21.Devoured🫀🩶
Le silence de la chambre était presque oppressant, seulement troublé par le craquement lointain du bois sous le poids des heures, et le souffle de Minho qui s'échappait en volutes de fumée. Jisung était couché sur le côté, immobile, le drap collé à sa peau moite. La douleur était là, sourde et vivante, ancrée dans les muscles de son bas-ventre, dans ses reins qui brûlaient, celle plus légère des crampes qu'il avait au ventre dû à l'éjaculation intérieur et pourtant... ce n'était pas ça qui l'occupait. Ce n'était pas la tension douloureuse qui irradiait ses hanches, ni même cette sensation abrasive entre ses cuisses, qui le hantait.
Ce qui l'étranglait, c'était ce poids dans sa poitrine. Une pression sourde, comme si ses côtes cherchaient à s'effondrer autour de son cœur. Cela faisait quarante minutes qu'il était allongé là, éveillé depuis que Minho s'était levé du lit. Il l'avait senti se redresser, glisser hors des draps. Et il l'avait regardé, silencieusement, se diriger vers la terrasse, sa silhouette éclairée par la faible lumière qui filtrait par la vitre de la porte-fenêtre.
Troisième cigarette. Il les comptait, malgré lui . Chaque "clic" du briquet résonnait dans son esprit. Peut-être parce que c'était la seule chose tangible qui rythmait le chaos dans sa tête.
Il la tourna légèrement sur l'oreiller, les yeux fixés sur cette porte à moitié ouverte.
Minho avait le dos tourné, mais il pouvait deviner ses traits, ses lèvres légèrement pincées alors qu'il tenait le filtre entre ses doigts. Il inspirait longuement, comme s'il cherchait dans cette bouffée quelque chose qui lui échappait. Et Jisung le regardait. Il le dévorait même du regard. Sa nuque, ses épaules nues qui se tendaient à chaque mouvement, le galbe de son dos qui disparaissait dans le boxer qu'il avait enfilé à la hâte.
C'était la première fois qu'il voyait un homme aussi beau. Aussi magnétique. Aussi... insaisissable. Et ce constat lui coupa le souffle. Une larme roula doucement sur sa joue, silencieuse, corrosive. Il n'avait pas eu envie de la retenir.
Il resserra la couette contre lui, l'agrippant comme s'il pouvait combler ce vide, comme si ce simple geste pouvait empêcher son monde de se fissurer davantage.
"Fais chier..." murmura-t-il, la voix étouffée par le silence de la pièce. Il avait attendu cet instant depuis si longtemps. Depuis des semaines, peut-être même depuis la première seconde où il avait croisé le regard du père de son meilleur ami, il y a quelques années. Alors pourquoi est-ce que, maintenant, après l'avoir fait, il avait l'impression que son cœur allait exploser ? Pourquoi, est-ce que cette absence, si brève, lui donnait l'impression de suffoquer ?
Ce sentiment lui explosait en plein visage, lui broyait la poitrine, lui donnait cette envie absurde de fondre en larmes.
Et cette idée... cette foutue idée que Minho puisse regretter ce qu'ils venaient de faire... Elle lui arracha un frisson glacé. Pourquoi lui ne regrettait rien ? Pourquoi, au contraire, tout ce qu'il voulait, c'était que cet homme revienne près de lui ?
"Putain...de merde..." jura-t-il dans un expiration qu'il ne savait pas audible. Sa voix se brisa sous le poids de l'émotion, et il enfonça son visage dans l'oreiller, s'enveloppant dans les draps comme si cela pouvait protéger son cœur de ce qu'il réalisait. "Merde...Merde"
C'était une évidence brutale et douloureuse, qu'il n'avait pas les mots pour décrire. C'était dans la manière dont son corps entier se tendait pour ne pas pleurer davantage, dans cette chaleur qu'il recherchait désespérément, même s'il crevait déjà de chaud. Il voulait avoir cet homme marié pour lui. Pas juste de façon fugace. Mais entièrement. Avec lui. Pour lui.
