ℭ𝔥𝔞𝔭𝔦𝔱𝔯𝔢 31
Après s'être perdu dans les ruelles de la ville du Pentagram, Vernon se décida enfin de rentrer à l'hôtel. Tourmenté par sa visite chez les Vees, il se rendait alors compte de la difficulté de cette mission. Je ne vais pas y arriver, pensa-t-il amèrement en passant les portes du bâtiment. Le silence le frappa de plein fouet. En tournant la tête vers la salle commune, il remarqua que les grandes portes étaient fermées. Il se souvint alors d'une conférence que Charlie avait organisé sur... quelque chose. Vernon ne se souvenait plus de quoi, et ce ne devait pas être si important.
Il se précipita jusqu'à l'ascenseur mais du mouvement près des canapés le stoppèrent net. C'était Angel, qui sirotait une bière en regardant la télévision, allongé de travers sur le sofa. Évidemment, lui aussi s'en fichait. Hypnotisé par le corps de son ami, Vernon finit par secouer la tête pour recouvrer son bon sens mais, au lieu de prendre l'ascenseur, rejoignit l'acteur devant l'écran, sans un mot.
Angel jeta un bref coup d'œil vers Vernon, puis lui tendit sa bière que Vernon refusa d'un geste poli de la main. Le plus âgé haussa un sourcil, mais ne fit pas de commentaire. Ils restèrent ainsi quelques instants, silencieux, la télévision diffusant des images et des sons qui ne captaient pas son attention. Vernon continuait de ruminer sa rencontre avec Azzurra ; elle dégageait quelque chose d'envoûtant, mais il ne savait expliquer quoi... Pourquoi mentait-elle sur son prénom ? Est-ce qu'elle n'assumait pas d'être une prostituée, contrairement à Angel ? En était-elle vraiment une, d'ailleurs ? Comme Angel ?
- Tu sembles préoccupé, entendit-il du côté de la personne qui hantait dorénavant ses pensées, rompant le silence.
Vernon ouvrit la bouche, mais se désista avant de produire le moindre son. Il n'était pas certain de pouvoir faire confiance à Angel avec les détails de sa mission, mais il avait désespérément besoin de parler à quelqu'un. Il inspira profondément avant de répondre, pour essayer de masquer sa nervosité flagrante.
- Alastor m'a chargé d'une mission qui est au-delà de mes capacités, murmura-t-il, ses yeux rivés au plafond. Je peux pas trop donner de détails mais en gros, je suis dans la mouise.
Angel esquissa un sourire en coin, s'asseyant correctement sur le canapé.
- Bienvenue dans mon monde. C'est chiant de recevoir des ordres, mais tu vas voir, on s'y fait et p'is bah, on y prend goût.
S'il savait ce que Vernon devait trouver, il n'aurait pas le même discours...
- J'ai rencontré des types, expliqua-t-il de manière à rester évasif sur les détails. C'est comme si chaque mot, chaque geste était calculé pour me déstabiliser. Clairement, je ne vais jamais y arriver.
Angel hocha la tête, son expression se faisant plus sérieuse.
- Tu n'es pas seul à te sentir comme ça. Même les plus aguerris d'entre nous peuvent se perdre dans le jeu de plus puissant que soi. Mais il faut se rappeler que ce n'est qu'un jeu, aussi dur soit-il. On cherche à te tester, à voir comment tu réagis. C'est leur manière de jauger ta force.
Vernon le regarda, surpris par cette perspicacité et sa... sagesse ? Ouais, sagesse. Angel Dust était un sage, qui l'aurait cru.
- Tu crois vraiment ?
Angel sourit de nouveau, cette fois de façon un tantinet plus séductrice.
- Absolument. Imagine toutes les saloperies qu'un proxénète pourrait te faire faire ; eh bien Val me les a toutes fait faire, mais en plus...
Il s'interrompit pour lui gratifier d'un clin d'œil que Vernon ignora d'un roulement d'yeux. Quand bien même la sagesse d'Angel s'était envolée, Vernon se sentit légèrement réconforté par ses paroles.
- En tout cas, ravi de constater que tu as quitté ta piaule. T'as parlé avec Charlie ?
