Chapitre 9
Je suis tranquillement le petit groupe plus loin dans les galeries rocheuses. Amos me suit de très près. Tandis que nous marchons, j'observe les trois loups devenus dociles. Je trouve cette transformation incroyable. Il y a encore une minute, ils grognaient après nous, à deux doigts de nous arracher les membres un par un. À présent, ils sont aussi doux que des agneaux.
Peut-être sont-ils à moitié humains, eux aussi.
Je secoue la tête. Le phénomène de tout à l'heure n'était qu'une hallucination. Personne ne peut se changer en loup, puis en homme.
Mais dans ce cas, pourquoi est-il nu ?
Je jette un coup d'œil à l'homme dévêtu, et plus particulièrement à son fessier qui rebondit à chacun de ses pas. S'il est bien entièrement humain et que je n'ai fait que rêver, il serait certainement habillé.
Je veux bien que la solitude dans la montagne rende un peu zinzin, mais pas au point de promener intentionnellement nu en plein hiver.
Je profite d'être à l'écart du groupe pour me pencher vers Amos.
-Est-ce que j'ai rêvé ou bien les loups peuvent se changer en humain ?
-On en reparlera plus tard, me glisse t-il à l'oreille.
Je me fige un instant. Il n'a pas dit que j'étais cinglé. Autrement dit, tout ceci est bien réel.
Je m'apprête à répliquer lorsque nous changeons de paysage. Nous sortons de ce long corridor et entrons dans une immense cavité.
-Mais... c'est un village, je réalise avec stupéfaction.
Des centaines de stalactites répercutent la lumière du jour qui filtre par les quelques trous dans la pierre, illuminant l'endroit. Plusieurs rochers semblent avoir été creusés pour être aménagé en sorte de maison. Des gens se promènent librement, discutant et riant entre eux, ne se souciant de rien, même pas des quelques loups qui vivent parmi eux.
-Que penses-tu de notre territoire ?
J'étais tellement émerveillée par la beauté de ce lieu que je n'ai pas remarqué la jeune femme qui m'observe depuis tout à l'heure. Elle passe une main dans sa courte chevelure noire parsemée de multitudes de mèches rouges.
-C'est merveilleux, j'affirme.
J'aperçois un léger sourire étirer ses lèvres avant qu'elle ne se détourne et reprenne sa marche. Elle exécute un signe et les trois loups ainsi que l'homme en tenue d'Adam s'en vont.
-Suivez-moi, nous ordonne t-elle.
Nous obéissons et lui emboitons le pas jusqu'à un grand rocher - non, une maison - éclairé. Je reste bouche bée lorsque nous entrons à l'intérieur.
Pour un village creusé dans la roche au cœur d'une montagne, je ne m'attendais certainement pas à trouver un aménagement aussi moderne. Et pourtant me voilà, debout dans un salon au style épuré mais chic.
Mes bottes salissent le parquet éclatant alors que je pénètre dans la pièce. Un poêle à bois se tient dans l'angle du salon. Un canapé d'angle de couleur crème fait face à un grand écran télévisé. Près de celui-ci se tient une petite bibliothèque remplie de livres et de DVD en tout genre.
-Vous avez l'électricité ! je m'exclame, surprise.
-Bien-sûr. Nous vivons peut-être au cœur d'une montagne, mais nous restons des gens civilisés, rétorque la jeune femme.
-Mais... comment ?
Elle enfonce ses mains dans les poches de son jean en cuir noir.
-Nous nous alimentons grâce à des groupes électrogènes, et tout un tas de câble, explique t-elle.
Je me tourne vers Amos.
-Et toi, tu continues de vivre dans ta vielle grotte comme un homme préhistorique.
Il plisse les yeux, les bras croisés contre mon torse.
-Ma grotte est parfaite comme elle est, réplique t-il.
Mais bien-sûr.
-Ton ami doit être dans cette pièce, m'informe la jeune femme.