Le jeune homme sentit une nouvelle larme couler, tiède et silencieuse, le long de sa tempe. Ses doigts se crispèrent sur le drap. Il était à la limite de la détresse émotionnelle. À la frontière entre tout offrir à Minho sans la moindre hésitation et tout lui prendre sans le moindre remord. Mais le pire, c'est qu'il ne savait pas lequel des deux le terrifiait le plus.
Dehors, le noiraud porta une nouvelle fois la cigarette à ses lèvres. Sa tête s'inclina légèrement, comme s'il réfléchissait. Ou peut-être qu'il ne faisait que savourer le goût du tabac. Jisung n'en savait rien, et c'était ça, le problème.
Il ne savait plus ce qu'il voulait de Minho, ni même ce qu'il voulait tout court. Il avait cru que tout serait plus simple, que l'attirance se calmerait, qu'ils pourraient juste profiter de bons moments ensemble, sans plus. Mais rien n'était simple. Rien ne s'était calmé. Cette tension qu'il avait si longtemps maîtrisée s'était transformée en un chaos absolu, un désastre qui lui compressait le cœur.
Et quand leurs regards se croisèrent à travers la vitre, le jeune homme sentit ses poumons se compresser. Il n'avait jamais vu une expression pareille sur le visage de son amant. Ses sourcils légèrement froncés, comme s'il essayait de lire à travers lui, d'atteindre ses pensées. Ses lèvres, encore entrouvertes, trahissaient quelque chose d'indéfinissable, quelque chose qui ressemblait à de l'incertitude. ce dernier écrasa sa cigarette, se redressant, comme s'il voulait lui laisser le temps de réagir, de dire quelque chose.
Mais Jisung détourna les yeux brusquement. Il enfonça son visage dans l'oreiller. Il pouvait sentir ses larmes, encore fraîches, sur sa joue, mais il ne bougea pas. Que pouvait-il faire ? Lui dire qu'il était en train de perdre pied ? Qu'il avait mal au-delà du physique, au-delà de ce qu'il pouvait comprendre ? Non, il n'était pas prêt pour ça.
Il entendit la porte coulisser doucement, le bruit léger des pas du quarantenaire qui s'approchait. le brun ferma les yeux, espérant que cela suffirait à calmer les battements frénétiques de son cœur. Une main se posa sur la couette, la tirant lentement vers le bas, exposant sa peau à l'air frais de la chambre.
Le souffle de Minho effleura sa nuque avant qu'il ne sente sa main chaude et rassurante se faufiler entre ses omoplates. Elle descendit lentement, suivant la courbe de son dos, jusqu'à sa hanche, où elle s'arrêta un instant.
Le photographe ne cilla pas, refusant de croiser son regard, refusant même de respirer trop fort.
Minho se pencha, déposant un premier baiser, doux, juste au creux de sa nuque. Puis un autre, un peu plus bas. Chaque contact de ses lèvres semblait effacer la douleur, la remplacer par une chaleur qui se propageait dans tout son corps. Il continua, suivant la ligne de sa colonne vertébrale, jusqu'à atteindre le creux de son dos.
"Je sais que tu ne dors pas....Je t'ai réveillé en me levant ?" souffla-t-il contre sa peau. Sa voix était douce, mais il y avait quelque chose d'autre dessous. Une fragilité à peine dissimulée, une hésitation.
L'interrogé secoua doucement la tête en réponse, incapable de formuler des mots. Il ne voulait pas parler. Pas quand il sentait son cœur sur le point d'imploser.
Le plus âgé déposa un autre baiser, juste là, où sa peau semblait brûler sous le contact. "Pourquoi tu ne me regardes pas ?" demanda-t-il, sa voix un peu plus basse, mais toujours aussi douce. "Pourquoi tu as détourné les yeux à l'instant ?" Il marqua une pause, suffisamment longue pour que Jisung sente le souffle de son partenaire contre son dos.
