Une silhouette difforme ouvrit la porte et se pencha vers le petit blondinet. Il avait l'impression d'avoir déjà vécu ce rêve.

─ Papa, j'ai fait un cauchemar... Je peux... dormir avec toi ?

Il frissonna lorsqu'il sentit la main de son « père » sur poser sur sa tête. Ce dernier plongea sa main dans sa poche et en sortit un gobelet qu'il tendit à son fils. L'enfant l'attrapa avec ses petites mains et regarda le contenu. L'odeur le fit grimacer de dégoût. Mais, avant même d'avoir le temps de se plaindre, son « père » posa ses doigts sous le menton de l'enfant et le força à boire.

C'était de la vodka, il reconnaissait le goût.

─ Wah, c'est super fort !

L'enfant avait dorénavant l'apparence d'un jeune adulte ; il faisait la même taille que la silhouette des ténèbres. Ce dernier recula de deux pas et se laissa tomber en arrière. Un fauteuil se matérialisa sous son derrière, le retenant. Il ne souriait pas.

La silhouette d'une femme pénétra dans son champ de vision. Ses ténèbres ruisselèrent à ses pieds.

─ C'est quoi ça ? s'exclama-t-elle.

─ Une demande de divorce. Je n'ai plus la force de me battre pour nous..., expliqua le "père" en se pinçant l'arrête du nez.

─ Et notre fils ? Tu penses à lui ?

Les deux adultes tournèrent leur tête vers le concerné, qui se cacha le visage.

─ Me forcez plus à choisir !

─ 𝒟𝒶𝓃𝓈 𝒸𝑒 𝒸𝒶𝓈, 𝓋𝒶 𝑒𝓃 𝐸𝓃𝒻𝑒𝓇...

Le sol sous ses pieds se déroba...

Il se réveilla en sursaut.

Encore.

C'était quoi ce rêve chelou... Il se redressa et s'essuya le visage, puis sursauta, avant de se souvenir qu'il avait de la fourrure et que c'était tout à fait normal.

Il se dirigea maladroitement jusqu'au lavabo de la salle de bain pour se rafraîchir. Il mit de l'eau partout par terre. Merde... Il utilisa une serviette fournie par l'hôtel pour essuyer le sol et l'y laissa afin de s'habiller.

Lorsqu'il quitta sa chambre, il croisa ses deux voisins du fond qui papotaient en se dirigeant vers l'ascenseur. Il était persuadé les avoir vu se lever plus tard, la veille. Il se demanda alors quelle heure il était...

Il me faut un téléphone portable.

══════

Après avoir descendu sa dose de café matinale, il se retrouva devant la sortie de l'hôtel, anxieux à l'idée de refaire face au monde extérieur.

Tu ne vas pas te faire dévisager, tu es habillé normalement, tout va bien, Vernon.

Et si quelqu'un m'attaquait ?

Respire, tout va bien se passer...

Il sursauta lorsqu'une petite vieille démone passa devant lui, apparaissant de nulle-part. Il posa sa main sur sa poitrine pour apaiser ce qu'il aurait jugé être un début de crise cardiaque.

Allez. Lance-toi.

Il prit une profonde inspiration... Opéra un demi-tour et s'accroupit au sol en se tenant la tête.

─ Putain ! Je ne vais pas y arriver !

─ Arriver à faire quoi ?

Il leva la tête d'un seul coup et rougit d'embarras. Debout devant lui se tenait Husk, une main tenant un demi-croissant, l'autre dans la poche de son pantalon.

─ Je...

Le démon ailé haussa un sourcil. C'était officiel, Vernon détestait quand il faisait ça.

Husk mordit dans son croissant.

─ Je me prépare mentalement pour sortir, ça ne se voit pas ?

─ Me dis pas que tu as peur de foutre un pied sur le trottoir quand même ? Ça ne va pas te dévergonder, crois-moi, tu n'es pas comme lui, assura-t-il en désigna du pouce Angel qui passait par là par hasard.

─ Je t'emmerde, Husk, jura-t-il en s'arrêtant, les mains sur les hanches.

─ Tu peux te la mettre où je pense, Angel.

─ Tu aimerais bien mon salaud, hein. ~

─ Retourne boire ton café, râla Husk en attrapant l'avant-bras de Vernon pour le tirer de force hors de l'hôtel.

Ce dernier se laissa faire, ébahi par l'échange entre les deux démons. Il se douta qu'ils se connaissaient aussi bien pour se permettre de telles familiarités.

Husk lâcha Vernon qui put enfin se remettre debout. Il s'épousseta les vêtements.

─ Ce n'était pas nécessaire de m'avoir traîné comme ça...

─ Cadeau de la maison. Allez, profite de ta balade, dit-il en prenant la direction de l'intérieur.

─ Attends !

Husk s'arrêta, les mains dans les poches, et tourna la tête vers Vernon.

─ Où est-ce qu'on peut acheter un téléphone dans cette ville... ?

Le démon eut un moment de silence avant de ricaner.

─ T'es sérieux ? T'as jamais fait les boutiques ou quoi ?

