CHAPITRE 16
Dans une vie, il n'existe pas une seule seconde où l'on ne connaît pas un seul obstacle. Cela peut sembler insignifiant, mais le moindre pas en avant peut nous faire tomber. Les problèmes que l'on rencontre sont comme les feuilles d'hiver qui tombent sur le trottoir, mais on a beau esquiver, notre talon peut toujours venir glisser sur l'une d'elle. Tout s'écroule. Nos yeux, autrefois focalisés sur ces feuilles plus ou moins grandes, se lèvent vers le ciel gris. Il n'y a pas de vie sans obstacles, car sans obstacles, on apprend rien. À mesure que l'on vit, on finit par admettre que ces feuilles sont les fondations de notre existence. C'est cela qui nous fait grandir. Ces murs se dressent devant nous comme des dominos, mais impossible de les faire tomber. Nous sommes trop faibles face à leur grandeur alors on se doit de grimper. Jusqu'ici, j'ai toujours réussi même si je pouvais parfois mettre dès jours avant de parvenir de l'autre côté du rempart. Et c'est bien ce que je compte faire avec Léandre Hellespont.
Princesse ? Il en aime une autre ?
Je ne l'aime pas, loin de là. Il n'est qu'un inconnu, un camarade de classe sans importance, un simple binôme. Seulement, je me sens sale à cause de lui. Tachée de boue, de nos sueurs mélangées, de sa semence sur moi, son parfum qui reste collé sur ma peau. Il m'a marqué. Je me sens dégueulasse, immonde, repoussante.
Léandre Hellespont s'est bien joué de moi, il est tout sauf l'image de cet homme doux et irrespectueux. Ce n'est qu'un imbécile. Par dessus tout : un trompeur. Et en bref : un connard.
Sa princesse a été trompée et je suis dans le coup même si j'ignorais tout de son existence. Elle ne mérite pas Léandre. Et lui n'a pas mérité ma première fois. Ce matin je rêvais d'hier soir comme un magnifique rêve, une jouissance absolue. Désormais, voilà que se souvenir se pourri.
Je n'arrive même plus à me regarder à travers un putain de miroir.
Je déteste cet homme. Comment a-t-il pu pourrir ma première fois à cause d'un seul mot ? Princesse. Il y a mieux ! Il a utilisé un déterminant possessif. Ma princesse. Il a brisé ce rêve de vivre ma première fois. Il s'est plaint de sa première fois ratée, laisse moi rire, la mienne est aussi ratée que la sienne !
Camille envoie un message sur notre groupe Instagram, avec moi et Julie. Mes yeux jettent un rapide coup d'œil avant que mes doigts se mettent à taper fortement sur mon clavier.
J'ai les nerfs en feu. Je ne peux pas les voir maintenant.
Je me sens… si dégoûtante. Les histoires de tromperies m'ont toujours profondément dégoûté et, sans m'en rendre compte plus tôt, je suis devenue ce genre de femme qui couche avec un homme en couple. Si j'avais su, je l'aurais jeté dans les rosiers en le traitant de salop. Car c'est ce qu'il est et j'ai eu tort d'être aussi insouciante. Ma naïveté a pris trop de place, encore une fois. Cela ne doit plus jamais arriver.
Je prends le tramway, scan ma carte et ma main s'accroche aussitôt à une des barres vertes puis au bout de six minutes, je sors le plus vite du transport.
Il y a tellement de monde que cela m'étouffe. Surtout que c'est plein de collégiens qui n'ont aucune politesse. Ils poussent comme des bourrins, comme si c'était la cantine.
Alors que j'approche de la gare, mes yeux scrutent les alentours, comme d'habitude, avant de se poser sur un couple. Un homme aux cheveux courts, un style plutôt sportif : veste bleu clair de sport, jogging. Et ce dernier à son bras autour de l'épaule de la femme voilée.
C'est plutôt possessif comme accroche en pleine rue.
Soudain, la fille se tourne vers moi, son bras se lève sous son visage puis sa main bascule de haut en bas.
Mon cœur palpite, mon corps tremble.
Je continue mon chemin avant de m'arrêter pour regarder ce binôme de dos, s'en aller.
Je déglutis.
Je n'arrive plus à respirer. J'ai un pressentiment mais j'ignore si c'est le bon.
Mes poings se serrent et mes jambes changent de trajectoire, j'accélère mes pas, j'approche, le souffle coupé, les poumons en feu, le rythme saccadé puis ma main s'accapare du poignet de la jeune femme. L'homme me regarde presque furieux, embêté et ennuyé par mon intervention.
— Excuse-moi, on est en binôme sur un devoir, ça te dit qu'on aille en parler ? bégayé-je.
Tout mon corps tremble, je tente pourtant de me contrôler mais c'est plus fort que moi. Mes muscles ne répondent plus aux messages envoyés par mon cerveau. Il n'y a plus rien qui soit sous mon contrôle.