"Tu as mal, chaton? " continua Minho, sa main remontant doucement pour effleurer son épaule, comme s'il essayait de le rassurer. Mais même dans sa douceur, il y avait une note de détresse qui rendait sa voix tremblante.
Jisung ne répondit pas immédiatement. Il sentit une larme rouler à nouveau sur sa joue, qu'il essaya de cacher. Pourquoi mentirait-il ? Il avait mal, oui, mais pas à cause de ce qu'ils avaient fait. Il avait mal parce qu'il comprenait enfin ce qui le nourrissait. Ce n'était pas du regret ou de la culpabilité. C'était tout l'inverse. Il voulait tout de Minho. Sa présence, son regard, son toucher. Et il ne savait pas comment le gérer.
"Un peu," avoua-t-il dans un chuchotement à peine audible.
Le brun sentit les doigts de son aînée effleurer sa joue, effaçant doucement la traînée humide laissée par sa larme. Il n'avait pas la force de relever la tête, encore moins de croiser son regard. Son cœur cognait dans sa poitrine, sa respiration restait instable.
Le père de famille l'observait en silence, captant chaque micro-réaction. "Un bain ça te ferait du bain tu penses ? " demanda-t-il doucement, sa voix grave à peine un murmure dans le silence feutré de la chambre. "04h20 c'est un peu tard pour demander à ce qu'on change les draps, mais prendre un bain un ça te détendrait un peu. Je te prépare ça ?"
L'intéressée ouvrit légèrement les yeux, cherchant un instant à reprendre pied. Un bain ? Il hésita, puis hocha la tête lentement. L'idée de l'eau tiède contre sa peau, de la chaleur qui apaiserait ses muscles endoloris, lui semblait soudain nécessaire.
"Oui... je veux bien," concéda-t-il finalement, sa voix rauque d'émotions retenues.
Le plus âgé acquiesça sans un mot et se leva, jetant un dernier regard vers le photographe avant de quitter la chambre. Il marcha jusqu'à la salle de bain, ouvrit le robinet et laissa l'eau couler, ajustant la température . Ses doigts tremblaient légèrement lorsqu'il versa une dose d'huile essentielle, un léger parfum boisé s'élevant dans l'air. Il resta là quelque minute, observant l'eau monter lentement, son reflet troublé par les ondulations à la surface.
Puis il retourna dans la chambre.
Jisung n'avait pas bougé. Il était toujours allongé, le regard perdu dans le vide, comme s'il luttait intérieurement contre quelque chose qu'il ne parvenait pas à nommer.
"On y va ? " Minho en s'agenouillant près de lui.
D'un geste précis, il glissa un bras sous les jambes du plus jeune et l'autre derrière son dos, le soulevant sans effort, comme si son corps fragile ne pesait rien entre ses mains. Pourtant, chaque mouvement était mesuré, empreint d'une délicatesse presque instinctive. Un soupir tremblant s'échappa des lèvres entrouvertes du brun au moment où ses pieds quittèrent le matelas, une réaction involontaire face à cette soudaine perte de repères. Il ne protesta pas, au contraire, ses doigts vinrent s'agripper fermement à la chemise du plus âgé, sa respiration saccadée réchauffant la peau de son cou.
"Tu es en sécurité, bébé," souffla une voix grave à son oreille, le brise chaude venant effleurer sa peau dans un murmure à peine audible. "Je te tiens, je suis là."
Malgré ces mots, le battement effréné contre sa poitrine ne ralentissait pas. Ce cœur affolé, résonnant à l'unisson contre le sien, trahissait un tumulte bien plus profond qu'il ne voulait l'admettre. Le bras qui enserrait son dos se raffermit, et une main, large et rassurante, entreprit de caresser le creux de ses reins dans une tentative silencieuse d'apaiser cette agitation.
Chaque pas à travers le couloir était soigneusement calculé, comme une promesse muette de ne pas ajouter davantage à la douleur qu'il portait déjà. Une lumière tamisée s'échappait de la salle de bain, projetant des reflets dorés sur les murs carrelés. L'eau, tiède et tranquille, ondulait doucement sous l'éclairage, offrant une promesse de réconfort.