─ Euh... Si, mais je ne sais pas si c'est pareil que-...

─ Tu rentres dans un magasin d'électronique et tu fais ton choix ! On est en Enfer, pas sur une île déserte. Tch, ces gamins..., pesta-t-il en disparaissant derrière la porte vitrée, laissant Vernon seul sur le trottoir.

Il a vraiment un problème, ce type.

══════

Husk se dirigea jusqu'au réfectoire pour piocher un sandwich avant que les clients de l'hôtel ne se servent. Ravi d'en avoir trouvé un au poulet, il le tient contre lui, dans son emballage, et prit la direction de l'arrière-salle de son bar.

En passant le seuil de la pièce, il sursauta en croisant le regard d'Angel.

─ Putain la frousse que tu m'as foutu ! Angel, qu'est-ce que tu fais ici ? C'est réservé aux employés, c'est-à-dire : moi.

─ Je n'ai plus le droit de passer du temps avec mon meilleur ami ? ~

Husk leva les yeux au ciel et se laissa tomber sur un tabouret à roulette, notant bien qu'Angel prenait toute la place sur la table. Il mordit dans son sandwich en feintant d'ignorer son ami.

─ Alors... Que penses-tu du nouveau ?

─ Laisse-moi deviner, tu n'as pas encore réussi à te le faire ? interrogea le barman, sans même zieuter dans sa direction.

─ Quoi ? Moi ?! Oh, Husky, ce serait mal me connaître...

─ Je te crois.

─ C'est vrai ?

─ Non.

Il se permit un regard en coin dans la direction d'Angel et fut étrangement satisfait de voir sa moue redessiner ses traits. Il se permit un rictus.

─ Il a un truc, lâcha-t-il enfin.

─ Un truc entre ses jambes ? Y'a des chances, mais je n'ai pas encore pu voi-...

─ Un truc bizarre dans son comportement, grogna-t-il.

Angel voûta son dos en avant pour s'appuyer sur ses cuisses, tout à coup sérieux.

─ Ah ouais ? Comme quoi ?

─ J'ai beau chercher... Je n'ai rien à lui reprocher. Deux jours qu'il est là et il n'a fait aucun faux pas. Il n'a pas sa place en Enfer, crois-en mon expérience. Ce gamin est un mec absolument banal. Un monsieur tout le monde.

─ J'ai entendu dire qu'il avait avoué avoir commis un acte super horrible de son vivant, admit Angel en réfléchissant. Pendant le groupe de parole de hier.

─ Tu as plus d'infos ? sembla s'intéresser son meilleur ami en arquant un sourcil. 

─ Nope. C'est tout ce que je sais. Les rumeurs circulent vite ici, mais ce n'est jamais aussi précis qu'à la source, déclara-t-il parfaitement sérieux.

Husk réfléchit un moment. Au même moment, son meilleur ami s'allongea sur la table, sur le flan.

─ À quoi tu penses, Husky ?

─ Je me demande si c'est pas un coup de ces enfoirés d'anges...

─ Pffrt, ça m'étonnerait, déclara Angel après avoir fait un gracieux pet de bouche. Tu sais comme moi que si ces anges avaient le pouvoir de choisir qui entraient au Paradis ou en Enfer, il y a bien longtemps que j'aurais été accepté là-bas, pour faire une faveur à Charlie.

─ C'est vrai... Tu as raison, admit le barman en se massant les tempes.

Silence.

Husk croisa enfin les yeux magenta de son ami. Ce dernier le fixait avec un sourire tendre.

─ Quoi ? J'ai un truc coincé entre les dents ?

─ Ouais, mon gland.

Il leva les yeux au ciel, las, avant d'imiter son rictus. Angel en profita pour rire un bon coup.

─ Faut que tu te détendes, babe. Le stress, ce n'est pas bon pour ta peau.

Husk mordit dans son sandwich pour prétexter être trop occupé à macher pour rétorquer quoi que ce soit. Le démon aux quatre bras en profita pour rouler sur le ventre. Son bras tomba au-dessus du vide et ses pieds se balancèrent comme un métronome à deux aiguilles.

─ Je peux t'aider à te détendre si tu veux... ~

Le démon ailé s'étouffa avec un bout de salade.

─ Angel ! Bon sang mais t'as pas fini de débiter tes conneries ?

─ Chillax babe, pourquoi tu pars au quart de tour dès que j'essaye d'être sympa ?

─ Tu peux terminer mon sandwich, j'ai perdu l'appétit, déclara Husk à la place en posant ses restes sur le ventre d'Angel.

─ Un baiser indirect ? Je suis déçu de ne recevoir que ça après tous mes efforts.

L'interpelé leva les yeux au ciel, tâchant de cacher son amusement sous son air bourru, avant de quitter la pièce.

Au même moment, il remarqua que le petit nouveau était rentré à l'hôtel et discutait avec Charlie et Vaggie. Ces dernières semblaient, selon le regard attentif de Husk, pianoter sur un téléphone portable qu'il était persuadé ne jamais voir vu auparavant. Lorsqu'il termina dans les mains de Vernon, il se douta qu'il s'agissait du sien.