Elle désigne une porte fermée et s'approche de celle-ci. Je la suis, fébrile à l'idée de retrouver Théo. Elle ouvre la porte en grand, sans s'annoncer. Et c'est alors que nous tombons sur la vision de mon meilleur, au lit avec une demoiselle.
Complètement nus.
Théo se relève illico. Il attrape la couverture tombée au sol et s'en sert pour couvrir son anatomie. La fille nue se redresse elle aussi, mais n'essaie pas de cacher son corps dénudé. Elle baisse la tête vers ses pieds tandis que la femme à mes côtés la fusille du regard.
-Lorsque j'ai ordonné une garde rapprochée, je ne faisais en aucun cas mention de ça, dit-elle durement à la jeune fille.
-Pardonnez-moi, Alpha. Je... Cela ne se reproduira plus, c'est promis.
-Sors d'ici, tu es relevée de tes fonctions pour le moment.
La jeune fille ramasse ses affaires et s'en va sans dire un mot de plus.
Je rêve ou elle l'a appelé " Alpha " ? Drôle de nom.
Maintenant que la fille est sortie, nous nous tournons vers Théo. Il se gratte l'arrière de la nuque, gêné.
-Euh, salut ?
Je m'approche de lui à vive allure, attrape un coussin sur le lit au passage et le frappe de toutes mes maigres forces avec ce dernier.
-J'ai parcouru sept cents kilomètres pour venir ici ! J'ai grimpé toute la montagne à pied sous une tempête de neige ! Je me suis fait un sang d'encre pour toi !
Théo se recroqueville sous mes coups, les mains sur la tête pour se protéger.
-Je croyais que tu étais mort, alors qu'en fait... Tu t'envoyais en l'air !
Je continue de le frapper sans discontinuité.
-Temps mort ! Temps mort ! hurle t-il, avachi sur le sol.
Je cesse d'agiter le coussin et le repose sur le matelas, la respiration hachée. Théo passe sa main dans ses cheveux blonds en bataille.
-T'es qu'un pauvre naze.
-Mais qu'est-ce que tu fais là, d'abord ? ronchonne t-il.
-Je suis venue sauver ton cul, parce que je croyais que tu étais en danger !
J'attrape à nouveau le coussin et recommence à lui taper dessus. Amos intervient au moment où j'essaie de l'étouffer avec l'oreiller. Il passe un bras autour de ma taille et me hisse loin de Théo. Je me débats un instant dans ses bras, furieuse.
-Du calme. On a fait beaucoup d'effort pour le retrouver. Attends un peu avant de l'envoyer aux Enfers.
J'inspire profondément pour me détendre.
-Très bien. Je suis calme.
Je pointe un doigt en direction de Théo qui vient de se relever.
-Mais toi, mon coco, tu ne paies rien pour attendre.
Il lève les mains en l'air en signe de paix.
-Retournons dans le salon et laissons-le se rhabiller, nous conseille la jeune femme derrière nous.
J'hoche la tête et attends qu'Amos me relâche pour quitter la pièce.
De retour dans le salon, je m'avachis sur le canapé. Je laisse mon corps se faire avaler dans le divan extramoelleux et soupire d'aise.
Ça change de la roche.
-Ne lui en veut pas trop, ces dernières vingt-quatre heures ont été très difficiles. Il s'inquiétait beaucoup pour son amie Lilo, j'imagine que c'est toi.
J'acquiesce.
-Il voulait à tout prix t'appeler, mais avec ce temps, c'est impossible de réussir à capter une barre de réseau.
Je soupire.
-En tout cas, je vous remercie d'avoir veillé sur lui, Madame.
Elle grimace.
-Oh là là, je ne suis pas assez vieille pour ça ! Appelle-moi Cerise.
-Lilo, je lui réponds. Mais je crois que tu le sais déjà.