Il s'arrêta devant la baignoire, hésitant une seconde avant de murmurer : "Je vais te poser, d'accord ?" Mais avant de le faire, son visage s'inclina vers l'épaule du plus jeune, ses lèvres y déposant un baiser lent et appuyé, sa chaleur s'attardant contre la peau marquée de frissons.
"Je sais que tu as mal. J'aurais dû y aller doucement..." souffla-t-il, sa voix chargée de regrets. "Excuse-moi."
Un léger tressaillement anima le corps blotti contre lui, mais aucune parole ne vint en réponse. Il n'y avait rien à dire. Juste cette pression infime, ce geste à peine perceptible : une étreinte un peu plus ferme, comme pour lui faire comprendre qu'il ne lui en voulait pas.
Avec une patience infinie, il plia les genoux, s'accroupissant au bord de la baignoire pour l'y déposer avec le plus grand soin. Ses doigts glissèrent sur ses cuisses, ajustant lentement sa posture, son ton se faisant doux mais ferme.
"Ne tends pas tes jambes, bébé. Si tu poses tout ton poids, ça risque de te faire encore plus mal... Fais comme ça... Oui, parfait."
Un hochement de tête à peine visible lui répondit, avant qu'un soupir tremblant ne s'échappe entre ses lèvres lorsque son corps fut enveloppé par la chaleur de l'eau. Ses muscles tendus commencèrent peu à peu à se relâcher, sous l'effet apaisant du bain.
Il resta là, accroupi à ses côtés, le regard ancré sur chaque frémissement, veillant silencieusement à ce que tout aille bien.
Un silence dense s'installa. Lourd, mais nécessaire. Un moment suspendu où plus rien n'avait d'importance, si ce n'était la respiration paisible qui reprenait un rythme plus régulier.
Finalement, il s'adossa contre la baignoire, ses mouvements plus fatigués qu'il ne l'aurait admis. Sa tête bascula légèrement en arrière, et il ferma brièvement les yeux, bien que son esprit demeure en alerte, prisonnier des émotions tourbillonnantes qu'il ne parvenait pas à chasser.
Le silence fut rompu par la voix du brun, presque hésitante. "T'as fumé trois clopes d'affilée."
l'interrogé rouvrit lentement les paupières, son regard épuisé mais attentif se posant sur la silhouette à demi immergée."Tu étais réveillé depuis tout ce temps ?"
"Oui."
Minho soupira doucement, tendant une main pour caresser la joue encore humide de Jisung. "Je suis désolé... Je voulais pas te réveiller."
Leurs regards se croisèrent, et dans cet échange silencieux, quelque chose d'invisible mais puissant se produisit. Les yeux de Jisung, brillants et légèrement voilés, semblaient poser une question qu'il n'osait formuler. Mais lorsqu'il ouvrit enfin la bouche, sa voix trembla.
"Est-ce que... est-ce que tu regrettes qu'on ait couché ensemble ?"
Minho resta figé, comme si le monde s'était arrêté un instant. Cette question, pourtant simple, le transperça avec une intensité qu'il n'avait pas anticipée. Il sentit son cœur s'accélérer, et il se rapprocha instinctivement de Jisung, ses mains venant saisir délicatement le rebord de la baignoire.
"Ou est-ce que c'était juste... du bon sexe ?" ajouta le jeune photographe, un tremblement dans la voix, son regard cherchant désespérément une réponse dans celui de son vis à vis.
Ce dernier inspira profondément, ses yeux se perdant dans ceux de Jisung. "Tu crois vraiment ça ?" Sa voix était basse, de velours, chargée d'une émotion qu'il ne tentait même pas de masquer.
Le plus jeune détourna le regard. "J'en sais rien... Je veux juste savoir."
Minho se rapprocha davantage, leurs visages à quelques centimètres l'un de l'autre. Il posa son front contre celui du brun, ses paupières se fermant un instant pour rassembler ses pensées.
