CHAPITRE 3
Je soupire. Encore et toujours.
Dans le fond des tréfonds, non. Des abysses même de mon âme ! Je n'ai pas voulu y aller mais, j'ai été forcé d'accepter car il y a une chose qui m'intéresse : le numéro de Léandre Hellespont. Il me le faut pour ce devoir, qu'on puisse travailler comme ça se sera fait et on pourra ensuite supprimer le numéro de l'autre.
Moi et les soirées dansantes, je n'ai jamais été à l'aise. Ma mère, fêtarde comme elle est, m'a forcé à danser devant les invités de son mariage. J'avais six ans et j'étais tétanisé sous les lumières vacillantes des projecteurs qui me donnaient le vertige.
La seule chose que j'apprécie dans ce genre de soirée, c'est de manger. À part ça, c'est l'ennui de regarder les autres s'amuser alors que moi, je n'en ai pas la moindre envie.
Je déglutis lorsqu'on arrive face à la boîte de nuit au néon rose pétillant qui me brûle les rétines. Cette immense bâtisse s'impose, me dépasse comme l'Everest. Tout aussi haut, grand et vertigineux.
Ce sont les filles qui m'ont habillé. Elles me connaissent bien et elles savent que je n'ai aucune robe dans mon armoire. Je ne porte que des jeans ou des joggings. La seule chose qui ressemble à une robe est juste une chemise de nuit Stitch. Et si je n'ai pas pu esquiver le choix de la tenue, j'ai pu néanmoins passer outre la séance maquillage. Alors rien sur mon visage hormis un rouge à lèvre assez discret. Il n'y a que ça que j'accepte de mettre. Pas de mascara ou autres.
L'immense porte s'ouvre sur une immense salle en bas dans laquelle danse une multitude de personnes, baignée sous les lumières des projecteurs et la musique du DJ qui ne tarde pas à m'assommer les oreilles. Tous ces gens ressemblent à des ombres, je peine à décrypter la couleur de leurs habits.
Les filles m'emmènent avec elles. Nous descendons les escaliers avant de rejoindre le comptoir du bar. Aussitôt que le barman tourne l'œil vers nous, que sa main libre se lève pour nous faire signe. Mes yeux s'attardent sur Julie et Camille qui semblent toutes les deux le connaître car avant même qu'elles ne prennent commande que leurs verres arrivent devant elles.
Le barman se tourne alors vers moi, un sourire en coin et un regard si déstabilisant que je souhaite qu'une chose : me planquer dans un trou de souris. Et de sa voix suave alors que sa main, munie de son chiffon, nettoie un verre, il me demande :
— Que veux-tu boire, trésor ?
Je déglutis.
Julie s'empresse d'avancer ses lèvres à mon oreille pour me donner une petite précision :
— Il ne te drague pas, t'inquiète. Il est gay et déjà casé.
Bizarrement, ça me rassure bien que ce surnom qu'il m'a donné me rend perplexe.
— Rien, ça ira.
Soudain, le bras de Camille s'enroule autour de mon cou.
— Elle va prendre la même chose que nous, mais en un petit peu moins fort !
— Ça marche, s'exclame le barman avec un clin d'œil avant de préparer la boisson.
Les filles vont me rendre chèvre. Surtout Camille qui sourit comme un emoji.
Le barman revient avec mon verre et Julie s'empresse aussitôt de me demander :
— Goûte et dit nous ce que t'en penses !
Mes mains saisissent le verre pour l'amener à mes lèvres puis je bois une gorgée avant de tousser comme un chimpanzé.
Julie se tord de rire.
— Tu me tue ! Cam, tu n'aurais pas dû lui prendre une boisson aussi forte !
— Mais j'ai précisé à Jacobe un tout petit peu mon fort !
Pour vérifier ses dires, elle me vole mon verre pour boire une gorgée. Elle sourit fièrement, léchant ses lèvres pour récupérer la dernière goutte et déclarer :
— Franchement…c'est soft !
— Mon cul, oui ! rétorque Julie avant que je ne m'étouffe à nouveau pour pouffer de rire.
