Chapitre 9.
Depuis ce jour, je ne sais plus où j'en suis. L'absence de Patron me fait un mal de chien. J'ai l'impression qu'il y a un vide en moi. Comme s'il me manquait quelque chose.
Je n'aurais jamais dû me montrer aussi proche de lui! Je m'y suis trop attaché! Je suis en train de payer les frais!
De plus, je le croise de moins en moins souvent. Peut-être croit-il que je me fous de sa gueule à cause de son piercing oculaire? Sauf qu'il se trompe lourdement. Qu'il en ait un ou pas, ça ne me dérange pas. Je l'aimerais malgré tout.
-Qu'est-ce que je viens de dire!?
"Aimer"? J'ai bien mentionné le mot "aimer"?
-Ce lapsus veut tout dire...
Je me plaque les mains sur le visage.
-Je ne peux pas avoir perdu, tout de même!
-Perdu quoi?
Je sursaute. Je ne m'attendais pas à ce que Céleste soit avec moi pour attendre la reprise des cours.
-Rien d'important, me ravisé-je.
Elle n'a pas besoin de le savoir.
-Ça se passe bien avec Patron?
Je la regarde, éberlué. Qu'est-ce qu'elle raconte?
-Pourquoi cette question?
-Je ne sais pas. Vous étiez assez proches, il y a quelques temps. Maintenant, il n'est plus avec toi et vous ne faites même plus la route ensemble. Il s'est passé quelque chose?
-Tu veux dire...que tu nous espionnais? Tu savais tout depuis le début!?
-Je ne t'espionnais pas le moins du monde! C'est juste que lorsque je voulais venir te voir, tu étais avec lui. (Elle me lance un regard qui en dit long.) Tu ne m'aurais pas caché quelque chose?
-À part que Patron et moi discutons de temps à autre, je ne vois pas.
-En raison de ta réaction, je n'en suis pas si sûre. Tu tenais à ce que ça reste une relation secrète. Il se passe quelque chose entre vous?
Je joue les ignorants. Elle ne doit pas savoir. Je fais semblant de rire, feignant qu'elle est sur une mauvaise piste.
-Où vas-tu chercher tout ça? Ce type est une ordure!
-Une ordure balèze au lit, si on écoute les rumeurs. (Elle ajoute, plus bas:) D'ailleurs, d'après l'une d'elles, sa nouvelle proie serait un garçon "au look banal" de l'université.
Elle me regarde, comme si je ressemblais aux caractéristiques minimes qu'elle vient de mentionner.
-On raconte que puisqu'ils ne traînent plus beaucoup ensemble depuis quelques temps, ils ont déjà couché ensemble et maintenant, ce gars ne l'intéresse plus.
De quel droit les gens se mêlent-ils de notre relation? Ils se permettent d'imaginer des choses qui ne se sont jamais produites et de colporter des ragots.
-Je te le demande franchement: est-ce que tu as couché avec lui?
Cette simple idée me rend toute chose. J'ai le visage en feu!
-Bien sûr que non! Je ne ferai jamais un truc du genre avec lui! C'est un sale type qui pratique toutes les perversions possibles et imaginables!
-Au moins, tu connais des choses sur lui. Tu n'es pas totalement innocent dans cette affaire.
-Tu te crois juge? Je ne suis coupable d'aucun crime! J'ai bien le droit de traîner avec qui je veux, quand même!
Elle souffle d'épuisement. Je suis à fleur de peau depuis quelques jours...
-Pourquoi avez-vous arrêté de vous voir?
-C'est lui qui venait. C'est lui qui a décidé de ne plus m'approcher. Ce n'est ni mon problème, ni le tien. Je ne sais pas ce qu'il a dans la tête en ce moment mais il paraît plus...
-Plus quoi?
...triste...
-Rien... Laisse tomber...
Elle rejoint ses mains et commence à s'étirer, les bras droit devant elle.
-Ça ne te fait rien qu'il ne soit plus à tes côtés?
Ça me fait mal au cœur...