Mon cœur sursaute lorsque l'homme au survêt bleu, fin et pas très beau, me repousse. Je manque de tomber mais je me rattrape alors que la jeune femme me regarde apeuré, inquiète et surtout : si seule.
— Y a quoi ? lance l’individu. Tu ne vois pas que je suis avec ma copine, là ?
Je déglutis.
— Et alors ? On a un cours qui vient d'être décalé… Elle doit venir, point.
Il sort un rire jaune qui glace mon sang.
— Ah ouais ? Tu as dit que vous aviez un devoir. Tu ne m'as pas parlé de cours déplacés. Te fou pas de moi et dégage.
Toujours le bras autour de la jeune fille, il se retourne pour partir.
— Non ! m’écrié-je en saisissant de nouveau le poignet de la jeune fille.
— Putain… Dégage !
Des gens commencent à regarder dans notre direction.
Il me toise, clairement pas content de mon intervention. J'ai une soudaine envie de pleurer mais aussi de hurler.
Cette fille m'a fait signe, ce n'est sûrement pas pour rien. Son regard en dit long. Elle est muette, paniquée de l'intérieur. Ses sourcils sont froncés vers le haut comme si elle était sur le point de craquer, de s'écrouler sur le bitume et de fondre de désespoir. Personne ne fait un signe pour rien, encore moins les femmes. Ses doigts tremblent sous mon poignet.
— Je ne partirai pas, bafouillé-je. E…elle a peur… tu l'as forcé à venir avec toi…
— C'est quoi ces conneries ? se marre-t-il. C'est ma copine putain !
Je lève la tête, la mâchoire serrée et les lèvres collées.
— Dégage ! hurlé-je sous la panique. Tu ne vois pas qu'elle n'est pas d'accord ? Ce n'est pas ta copine alors va-t-en !
Il lâche un rictus suivi d'un rire diabolique qui me fait frissonner. Il s'approche de moi, lentement. Les battements de mon cœur s'accélèrent à chacun de ses pas. Et au moment où sa langue claque contre son palais, qu'il lève la main, je ferme les yeux.
Il n'y a aucun son ni aucun contact sur moi. C'est juste le vide qui semble entourer mon corps, une paix silencieuse qui apaise mon muscle cardiaque.
— Lâche-moi, connard ! hurle l'homme.
Dès lors que mes paupières se lèvent pour se ranger, le bras de l'homme qui m'était destiné est maintenu par une main puissante auquel apparaissent deux veines. Le regard de cet homme est encore plus furieux désormais, les sourcils froncés, son regard posé à côté de moi. Une quatrième ombre s'est déroulée sur le bitume.
Je lève les yeux, mon souffle se libère d'un seul coup. Léandre Hellespont foudroie l'homme, les poings serrés. L'autre homme commence à se tordre de douleur tout comme son visage déformé par la colère et la souffrance. L'homme de lettres libère son bras d'un coup sec. Et mes sourcils se lèvent vers le ciel, son poignet est rouge.
— Dégage, lâche sèchement Léandre.
L'homme tique avant de partir, frustré.
La jeune femme regagne son souffle perdu puis nous remercie avant de partir. Après ça, je me tourne vers Léandre. Il paraît inquiet et alors qu'il s'apprête à me demander si je veux bien, je le coupe :
— Laisse-moi.
Il fronce les sourcils, confus.
Je continue ma route mais il persiste à me suivre.
Mon cœur bat toujours autant mais il est aussi oppressé par la présence de ce connard.
— Pourquoi es-tu froide d'un seul coup ? s'exclame-t-il, frustré de ma détermination.
J'ignore pourquoi ça me touche autant mais mes rétines me brûlent, l'eau salée vient baigner la surface de mes yeux. Les larmes manifestent leur déception, leur colère, désarroi.
Je me tourne vers lui. Il s'apprête à parler mais devient muet lorsque son regard s'attarde sur mon visage.
— Ne viens pas me demander pourquoi alors que tu le sais. Je t'ai autorisé à prendre ma virginité, quelque chose d'unique, mais tu as anéanti cette chose que je rêvais de vivre dès l'instant que ce surnom est sorti de ta bouche qui m'a embrassé de partout. Ma princesse. Je t'ai servi à tromper ta copine ?
Il devient muet. La bouche fermée, le visage perdu.
— Léandre Hellespont, je te déteste.
Ces mots sortent de moi, de mes tripes et pourtant, il y a toujours cette boule dans la gorge qui reste difficile à avaler. La digestion doit être encore plus terrible.
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Je dédie ce chapitre avant tout à cette fille qui m'a fait un geste de la main, et j'espère que ce n'était rien et qu'elle va bien. (15/01/2025)
Je dédie ce chapitre également à toutes les femmes.
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