Je lui tends ma main. Elle s'apprête à la serrer lorsqu'un grognement retentit dans la pièce. Je regarde tout autour de moi, surprise, mais ne vois aucun loup. Je regarde Amos qui se tient debout au milieu du salon.
-Un problème ? lui demande Cerise.
Il détourne le regard, presque gêné.
-J'en ai marre d'attendre. J'ai hâte de renvoyer ces deux-là au pied de la montagne, se plaint-il.
-J'ai bien peur qu'il te faille patienter encore longtemps.
Amos et moi tournons la tête vers la jeune femme au même instant.
-Comment ça ? je lui demande.
-La tempête ne semble pas prête à se calmer. Et tant que ça ne sera pas fait, personne ne pourra redescendre de cette montagne, nous rappelle t-elle.
Bien-sûr, cette maudite tempête.
-Alors tout ce qu'il nous reste à faire est d'attendre ? C'est plutôt pas mal en comparaison de tout ce que je viens de traverser. Ça peut durer combien de temps ?
Elle hausse les épaules.
-En général, les tempêtes se calment au bout de quelques heures. Mais ce n'est pas le cas pour celle-ci. J'ai comme la sensation qu'elle n'est pas...
Elle lève les yeux vers Amos.
-... naturelle, souffle t-elle.
Je me retourne vers Amos. Son expression me fait croire qu'il y avait un sous-entendu dans la conversation, et qu'il a saisi le message. C'est perturbant.
Qu'a-t-il réalisé que je n'ai pas compris ?
Cerise frappe dans ses mains.
-Bien, je vais vous laisser à présent. Ma m... famille requiert mon attention.
Elle s'arrête à hauteur d'Amos.
-Tu dois te douter que tu n'es pas vraiment le bienvenu ici, lui dit-elle.
-Je peux repartir si ma présence ne plait pas.
-Pas la peine. Tu peux rester ici le temps qu'il faudra. À condition que tu restes tranquille.
Il hoche la tête doucement.
-Tout ce que je souhaite, c'est faire en sorte que Lilo et son ami rentrent chez eux en toute sécurité, affirme Amos.
-Très bien. Dans ce cas, vous pouvez rester. Il y a une deuxième chambre un peu plus loin. Faites comme chez vous.
Cerise sort de la maison. Amos fixe la porte durant quelques secondes, puis vient s'asseoir près de moi sur le canapé. Il grimace alors que son corps s'enfonce entre les coussins.
-Tu n'es pas un adepte du confort, je lui fais remarquer.
-Parce que tu qualifies ça de confortable ? rétorque t-il.
-Même la pelouse est plus agréable que le sol de ta grotte, je le taquine.
Amos regarde tout autour de lui, un peu mal à l'aise. Je m'apprête à aborder le sujet de l'étrange métamorphose à laquelle nous avons assisté un peu plus tôt, mais Théo choisit ce moment pour enfin sortir de la chambre.
-Bien, et si tu me racontais ce que j'ai raté, propose t-il.
Il vient s'asseoir de l'autre côté du canapé moelleux.
-À commencer par l'armoire à glace que tu nous as ramené. Salut, moi, c'est Théo !
Il tend sa main en direction d'Amos, qui fixe celle-ci comme s'il lui faisait un affront. Il se lève du divan et s'en va sans jeter un regard à l'homme sur le canapé. Avant de sortir de la maison, il crache :
-Anóitos.
Nous fixons tous les deux la porte fermée durant quelques secondes.
-Je crois qu'il ne m'aime pas.
-Ne le prends pas personnellement, il n'aime personne, je lui confie.
Je m'installe plus confortablement.
-Bon, et si toi, tu me racontais ce qu'il t'est arrivé.
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Salut les loulous !
On a enfin retrouvé Théo, et nous avons rencontré un nouveau personnage ! Qu'en pensez-vous ? On progresse non ?
Ανόητος = imbécile
PicMacBook
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