Chapitre 15
J'ai repris mon sang-froid quand Cerise m'a conduite jusqu'à une petite maison qui, d'après elle, est leur infirmerie. Lorsque nous entrons, je suis aussitôt frappée par l'absence d'odeur d'aseptisant, habituellement caractéristique de ce genre de lieu. Une jeune fille à l'air aimable nous accueille, un peu gênée lorsqu'elle m'aperçoit.
—Bonjour Julie, la salue Cerise. Est-ce que tu pourrais t'occuper de ses blessures, s'il te plait ?
Alors c'est elle, Julie ?
Je n'ai pas eu le temps de l'observer la dernière fois que je l'ai vu. Elle est partie en coup de vent, et mon attention était trop dirigée sur Théo. Maintenant que je la croise dans une tenue décente, je reconnais que mon meilleur ami a bon goût.
La jeune infirmière est très jolie avec ses longs cheveux blonds qui cascadent sur ses épaules. Ses grands yeux noisettes lui donnent l'air d'une biche. Et son teint de porcelaine, qui n'est pas étonnant dans un village pareil, lui donne un air plus fragile que ce qu'elle est en réalité.
Parce qu'elle aussi est une métamorphe, n'est-ce pas ?
Julie hoche vigoureusement la tête et m'invite à m'asseoir sur la table médicale. Cerise repart tandis que la doctoresse me demande où et comment j'ai été blessée. Je lui explique la façon dont je me suis coupée la main et lui parle de ma cheville souffrante qui me fait boiter.
—Je vais regarder ça, me dit-elle.
Elle commence à examiner mes blessures lorsque la porte s'ouvre de nouveau, laissant Théo apparaitre dans l'infirmerie. Celui-ci arbore un air inquiet que je n'ai pas l'habitude d'apercevoir. Il jette un rapide coup d'œil à la jolie blonde à mes côtés, qui lui rend son regard. Tous deux rougissent avant de reporter leur attention sur moi.
—Cerise m'a dit que tu étais rentrée dans un sale état. Explique-moi ce qu'il s'est passé, exige le blond.
Je contemple en silence ma paume ouverte que Julie est en train d'examiner.
Que dois-je lui dire ? Même s'il est au courant pour l'existence des créatures surnaturelles, je ne sais pas si la nature d'Amos doit rester un secret ou non. De plus, j'ai peur qu'en dénonçant ce dernier, Théo me force à m'éloigner de lui.
Je sais qu'Amos est dangereux. Il peut me faire du mal, et il l'a prouvé encore une fois. Mais je crois qu'il ne contrôle pas sa part bestiale. Je suis persuadée qu'Amos ne me veut pas de mal. Mais dès que ses yeux prennent cette lueur violette, il n'est plus lui-même. Il est remplacé par un prédateur sans limite, mué par son seul instinct de chasse.
—Nous nous sommes faits attaquer, lui dis-je.
—Amos et toi ? Qui vous a attaqué ?
Trois corps d'argiles déformés, dont les visages effrayants hanteront mes cauchemars jusqu'à la fin de mes jours.
—Des golems, je souffle.
Julie relève la tête à ces mots. Je lis la surprise dans son regard. De toute évidence, ces créatures n'ont pas l'habitude de trainer dans les parages.
—Tu es sûre de toi ? me demande t-elle.
J'hoche la tête. C'est ce qu'Amos a affirmé avant de partir en vrille, et je le crois.
Julie lâche ma main après l'avoir bandée.
—Bien. L'entaille n'est pas trop profonde, ça cicatrisera dans quelques jours. Quant à ta cheville, ce n'est qu'une toute petite entorse. On va appliquer de la glace et ça guérira tout seul au bout d'une semaine. Mais pendant ce temps, évite de trop marcher, me conseille t-elle.
Elle s'en va chercher de la glace, nous laissant seul Théo et moi.
—Des métamorphes et maintenant des golems. On en a de la chance, ricane mon meilleur ami.
—Si tu n'étais pas parti escalader cette stupide montagne, rien de tout cela ne serait arrivé, je lui rappelle.
Il hausse les épaules.
—Cette tempête n'a jamais été prévu par les météorologues. J'ai tout vérifié avant de partir. Il n'y avait pas un seul nuage et ça devait rester ainsi toute la semaine.
Il baisse la tête, le regard rivé vers le sol immaculé.
—C'est arrivé d'un seul coup, sans que je le voie arriver.
Un mystère de plus à ajouter à cet étrange blizzard.
De forts éclats de voix retentissent tout à coup. Je relève la tête en direction de la porte close. Je reconnais la voix de Cerise dans ce tumulte de bruit.
—... pas stupide, je sais que c'est ta faute, s'écrie durement la jeune femme.
Je n'entends pas la réponse de son interlocuteur.
—Tu ne peux pas rester auprès d'elle. Je ne te fais pas confiance, tu vas finir par la tuer !