"Écoute-moi bien, bébé," murmura-t-il, sa voix vibrante d'émotion. "Je regrette rien. Pas une seule putain de seconde."
A ce moment-là, l'eau caressait encore la peau du jeune homme, mais il ne la sentait plus. Tout était silencieux autour de lui, et pourtant, son corps était assailli par un chaos intérieur qu'il ne parvenait pas à contenir. Il avait la sensation de suffoquer, de se noyer dans une marée invisible qui l'enveloppait, qui le serrait de toutes parts, qui le dévorait sans lui laisser la moindre échappatoire.
Il était là, immergé dans cette foutue baignoire, son corps toujours marqué par la nuit qu'ils venaient de vivre, chaque muscle endolori par ce qu'il avait offert, ce qu'il avait reçu. Il sentait encore la pression des mains de Minho sur lui, la brûlure de sa bouche, l'écho de sa voix dans son oreille. Il sentait encore tout, et c'était insupportable.
Il aurait dû se sentir soulagé. Il aurait dû être libéré, apaisé, vidé de cette obsession qui l'avait rongé pendant cinq putains d'années. C'était ce qu'il avait cru. C'était ce qu'il s'était répété encore et encore – qu'une fois qu'il aurait goûté à Minho, tout s'arrêterait.
Mais non. C'était pire. Tellement pire.
Il ne pouvait plus respirer normalement. Son souffle était saccadé, tremblant, incontrôlable. Son cœur cognait dans sa poitrine, violent, douloureux, un putain de coup de marteau qui résonnait à chaque battement. Sa gorge était sèche, ses mains crispées sur le rebord de la baignoire, ses doigts blanchis sous la tension.
Parce qu'il comprenait. Maintenant, il comprenait.
Ce n'était pas juste un désir interdit qui l'avait hanté pendant cinq ans. Ce n'était pas juste une envie malsaine de toucher, d'envier ce qu'il ne pouvait pas avoir. Ce n'était pas juste l'excitation du tabou, ni la frustration de ne pas pouvoir assouvir une pulsion.
C'était Minho.
Minho, qui le regardait encore à cet instant, assis à côté de lui, son dos appuyé contre la baignoire, son regard ancré dans le sien avec cette foutue intensité qui le réduisait à l'état de ruine. Minho, qui avait bouleversé toutes les putains de lois qu'il avait fixées pour lui-même. Minho, qui n'avait même pas eu besoin de faire quoi que ce soit pour lui foutre son monde en l'air.
C'était lui depuis le début. Depuis ce premier regard.
Depuis cette foutue seconde où il avait croisé ses yeux et que son corps avait réagi avant même que son esprit ne comprenne ce qui lui arrivait. Depuis cette soirée, cinq ans plus tôt, où il avait senti ce frisson glacé lui remonter l'échine, ce frisson qu'il avait ignoré, repoussé, écrasé sous des milliers d'excuses.
Il avait cru qu'il voulait juste lui plaire. Il avait cru qu'il voulait juste son attention. Il avait cru qu'il voulait juste savoir ce que ça faisait d'être désiré par lui.
Mais la vérité, c'était qu'il voulait bien plus que ça.
Il voulait être à lui.
Et maintenant qu'il comprenait enfin, il se sentait putain de ridicule.
Parce qu'il l'avait toujours su. Il avait toujours su que ce n'était pas normal de ressentir ça. Que ce n'était pas normal d'être autant hanté par un homme. Que ce n'était pas normal de sentir ce putain de vide. Que ce n'était pas normal que chaque interaction, chaque regard échangé, chaque sourire à peine esquissé lui brûle sous la peau comme une marque indélébile.
Il n'avait jamais voulu être amoureux.
Il s'était toujours satisfait de plaire, de séduire, d'être ce mec que les autres convoitaient, désiraient, prenaient pour une nuit avant de l'oublier. Il s'était toujours satisfait d'exister à travers le désir des autres.
Mais Minho...Minho lui avait tout arraché.