Tout à coup, il sentit une présence à ses côtés. Une présence glaciale.

Alastor...

Sans un mot, Husk descendit dans le sous-sol et s'enferma dans la laverie. Un lave-linge tournait mais cela ne dérangea aucunement le démon de la radio qui prit forme à même la machine, assis dessus.

─ Qu'est-ce qu'il y a, Alastor ? demanda-t-il en essayant d'avoir l'air sûr de lui.

─ J'aimerais que tu fasses quelque chose pour moi..., menaça-t-il en regardant ses ongles. Vernon...

─ Qu'est-ce que tu lui veux ?

Alastor dévisagea Husk avec un regard froid qui le fit instantanément regretter sa confiance en lui.

─ J'aimerais que tu le convainques d'accepter un marché avec moi.

─ Et le condamner lui aussi ? Impossible, refusa Husk en reculant.

Le démon de la radio sembla s'étirer sur lui-même, lui donnant un air menaçant.

─ En échange, je pourrais t'accorder quelques souplesses sur-...

─ Alastor, je ne peux pas. C'est un gamin.

Même si l'argument ne semblait pas convainquant... le démon s'arrêta tout de même.

─ Je ne peux pas lui faire ça.

─ Il a tué des personnes, Husk, se réjouit Alastor. Une trentaine d'innocents. Crois-moi... J͂̌ẽ̐͘ ̹̩̰̀͂ͥp͇̯ͮ́e̢̯͚̾͂ǔ̈́x̥͇̦ ̸̩̯l̔̋uȉ̭ ̬͚̭fa҉͙ͅi͞rě̤͢ ̙͖̥̇ͫ̀țͥou̦̝ͤ̋t̡̪ͮ ̝̘ͭ̈́c̫̝̞̄̂ͪe͓̬̦͒̍̚ ͣq̀ŭ͕e ̺̣j͢e̹͍͈ ͓̯̥͆ͬ̃ve̖̘͒̈u̙̦͗ͮẍ̺̺́͋͜.̪̜.̀̉̅͝.̤ͮ

Le démon ailé écarquilla des yeux, hésita... Puis ferma les poings.

─ J'ai dit non ! Si ce que tu dis est vrai, il a sa place ici, comme toi et moi !

─ Husker, mon cher compagnon félin...

Alastor se rapprocha de Husk d'un pas menaçant, ses ombres s'élevant tout autour d'eux.

─ Tu ne comprends pas, il ne saura jamais ce qu'il a fait... Je suis le seul à pouvoir le lui dire. ~

─ Pfff, vous me l'avez avoué, je pourrais très bien être capable de dire qu'il... Qu'il...

─ Qu'il... Q̨u̯̙̱͙ͅo͇̩̳̙̍̿̋ͩ͝í̩͕͋ ?̊̈

Husk fut stupéfié de ne pas être capable de l'exprimer verbalement. Voir cette crainte bouffer sa confiance en lui ne fit qu'augmenter l'amusement d'Alastor.

─ Husker... T̵̬̣͇ͥ̉̾ṵ̶̖̻͐̏̋ ͎͓͖͋͌̿͜n̗͉̱̑̌̋eͣ ̑p̹̺̮̓̓ͥo̵̱̲ͯ̍urͤ̌ͪr͝a͇̩̦s ̙̦r̷̩ͨie̛ņ ̳͎ͬ̋l̛̮u̵í̪ ͞d͡ḯ̖͍̓̆ͅre̾̿̑.̦͓̮̿ͫͬ͝.̸ͤ.͞ Tant qu'il n'aura pas signé son contrat, il restera dans l'ignorance, il ne saura j͇̔͜a͞m̔̍a̪̗̕is̯͊ ͌ͬ̀ comment atteindre la rédemption, et j͇̔͜a͞m̔̍a̪̗̕is̯͊ ͌ͬ̀il n'ira au Paradis... Le comprends-tu ?

─ Oui... patron...

Ses doigts glissèrent sous le menton de Husk et ce dernier, trop effrayé pour se débattre, ferma simplement les yeux en serrant les dents.

Alastor s'éloigna enfin.

─ S'il ne me donne aucune réponse positive d'ici vendredi prochain... t̥̳͓û̥̀ p͉̥̄͋ou̟͈͋̊r͢r͉͉̊̐͑ͅas ͌̌̂͢ḏ̋ĭ̵͈̱̯ͭͥre̘ ad͖i͚̗͓e̫ͧṵ̫̗ ̼̠̦̊͆ͮà͓ ceͭ̒̚͡ qu̬̐ẹ̛̈́ ̼̣̗̌͛̏tu ͯ̾cͫ̊͐on̥̠sͩͦ̚i̯͛ͯͅḏ͕͚̎̐̐èrͤͤés̵̫̫ͯ́ comm͓͒e̪͕ ̖̖ͣ̀͝é̽̇tant̸̹̽ ̬̇͢t̤̫̙̔̈́̂͞a̠̿ ̦͖l̵͇͚ͩͥǐ͖be̠ͭ͘rté̕.̗̣̓ͨ..̡͖

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