On est vite rejoints par Camille qui rigole avec nous.
Quand je dis vierge de tout, ce n'est pas une blague. Je n'ai jamais bu une goutte d'alcool excepté lorsque j'ai eu mon brevet. J'ai détesté. Et je l'admets, il y a eu une deuxième fois, avec du soju. C'était trop pétillant et je n'aime pas ça. Pour la petite anecdote, une fois, j'ai failli vomir après avoir bu deux grands verres de Coca-Cola.
Camille, la grande aux cheveux châtains, bascule sa tête sans tous les sens. De droite et à gauche. Elle scrute chaque parcelle de la salle, analyse chaque personne dans la salle à travers la lumière vertigineuse qui danse, jusqu'à ce que ses yeux s'écarquillent. Et elle ne tarde pas à me faire signe en cognant son coude contre mon bras sans lâcher du regard sa cible.
-— Quoi ? laché-je.
— Là, regarde.
Toujours sans le regarder, ses deux mains saisissent mes jours pour faire pivoter ma tête.
— Je l'ai trouvé ton blondinet. Plus qu'à aller choper son numéro.
En effet, il est bien ici, sous mes yeux et parmi la foule. Entouré de belles étudiantes, ils dansent avec le haut de sa chemise ouverte et sa main occupée par son verre d'alcool.
Je déglutis.
Je crois que je retire ce que j'ai dit. Ce n'est pas la boîte de nuit qui est aussi immense que l'Everest mais bien la distance qui nous sépare lui et moi, et tout ce parcours que je dois gravir pour lui demander son numéro.
— Je peux pas, bégayé-je sans le quitter des yeux. J'irai lui demander en cours. C'est pas grave.
Camille me sourit.
— Es-tu certaine que tu osera ?
Je ne réponds pas alors elle continue.
— Il est juste là, en face. Tu n'as que quelques pas à faire et quelques étudiants à esquiver mais il est là. C'est l'occasion de lui demander sinon, je te connais, jamais tu n'osera.
— Mais-
Je n'ai pas le temps de finir ma phrase, d'ajouter le moindre mot que je me sens pousser des ailes. Ou plutôt des mains. En l'occurrence, celles de Camille qui me poussent vers l'avant. Mon pied droit s'avance. Je me tourne vers mon amie qui m'encourage à continuer alors j'ingurgite une grande inspiration avant de bloquer mes poumons.
Je bloque mes poumons avant de marcher à travers la foule, toujours mes yeux posés sur lui. Et ce n'est que maintenant que je réfléchis à ce que je vais dire sauf que rien ne vient. Rien. Aucun mot, aucune idée comme si tous ces mots appris que j'ai accumulé pendant dix-neuf ans venaient de se supprimer de ma mémoire.
Et alors que j'avance dans la foule d'étudiants, ma vue se brouille par deux silhouettes qui passent et me font de l'ombre.
Je ne le vois plus.
Léandre Hellespont était là, sous mes yeux. Il vient à nouveau de disparaître comme la dernière fois. Alors que je le tenais, j'avançais et j'étais à deux doigts de l'avoir cette fois-ci.
Mes pieds semblent s'enfoncer dans le sol.
Déprimé, je m'apprête à faire marche arrière quand une épaule me rentre dedans. Mes pieds s'emmêlent et mon corps bascule en arrière. Alors que mes yeux regardaient droit devant, je croise les projecteurs accrochés au plafond qui me brûlent les yeux. Soudain, une main s'enroule autour de mon poignet et je me retrouve projeté en avant. Que je distingue être le torse d'un homme, individu de sexe masculin et potentiellement sexy en vue de la puissance qui dégage de son torse.
Je déglutis à nouveau avant de lever le regard.
C'est d'abord la lumière qui agresse de nouveau mes pupilles puis doucement, l'éclairage diminue et mes yeux s'habituent. Mon cœur rate un battement lorsque je crois ces yeux marrons dont j'ai tant entendu parlé et ses mèches blondes qui retombent sur ses yeux.
Oh bordel !
C'est Léandre Hellespont qui vient de me rattraper comme les mecs de kdrama !
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