CHAPITRE 11
Résultat, je l'ai fait toute seule même si mes pensées étaient ailleurs. Sur une seule et même personne : Léandre Hellespont.
La trace de ses baisers reste figée sur mes lèvres, comme les marques d'un rouge à lèvres indélébile. Ce matin, je n'ai pas arrêté de laisser traîner mes doigts sur mes lèvres rosées. Il a fait battre mon cœur. Jamais je ne l'aurais cru. D'habitude, mon cœur reste figé. Ou alors, il bat mais pas au point que je le sente cogné contre ma cage thoracique. En revanche, je n'arrête pas de penser à ce moment où il est brusquement parti de mon appartement sans un seul regard.
Je vais essayer de lui parler aujourd'hui.
Essayer.
Alors que j'arrive dans la salle, j'inspire une grande bouffée d'air avant d'ouvrir la porte en laissant un petit espace pour laisser ma pupille parcourir la salle. Ma main pousse sur la poignée, désormais certaine qu'il n'y a aucun cours.
Une fois à ma place habituelle, je dépose fièrement l'ordinateur que je me suis récemment acheté grâce au black friday. Les réductions, c'est la vie !
J'ouvre Google Doc, je défile à la recherche du document du cours mais mes yeux se posent tristement sur une autre page que j'ai laissée à l'abandon.
J'ai toujours le cœur qui se serre lorsque mes projets abandonnés se présentent sous mes yeux. Ces sentiments de bonheur lorsque mes doigts écrivaient sur le clavier sont désormais partis à l'oubliette. Et ça ne cessera jamais de m'attrister.
La prof fait son entrée ainsi que les retardataires, avec Léandre Hellespont. Sauf que mon cœur se serre. Il ne dépose aucun regard sur ma personne comme si j'étais de nouveau une inconnue à ses yeux, de simples camarades de classe. Le pire c'est qu'à l'université, ce n'est pas comme au lycée. Il y a tellement d'étudiants qu'on est comme dans un immense enclos où nous sommes tous éparpillés en troupeau : incapable de se reconnaître, de se voir, de se connaître.
Cette simple absence de contact visuel instaure une distance si grande qu'il presse mon cœur.
Je me détourne de lui pour être face à mon ordinateur lorsque la professeur commence son cours. Néanmoins, je ne peux m'empêcher de lui jeter quelques coups d'œil durant ces deux heures.
Je rejoins les filles en trombes, au Starbucks cette fois-ci. Je pose mon sac à notre table puis j'inspire une grande bouffée d'oxygène, je bloque mon ventre.
Je n'ai rien contre ce café, j'ai développé un coup de cœur envers les Cake pop aux cookies mais ce n'est pas ça le problème. Dans ce Starbucks, il y a ce grand gars blond, une frange qui lui tombe au-dessus de ses yeux bleus puis sa queue de cheval. Je ne vais pas souvent dans ce café alors je ne connais pas toute la carte, toutes les boissons ni tout leur gâteau mais ce caissier à toujours là fâcheuse habitude de se pencher vers nous avec ses grands yeux et un large sourire. Il se précipite toujours pour nous dire :
— Bonjour, que souhaitez-vous ?
À chaque fois, les joues deviennent rouges et j'ai des fourmis dans le ventre et grignotent mon estomac à cause de son regard qui ne se détache pas une seule seconde de mon corps paralysé et stressé. Alors à chaque fois, je réponds la même chose :
— Un cake pop cookie and cream et un dragon mango, s'il vous plaît.
Le pire, c'est que j'ose aimer les cake pop alors que dès que je commande, j'ai la trouille à l'idée de fourcher ma langue à cause de ce nom. C'est débile de stresser autant pour commander. Je n'ai jamais eu de problème dans les autres magasins mais, bizarrement, il n'y a qu'ici où j'ai un véritable problème.
— Tu prends une boisson froide en hiver ? juge Julie lorsque je m'installe.
— Ça me rappelle le milkshake qu’Eve a pris au Columbus !
— C'était différent. Au Columbus, c'est parce que j'aime leurs milkshakes mais ici…le caissier me fiche la trouille.
