Chapitre 4
Les agents de police au commissariat n'ont fait que me confirmer ce que le guide avait dit. La tempête est bien trop dangereuse pour envoyer une équipe de secours. On m'a gentiment conseillée de prendre une chambre à l'hôtel et de m'y reposer en attendant que la météo se calme.
Ce qu'il ne faut pas entendre !
Tout ce que ces policiers ont réussi à faire, c'est de me convaincre que je ne pourrai jamais être mieux servie que par moi-même.
Après avoir quitté le poste de police en promettant de rester sagement à l'hôtel, j'ai trouvé une boutique d'alpinisme. J'ai demandé au vendeur de me conseiller tous les équipements nécessaires pour grimper le Mont-Blanc et ai dû taper dans mes économies pour payer le tout.
Le vendeur était sceptique lorsque je lui ai expliqué mon intention d'escalader la montagne. Il m'a observée de haut en bas en grimaçant, mais n'a rien dit et s'est contenté d'encaisser tout le bazar.
Je suis ressortie du magasin chargée comme un âne. Mais j'étais néanmoins heureuse de porter des vêtements bien plus chauds que ce que je portais à mon arrivée. Je n'étais absolument pas préparée à un tel froid en partant pour le sud.
J'ai enfilé les vêtements, couche après couche, en me remémorant tristement la dernière fois où j'ai vu Théo. Il était attifé de la même façon que moi aujourd'hui, et je me suis ouvertement moquée. S'il me voyait maintenant, il ne perdrait pour rien au monde l'occasion de me renvoyer la pareille.
J'ai balayé ces pensées d'un geste de la main et je me suis engagée sur le sentier pédestre où débute l'ascension. Seulement, alors que j'avance tranquillement, peinant à prendre de l'allure à cause des fortes bourrasques, j'aperçois un obstacle sur le chemin. En plissant les yeux, je comprends que des policiers font barrage, certainement afin d'éviter ce qui s'est déjà produit : qu'un abruti n'aille s'aventurer plus loin sur le Mont-Blanc en pleine tempête.
En levant la tête, je peine à comprendre les raisons qui ont poussé Théo à escalader cette fichue montagne. Quatre mille mètres d'altitude, c'est vraiment haut, et monter tout ça doit être épuisant. Moi qui ne suis pas du tout sportive, je vais galérer à grimper jusqu'en haut.
J'observe les policiers qui bloquent le chemin. Ils discutent entre eux et ne semblent pas m'avoir remarquée.
Très bien.
Je profite de cet avantage et quitte le sentier. Les agents peuvent bloquer les sentiers, mais ils ne peuvent pas encercler toute la montagne. Je m'engage alors dans la forêt, râlant mentalement après l'épaisse couche de neige sous mes bottes. Je regrette très vite le sentier pédestre qui était nettement plus praticable.
J'avance dans cette forêt et, au fur et à mesure que je parcoure les mètres, je commence à trouver des avantages à cette petite balade.
Primo, cette ascension va me permettre de me remettre en forme physiquement. Cela fait longtemps que je n'ai pas pratiqué d'activité sportive. Deuzio, la vue est magnifique, si l'on oublie que les sapins sont violemment secoués par le vent. Et tertio, Théo a raison, escalader une montagne, c'est pratique pour les gens qui n'ont aucun sens de l'orientation. Il suffit de viser le sommet du Mont-Blanc pour savoir où aller.
Alors que je progresse lentement sur la montagne, je commence à hurler le nom de mon meilleur ami. J'ai dû attendre de m'être suffisamment éloignée avant de commencer à ne faire du bruit, de peur que les policiers ne viennent me chercher et ne me ramènent de force au village.
Je hurle très fort, mais ma voix est camouflée par le vent. Et plus j'avance, plus cela empire.
Je passe des heures à marcher, de la neige jusqu'aux genoux. Je m'arrête de temps en temps pour grignoter quelque chose. Au bout d'un moment, je ne supporte plus le vent glacé qui souffle sur mon visage, et j'enfile mes lunettes de ski.
Je me demande pourquoi je n'y ai pas pensé avant.
Des flocons viennent se mêler aux bourrasques, rendant l'horizon plus flou. Mais je ne me décourage pas. Je continue d'aller de l'avant, criant le nom de mon meilleur ami à tout bout de champ.
-Allez, réponds-moi, je marmonne tristement contre le tissu de mon tour de cou.
J'appelle une énième fois. Quelque chose se met à filer à toute vitesse sur ma droite, me faisant sursauter violemment.
Mince, qu'est-ce que c'était ?
Je pose une main sur mon cœur affolé.
-Bravo, Lilo. Tu fais peur aux animaux.
Je reprends mon chemin, certaine qu'il n'y a pas à s'inquiéter de cette brusque apparition. Mais alors que je monte de plus en haut, la fatigue pointe le bout de son nez. J'ai dû avaler un litre de café avant mon départ, mais il y a bien un moment où la caféine ne fonctionne plus. J'ai besoin d'une bonne nuit de sommeil, et dans un lit chaud de préférence.
Je repense à Théo qui doit certainement souhaiter la même chose que moi en cet instant. Je sais que je ne pourrai jamais trouver le sommeil tant qu'il sera perdu dans cette montagne. Alors je continue d'avancer.
Le froid s'engouffre dans mes membres. Mes orteils sont gelés, tout comme le bout de mon nez que je ne sens même plus. Je suis frigorifiée. L'air est si froid que respirer rend mes poumons douloureux.
