ℭ𝔥𝔞𝔭𝔦𝔱𝔯𝔢 37

─ T'as pas à faire ça, soupira une dernière fois Angel en poussant la porte du studio.

─ Je me ferai tout petit, assura Vernon pour la huitième fois en passant devant lui.

Il déboutonna sa veste pendant que l'acteur retirait ses lunettes colorées.

─ Et puis, tu as dit que Valentino était en déplacement, argumenta le plus jeune en lui faisant face. Il ne nous arrivera rien.

Dans le studio, les chargés de production hurlaient des ordres et se déplaçaient d'un côté à l'autre de la pièce. C'était la première fois que Vernon allait observer un tournage de film, il fallait dire que son émerveillement le prouvait bien.

─ Salut Angel.

Angel se tourna vers le démon de la télévision. Vernon le vit déglutir avant de répondre.

─ Salut Vox.

Il s'appelle donc Vox, pensa Vernon avant de se rendre compte que ce dernier le dévisageait avec surprise.

─ Encore toi ? demanda-t-il en haussa le sourcil.

─ Euh, ouais, je..., balbutia-t-il, réalisant peut-être que son plan était voué à l'échec.

─ Vernon est intéressé par le poste vacant, expliqua Angel d'un ton ferme tandis qu'il retirait son manteau à fourrure, lui jetant un regard contrarié par rapport au fait qu'il soit déjà venu auparavant. Valentino a donné son accord pour qu'il vienne en stage.

« Toi et moi, on va avoir une petite discussion », eut-il l'air de gronder à Vernon avec son regard perçant.

─ Ah, oui, au service technique, Val m'avait prévenu, acquiesça Vox. J'ignorais qu'il s'agissait de toi. Bienvenue, déclara-t-il alors en souriant, se penchant vers lui en un signe que Vernon eut du mal à interpréter autrement que par de la politesse forcée.

Ce dernier hocha la tête en guise de remerciement, embarrassé.

─ Tu as de l'expérience dans ce domaine ? demanda-t-il alors en se redressant.

Vernon eut beaucoup de peine à garder son sang-froid. Il parvint toutefois à répondre sans trop de sueur.

─ J'ai fait pas mal de montages vidéo quand j'étais au collège, éluda-t-il.

─ Ça ne suffira pas, contra Vox.

─ J'apprends vite.

─ Commence par observer le métier et on en reparlera après. Angel, va te changer, le tournage commence dans vingt minutes.

Vernon lança un regard inquiet vers son ami, mais ce dernier ne montra aucun signe de déstabilisation.

─ À tout à l'heure Vern'.

Vernon fut étonné du diminutif mais mit cela sur le coup du stress. Il le salua de la main et le vit disparaître dans ce qu'il jugeait être sa pièce personnelle.

─ Suis-moi, lui ordonna Vox, le ramenant au temps présent. Je vais te présenter à l'équipe.

Vernon s'exécuta.

Tout en se présentant auprès des membres de l'équipe tournage, il essayait d'effectuer un exercice de respiration pour calmer son cœur qui battait à tout rompre.

Quand il avait insisté auprès d'Angel pour pouvoir se rendre sur son lieu de travail pour mieux comprendre son activité professionnel – et aussi s'assurer de la façon dont il était traité – il ne s'attendait pas à tomber nez-à-nez avec Vox pour remplacer Valentino. « Il a dû se rendre à une réunion ou un truc comme ça », lui avait expliqué Angel la veille juste avant de le débriefer sur les règles à respecter. « Tu ne touches à rien. Tu ne réponds pas à Vox, même s'il sort un truc déplaisant. Tu n'interromps pas le tournage. Ne parle pas aux autres. Ne viens pas m'aider. ». Vernon comprenait que sa présence l'angoissait, mais de là à lui imposer toutes ces règles...

─ Trois, deux, un, action, annonça une voix pendant que les lumières s'éteignaient.

La salle fut plongée dans le noir, à l'exception de la scène. Un mur en briques éclairé par des néons et un tapis en fourrure noir faisaient office de décor. Vernon était assis sur un tabouret, juste à côté de la caméra principale. Ses genoux tremblaient de nervosité tandis que son cœur battait à cent à l'heure.

Au même instant, une silhouette élancée apparut sur scène, déambulant sensuellement, caressant le dossier d'une chaise qui était le seul objet du décor.

─ Je me sens si seul, soupira la silhouette que Vernon reconnut comme étant celle d'Angel.

Un nuage de vapeur s'éleva dans la salle d'enregistrement, pochant la lumière des néons comme un orage. Un cri de tonnerre fit sursauter Vernon. Même en lisant le script sur ses genoux, il avait été surpris par le bruit.

─ Si seulement quelqu'un pouvait venir m'amuser, appela Angel en s'asseyant sur la chaise, les jambes écartées.

