ℭ𝔥𝔞𝔭𝔦𝔱𝔯𝔢 20
Lorsqu'il était encore en vie, Vernon Koch n'avait rien d'une personne "spéciale", "hors norme", "déviante"... Il était juste un homme banal, avec des ambitions qu'il n'atteindra jamais et des habitudes de vie que ses proches jugeaient de "classiques". Sa transidentité n'avait jamais été un problème pour personne ; il n'avait rien de plus spécial qu'un autre.
Vernon avait bien quelques amis avec qui il passait la plupart de son temps libre, le genre à être suffisamment concernés par sa vie pour lui organiser des fêtes d'anniversaire ou à clamer présents à son enterrement.
Mais ses amis, il les comptait sur les doigts de sa main.
Liam était la dernière bonne interaction qu'il avait eue avant de mourir. Et avant lui, Vernon avait Jeanne, Margot et Chel, qui détestait se faire appeler Michel.
Et avant eux, une amie de la Louisiane, une seule : Joy Farmer.
L'amour de sa vie.
Mais un amour à sens unique...
Vernon se souvenait de Joy comme étant une fille incroyablement belle avec une personnalité solaire. Un peu comme Charlie Morningstar, et c'était peut-être pour ça qu'il avait de la peine à la supporter : Charlie lui rappelait trop Joy... Chez sa meilleure amie, il admirait tout : ses rouges à lèvres de toutes les couleurs existantes qui dessinaient son sourire, son style vestimentaire qui mettait en valeur son corps, son intelligence, sa façon de penser, ses valeurs, ses rêves... Joy Farmer était sa meilleure amie depuis ses douze ans. Elle l'avait toujours soutenue : son arrivée à la Louisiane, le perfectionnement de son anglais, sa transition de genre, sa sociabilisation... Elle était tout.
Tout pour lui
Tout son monde.
Mais elle était déjà en couple, et Vernon l'avait accepté. Accepté ne pas être aimé comme il l'aimait.
Il avait accepté beaucoup de choses d'ailleurs, sauf une...
Il refusait de la laisser mourir.
Et devant lui, le dos d'Angel portait les mêmes bleus. Les mêmes cicatrices que Joy encaissait durant son adolescence.
Vernon savait qu'Angel se faisait abuser par Valentino. Ce n'était pas la première fois qu'il voyait des marques semblables. Mais c'était la première fois qu'il le voyait sans son haut.
Sous la surprise, Vernon émit un léger cri de sursaut qui attira l'attention de son ami. Ce dernier se leva vivement et le dévisagea, les yeux écarquillés. Lorsque leurs regards tombèrent sur le jogging qui trainait par terre, Vernon comprit que c'était à cause du vêtement que la porte avait mal été fermée.
─ D-désolé, je ne voulais pas...
Angel se leva d'un bon et le bouscula pour fermer la porte, veillant à pousser le jogging du pied pour libérer le passage. Vernon cogna le mur du couloir et tomba lourdement sur les fesses. Le monde vacilla devant ses yeux tandis que les pas d'Angel retentissaient dans sa tête.
Il se rendit compte que c'était à cause de ses larmes brûlantes qu'il voyait aussi trouble, à l'instant présent. Ces mêmes larmes qui s'évaporèrent au simple contact du sol dans plusieurs psssht que Vernon n'entendait même pas tant son cœur bouillonnait de rage dans sa cage thoracique ; tant le capharnaüm dans sa tête l'empêcher de réfléchir ; tant le désordre dans ses sentiments explosait en mille éclats. Il se releva et tambourina contre la porte du poing.
─ 𝒜𝓃𝑔𝑒𝓁 !! appela-t-il d'une voix démoniaque. 𝒞'𝑒𝓈𝓉 𝒱𝒶𝓁𝑒𝓃𝓉𝒾𝓃𝑜 𝓆𝓊𝒾 𝓉'𝒶 𝒻𝒶𝒾𝓉 𝒸̧𝒶 ?!
Comme personne ne lui répondit, la frustration l'engloba dans une étreinte de froideur pure. Un cri strident se délogea de ses cordes vocales, bestial ; un son si aigu qu'il dût se cacher la bouche avec les mains, tant il était ébahi par l'ultrason qui lui avait percé ses propres tympans.
Angel, de l'autre côté de la porte, ne sembla pas l'avoir entendu - à moins qu'il ne l'ignore ? Non, c'était bien un ultrason émit par ses cordes vocales de chauve-souris démoniaque, Angel n'aurait pas pu l'entendre.