Elle se tourne, sans discrétion, vers le comptoir pour scruter le blond en question qui sert déjà un autre client. Puis, elles reviennent vers moi.
Julie hausse les épaules.
— Je ne vois pas où est le problème.
— Bah oui, il m'a l'air normal, ajoute Camille.
Je soupire.
— Je n'y connais rien à la carte de ce café, il ne me laisse jamais le temps de regarder… c'est assez oppressant je dois dire…
Elles se regardent avant d'éclater de rire.
— Je n'ai jamais fait attention à ça, s'exclame Camille.
— Normal, tu es habituée, rétorque Julie. Je te comprends, Eve.
— Merci !
On continue de prendre le goûter tout en parlant des cours. Et je vois bien que Camille se retient de me demander où ça en est ce devoir maison avec Léandre Hellespont. Je suppose qu'elle a compris que ça me dérange. Surtout aujourd'hui. Surtout après ce baiser. Surtout après qu'il n'ait pas posé un seul coup d'oeil sur moi ce matin.
Le soir même, j'écris et j'écris jusqu'à en perdre haleine mais je ne parviens même pas a bien imaginer l'oc de mon partenaire. C'est plus fort que moi. Il n'y a que le visage de Léandre qui me vient en tête. Lui et ses cheveux dorés, ses lèvres rosées, la marque de ses baisers et ses yeux bleutés.
Mon écran n'affiche plus la conversation : on m'appelle alors je décroche.
— My angel, tu as déjà oublié que mon perso est brun et pas blond ?
— Merde. Désolé, je n'ai pas fait attention.
À cause de ce seul homme qui envahit ma tête, mes doigts en sont venus à décrire la couleur de ses cheveux, l'empreinte de ses baisers, son corps enveloppé de sa chemise blanche et son pantalon noir qui le sied à merveille.
Ça lui fait de belles fesses…
— Tu devrais dormir, my angel. On reprend plus tard si tu veux ?
— Ouais, je veux bien, soupiré-je.
Je l'entends déglutir dans mon casque.
— Tu veux en parler ? ajoute-t-il.
Mes épaules se relâchent et mon dos se laisse tomber contre le dossier de ma chaise à roulettes.
— Il m'a embrassé, avoué-je enfin.
— Qui ? Le gars dont tu m'as parlé ?
— Ouais… et je ne sais pas ce qui m'a pris mais dès qu'il a mis sa main sous mon haut, je l'ai arrêté puis il est parti. Sous la panique je lui ai dit que j'étais vierge. Ce matin, il ne m'a même pas regardé…
— Quel connard, jure-t-il.
Je mord ma lèvre, sachant naïvement qu'il n'en est pas un.
— Il est…loin d'être un connard. J'ai la flemme de tout te raconter mais je sens que c'est un mec bien.
Il ne répond pas tout de suite.
— Bien…je te crois, Lullaby. Alors si tu ne comprends pas pourquoi tu l'as arrêté, peut-être que inconsciemment tu n'es pas prête à perdre ta virginité. Je comprends que ça puisse être un truc spécial de la perdre, c'est quelque chose d'unique. Tu devrais lui en parler.
Mes yeux se perdent dans le vide.
Ses mains sur moi, ses baisers, sa langue qui danse avec la mienne.
Tout ça, sont des souvenirs qui défilent dans ma tête jusqu'à ce qu'arrive le passage où il quitte mon appartement et son regard fuyant ce matin. Il me laisse dans le flou et je ne veux pas le laisser partir sans m'expliquer.
— Je crois que tu as raison.
J'y ai réfléchi toute la nuit et ce matin, je me suis mise d'accord avec ma flemmardise, mes craintes, mon côté introvertie : il est hors de question que je fuis sans lui avoir parlé. Je ne dois pas abandonner, ce sera mon objectif aujourd'hui.
J'attends dans le couloir à sa recherche. Je scrute partout jusqu'à ce que mon cœur sursaute lorsque mes yeux se posent sur sa splendeur qui apparaît dans le couloir.
J'inspire une grande bouffée d'air avant de me positionner devant lui.
La surprise se lit sur son visage mais je prends sa main et l'emmène avec moi dans un endroit calme, sans personne : les toilettes les moins empruntées de l'université.
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