Nouveau tonnerre. Le visage d'Angel fut éclairé un instant, dévoilant son trait d'eye liner félin ainsi qu'un bout de son corset blanc.

─ Si seulement...

Angel se levant dans un geste fluide, dévoilant sa culotte dorée et un genre de jupe transparent blanc qui flottait à chacun de ses mouvements.

Une seconde silhouette apparut sur scène au troisième coup de tonnerre, une espèce de loup gris vêtu d'un jeans noir clouté et de chaînes. D'un puissant geste de bras, il chassa la vapeur délicate et souffla sa fumée de cigarette en direction d'Angel avant d'écraser son mégot contre le dossier de la chaise.

─ J'ai entendu l'appel d'un petit ange, grogna-t-il sauvagement, un sourire diabolique à la commissure de ses lèvres. Je savais bien que les chérubins étaient plus chaudasses que les démons, mais à ce point...

Vernon remarqua enfin les ailes dorées accrochées dans le dos d'Angel que lorsque le deuxième acteur les lui arracha avec la main, faisant jaillir les plumes partout sur le plateau.

─ Viens-là salope, que je t'amuse, lui susurra le loup démoniaque en baissant son jeans sur les chevilles.

Il l'attrapa ensuite par les hanches pour le soulever de la chaise. Angel se laissa faire, le sourire aux lèvres. Ils s'embrassèrent avec fougue lorsque le loup s'assit, faisant rebondir le démon-araignée sur son entre-jambe.

Vernon dévia le regard, le rouge aux joues, cachant la scène avec sa main. « Il faut regarder si tu veux apprendre », eut l'air de lui dire Vox en le dévisageant froidement. Vernon déglutit et reposa ses yeux sur Angel et son collègue en plein acte.

Non. C'était trop.

Vernon se leva, prêt à partir, mais une voix annonça la fin de la scène, le coupant dans son élan.

─ Bien joué, leur lança un démon après avec coupé la caméra. On s'prépare pour le prochain acte. On reprend dans dix minutes.

Le loup se rhabilla sans échanger de mot avec Angel, qui partit vêtir un peignoir pour donner l'impression d'être un peu plus habillé qu'une culotte et un corset. Vernon se dit alors que la suite ne pouvait pas être pire et se força de se rassoir. Il sortit alors son téléphone pour se changer les idées, lorsqu'une voix dans son dos le fit sursauter.

─ Encore toi ?

Il se tourna vers Azzurra, qui lui lançait des éclairs avec les yeux. Un rapide regard vers Angel lui confirma qu'il ne le prendrait pas en train de discuter alors qu'il le lui avait défendu.

─ Je viens en stage pour le poste vacant.

─ T'as besoin de faire un stage pour savoir tenir une perche de micro ?

Évidemment, il ne pouvait pas lui donner les véritables raisons pour lesquelles il se trouvait au studio de Valentino. Officiellement, il venait pour accomplir la mission d'Alastor. Pour Angel, il était là pour comprendre ce qu'il vivait au travail. Il n'eut pas à hésiter longtemps pour comprendre que la version qu'il avait sortie à Azzurra n'était pas ce qu'elle voulait entendre. Après tout, c'était la troisième fois qu'elle le voyait aux studios de son père, à chaque fois pour des raisons différentes.

─ Je n'ai jamais tourné de film pornographique, argumenta-t-il, mal à l'aise.

La jeune femme était vêtue d'une robe sombre à manches longues, bien loin de ressembler à celle qu'elle portait au bar à vins il y a quelques semaines de cela.

─ C'est vrai que ce n'est pas très commun comme métier, acquiesça Azzurra en haussant des épaules. Tu t'es fait quoi à l'œil ?

Par réflexe, Vernon porta sa main jusqu'à son visage, mais s'arrêta avant de toucher sa blessure.

─ Je me suis pris une porte.

─ Ok, et la vérité maintenant ?

─ Mon ancien patron m'a viré puis frappé.

Étonnamment, Azzurra se mit à sourire.

─ Tu es trop honnête. Pourquoi tu as été viré ?

Vernon sembla plus réticent à répondre. Il décida ne pas exprimer qu'il « faisait trop bien son travail », ce qui pourrait être mal interprété...

─ J'étais pas assez costaud pour gérer les personnes qui m'attaquaient. J'étais éducateurs de damnés.

─ Ce n'est pas un travail d'intérêt général qu'on délègue aux démons qui agressent un démon de haut rang ?

─ Tiens c'est marrant on me l'a jamais faite celle-là, ironisa Vernon en rangeant son téléphone. Plus sérieusement, je faisais ce boulot parce que je voulais rendre service.

Azzurra perdit son sourire, comme si elle était étonnée de la répartie de Vernon. Elle se contenta d'un nouveau haussement d'épaules.