Minho lui avait fait comprendre ce que c'était que de ressentir.
Ce n'était pas du sexe qui lui avait retourné l'âme cette nuit. Ce n'était pas une pulsion enfin assouvie qui lui avait fait perdre pied. Ce n'était pas un putain de fantasme qui s'était réalisé.
C'était lui.
Jisung sentit son débit respiratoire se briser dans sa poitrine, un spasme incontrôlable, une douleur sourde qui se répandit dans chaque putain de fibre de son corps. Il serra les mâchoires, il tenta de ravaler cette chose qui lui remontait dans la gorge, mais c'était foutu.
La première larme coula avant qu'il ne puisse l'arrêter.
Elle glissa lentement sur sa joue. Minho ne bougea pas. Il ne détourna pas les yeux.
Il ne chercha pas à alléger ce moment, à briser cette tension insoutenable. Il le laissa juste exister. Et c'était pire.
Jisung sentit son propre corps se contracter sous l'intensité de ce qu'il vivait. Ses doigts tremblaient contre la céramique froide, son cœur battait vite, violemment.
Il était en train de tomber. Il était en train de chuter de tout son être, sans aucun filet, sans aucun moyen de se rattraper.
Alors il craqua. Il n'avait plus de mots. Il n'avait plus de barrière.
Il attrapa Minho à pleines mains, ses doigts s'accrochant à sa peau comme une bouée de sauvetage, et il écrasa ses lèvres contre les siennes.
Le baiser portait tout ce qu'il n'arrivait pas à exprimer autrement. Chaque pression de ses lèvres tremblantes parlait de sa confusion, de cette peur viscérale qui nouait son estomac, mais aussi de son besoin déchirant de rester accroché à cet instant. Et Minho, silencieux, l'écoutait. Il ne répondait pas par des mots, seulement par la chaleur de ses propres lèvres, par la manière dont il captait les tremblements, le goût salé des larmes de son cadet, et y répondait avec une assurance déconcertante. Le père de famille absorbait toutes les émotions qu'il lui partageait, comme si ces fragments d'angoisse et d'espoir mêlés étaient siens.
Le jeune photographe sentait son univers basculer, ses certitudes se briser une à une, comme des vagues venant fracasser un château de sable construit trop près du bord. Mais au lieu de se débattre, il se laissait emporter par le courant, terrifié par l'intensité de ce qu'il vivait, mais étrangement incapable de s'y soustraire. La fin du monde pouvait bien gronder à cet instant. Les cieux pouvaient s'embraser, déchirés par des éclairs apocalyptiques, et la terre pouvait trembler sous le poids d'une colère divine. Les océans pouvaient monter, engloutissant des continents entiers, et le feu pouvait consumer tout ce qui respirait encore. Les étoiles elles-mêmes pouvaient s'éteindre une à une, plongeant l'univers dans une obscurité glaciale et sans fin. Rien de tout cela ne comptait. Pas pour lui. Pas maintenant.
Les hurlements d'une humanité à l'agonie auraient pu se mêler au fracas de ce moment, et Jisung n'aurait pas levé un sourcil. Les pleurs, les suppliques, les regrets... tous les échos d'un monde en perdition se seraient écrasés contre le mur infranchissable de son indifférence. Jia pouvait bien clamer son mépris, pointer son doigt accusateur avec toute l'arrogance dont elle savait faire preuve. Elle pouvait revendiquer sa place, ériger un mur d'acier entre eux, menacer, haïr. Félix pouvait crier jusqu'à en perdre la voix, sonner l'alarme de sa trahison, devenir l'incarnation même de la colère et de l'incompréhension.
Il n'en avait plus rien à faire !
Ses doigts s'étaient accrochés à la nuque de Minho, ses jointures blanchies par la peur de le voir reculer. Il n'avait pas envie d'être lâché. Non, il refusait de l'être. Il ne pouvait plus. Parce qu'à cet instant, alors que les secondes semblaient s'étirer à l'infini, le jeune artiste comprit qu'il venait de brûler tous ses ponts. Ce n'était plus un simple jeu.