D'ailleurs, arrivée à une telle altitude, j'ai des difficultés à inspirer correctement. Je ne m'attendais à un effort physique et mental aussi intense. J'ai l'impression que je pourrai m'effondrer d'un instant à l'autre.
Il neige abondamment. Tout est blanc devant moi, je ne sais même plus où je vais, où se trouve le sommet de la montagne. Si ça se trouve, je fonce dans la mauvaise direction depuis une heure.
Je suis à bout. Mes jambes tremblent chaque fois que j'exécute un nouveau pas dans la neige. Mon sac à dos est si lourd sur mes épaules. Et je manque d'air.
Mes paupières sont lourdes. Je lutte contre la fatigue, mais rien n'y fait, mes yeux se ferment involontairement.
Mon corps retombe dans la poudreuse sans que je puisse l'en empêcher. Je suis vidée de toutes mes forces. Je n'arrive plus à lutter.
J'étais venue secourir mon ami, mais voilà que je me retrouve comme lui, victime de la tempête glaciale.
Avant de sombrer, j'ai tout juste le temps d'entendre un étrange grognement retentir tout près de moi. Puis quelque chose de doux vient se frotter contre ma joue.
Super, non-seulement je vais mourir de froid, mais en plus mon cadavre va servir de Mister Freeze à une bête sauvage.
Incapable de lutter plus longtemps - et n'ayant de toute façon pas l'envie de savoir ce que va faire l'animal de mon corps - je sombre dans l'inconscience.
Je ne pensais pas que je finirais par me réveiller, ou alors si, mais au paradis, bien au chaud sur un petit nuage. Bon, finalement, la sensation que j'éprouve à mon réveil est presque la même. Je suis allongée sur quelque chose de doux et de chaud. Mais en ouvrant les yeux, je sais que ce n'est pas le paradis.
J'observe le feu de camp crépiter à quelques mètres de moi. Je me redresse difficilement et observe mon entourage. Je suis dans une grotte de pierre, allongée sur ce qui semble être une véritable fourrure animale.
Un ours, peut-être.
Mon sac à dos, ainsi que ma doudoune et mon surpantalon, repose sur le sol juste à côté de ma couchette improvisée. Je saute quasiment sur le sac et cherche frénétiquement mon téléphone portable. Je pousse un cri de joie lorsque je le trouve. Mais mon allégresse est de courte durée.
-Pourquoi n'y a-t-il jamais de réseau quand on en a besoin ? je râle.
Un bruit retentit et je sursaute brusquement. Un homme est entré dans la grotte et m'observe curieusement.
Je le dévisage à mon tour - ou le mange des yeux plutôt. Le nouveau venu est très grand, peut-être bien mesure-t-il dans les deux mètres de haut. Il a une carrure de rugbyman. Ses épaules sont larges et très musclées, tout comme son torse. Son nez droit remue, comme s'il renifle l'air. Ses yeux infiniment noirs continuent de me fixer, me mettant mal à l'aise.
-Euh, bonjour ? je tente une approche.
J'ai l'esprit encore tout embrouillé après mon réveil. Et en le voyant là, debout devant moi, un homme si beau que c'en serait presque un crime, je me demande si je ne suis pas morte finalement.
L'homme détourne le regard et m'ignore. Il retire son manteau de fourrure gris et le dépose à terre, de l'autre côté du feu. J'écarquille les yeux en le voyant faire. Déjà parce que ses bras sont énormes et très musclés, mais aussi car il ne porte qu'un simple tee-shirt.
Bon sang, comment fait-il pour ne pas mourir de froid avec une température aussi basse ?
Je me racle la gorge.
-Nous sommes toujours en haut de la montagne ? Est-ce que la tempête s'est calmée ?
Les secondes s'écoulent dans un lourd silence. J'attends qu'il me parle, mais il ne daigne toujours pas me répondre.
-Vous êtes alpiniste, vous aussi ?
Tout à coup, l'homme lève les yeux au ciel, comme agacé.
-Gunai araioi, aeí phluaroi hýbris ! s'écrie t-il.
Je cligne des yeux, abasourdie par ce que j'entends. Je me dis que peut-être mon cerveau a dû être endommagé durant mon ascension. Mais non.
Cet homme ne parle pas français.
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Salut les loulous !
Je vous imagine déjà sur Google traduction afin d'essayer de comprendre ce qui se dit dans cette histoire. Mais rassurez-vous, je vous pose la traduction ici !
( et de toute façon, vous ne risquez pas de trouver la signification de cette phrase XD )
Pour ceux qui l'auraient reconnu ( et alors là chapeau ), il s'agit là du grec ancien. Je ne vous explique même pas la galère pour traduire une phrase en langue ancienne. Surtout que je ne suis pas une experte, et que le grec s'écrit avec un alphabet différent du nôtre ( ce qui fait que mes traduction ne seront peut-être pas exactement correct, oups :3 )
Bon, trêve de blabla, voici ce qui est dit :
Γυναι αραιοι, αει φλυαροι υϐρις = Maudites femmes, toujours si bavardes !
Ça annonce déjà le caractère de ce nouveau personnage, vous ne trouvez pas ?
Vous vous demandez peut-être pourquoi ce personnage parle une langue morte. Promis, vous finirez par avoir cette réponse, tout sera expliqué dans l'histoire, vous comprendrez très vite ;)
Bye les loulous,
PicMacBook
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