Chapitre 25
Mon cerveau me hurle de courir. Mon instinct m'intime de fuir. Mais mon corps reste immobile, paralysé par le regard améthyste qui me fixe d'un air cruel.
Le smilodon est de retour, et rien ne me garantit que je vais lui survivre cette fois-ci.
—Fini de jouer au chat et à la souris, me sourit-il, une lueur sauvage dans les yeux. Il est temps de passer à table.
Je réussis enfin à sortir de ma torpeur, réalisant qu'il me faut m'enfuir maintenant si je veux avoir une chance de vivre. Ma meilleure chance est de retourner au village. Cerise et ses loups me protégeraient du machiavélique tigre à dent de sabre. Néanmoins, le corps d'Amos me barre la route. Impossible de prendre ce chemin, au risque de me faire attraper et dévorer vivante.
Ma seule solution : la montagne enneigée.
Je me retourne et m'élance à vive allure. J'entends derrière moi un rire résonner et les pas du smilodon qui me suit, m'encourageant à redoubler d'effort.
Sitôt sortie de la grotte, je regrette de ne pas avoir emporté le manteau d'Amos avec moi. L'air est si froid que ma peau me donne la sensation d'être transpercée par un millier d'aiguilles glacées.
La neige me monte jusqu'aux genoux tandis que je m'aventure sur l'épais tapis blanc. Plus je progresse, plus j'ai l'impression de ralentir. Non, en fait, ce n'est pas qu'une impression. La neige est si haute qu'il est de plus en plus difficile d'avancer.
—Tu peux courir autant que tu le souhaites. J'ai tout mon temps ! Peu importe le trou de souris dans lequel tu iras te cacher, je te retrouverai toujours, crie derrière moi l'alter-égo d'Amos.
Je presse le pas malgré mes jambes de plus en plus lourdes. Les flocons qui tombent en amont du ciel m'empêchent d'y voir clair et je ne suis plus sûre de la direction que je prends. Mes poumons me brûlent à chaque inspiration. Je ne sens même plus mes doigts. Un instant, je songe à m'arrêter pour reprendre mon souffle. Mais le long rugissement qui retentit dans la montagne m'en dissuade.
Je reprends ma course, priant désespérément pour qu'Amos reprenne le contrôle. Si les créatures existent, il doit bien y avoir un Dieu pour exaucer mes prières. En tout cas, c'est ce que je tente de me persuader tout en dévalant une pente plus que raide.
La chance n'est pas de mon côté. Je trébuche dans la neige et glisse sur les fesses jusqu'en bas. Mon corps cesse sa course à quelques mètres du bord d'une corniche. Je me penche prudemment, essoufflée, afin d'évaluer la distance qui la sépare du sol. Il faut me rendre à l'évidence, je ne peux pas aller plus loin.
Derrière moi, le smilodon se rapproche. Je ferme les yeux. La course poursuite est terminée. Il va me rattraper et me dévorer vivante. J'aurais lutté tant que j'ai pu. Quelle tragique histoire que de se faire avaler par l'homme que vous aimez.
Mon Dieu, pauvre Amos. Il va se réveiller sans aucun souvenir de ce qu'il a fait, et se demandera où je suis partie. Il lancera des recherches pour me retrouver, puis se rendra à l'évidence : il devra vivre toute l'éternité avec le regret de m'avoir tuée.
Non, je ne peux pas croire que cette histoire se termine ainsi. Depuis quand suis-je devenue une poule mouillée ? J'ai affronté un groupe de bandits pour secourir mon ami. J'ai traversé des kilomètres et des kilomètres pour le retrouver sur une montagne enneigée. J'ai affronté un Grec grognon, des tas de boue animés, et même un incendie et l'étrange lézard imaginaire. Et maintenant, je me dégonfle ?
Non, je ne me laisserai pas avoir par ce gros minet sans me battre.
Je rouvre les yeux, déterminée à lutter pour ma survie. Je me débats dans la neige, le corps endolori, et réussis à me remettre debout. Puis me retourne, prête à faire face au monstre sanguinaire.
Le son de ses longues foulées augmente au fur et à mesure qu'il approche. Peu de temps après, une énorme silhouette se dessine au milieu du rideau de flocon blanc. Je reste campée sur mes positions, nullement effrayée par l'imposante bête.
Cette fois-ci, j'en ai ma claque de fuir pour ma survie. J'affronterai ce gros chat, peu importe l'issue de notre confrontation. Il n'a que trop joué avec moi. Désormais, je dis stop.
—Allez approche, sac à puce !
D'un bond, le smilodon atterrit à quelques mètres de ma position, m'éclaboussant de neige fraiche. Je balaie avec peine les flocons devant mes yeux d'un revers de ma manche. Mon corps est si frigorifié que mes mouvements en sont ralentis.
Si seulement Théo s'était perdu sur une île tropicale, j'en aurais été ravie.
Le tigre à dent de sabre se redresse de toute sa hauteur, tentant de m'intimider davantage. Il grogne alors, les babines retroussées pour faire ressortir ses crocs acérés. Le son de son rugissement est si fort que mes oreilles bourdonnent. Excédée par tant de bruit, je me penche afin d'attraper une grosse poignée de neige, comprime celle-ci entre mes mains pour en former une boule, et enfin la lui lance en pleine figure.