Un nouveau silence.
—Je ne te laisserai pas l'approcher, déclare fermement Cerise.
On entend alors comme des bruits de coups, accompagnés de grognements. Puis la porte de l'infirmerie s'ouvre en grand. Un grand homme entre dans la pièce, vêtu d'un long manteau de fourrure grise.
Amos.
Mes mains s'agrippent fortement au rebord de la table d'examen.
Il a juré qu'il me retrouverait et qu'il me ferait la peau. Un long frisson d'effroi me parcourt la colonne vertébrale au souvenir de son haleine putride contre mon visage, de ses paroles terrifiantes sur la façon dont il me dégusterait.
J'apprécie Amos. Mais son alter-égo aux yeux mauves me terrifie.
Je pleure presque de soulagement lorsque je capte son regard, noir comme la nuit. Amos avance vivement vers moi, m'attrape le visage de ses deux mains et m'inspecte sous toutes les coutures.
—Tu es blessée quelque part ? Tu vas bien ?
Il s'arrête sur ma main bandée. Je vois quasiment le poids de la culpabilité affaisser ses épaules.
—Ce n'est rien. Je me suis faite ça toute seule.
En voulant échapper à ta part démoniaque.
En jetant un coup d'œil derrière lui, j'aperçois Cerise sur le pas de la porte. Ses cheveux sont ébouriffés et un filet de sang s'écoule de son nez. Je repense aux bruits de bagarre que nous avons entendus juste avant qu'Amos ne débarque dans la pièce.
—Vous vous êtes battus ? je réalise.
Cerise s'essuie prestement le nez tout en fusillant le dos d'Amos du regard.
—Battu ? Je n'irai pas jusque-là. Chez nous, on appelle ça un léger différend, ricane t-elle doucement.
Amos continue de fixer ma main blessée avec peine. Ses yeux immensément noirs me rassurent, persuadée qu'il ne me ferait rien dans cet état. Il est redevenu lui-même, et j'en suis heureuse.
Je tire sur la manche de son manteau, attirant son attention.
—Il faut qu'on parle.
J'ai beaucoup de question à lui poser après sa transformation. Et je suis bien déterminée à obtenir des réponses.
Amos hoche lentement la tête.
—Pouvez-vous nous laisser seuls ? demande t-il sans me lâcher du regard.
Théo capitule, bien qu'un peu réticent. Mais Cerise proteste.
—Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, affirme t-elle.
—Heureusement que je ne vous demande pas votre avis, rétorque Amos.
La jeune femme renâcle. Je sais que je ne devrais pas être étonnée devant un tel comportement animal, mais je ne peux m'empêcher de trouver cela étrange.
—Je vais monter la garde. On ne sait jamais.
Elle se détourne et sort de la pièce, suivie de près par mon meilleur ami, qui me salue de la main avant de disparaitre.
Je contemple les yeux d'Amos, rassurée par leur noirceur.
—C'est le moment des révélations.
—Tu dois te poser beaucoup de questions.
—Tu n'imagines même pas ! je m'exclame en riant.
Des dizaines de questions défilent en ce moment dans mon esprit, n'attendant qu'un signe de sa part pour détaler de ma bouche.
—Le problème, c'est que je ne sais pas trop par où commencer, j'admets.
Je ramène ma main vers moi. J'appréhende ce moment de vérité. Je sais par avance que je ne verrai plus Amos de la même manière une fois que je saurai tout. Et je crains que son histoire soit encore plus sombre que ce que je peux imaginer.
J'inspire profondément afin de me donner le courage nécessaire pour poser ma première question, la plus importante de toutes, celle que je redoute le plus.
—Quel genre de monstre es-tu ?
Ses yeux de charbon s'ancrent dans les miens. Je retiens mon souffle. Mon cœur bat avec force dans ma poitrine, et je sais qu'il peut l'entendre.
—Je suis humain, tout comme toi.
Je secoue la tête.
—Tu n'es pas comme moi, je proteste.
—C'est vrai, admet-il. Mais j'ai été humain, à une époque.
Amos commence à me narrer son histoire, me racontant sa vie passée et les évènements qui l'ont poussé à devenir l'homme - non, le monstre - qu'il est aujourd'hui. Au fur et à mesure qu'il avance dans son récit, je réalise que j'ai demandé à apprendre une histoire bien trop grosse pour moi.
Mon Dieu, dans quoi me suis-je encore fourrée ?
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Salut les loulous !
C'est enfin le temps des révélations ! Malheureusement, il va vous falloir attendre le prochain chapitre ( bah oui parce que sinon ce chapitre-ci aurait été beaucoup trop long, et je n'aime pas ça... )
Maintenant que nous sommes bien avancés dans l'histoire, n'hésitez pas à lâcher vos avis, qu'ils soient petits ou grands, j'accepte tout !
Bye les loulous,
PicMacBook
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