- Non, je suis allé me promener. M'aérer l'esprit, tu vois. Le vin, ça tape fort...
La plaisanterie eut son effet ; Angel ria de bon cœur.
- D'ailleurs, sujet à part, c'était qui la femme qu'on a croisée hier soir ?
Et que j'ai recroisée ce midi, se retint-il d'ajouter.
Le visage d'Angel s'assombrit. Oui, désolé de passer du coq à l'âne...
- Azzurra, c'est la fille de Valentino. Sa fille de son vivant, je veux dire. Je la croise pas très souvent. Je crois qu'ils sont en de mauvais termes. Elle m'évite un peu aussi.
Vernon sembla sincèrement étonné. Azzurra, celle qui l'avait aidé, était en fait la fille du patron tyrannique d'Angel Dust ?
- Ah bah merde alors, souffla-t-il accidentellement.
Il pria pour que Angel mette cela sur le coup de la veille et ne comprenne pas qu'il l'avait côtoyée aujourd'hui même.
- Ouais, je ne te le fais pas dire. Elle a toujours eu cette habitude de...
Il secoua la main dans le vide, cherchant ses mots.
- Changer de peau pour obtenir ce qu'elle veut.
Comme toi ? pensa-t-il en se retenant de rouler des yeux.
- Comme hier soir avec ce type au bar ? demanda-t-il à la place.
- Yep, exacte. Quand je l'ai rencontrée - quand je suis arrivé en Enfer quoi - elle m'avait détesté avant même d'apprendre à me connaître. Et je peux comprendre : de son vivant, Val avait littéralement rompu avec sa mère pour un homme. Elle a aussi eu une histoire avec un garçon, et depuis elle les a en horreur. Enfin, c'est ce que Val m'a raconté quand on sortait ensemble, lui et moi. J'ai pas tous les détails de leurs vies.
Vernon essayait de redessiner le visage de cette fille dans sa tête.
- Elle sait que je ne suis pas une menace pour elle, j'en ai pas grand-chose à foutre de sa vie. Enfin, je crois qu'elle ne me voit pas comme ça, se rattrapa-t-il en haussant des épaules.
- C'est vrai que hier soir elle n'a pas paru te faire grandement confiance, affirma Vernon en se mordant l'intérieur des joues.
Angel réhaussa une nouvelle fois des épaules avant de prendre une grande gorgée de bière. Vernon la lui arracha gentiment des mains pour la poser par terre, de son côté du canapé.
- Eh ! s'écria l'acteur, visiblement contrarié.
- T'as pas besoin de ce biberon, se moqua Vernon, et il fut empli d'un sentiment qu'il ne pensait pas ressentir de sitôt : de la sérénité.
Oui, il se sentait serein. Comme s'il n'était pas mort. Comme s'il n'était pas responsable du décès de plusieurs innocents. Comme s'il n'avait jamais perdu Joy. Comme s'il n'avait pas détruit le mariage de ses parents. Comme si Maggie était toujours en vie. Comme si Angel n'avait pas de sentiment pour Husk. Comme si son âme n'appartenait pas à Alastor.
Angel sembla remarquer cette soudaine bonne humeur. Il se contenta de s'enfoncer dans le dossier du sofa, son regard dépareillé planté dans ceux du plus jeune.
Donc là, je suis missionné par Alastor pour voler le contrat d'âme qui le lie à Valentino. Je pourrais, en théorie, l'aider à s'en défaire. Non ?... Est-ce qu'il veut au moins que je l'aide ? Est-ce que je ne ferais pas mieux d'abandonner, quitte à ce qu'Alastor me zigouille ? Peut-être que, comme Joy, il veut qu'on le laisse gérer cette situation seul... Putain mais quel dilemme.
Cette pensée traversa son esprit si naturellement que Vernon craignit de l'avoir dite à voix haute.
- Bah putain, Vernon est heureux quand il est sadique. Je note, déclara Angel en étendant ses jambes sur son voisin d'assise, les bras croisés derrière sa tête avec un air taquin.
Au lieu de le faire grimacer, la plaisanterie fit sourire le concerné qui ne prit aucune peine à le corriger quant à la nature de son sourire - ni à chasser ses jambes par ailleurs. Angel rayonnait tellement dernièrement qu'il avait réussi à vaincre sa déprimante humeur, qu'il le fasse exprès ou non. Quelque chose semblait l'avoir mis de bonne humeur pour un sacré moment !