La boule de neige explose sur le museau du smilodon désarçonné. Le félin préhistorique est si surpris de ce geste inattendu qu'il cesse de gronder.
—N'en as-tu pas marre d'essayer de me faire peur ? C'est pitoyable ! je m'exprime à haute voix pour qu'il m'entende. Tu es là à parler de me découper en petits morceaux, pourtant je t'entends et je suis encore là. Alors trêve de blabla ! Achève ce que tu as commencé. Tue-moi, ou dégonfle-toi.
Le smilodon s'ébroue, retirant la neige de son museau, puis il fait un pas en avant. Il se lèche les babines, progressant à pas de loup dans ma direction. Je ne recule pas, au contraire, j'avance vers lui, résignée à subir mon triste sort.
—C'est fini, j'arrête d'être faible. Tu veux me dévorer vivante, d'accord, mais ne compte pas sur moi pour être ta proie. Je ne suis pas un fichu petit lapin blanc. Je t'emmerde, toi et tes instincts de prédateur.
Je lève mes deux poings serrés devant moi d'un air que j'espère menaçant.
—Et maintenant, viens te battre !
Je reconnais que, vu de l'extérieur, cela doit paraitre ridicule. Je suis si petite et humaine en comparaison de ce monstre. Le tigre à dent de sabre peut m'achever d'un seul coup de patte. Et moi, je ne suis même pas capable de ne lui causer ne serait-ce qu'un petit bobo.
Mais ce n'est pas grave. La question n'est pas de savoir si je vais survivre ou non, je connais déjà la réponse. À présent, l'important est de voir si je vais finir ma vie en beauté ou pas.
Allez Lilo, ne te dégonfle pas.
J'ai le corps tendu à l'extrême, appréhendant le moment fatidique où son haleine putride envahira mes narines et que ses crocs déchireront ma chair. Mais le smilodon reste immobile.
Peut-être hésite-t-il sur la première partie de mon corps qu'il souhaite dévorer ?
Non, au lieu de cela, une épaisse et familière fumée mauve entoure sa grande carcasse, la cachant de ma vue jusqu'à ce qu'il reprenne son apparence humaine. Amos me fait de nouveau face, mais il n'est toujours pas maître de son corps, comme semble me l'indiquer les yeux violets luisants qui me fixent.
Essaie-t-il de rendre le combat plus loyal ? Si c'est ça, je trouve que c'est d'autant plus injuste. Jamais je ne voudrais m'en prendre à un homme qui porte le visage de celui que j'aime.
Le smilodon avance d'un pas, mais je l'arrête.
—Approche encore et je te défigure ! le menacé-je.
Il penche la tête sur le côté, comme s'il observait une bête curieuse qui avait captivé son attention. Il soupire.
—Je me suis trompé, dit-il enfin. Tu n'es pas une douce et innocente petite proie.
Il se redresse, le torse bombé.
—Tu es une guerrière.
Je cligne des yeux, abasourdie.
Moi, une guerrière ? La seule bagarre à laquelle j'ai participé remonte à mon adolescence.
Profitant de ma surprise, le smilodon s'avance.
—Arrête-toi !
Mais il ne m'écoute pas. Il continue sa progression jusqu'à supprimer la distance entre nous. Je maintiens ma posture de défense, prête à le frapper si jamais il amorce la moindre attaque. Mais il n'attaqua jamais.
Il lève prudemment sa main puis attrape doucement mon nez avant de le secouer doucement.
—Tu es mignonne pour un ridicule bout de viande.
Je recule d'un pas, les mains sur mon nez, comme s'il avait brûlé celui-ci.
Quelle mouche l'a piqué ? Il est si... bizarre !
Il pose une main sur le haut de mon crâne qu'il caresse maladroitement.
—Du calme, je ne vais pas te manger, essaie t-il de me rassurer. Plus maintenant.
Il se penche vers moi. Ses yeux mauves continuent de me faire frissonner d'effroi après notre petit duel. Il a hanté mes cauchemars et une part de moi continuera d'avoir peur de lui, même s'il devient le plus doux des agneaux.
—J'ai d'autres projets pour toi, petite guerrière.
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Salut les loulous !
Eh bah voilà, on fait enfin la paix avec le gros vilain matou. Il était temps, après 25 chapitres ! M'enfin, tout n'est pas fini, nos héros ont encore du pain sur la planche s'ils veulent redescendre de la montagne un jour.
Mise à part ça, ça va vous ? Vous vivez d'inoubliables vacances ?
Moi ça va, même si je n'ai pas eu de vacances depuis Noël et que je rame un peu sur Maudit Smilodon ( trop d'idées de nouveau livre en tête, je suis trop déconcentrée T-T )
J'ai un ptit truc à vous demander. Je participe à un concours de textes ( les Watt'stronomiques plus exactement, je vous le conseille, c'est topissime ) et j'aurais besoin de quelques votes sur mon texte ( qui se trouve dans mon nouveau recueil de textes : scénarios multiformes et synopsis disparates ). Si vous pouviez me donner un coup de pouce, ce serait fantastique !
Je remercie par avance ceux qui iront y jeter un coup d'oeil <3
( Faites un effort, c'est mon anniversaire :3 )
Bye les loulous,
PicMacBook
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