Chapitre 5

Je continue de fixer l'homme devant moi comme s'il venait d'une autre planète.

Il ne parle pas français. En fait, je ne sais même pas quelle langue il parle. Ça ne ressemble à aucun dialecte latin, et ce n'est pas assez barbare pour être du russe ou de l'allemand.

Bon, je ne suis pas une experte des langues non plus. Je ne suis même pas bilingue.

Je me remémore un court instant l'épouvantable époque où je devais subir ces nombreux cours d'anglais. J'étais une bonne élève à l'école, mais dès que l'on se mettait à parler un langage étranger, je passais pour l'idiote de la classe.

Et les compréhensions orales, c'étaient les pires.

Je tripote mes mains sur mes genoux, ne sachant que faire. S'il ne parle pas ma langue, cela ne sert à rien que je fasse la conversation. Mais je tente ma chance malgré tout, incapable de me taire.

On ne sait jamais, peut-être connait-il quelques mots.

-Vous ne comprendrez certainement pas ce que je vais vous dire. Mais je suis consciente que sans votre intervention, je serai sans doute morte congelée. Alors... merci.

L'homme rit jaune.

-Au fait, je m'appelle Lilo, je me présente à lui. Comme le dessin-animé, je sais.

Il continue de se terrer dans son mutisme, ne me décochant que des regards ennuyés de temps à autre.

De toute évidence, je l'agace. Je peux le comprendre, je dois avoir l'air d'une pipelette à jacasser autant comparée à lui, qui ne s'exprime pour ainsi dire pas du tout. Mais rester silencieuse dans une telle situation me parait incommodant.

-Et vous, comment est-ce que vous vous appelez ?

L'homme se redresse. Il s'avance vers moi d'une démarche inhabituelle, presque féline. Ses yeux noirs me dévisagent sans aucune gêne. Il s'assoit calmement face à moi, près du feu.

-Amos.

J'hausse un sourcil.

Amos. Est-ce qu'il vient de me donner son nom ou continue-t-il de s'exprimer dans une autre langue ?

Devant mon air perplexe, il ajoute.

-C'est ainsi que je me nomme. Amos.

Mes yeux s'arrondissent tant je suis ébahie par ce que j'entends.

-Tu parles français ? je m'exclame, oubliant le vouvoiement.

Ses sourcils se froncent légèrement.

-Évidemment, me répond-il nonchalamment.

Évidemment ?

Je serre la mâchoire, persuadée de déballer de très méchantes choses si ma bouche vient à s'ouvrir.

Non, sa connaissance de la langue française n'est pas évidente. Surtout après la démonstration qu'il m'a faite tout à l'heure. À présent, je ne sais plus que penser de lui.

J'inspire profondément pour me calmer. Donc, il s'appelle Amos. Il est bilingue et il n'a absolument pas peur du froid.

J'observe ses bras nus et incroyablement musclés. Il n'a même pas la chair de poule. Ses biceps sont bien plus impressionnants vu de près. Je suis sûre qu'il pourrait tuer un ours à mains nues.

-Comment est-ce que tu fais pour supporter ce froid glacial dans cette tenue ? je ne peux m'empêcher de lui demander.

-Disons que je suis habitué au climat.

Puis il ajoute :

-Pas comme certaines personnes, qui auraient d'ailleurs mieux fait de rester chez elles, trois mille mètres plus bas.

J'ouvre la bouche, vexée.

-Eh ! Je ne te permets pas ! C'est mon teint qui te fait dire ça ? Ce n'est pas parce que je suis métisse que j'ai l'habitude de me dorer au soleil, je m'emporte.

Eh oui, je m'appelle Lilo, j'ai les cheveux noirs et la peau bronzée. La ressemblance entre le personnage fictif est frappante.

Il ne manquerait plus que je sache danser le Hula.

-Cesses de monter sur tes grands chevaux. Je ne faisais pas allusion à ta couleur de peau. Je me référais simplement au triste état dans lequel je t'ai trouvée tout à l'heure.

Je renifle.

-N'importe qui crèverait de froid avec une telle tempête, je me justifie.

-Si tu en as conscience, pourquoi est-ce que tu t'es engagée sur cette montagne ?

Je baisse les yeux. Je repense à Théo que j'ai voulu sauver. J'ai lamentablement échoué. Je me suis écroulée de froid avant même de l'avoir retrouvé. Si ça se trouve, il est trop tard maintenant.