─ Il y a des gens qui ne méritent pas d'être aidés.

─ Je suis pas d'accord, contra Vernon.

Son regard se posa alors sur le collier que portait la jeune femme : une chaînette supportant une alliance comme pendentif. Azzurra sembla le remarquer et attrapa la bague du bout des doigts, la faisant rouler avec nervosité.

─ Donc... tu veux venir travailler ici ? demanda-t-il pour changer de sujet.

Vernon n'osa pas lui avouer la vérité. Il se contenta d'hocher la tête.

─ Si je remplis les critères de recrutement, oui.

─ Valentino s'en fout des critères. Tant qu'il a des personnes qui travaillent pour lui, il est content.

Elle ne semblait pas savoir que Vernon était au courant qu'ils étaient parentés, elle et Valentino.

─ Oh, lâcha-t-il pour toute réponse, avant d'entendre les premiers ordres pour reprendre le tournage.

Il fit signe à Azzurra si elle voulait prendre le tabouret d'à côté, mais son expression parut dévoiler un refus.

─ D'accord, à une prochaine alors.

Comme si elle ne s'attendait pas à ce qu'il cède aussi facilement, Azzurra resta immobile. Vernon se détourna d'elle pour se concentrer sur la suite du film, lorsqu'il entendit un bruit de frottement se rapprocher. Il remarqua alors qu'Azzurra avait rapproché le second tabouret et s'y était installée dessus. Il chercha son regard, mais elle l'ignora royalement, croisant les bras devant elle.

─ Trois, deux, un, action.

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Le soir-même, après avoir refusé une nouvelle fois de venir boire un verre au bar de Husk, Vernon déambulait devant la chambre à lessive en attendant la fin du cycle. Le bruit du tambour était étouffé par la porte, laissant au démon la tranquillité d'esprit d'écouter de la musique. Les chansons de son vivant lui manquaient, mais heureusement il y avait d'autres créations en Enfer qui méritaient le détour...

Alors qu'il faisait les cent pas, une voix dans son dos l'interrompit dans ses pensées. Il reconnut la voix d'Alastor, dont la silhouette se dessinait mal dans l'obscurité.

─ Comment avance ta mission, mon cher ? fredonna-t-il d'un ton guilleret.

Vernon éteignit la musique pour se donner du temps pour répondre.

─ Ça prend du temps.

─ J'ai entendu ta discussion avec Angel, ce matin, déclara-t-il en avançant de quelques pas. Tu t'es rendu aux Studios des Vees, hmm ?~

─ Valentino n'était pas là, se défendit Vernon en reculant d'un pas.

─ Je sais. As-tu trouvé des pistes pour mettre la main sur leur contrat ?

Devant le silence de Vernon, le sourire d'Alastor se fit plus grand.

─ Ça fait trois semaines.

─ T'es pas tombé sur le démon le plus qualifié pour cette mission, se moqua Vernon avant de ravaler sa raillerie, voyant les yeux d'Alastor prendre leur apparence démoniaque.

─ Ilͭͯͯ y̟̳̳ ̟͓̭̟a͓̲̫͔͚̠͒ͨ͋̅ͥ͆u͍̱̭ͩͣ̓r͍͊a̾ d͉̥̼͙̙e͊̔̚s̯̓ ̳̜͙͓̻ͅc̒̌̈́on̄̓ͫ̅̓s̩̳̺ͬͪͣéq̱̘̤u̞̖̱͙̝̦̅͐̂̅̌ͬe̞͕̱̼̱͕͉͋͑ͣ̅̿̄̍n͖͔͊͌c̜͉͙̭͍͇͓ͬ̓ͦ̂͊̌̈e̤̮̋̐s, V͈̠e̟̹̻̻͖͂ͬͯ́̎ṛͨn̓̇̉͑̂ͣ̾ȍ͎͕͖̟̫̩ͩ́ͤ̾̆n̟̭͓͎͖͚̽͛͋ͣͯ̏ͣ, gronda-t-il de sa voix constellée de glitchs radiophoniques.

(Il y aura des conséquences, Vernon)

Vernon sentit son dos cogner contre la porte de la chambre à lessive. Son cœur tambourina dans sa poitrine. La magie du démon de la radio s'activa, et une chaîne magique apparut dans ses mains, le reliant au plus jeune qui porta ses mains à sa gorge avec épouvante.

