille plisse aussitôt les yeux dans ma direction alors que, derrière elle, Julie s'en moque et préfère manger sa deuxième brioche. Et devant nous, la face de l'université commence à apparaître avec sa passerelle qui passe au-dessus de la route.
Lorsque je traverse cette fameuse passerelle et que je regarde la route juste en dessous avec toutes ces voitures qui passent pour aller je ne sais où, j'ai toujours cette drôle d'impression d'être à l'écart du monde. Cette passerelle est comme un arrêt dans le temps mais même si elle a cette particularité, pour moi, elle donne aussi cette sensation de hauteur. Et la hauteur est synonyme de grandeur. Si grand que l'on pourrait toucher le ciel.
Cette fois, c'est la voix de Julie qui me ramène à la réalité :
— Au fait, ça s'est bien passé avec Léandre Jeudi dernier ?
— Ah oui ! s'exclame Camille. C'était à la bibliothèque ! C'est nul comme rencard…
Elle soupire mais Julie la coupe dans son élan en tapant gentiment l'arrière de sa tête.
— Eh !
— Elle a déjà dit que ce n'était pas un rencard, rectifie Julie à ma place avant de caresser la tête de Camille. Tu devrais calmer ton imagination. Elle est peut-être trop envahissante pour Eve.
— Un peu. Surtout que…ça ne risque pas d'arriver. Je crois que l'amour n'est pas pour moi.
Camille sort de nouveau de ses gonds car ses deux mains se plaquent sur mes joues. Julie ne se retient pas de soupirer devant l'implication acharnée de Camille.
— Ne raconte pas de connerie, Eve ! Tout le monde a le droit à l'amour, n'en doute pas. En plus, tu es une fille géniale.
Sa déclaration m'oblige à retenir une petite larme d'émotion.
— Allez les filles ! Câlin !
Julie n'a pas le temps de rouler ses pupilles vers le ciel que le bras de notre amie s'enroule autour de son bras pour la tirer vers nous. Et elle fait de même avec moi pour une étreinte collective.
Je souris.
Je me sens si bien.
J'ai longtemps douté à cause de la solitude. Avec elles, c'est une certitude. J'ai enfin trouvé le groupe d'amis que j'ai toujours rêvé d'avoir, j'ai des amies en or que je ne veux surtout pas lâcher maintenant.
— Je n'aime pas les câlins…bredouille Julie.
Après une seconde, moi et Camille, on explose de rire alors qu'on resserre cette étreinte pour le plus grand plaisir de la brune.
— Tant pis, c'est une prise d'otage, rit Camille.
Finalement, Julie nous rejoint et nous expose son rire si rare qu'on apprécie chaque note de sa voix.
Oui. C'est certain. J'ai les meilleures amies que je puisse avoir au monde.
— Bon, on devrait y aller sinon on va être à la bourre, rié-je.
Dès que je franchis le seuil de mon appartement, je claque la porte et la verrouille avant de jeter mon sac sur le lit encore défait de ce matin. Puis je me dirige vers mon bureau pour m’avachir sur ma chaise à roulettes. J'enfile mon casque à oreille de chat et j'allume mon nouvel ordinateur.
Pour les oreilles de chat, c'est une fantaisie. Petite, j'ai toujours voulu en avoir un. Je trouvais, et je trouve, ça trop mignon. Ma mère riait quand je lui ai envoyé une photo avec mon casque aux oreilles. Quant à mon père, je l'entendais déjà soupirer malgré qu'il ne soit pas avec moi.
Une fois l'ordinateur démarré, je tape mon code puis je fonce sur discord avant de rejoindre l'appel :
— Hey Lullaby ! Ça fait un bail que tu ne t'es pas connecté !
J'esquisse un sourire.
— Désolé. Les études me prennent mon temps.
— Tu me dois un roleplay, Lullaby !
— Si tu insistes, je vais continuer à te faire languir encore longtemps, me moqué-je.
Son rire résonne à mes oreilles.
— Même hors roleplay, tu restes sadiques. C'est pas juste.
— Tu n'as qu'à te trouver une autre partenaire, suggéré-je en ouvrant un paquet de chips.
— Tu le sais que c'est impossible. Il n'y a que toi pour moi. D'ailleurs, il faudrait qu'on se rencontre un jour. Ça fait déjà trois ans qu'on fait du R.P. ensemble.
— Nah. Impossible. Je ne mélange pas réel et virtuel. Ce n'est pas un très bon mélange.
— Dommage, my angel…
Je lève les yeux au ciel avec un mince sourire.
— Pour me faire pardonner, je veux bien qu'on R.P. ce soir.
— Tu changes vite d'avis, rit-il. Mais ça ne me déplaît pas.
Je bois une gorgée de Fuze Tea puis il ajoute :
— On commence quand ?
— Maintenant ?
***
Un gémissement plaintif s'échappe de mes lèvres alors que ma main cherche mon téléphone pour éteindre ce satané réveil qui pourrait me faire cauchemarder. Il est si affreux que même mes voisins tapent du pied pour me hurler de l'éteindre. Les murs sont si fins dans cet appartement qu'on est comme dans une seule et même maison, comme une famille entre voisins. Tellement de proximité avec les uns et les autres que je suis ravie d'être célibataire. En couple, on ne pourrait même pas faire l'amour. On ferait sûrement trop de bruit. Ou pas. Je n'en sais rien.
Qu'est-ce que je raconte, moi ? Je n'ai aucune expérience. Peut-être que le bruit n'est qu'un mythe quand on fait ce genre de pratique.
Ma mine est affreuse lorsque je passe devant le miroir.
Des cernes, les cheveux décoiffés et je ne parle pas de l'odeur de mes aisselles. Je n'ai même pas le temps de prendre une douche…
Je me prépare en vitesse, je me coiffe avec la grimace puis je mets une tonne de déodorant pour camoufler la mauvaise odeur. Lorsque je vois l'heure, je m'empresse de sortir de l'appartement.
Deux tours puis je vérifie que c'est bien fermé avant de courir dans les escaliers. Mon cœur sursaute lorsque le bus passe devant moi. Mes pieds n'ont pas besoin d'attendre le message de mon cerveau qu'ils foncent jusqu'à l'arrêt de bus alors que mes mains sortent ma carte de bus je m’arme avant de sauter dans le bus. Je n'ai pas le temps de lâcher un soupir de soulagement que le véhicule commence déjà à rouler pour entraîner mes pas à l'arrière du bus.
J'ai toujours été habitué à ces bus scolaires de campagne. Eux, les chauffeurs, ils étaient sympas et attendaient qu'on soit tous assis. En ville c'est très différent. De nombreuses fois, je me suis imaginée rouler le long de l'allée sauf que je suis étonnement surprise car j'ai un équilibre qui rivalise avec les plus grands guerriers. Je suis fière de ne pas être tombée une seule fois mais je l'admet, j'ai déjà frôlé la catastrophe.
Alors que ma main s'accroche à la barre, que mon pouce défile ma playlist Deezer, une notification s'abaisse sur mon écran. Et alors que je m'apprête à râler intérieurement, le nom affiché m'en empêche.
<<Ça te dit qu'on se retrouve ce week-end pour travailler ?>>
De Léandre Hellespont.
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