Ce baiser était leur sentence, une signature, un pacte scellé dans la lave et l'interdit. Il venait de signer leur laissez-passer pour l'enfer. Il était terrifié, oui, mais il était aussi désespérément vivant.
L'homme d'affaires le sentait. Il sentait cette peur, ce besoin de s'ancrer, ce cri anarchiste. Et au lieu de le repousser, il l'enveloppait. Avec une tendresse qui défiait toute rationalité, il approfondit le baiser, laissant ses mains glisser lentement sur les flancs de Jisung, comme pour lui dire qu'il n'avait pas à avoir peur.
Leurs lèvres se séparèrent dans un dernier frisson, le souffle court, comme si rompre ce lien demandait un effort surhumain. Alors que Minho pencha légèrement la tête, son nez effleurant la pommette du plus jeune dans un frisson de peau à peau. Son toucher était à peine perceptible, une caresse fantôme, mais il suffit à lui voler tout l'air de ses poumons.
"Je pense que je viens de tout t'offrir..." commença le plus jeune
"Je sais"
Deux mots. Deux syllabes. Mais ils résonnèrent comme une vérité inéluctable, une promesse gravée entre eux.
Jisung se mordit l'intérieur de la joue, sa respiration saccadée, ses doigts, toujours agrippés à la nuque du père de son meilleur ami, de son interdit, tremblante, et pourtant, sa prise ne faiblissait pas. Comme s'il craignait qu'en lâchant prise, tout disparaisse.
Le silence s'éternisa. Une seconde, deux, dix. Asphyxiant.
Puis, dans un aveu né de ce chaos, d'une évidence qu'il ne contrôlait pas vit le jour : "On a juste couché ensemble." Un rire sans joie glissa d'entre ses lèvres. "Ça n'a aucun sens..."
Mais ses yeux, eux, chantaient un autre récit.
"Pourquoi j'ai l'impression que maintenant, tout ce que je suis dépend de toi ?" Sa voix s'effondra légèrement, se fissurant d'une émotion trop forte pour être emprisonné. "Que tout mon être crie ton nom, comme si le temps n'attendait que ce moment pour me jeter ça au visage ?"
Ses propres mots le heurtaient de plein fouet.
Minho ne répondit pas immédiatement. Il laissa ses doigts glisser lentement le long de sa mâchoire, traçant la courbe avec une précision déconcertante. Sa paume chaude vint se poser sur sa joue, son pouce effleurant la peau humide d'un geste d'une tendresse dévastatrice.
Il l'observa un instant.
Puis, il laissa leur front se rencontrer à nouveau, leurs souffle s'embrasser, la pointe de leur nez se cajolé : "C'est sûrement nous, l'anomalie."
Le ton était bas, pensif.
"Nous," reprit-il, plus lentement cette fois, comme s'il en pesait chaque iambe. "C'est à cause de nous que le temps semble absurde."
Un frisson remonta le long du duvet du plus jeune. La confession se répandit sous sa peau marquant chaque nerf, et fibre de son être.
"Mais je pense que si renoncer à tout ce que je suis, à tout ce que j'ai construit, pouvait me permettre de te garder..." Il marqua une pause, juste assez longue pour laisser chaque mot s'imprimer en lui. "Je le ferai."
L'air entre eux devint plus dense, presque suffocant.
Puis, dans un murmure, une ordalie irrévocable :
"Parce que rien n'a jamais eu autant de sens que l'absurdité de ce que j'ai envie de bâtir avec toi."
Minho avait raison : C'était là. Dans ses mots. Dans son regard. Dans tout son être.
Ils étaient l'erreur. L'impossible. Mais la seule vérité qui ait jamais compté.
Les paupières du photographe se fermèrent lentement : "Promets-moi que tu me choisiras. Peu importe la situation."
A cette demande, une seule certitude subsista : "Ça a toujours été toi."
Un dernier murmure. Une promesse faite sans conditions.