Plus les semaines passaient, et plus Vernon trouvait Angel différent de Joy. Charmant à sa manière. Intelligent sans en faire trop. Humble d'une façon intéressante. Attirant physiquement, même si ce n'est pas ce que Vernon regardait en premier. Un sourire sincère, une voix unique, une odeur enivrante. Même ses tics et son humour sexuellement douteux ne le dérangeaient plus.
S'il devait lister tout ce qui lui plaisait chez lui, il commencerait par son sourire. C'était sûrement sa chose préférée actuellement. Ce qui pourrait surprendre était qu'il ne le trouvait pas parfait. Pour lui, Joy était parfaite, mais ses sentiments n'étaient-ils pas biaisés par cela justement ?
Il se rendit alors compte d'une chose. Une chose qui l'effraya.
Il n'avait aucune bonne raison d'être tombé amoureux d'Angel.
Angel était narcissique, grossier, avec une tendance à ne pas se présenter à ses obligations sauf quand il savait être payé, parfois il donnait un air indolent voire paresseux, mais le pire ; il était artificiel. Enfin, tout ça, c'était ce que racontaient les bruits de couloirs depuis son arrivé à l'hôtel Hazbin. À vrai dire, pour Vernon, le vrai trait négatif de sa personnalité venait du fait qu'Angel avait appris à jouer un rôle pour se faire accepter par les autres, mais de là à dire qu'il était artificiel... Comme Azzurra, en fait, se dit-il alors avant de se donner une claque mentale pour revenir au temps présent, conscient qu'on s'adressait à lui.
- Pardon, tu disais ?
Angel souffla du nez.
- La télécommande.
Ok. Il ne donnait même plus la peine de formuler une phrase complète.
Vernon fit mine d'hésiter, rien que pour le faire enrager.
Angel fronça des sourcils, la main tendue vers Vernon avec insistance.
- T'as ma bière, mes jambes, et maintenant la télécommande. Tu essayes de me dépouiller pour ensuite me jeter au fond d'un caniveau ou t'as d'autres plans plus sales en tête ?
- Ça dépend ce que tu considères de « sale », plaisanta Vernon avant de réaliser que sa phrase aurait moins eu l'air bizarre s'il l'avait gardée pour lui-même.
En tout cas, sa remarque eut son effet ; le plus âgé sourit de façon séductrice.
- Ah donc tu veux jouer à ce petit jeu...
Vernon ravala immédiatement sa confiance en lui. Il retroussa les lèvres en déviant le regard.
- Hein euh, non, fin, ça dépend ce que tu appelles « jouer », bredouilla-t-il avant de se décider de se taire pour ne pas aggraver sa situation déjà précaire.
Il sursauta d'un seul coup lorsqu'il sentit la main d'Angel se poser sur sa cuisse. Il tourna la tête vers lui et constata avec effarement que son ami s'était positionné à quatre pattes, et qu'il se tenait dorénavant au-dessus de ses jambes, dangereusement proche de lui.
Un pas supplémentaire permit à Angel de totalement surplomber Vernon, qui était si interloqué par leur proximité qu'il en oublia comment respirer.
- Qu'est-ce que tu fais ? osa-t-il enfin demander, sa voix à peine un murmure alors que le visage d'Angel avoisinait le sien de quelques centimètres.
Son ami l'examina avec une intensité qui fit frissonner Vernon, qui restait figé, incapable de réagir, totalement déstabilisé par la tournure que prenait leur conversation. Un regard en coin confirma que les autres étaient toujours en conférence, dans la salle d'à côté. La voix séduisante d'Angel le poussa à reprendre leur contact visuel.
- Relax, je ne vais rien te faire que tu ne veux pas, dit-il avec un brin d'amusement, sa main toujours délicatement posée sur la cuisse, comme s'il effleurait les ailes d'un papillon - ou d'une chauve-souris.