Sa colère retomba doucement en même temps que ses oreilles, lui donnant l'air pitoyable. Vernon posa la main contre la porte et regarda ses pieds.
─ Angel... J'ai besoin de savoir qui t'a fait ça...
Aucune réponse. Vernon ferma les yeux aussi fort qu'il s'en jugeait physiquement capable.
─ À la guerre comme à la guerre, all'inferno come all'inferno, récita-t-il en ravalant un sanglot, se souvenant de ce que lui racontait Angel la veille encore.
À ce moment-là, la porte s'ouvrit lentement. Son ami s'était changé mais n'avait pas renfilé son masque joyeux. L'air grave qu'il affichait fit déglutir Vernon.
─ Va-t'en, ordonna Angel d'une voix brisée.
Joy aussi avait mis de la distance entre eux et, par respect pour son désir, il ne l'avait pas suivie. Mais devant lui ne se tenait pas une adolescente au teint sombre et aux yeux bleu saphir, mais un jeune homme aux regards dépareillés coiffé avec un pétard.
─ J-je ne peux pas, murmura le jeune homme en plongeant son regard dans ceux d'Angel. Je ne veux pas que tu meures, toi aussi.
Confus par ses paroles, le démon-araignée ne sut quoi ajouter de plus.
Au même moment, des bruits de pas attirèrent leur attention. Vernon s'essuya brièvement les joues avec le manche de son pull, et Angel se contenta de serrer les dents en affichant un air fermé sur son visage.
─ Bonjour, mes chers confrères efféminés ! Il fait un temps majestueux dehors, vous devriez peut-être vous balader, suggéra Alastor en remuant son micro, l'air de s'en foutre royalement de leur discussion.
─ Tu veux quoi, Al, gronda Angel en le foudroyant du regard.
─ Je veux m'assurer que les résidants de l'hôtel gardent le sourire ! Vous affichez une mine de coquet battu à en faire pleurer le plus cruel des tueurs à gage, si je puis me permette, se moqua le démon de la radio en resserrant son nœud papillon avec nonchalance.
─ Ouais, bah ton sourire je te le fous dans l'urètre et je le pousse jusqu'à ta glotte avec ta canne de papy, grommela Angel en refermant la porte.
Alastor l'en empêcha en calant le pied de son micro entre elle et l'encadrement.
─ Ne sois pas si dur, mon ami !
─ Va te faire foutre Alastor, cracha Angel en forçant la fermeture de sa porte, son majeur bien en évidence le temps de disparaître dans sa chambre.
Il ne resta plus que le démon de la radio et Vernon dans le couloir.
Le plus jeune esquissa un mouvement de recul.
─ Je vais y aller, moi aussi...
Alastor enroula son bras par-dessus l'épaule de Vernon pour l'attirer contre lui. Il affichait dorénavant un visage effrayant.
─ Ne sois pas timide, cher Cardioderma...
Vernon déglutit.
Alastor ricana en remuant la main.
─ Allons boire un café.
─ N-non.
L'amusement du démon se figea. Il fronça des sourcils, donnant l'air à son sourire d'être crispé. Vernon chercha des yeux comment fuir de cette situation.
─ J-je n'en ai pas envie, se justifia-t-il.
Si c'est pour qu'il m'expose un nouveau plan foireux, autant refuser tout contact avec lui, pensa-t-il.
─ Vernon..., roucoula Alastor, l'air pensif. Je constate que tu as entendu parler des rumeurs à mon sujet.
─ Des rumeurs... ?
─ Celles qui murmurent de ne pas pactiser avec moi.
Le jeune homme déglutit bruyamment. Son angoisse parfaitement visible fit ricaner Alastor.
─ Ne fais pas cette tête, Vernon, je savais parfaitement que ce jour viendrait. Hélas pour moi.
Le démon de la radio se détacha du plus jeune et fit quelques pas, les mains croisés dans son dos.
─ Vous... vous n'allez pas me tuer ? demanda Vernon en toisant brièvement la porte de la chambre d'Angel, priant pour que celui-ci lui vienne en aide.
─ Vous tuer ? répéta Alastor en regardant par-dessus son épaule le pauvre démon-chauve-souris. Que cela m'apporterait-il ?
─ Euh, je, je l'ignore, bredouilla-t-il en en croisant son regard rouge sanguin. V-vous m'avez tout l'air d'être un tueur en série, ou, fin je ne suis pas sûr...
