Chapitre 2: Aurores boréales

C'est notre première rencontre pour les alliances et je ne sais pas pourquoi, mais je suis nerveuse. Amon m'ouvre la porte de son atelier, situé dans une maison un peu isolée. Je devrais peut-être avoir peur. Non, il y a d'autres personnes qui vivent dans les autres parties. Je vais compter là-dessus et mon impression de lui. Dans la pièce principale, il y a un établi de bijoutier, des rangements, un coin cozy avec des sièges et au milieu une grande table en bois. Amon me dit:
-Il y a même une cuisine et une salle de bain.

-C'est cool.

Avec un sourire espiègle, il demande:
-Alors Uri? Tu veux quelque chose à boire?

Je le fixe prise de court. Il m'appelait "Uri" en maternelle. Il me dit moqueur:
-Tu croyais que j'étais amnésique?

On rit et il me dit:
-Quand il m'a donné ton nom, j'avais des soupçons, mais j'y croyais pas vraiment.

-Ouais, maintenant c'est un peu gênant comme situation.

-Non, c'est cool. C'est bien de te voir heureuse.

Soudain, la voix de Treivon en train de me crier "Ton amour, il pue le désespoir!" retentit dans ma tête. Dire qu'un mois après cette horrible dispute, je l'ai laissé revenir et j'ai dis "oui" malgré la surprise. Son discours était si doux cette fois aussi. Amon m'appelle:
-Uriah?

-Oh oui désolé, je me suis perdue. C'est la fatigue des préparatifs.

Il propose:
-Tu veux une boisson énergisante? Du café? Du thé? Autre chose?

-Non merci, ça ira.

En s'asseyant, il me demande:
-Donc on commence?

Je l'imite et commence à lui expliquer mon idée d'alliances gravées. En étirant ses lèvres voluptueuses, il commente:
-T'essaies de copier Le seigneur des anneaux?

-Non, je l'ai même pas regardé.

Il écarquille ses yeux à la teinte du rhum, avant de me dire:
-Oh, mon Dieu, c’est criminel.

On rigole et je demande:
-Et toi si c'est pas indiscret? T'as une Madame Amon?

Il rigole et répond:
-Non, j'ai pas réussi à construire une relation assez solide pour ça et puis wow, on a même pas 30 ans.

Je dis en souriant:
-Oui, Treivon et moi, on doit avoir l'air cinglés.

-Non, vous savez ce que vous voulez, c'est bien.

Je suis contente qu'il ait baissé la tête sur le croquis, il n'a pas pu voir mon sourire mourir. Je me reprends pour demander:
-Qu'est-ce que tu veux dire par une relation solide?

Il me regarde à nouveau pour me dire:
-Quand il y a ce qu'il faut, comme la confiance, la communication et le respect. Aussi être là pour l'autre émotionnellement et les objectifs communs. La base.

Je souris en demandant:
-T'as trouvé ça dans quel livre de psycho?

-Celui que ma mère a sûrement dû retenir, elle en lisait beaucoup quand je squattais son corps.

On rit et il me dit amusée:
-Elle m'avait aussi ressorti et appris ça, alors que j'avais que 10 ans. Un peu trop tard pour l’appliquer avec toi.

-T''étais pas horrible comme copain.

-T'es pas amnésique non plus.

J’étire les lèvres et demande:
-Du coup, t'as pas réussi à accrocher assez d’éléments pour construire?

-Ouh, pas mal le jeu de mots.

On rigole et il soupire avant de dire:
-Mais j’étais un sale gosse vers quand on a déménagé.

À cause de la mort de son père d’une maladie. La maîtresse avait pris la peine de nous expliquer la tristesse et la colère d’Amon, mais c’était toujours perturbant pour nos petits cerveaux. Je lui rappelle:
-T'as plus pleuré pour Ian que pour moi en partant.

Il étire les lèvres avant de répondre:
-T'aurais voulu que je pleure plus pour toi?

-Un petit peu.

Il rit puis me raconte:
-Mais tu sais, ma mère m'a laissé garder une petite chevalière de mon père, elle m'obsédait petit. Je la portais autour de mon cou et c'est ce qui m'a donné l'idée de m'intéresser à la bijouterie. Donc je considère plus ça comme une bénédiction qu'un don comme tout le monde dit, ou peut-être les deux. Je suis pas fan de l'idée "un mal pour un bien" pour mon père, mais...

-Tout est planifié?

Il me sourit et hoche la tête.

***

J’en suis à mon deuxième rendez-vous à l'atelier et je ne sais pas comment, mais j'ai convaincu Amon de me laisser l'aider à faire une bague. Je lisse l'intérieur du bijou avec un outil qui fait tourner un rouleau de papier de verre. Il me dit:
-C'est bon, montre.

Il essuie ce que je viens de faire puis dis en souriant:
-Parfait, maintenant je continue.

Je le regarde polir l'anneau puis utiliser d'autres outils tournant dessus. Il me montre enfin le résultat. Je prends la bague dorée, tellement brillante qu'elle reflète les alentours comme un miroir. Je souris et il me dit:
-Elle est à toi.

-Non, je peu pas accepter.

-Tu l'as faite, c'est un cadeau de la maison. Un cadeau de mariage.

-Merci...je sais pas pourquoi ça me vient là, mais je vais oublier si je demande pas. T'avais dis que tu venais d'Égypte, mais comme tu disais "d'un petit peuple fort de là-bas".

Je ris avec lui puis demande:
-C'était lequel?

-Les coptes, on est les chrétiens d'Égypte.

-Ah ok. Tu comptes y aller bientôt?

-Je l'ai déjà beaucoup fait et c'est magnifique, mais je cherche de nouvelles aventures. Toi, t'aimerais vivre lesquelles?

-J'aimerais beaucoup voir les aurores boréales.

-C'est comme les arcs-en-ciel. Tu les aimais beaucoup.

-Oui, malheureusement en grandissant à un moment mon père les a carrément bannis.

-Comment ça?

-Tu te souviens de Zafir? Mon grand frère?

-Oui.

-Il est gay et mon père a juste perdu encore plus de neurones en l'apprenant. Zafir lui faisait chier avec le drapeau, donc un jour mon père a juste balancé tous les trucs arc-en-ciel qu’il trouvait, et donc plein de mes affaires. Il m’accusait même d'être la prochaine à faire son coming-out. C'était juste avant que Zafir aille à l'université, donc il a pu s'échapper, lui, au moins.

-Putain ça craint. Ils seront tous les deux à ton mariage?

-Non, t'inquiète pas, mon père n’aura pas l'occasion de se battre avec Zafir et son mari. Parce que Zafir refuse de venir. Il dit que...que je fais l'erreur de ma vie.

-Ah...peut-être qu'il changera d'avis.

-On verra bien.

-Donc t'iras voir les aurores en lune de miel?

-Non, Treivon refuse de m'accompagner et de "se les geler pour rien tout ce temps" comme il a dit.

Amon a l'air brièvement tendu. J’ignore ça et lui demande:
-Toi, tu ferais quoi avec Madame Amon?

Il rit et répond:
-Je voyagerais beaucoup, j'essaierais plein de trucs. Je ferais des trucs ennuyant aussi, comme regarder des documentaires sur le pelage des animaux en la tenant dans mes bras et je pense faire des petits Amon.

On se met à rire, quand Kia mon autre meilleure amie m’envoie un message d’impatience. Je dis à Amon:
-Je dois y aller.

Il hoche la tête et, comme il a pris l'habitude de faire avec moi, il me fait une poignée de main et me serre brièvement contre lui et son odeur poudrée et ambrée.

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