Puis, plus bas, plus près, comme une prière chuchotée au creux de l'âme : "Et ça sera toujours toi."
Le silence s'étira, sacré, tissé dans l'intimité feutrée de la salle de bain. L'eau berçant le corps du jeune artiste dans une chaleur éphémère.
Le quadragénaire, lui, le regardait toujours avec ses prunelles alangui. Une infinité de choses passaient dans cet échange, et pourtant, il ne disait rien.
Puis, il tendit lentement la main : "Faut que tu sortes de là chéri." La voix était de soie, pleine d'une délicatesse brute qui ne souffrait d'aucune hésitation. Il avait vraiment décidé de le chérir.
Le brun ouvrit les paupières, chercha son regard, et dans une soumission silencieuse, il se laissa faire.
Avec aisance, le père de famille passa un bras sous son dos, l'autre sous ses jambes, et le souleva hors de l'eau. le plus jeune grelotta alors que la chaleur du bain délaissait sa peau nue, laissant place à l'air de la pièce. Des perles d'eau roulèrent le long de son torse, s'écrasant contre le carrelage en une pluie muette.
Son amant le posa sur le rebord de la baignoire, prenant soin de ne pas le lâcher trop vite. Ses mains restèrent un instant sur ses hanches, en équilibre, afin de s'assurer qu'il ne basculerait pas ou qu'il n'avait mal.
Puis, il s'éloigna juste le temps d'attraper une serviette posée sur un meuble.
Une fraction de seconde, mais Jisung sentit le manque. Aussi irrationnel que cela pouvait être.
Il le suivit du regard, observa ses épaules nues, les gouttes d'eau glissant sur sa peau halée, le mouvement fluide de ses épaules, la grâce prédatrice avec laquelle il se déplaçait.
Puis il revint.
Le linge effleura sa clavicule en premier, puis son cou, avant de glisser sur ses épaules tremblantes. Minho ne se contentait pas de l'éponger — il le couvrait, le protégeait.
Ses doigts frôlèrent son torse, séchant les dernières gouttes le long de sa peau caramel, s'attardèrent au creux de sa taille avant de descendre sur ses cuisses repliées.
À ses yeux, Jisung était une contradiction incarnée. Fragile et imposant. Réel et irréel. Un mirage d'interdit, d'ivresse et de divin. Il était tout à la fois, et c'était précisément ça qui le rendait insoutenable.
Ses lèvres trouvèrent le sommet de son crâne dans un baiser à peine effleuré.
Un murmure contre ses cheveux humides, chauds, rassurants, ancrés dans quelque chose de plus grand que lui. "Reste comme ça encore un peu."
Jisung ne bougea pas.
Il ferma simplement les yeux, sentit la chaleur du tissu, la présence contre lui, et cette tendresse impalpable qui s'écrivait sans mots.
Rien d'autre n'existait que Minho. Le silence. Et lui.
Et voilà, Matured Yet Untamed atteint enfin ce moment où... De sentiments à vif, de vulnérabilité mise à nu. C'est comme si, pour la première fois, on assistait à quelque chose d'authentique, qu'aucun d'eux ne pouvait plus ignorer.
God !!!🥹
Mais question pour vous : est-ce que vous pensez que Min a déjà été comme ça avec Jia ? Est-ce qu'il aurait pu être comme ça avec elle ? Je ne pense pas.🤭😂
Sinon, un énorme merci à Hanj1lee pour son temps et sa bêta-lecture sur ce chapitre. MinhOtaku25 , de son côté, est un peu en quarantaine forcée à cause de ses projets (et de son incapacité à lever le pied). 🦥
J'ai hâte de lire vos commentaires, de voir comment vous avez ressenti ce chapitre, parce que moi, je suis complètement prise dans cette histoire. J'ai qu'une envie : les faire avancer, les pousser toujours plus loin. C'est horrible. I'm so in love. J'espère que vous l'êtes tout autant et que vous continuerez à apprécier cette histoire jusqu'au bout.
À très vite pour la suite !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top