CHAPITRE 5
Il m'aura fallu du temps.
Allongée sur mon lit, ma main se lève au-dessus de ma tête. Tout le reste était flou excepté son numéro. Je me rappelle encore y avoir réfléchi toute la nuit. Je me suis demandée à quel moment il a pu écrire son numéro sur mon poignet.
J'ai encore la sensation de ses mains chaudes sur mes hanches, son regard sur moi. Cette soirée envahit tellement ma tête que je ne me suis pas connecté sur discord depuis deux jours, moi qui ai l'habitude d'y passer tout mon temps. Ce soir, j'y retourne. Je dois cesser de penser à Léandre, mais je dois aussi lui envoyer un message.
Oh putain.
Jusqu'ici je n'ai pas arrêté de faire le premier pas vers lui et il n'y a que moi qui ait son numéro, il n'a pas le mien. Il me force à avancer de nouveau vers lui ! Je suis introvertie, une fille qui a horreur de sociabiliser. Il veut vraiment que je fasse le premier pas ?
Je lâche un soupir avant de faire la moue.
Je n'ai pas le choix après tout, on a un travail à faire et une bonne note à obtenir.
***
La joue contre mon poing, mes yeux rivés sur Léandre Hellespont qui est à deux rangs devant moi. Il faut que je trouve le courage de lui parler, ou au moins d'envoyer le premier message.
Je déglutis.
Les voix imaginaires de mes deux amies surgissent dans ma tête. Elles m'encouragent, je le sens. Elles ne sont pas présentes physiquement mais je dois apprendre à déployer mes ailes, seule et sans personne.
Je soupire avant de sortir mon téléphone, discrètement. Mon doigt appuie sur son profil puis j'envoie le premier message :
<<Salut>>
C'est très banal mais c'est la seule chose qui m'est venue en tête et pour un simple salut, mon cœur bat à toute vitesse. Mes iris glissent sur sa silhouette. Ses cheveux d'or qui retombent sur ses yeux, son air concentré sur le cours jusqu'à ce que l'écran de son téléphone s'allume dans sa poche et semble vibrer car sa main glisse la poche de son jean pour récupérer son portable et le sortir devant lui, sous ses yeux. Je n'ai même pas le temps de le regarder plus longtemps que je reçois déjà une réponse. La lumière de mon téléphone s'active et la barre de message affiche son profil :
<<Salut>>
Pourquoi a-t-il fallu qu'il répète la même chose que moi ?
Ma capacité à avoir de la conversation est comme celle d'une huître. Je n'ai aucune idée. Que dois-je dire ? Surtout que les battements de mon cœur viennent accabler mes pensées. Mes joues prennent une teinte rouge, je sens la chaleur qui grimpe sur mes pommettes.
La honte. Je lui lâche un vu de deux minutes, là. Déjà que j'avais l'air cinglé à la soirée, le voir pour son numéro dans une boîte de nuit alors que le but est très sérieux.
Que feraient les filles à ma place ? Qu'est-ce qu'elles diraient ?
Mon cœur cesse soudain de fonctionner lorsqu'un nouveau message s'affiche et ça vient de lui :
<<Quand veux-tu qu'on commence à bosser ?>>
D'un côté, le plus tôt serait le mieux. Au moins je n'aurai pas besoin de le retenir plus longtemps que ça. On travaille, on finit et nos routes se séparent. C'est comme ça que je le vois.
Mes doigts pianotent sur le clavier pour répondre :
<<Vendredi soir ?>>
Du coin de l'oeil, il se ronge l'ongle pour répondre :
<<Pas possible pour moi. Jeudi ? On n'a pas le cours de seize heures.>>
Je fronce les sourcils, surprise mais finalement, ça me va alors je m'empresse de répondre :
<<Ok !>>
Pourquoi j'ai mis un point d'exclamation ? On dirait que j'ai hâte d'être jeudi, de le voir alors que pas du tout. J'ai seulement hâte qu'on termine ce devoir maison.
Lorsque je sors de la salle, je franchis quelques couleurs avant d'emprunter la porte J qui mène à la sortie. J'attends que les voitures passent puis je traverse, au loin le tramway passe et suite à son passage, mes yeux tombent sur mes deux amies qui m'attendent.
Camille lève son bras en l'air et le secoue dans ma direction avec son même sourire enjouée qu'elle arbore en permanence. Quant à Julie, elle est sur son téléphone avec un visage si fermé et concentré que je me pose des questions. Peut-être qu'elle a des problèmes avec son copain. Ce qui est possible. En tout cas, je la connais assez pour savoir qu'elle est tracassée.
- Salut ! s'exclame Camille. On mange où aujourd'hui ?
Je hausse les épaules.
- On n'a qu'à manger au Columbus, propose Julie après avoir rangé son téléphone dans la poche de sa veste en cuir.
Moi et Camille on acquiesce puis aussitôt, on se dirige là-bas.
Et après avoir pris notre commande, on s'installe sur une table dans un coin.
- Tu sais qu'on s'approche de l'hiver, pourquoi boire un milkshake ?
Mes yeux se lèvent vers Julie qui cueille la chantilly sur son latté.
- J'aime ça.
Camille laisse échapper un rictus, ce qui nous fait tourner la tête vers elle. Cette dernière ricane nerveusement en sentant nos regards sur elle puis elle change de sujet pour me demander :
- Au fait, l'affaire avec Léandre Hellespont ?
- On se voit jeudi, avoué-je comme si c'était banal.
- Oh c'est trop bien ! s'exclame-t-elle.
- Du calme. On va juste travailler, c'est tout.
Elle roule des yeux alors que Julie s'exprime à sa place :
- Tu verras bien.
- D'ailleurs, vous vous retrouvez où ?
J'arrête de boire mon milkshake à la fraise.
- On n'en a même pas parlé...
- Donne lui rendez-vous chez toi alors, suggère Julie avec un petit sourire en coin.
Ma tête se secoue de droite à gauche alors que je termine d'avaler mon cookie choco noisette.
- Non, hors de question. C'est trop le bordel.
- T'as qu'à ranger, insiste Julie.
- Je vais lui proposer la bibliothèque, c'est très bien ça.
- Wow, super le rencard, pouffe Camille alors qu'on se tourne à nouveau vers elle.
Je roule des yeux.
- Ce n'est pas...
- Un rencard, on est juste là pour travailler, me coupent Julie et Camille en devinant mes paroles comme une évidence.
Je soupire mais, malgré tout, avec un petit sourire amusé.
Lorsque je suis chez moi, je me décide à ouvrir notre mince conversation pour lui envoyer un nouveau message malgré mes doigts hésitants au-dessus du clavier.
Mes doigts viennent jouer avec mon collier, ouvrir et fermer le médaillon en forme de cœur.
J'inspire une grande bouffée d'air avant d'écrire mon message :
<<On se retrouve jeudi à 14 heure, devant la bibliothèque.>>
Dès lors que mon pouce appuie sur la flèche, je laisse tomber mon téléphone alors que mon corps roule sur le matelas. Désormais sur le dos, le silence résonne de la même couleur que le plafond. Blanc, vide, muet et sourd. Seuls les battements de mon cœur planent dans la chambre de mon petit studio.
J'ai de nouveau osé envoyer un message.
À un garçon...
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