─ S͙͎͈̻͂ͣ͗ͥi ̱̱̐̎j̤͍̰̱̈́ͪͤ͗ẹ͚͈ ̘n̻̹̖̦̱ͩ̈̑ͫ͋'͖̙̗aͨ̋́̅̂ī͇̜̭̥̘̱̤̀ͮ̂̀̏̄ ͉p̙̼͈as̼̤̠̣͔ c̼̗̪͚̯̀ͣ̍̈ͭe͙̓ c͉̣ͩ̆o͗ͨ͗ͩn͎͕͚̤̊͂͑ͪͣͅtr͓̯̱̣͚̞͊͂ͤ̅͂ͧa̰̝̓̚t͛̈ ͂̎d'ͤͪ͗͋i͈͇̪͕̙̍̀̾̈́̊c̖̆i̲̗̼̠̦͚̼ ͓la̽̏̓͂ ̭̣̖͈̘̝̮p̮̗̲r̯͉̠͙͚̼oc͚͙̞̋̐͐h̟̺̟͒̓͆a̍ͮͮ̆i̗̫̳̊ͮ̔n͈̘͙̅́̔e̤ͨ ̳͙̲̼̦͈͙ͩͦ̿ͤͫ̍͛p̝̺̞̝̲̫̘ͨͭͨ̀̍̅͒l̃ͅe̊͗̄ͪ̎͑̃i̪͒n̞͔e̪̦̬̩͔͚̺̓̓ͤ̓̉̏ͤ ̘̳̘̮͇͇̓̽̆̌̉̾̅ͅlũ͂ͤn̻̥̭̜̼̺͓̿͑͆̓ͬ̉ͯe̹̺̦̣̥̩̣,͕̰̞̦̮̝̲͋ͭ̇̀ͬ̓̄ ̼̗̣͚ͅj̽e͎͎ ̮̦̹̺̯̩v̥ͯie̒̓ͤ́ṇ̰̗̞̻͐̆͒ͫ̇d̬̋͗ͅr͖͖̜͚͎̭̍̔͛̓̅ͫa̠̫͚̝͍i̗̅ m̰̬̰̣'̔̿̚o͛̄̋̉ͮc͓̬͓̳̫͚c̉ͯ̎ͨͤ̆͊ủ̪̖̞̰͇͔ͤͦ́ͧͭp͙͎̭͕͗͐̈́̈́er̘̻ͮͫ ̠̇p̱̠̠e̪͍̩̫̺̓͋ͤ̿̾rs̠̱̣̪̫̖ͬ͗̿ͮͤ̍on̒̇ͦ̾ͯ̓n͙͇̞ͮ̅̎eḷ̦̱̓̔ͣl̽ͥͯ̉e̩̙̟͈̜̓͒͐͑̑m̩̂ent̜ ̫̤͚̭̀ͭ̂ͣ̋͆ͅͅà̖̦͎̅̓̇ ͇̯͖͔c̞͈͉ͣ̊ͦe͖̱̖̘̮̖͋͂̽ͮ̆̒̌ͅ ̻͍̩̘͈̦̭̾ͨ͆̓͛̔̓q̼̻̩̹ūe̻̐ ͖̠̥̟͗ͥͯͬṱ͚͉̩͉͙u̗̱̖̱̯̠̾͌̓ͧ̀͐ ̩̱̉̒n̝͆ĕ̥̝̪̺̼̝́̂̀̿͐ ̣̪͆ͮs̜̩͈͓̹̼̻ͩ̌̉ͯͭ͋͛ō̫̘ͯi̹s̬̬̝ ̐ͫ͐̒ͭͨ̌p̳̃ḽ̬̏͋u̞̣̭͇̍̾ͩͭs̝̪͍̰̗̦͗̅̀̒̋̈ ̦͈̲͇͕ͅj̗͚̦͚a̲͖͉̙̒ͤ̓̄m̩͇̣̤ͫ̌ͮͨǡͫ͐̊̊̔is ̳̖̱̎ͭ̇i͗͆̍̊̓ͥ̚ṇ͍̿̈̽ͅu͕͕̟̱̟͍͕ͦ̈́̈ͭͤͪ̔ț̝͍͕͎̦̳͂̆͋̄ͥ̈́̄il̝̟̎ͩe͖͎͊ͬ.̳̩̺̞ͥ́́̎.̙̘̼͎̠̰͒͂ͧ̍ͯ͐.͈̹͐ͭ

(Si je n'ai pas ce contrat d'ici la prochaine pleine lune, je viendrai m'occuper personnellement à ce que tu ne sois plus jamais inutile...)

La prochaine pleine lune... Il ignorait quand il y en aura une. Toutefois, étouffé par sa chaîne, il ne put qu'hocher péniblement de la tête.

─ Bien.

Sa magie se désactiva et Vernon put enfin reprendre son souffle, une main sur sa gorge, l'autre sur la poignée de la porte, prêt à s'échapper.

─ Tu as deux semaines.

Et Alastor disparut dans un vent glacial.

Vernon se laissa tomber par terre, tremblant de tout son être. Ce qui le ramena à la réalité fut le bruit de la machine qui annonçait la fin du cycle de nettoyage.

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