Non, je n'abandonnerai pas mes recherches. Tant que je n'aurai pas trouvé de corps me confirmant le pire, je continuerai d'arpenter cette montagne.

-Tu es une idiote, dit Amos.

Je relève vivement la tête, insultée par de tels propos.

-Je te demande pardon ?!

Décidément, cet homme a le don pour me rendre hors de moi. Il me contrarie constamment. C'est à se demander s'il a un instinct de survie fonctionnel.

Je me lève sur mes deux jambes tremblotantes et le pointe du doigt.

-Je tiens à te faire savoir que je ne suis pas ici pour le sport. J'ai conscience du danger que j'ai pris en venant ici. Et je me fiche bien de finir par mourir congelée comme un bâtonnet de poisson sur cette fichue montagne.

Amos se redresse à son tour. Je suis obligée de lever la tête pour le regarder dans les yeux, tant il est plus grand que moi. Je me sens si minuscule à présent qu'il est debout.

-Peu importe la raison de ta venue ici. Tu devrais rentrer chez toi une fois que la tempête sera calmée.

Je croise les bras contre mon torse.

-Je suis à la recherche de quelqu'un, un être qui m'est cher. Je ne repartirai pas tant que je ne l'aurai pas retrouvé, je déclare.

Le regard d'Amos change. Il se fait plus doux, presque peiné.

Aurait-il de la compassion, lui, cet homme si froid et détestable ?

-Tu es prête à te sacrifier par amour ? demande t-il doucement.

-Par amitié, en fait. Mais oui.

Il hoche la tête lentement.

-Egignoskon hóti ékousa auté phōnḗn pou, marmonne t-il.

J'écarquille les yeux, à nouveau surprise de l'entendre dialoguer dans une autre langue. Je me demande ce qu'il peut bien psalmodier sans que je le sache.

Ça ne m'étonnerait pas qu'il soit encore en train de m'insulter.

-D'où viens-tu ? je le questionne.

Mais Amos fait demi-tour et s'éloigne.

-Repose-toi. Quand la tempête se sera un peu calmée, on partira à la recherche de ton ami.

J'ouvre la bouche sans rien dire, surprise par cette annonce.

-Tu vas m'aider à le trouver ? Pourquoi ?

Il hausse les épaules.

-Tu ne connais rien à la montagne. Si je te laisse partir toute seule, tu vas encore t'attirer des ennuis.

Je me renfrogne.

-Tu aurais simplement pu dire que tu le fais par bonté de cœur, je ronchonne.

Je me rassois en silence sur la douce fourrure brune. Je me tais pour de bon et ne dis plus rien. Mais je suis heureuse d'enfin récolter de l'aide. Personne ne m'a tendu la main depuis que Théo a disparu. Le guide ne voulait pas bouger son petit doigt, et les agents de police empêchaient carrément toutes personnes voulant grimper sur la montagne de passer.

J'observe Amos s'allonger près du feu, de l'autre côté de la grotte.

Il a beau être abracadabrant et très désagréable, il a accepté de m'offrir son aide sans même que je lui demande. Et n'oublions pas qu'il m'a aussi sauvé la vie.

D'une certaine façon, Amos est une bonne personne. Il ne sait simplement pas converser convenablement avec autrui. Ce n'est pas grave.

Je n'ai qu'à lui apprendre.

Je m'allonge sans volonté sur l'épaisse fourrure. Bientôt, je retournerai gambader dans des kilomètres de neige. J'ai intérêt à me reposer. Surtout que j'ai comme le pressentiment qu'Amos ne va pas me ménager.

----------------------
Salut les loulous !

Donc, que pensez-vous de Amos ? Peut-être est-ce trop tôt pour s'en faire un avis ?

Bon je ne vous embête pas plus, je vous laisse la traduction :
ἐγίγνωσκον ὅτι ἤκουσα αὐτή φωνήv που = je savais que j'avais entendu cette voix quelque part

Mystère mystère, mais de quoi Amos veut-il parler ? Haha, vous le saurez un jour. Mais pas avant un p'tit moment, désolée XD
Lilo ne sera pas mise au courant de l'univers mystique avant un tout petit moment. Mais patience, cela va venir !

Bye les loulous,
PicMacBook

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top