Vernon sentait son cœur battre à tout rompre. Oh bordel. Oh bordel. Qu'est-ce qu'il fout. Je fais quoi. Aled. Il tenta de reprendre son souffle, de recouvrer un semblant de calme. Peut-être montrer qu'il n'était pas tant intimidé par ce rapprochement que ce que ses rougissements hurlaient. Les paroles d'Angel résonnaient en lui, mêlées à ses propres pensées confuses. "Je ne vais rien te faire que tu ne veux pas."
- Je... je ne suis même pas sûr de savoir ce que je veux, souffla-t-il alors tandis que ses raisonnements se heurtaient pour lui supplier d'écourter la distance entre leurs lèvres.
Ils avaient déjà dormi ensemble. Ils n'avaient jamais rien fait de sexuel tous les deux, ni même romantique en fait ! Vernon avait respecté qu'Angel aille des sentiments pour Husk. Angel avait respecté que Vernon ne soit pas intéressé par une relation plan-cul. Mais alors, qu'est-ce qu'il foutait, bordel de merde, à défier les limites de leur amitié ?
Comme s'il avait capté ses pensées, Angel se rapprocha encore, ses lèvres à quelques centimètres de celles de Vernon. Leur souffle se mêlait, et Vernon pouvait sentir la chaleur de la peau de son ami contre la sienne. Mais il y avait quelque chose d'étrange dans le regard d'Angel, comme une incertitude, mêlée à ce que Vernon aurait jugé être de l'embarras. Il est gêné ? Est-ce qu'il vient seulement de réaliser ce qu'il était en train de faire ? Angel est capable d'être gêné, même ?!
Vernon était prêt à profiter de son élan de lucidité pour le repousser, mais son corps refusait de se mouvoir. Ok, ça, c'est bizarre. Pourquoi moi j'y arrive pas ? J'ai tant envie qu'il m'embrasse que ça ?
- Vernon..., commença Angel avec confusion, avant de fermer les yeux et de simplement étendre son bras jusqu'à la télécommande qui était posée sur l'accoudoir.
Vernon le laissa s'éloigner et regretta instantanément ne pas avoir lui-même instauré cette distance. Bordel. S'il m'avait embrassé, est-ce que j'aurais refusé ? Non, clairement pas. Putain, je suis vraiment qu'un pauvre abruti. Le voulait-il d'ailleurs ? Peut-être que je me fais juste des idées. Il voulait juste récupérer la télécommande. Pourquoi j'imagine des trucs pareils ?
- Je l'ai, souffla l'acteur en changeant de chaîne, le fixant du coin de l'œil avec amusement.
- T'es vraiment..., commença Vernon, ruminant une colère nouvelle.
Je ne peux pas croire qu'il profite de son charme pour me faire déstabiliser juste pour une fichue télécommande.
- Incorrigible ? Je sais.~
- Un profond connard, lâcha alors Vernon avant de se mordre les joues.
Merde. J'ai réfléchi à voix haute.
Angel resta silencieux un instant, comme si la remarque l'avait étonné. Et au lieu de se mettre en colère, il se contenta d'un bref haussement d'épaules.
- Hm'ouais, tu m'apprends rien.
Angel était bourré de défauts, et ça faisait d'autant plus chier Vernon de reconnaître qu'il avait des sentiments pour lui. Tout aurait été plus simple s'il pouvait juste arrêter d'aimer les mauvaises personnes. Et se concentrer sur celles qui s'intéressaient vraiment à lui. Comme Margot...
Les portes s'ouvrirent et les résidants apparurent dans un brouhaha général, détruisant leur espace d'intimité. Lorsqu'Angel tourna la tête vers Vernon, délaissant l'écran de la télévision, ce dernier s'était déjà volatilisé dans la foule.
Ni une ni deux, Vernon s'était retrouvé dans sa chambre à verrouiller sa porte à double tour. Il se laissa glisser le long de la paroi, la tête entre les mains. Ses lèvres étaient si proches des miennes. Est-ce qu'Angel en avait envie ? Ou jouait-il au con comme d'habitude avant de se rappeler de « qui » il avait en face ? Angel n'avait pas rougi, mais ses yeux avaient brillé d'une façon singulière. Putain, il est vraiment mignon. Et excitant. Merde, je n'ai pas le droit d'être excité comme ça.
Et pour couronner le tout, le fond de son sous-vêtement était trempé.
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