─ Je l'étais, c'est exact, confirma Alastor sans sourciller. Je suis étonné que vous l'ayez deviné aussi vite.
─ E-en fait, corrigea Vernon. J-je crois que votre nom me rappelle vaguement quelque chose... Et quand vous m'avez parlé en créole, ça m'a mis la puce à l'oreille.
Le démon de la radio leva brièvement les yeux en l'air, pensif, avant de s'émerveiller.
─ Mais bien sûr ! Si vous veniez de la Louisiane comme vous le prétendez, il y a fort à parier que vous ayez entendu parler de mon histoire !
Vernon fut frappé par un souvenir.
─ Joy, je suis pas sûr de vouloir faire ça finalement...
─ Je t'avoue que moi non plus. Ça fout les jetons, avait répondu son amie en dévisageant l'immense forêt devant eux. Mais tu te rends compte un peu, Nonny ? Un tueur en série a été abattu ici-même il y a près de quatre-vingt-dix ans.
─ Quelle idée d'aller en Nouvelle-Orléans pour les vacances aussi, avait marmonné Vernon en roulant des yeux. On aurait dû demander à mes parents de nous emmener en Floride plutôt.
─ Moi ça me plait bien de faire du camping dans cette région, avait répondu son amie en haussant des épaules. Mais ouais, je n'irai pas dans cette forêt. Oh, Nonny, je pensais à un truc.
─ Oui ?
─ Tu penses qu'on le devient ?
─ Devenir quoi ? avait-il demandé, confus.
─ Tueur en série. On le devient ou est-ce qu'on l'est dès la naissance ? Je veux dire, cet... Alastor, avait-elle ajouté en grimaçant, remuant la main en direction de la forêt. Tu penses que ses parents auraient pu prévoir dès son enfance qu'il allait le devenir ?
─ Je ne sais pas, peut-être que comme Jeffrey Dahmer y'avait des signes avant-coureurs mais... T-t-tu en poses de ces questions aussi, s'était-il rattrapé en secouant la tête. Arrête d'être aussi morbide, Joy.
─ Je suis pas morbide, Nonny, c'est juste fascinant de se dire que là, il y a presque cent ans, il y avait un type créole comme moi qui a fait des choses aussi horribles. Il a marqué l'histoire de la Louisiane, mec.
Le temps présent le rattrapa de plein fouet lorsqu'Alastor toussota pour attirer son attention.
─ Souriez un peu, je ne vais rien vous faire, le rassura-t-il sur un ton aimable.
Vernon recula d'un pas, le cœur battant. Il se promit de ne plus jamais le laisser s'approcher.
Lorsque le démon de la radio effectua un pas en avant, Vernon recula de deux, se cognant contre la porte d'Angel.
Les deux hommes se regardèrent dans le blanc des yeux. Vernon avait l'impression de manquer d'air. Pourtant, il était conscient de sa respiration. Calme-toi, Alastor t'aurait déjà tué s'il le voulait, tu es en sécurité ici...
Tout à coup, la porte dans son dos s'ouvrit, manquant de peu de le faire tomber. L'acteur passa la tête à travers l'entrebâillement et foudroya le démon de la radio du regard.
─ Bordel, Al, qu'est-ce que t'as pas compris dans « va te faire foutre » ? Lâche-le un peu, j'en ai ras le cul de vous entendre là, j'essayais de me masturber !
Alastor plissa des yeux et, aussi rapide que l'éclair, il disparut dans l'ombre.
Le silence retomba d'un seul coup dans le couloir.
─ M-merci, fut tout ce que Vernon fut capable de dire.
─ Me remercie pas, je ne le supporte juste plus, là. Casse-toi maintenant.
Angel le bouscula d'un coup de coude et referma la porte derrière eux. Vu sa tenue, Vernon se douta bien qu'il partait travailler.
Je dois me trouver un travail, moi aussi.
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[NOTE : les illustrations suivantes ne sont pas de moi mais faites sur le site https://picrew.me/ja/ (que je mettrai en commentaire), où on peut créer des avatars dans le style d'autres artistes ;) Je le précise parce que certain.es ne connaissaient pas et je ne veux pas m'attribuer le mérite de dessiner comme ça haha, bref bisous les poulets ]
Une petite illustration Picrew du personnage de Joy :)
Vernon (sa forme humaine) <3
Et moi, l'auteure :D
- Ano
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