-Bof. Tu sais, j'ai l'habitude de me retrouver seul. (Je me tourne vers elle, un sourire idiot aux lèvres.) J'ai des voix dans ma tête, elles sont sympas et me font passer le temps!
Elle me donne un petit coup dans l'avant-bras en riant.
-Je crois que ta pièce de théâtre te monte à la tête.
-Tu as sûrement raison... Mais le personnage que je mets en scène est tellement attachant, tout comme ses "amis".
Elle se met à rire.
-J'ai hâte de te voir à l'œuvre! Depuis le temps que tu m'en parles!
-Je vais me donner à fond!
Souriant doucement, elle me demande, sans trop de conviction:
-Tu comptes inviter Patron à la représentation?
Je me mets à réfléchir. Peut-être...
-Je verrai. Mais je ne suis pas sûr que ça l'intéresserait. (Je souris en repensant à lui.) S'il n'y a pas d'enfants avec qui il peut "jouer", ça m'étonnerait que ça l'intéresse!
Pas sûre de comprendre si c'est une blague ou non, elle s'efforce à rire malgré tout.
-Tu ne devrais pas aller lui parler? demande-t-elle pour changer de sujet.
-Pourquoi?
-Tu sembles malheureux depuis que tu ne traînes plus avec lui. Ça me rend malade de ne rien pouvoir faire pour te remonter le moral!
Je tapote gentiment sa cuisse, un sourire rassurant aux lèvres.
-Pour lui dire quoi?
-Je ne sais pas. D'abord pourquoi il te laisse en plan comme ça? Peut-être qu'il y a eu un malentendu et que tu pourras le dissiper?
Je pense surtout que je devrais lui annoncer ma défaite...
-Je le ferai, si ça peut te rassurer. J'irai le voir et j'en discuterai avec lui.
-Je ne te force pas à le faire. C'est pour toi que je te le propose, explique-t-elle d'une petite voix.
La sonnerie retentit à ce moment. Céleste se lève tranquillement et me salue avant de se diriger vers les couloirs du bâtiment. Mais je ne bouge pas. Je n'ai pas envie d'aller en cours cette après-midi. Ce n'est pas comme si c'était une habitude de sécher. Je peux m'accorder ce genre de chose de temps à autre.
Je me mets debout, délaissant le banc sur lequel j'étais assis tout le long de la pause du midi. Je vais faire un tour en ville. Ensuite, quand les cours seront terminés, je reviendrai et j'irai voir Patron pour lui parler.
-Je ne suis pas rassuré...
Je me souviens bien que celui qui tombe amoureux le premier est considéré comme le perdant. Qui dit défaite, dit gage à la clé. Et je n'ai vraiment pas envie que ce soit Patron qui m'en donne un!
Lorsque je passe le portail, je retrouve adossé au mur de briques, le pervers. Et moi qui pensait que j'aurais le temps de souffler le temps d'une après-midi... Il me remarque et me fait un signe de tête, fumant allègrement son mégot. Je prends sur moi et je le rejoins.
-Ça faisait longtemps, déclaré-je, sans trop y faire attention.
-On s'est croisé hier matin. Ne me dis pas que je te manque?
Il retrouve son côté hautain. Voilà qui est rassurant! Je pensais qu'il ne serait pas ravi de me voir.
-Franchement...ouais.
Ses yeux s'ouvrent en grand et il se met à tousser à la mort, ayant mal aspiré le tabac. Merde! J'ai dit tout haut ce que je pensais! Je me rapproche, paniqué.
-Eh! Ça va aller?
Il se place une main sur la gorge, tandis qu'il reprend son souffle. Il me lance un regard réprobateur.
-T'as changé, Gamin.
-Hein? En quoi j'ai changé?
-Avant, tu m'aurais vanné si je t'avais posé une question de ce genre. Mais là, tu m'as directement dit ce que tu pensais. (Son regard s'assombrit.) À moins que ce ne soit une blague?
J'aimerais vraiment lui dire que c'en était une mais...
-...tu m'as vraiment manqué, Patron.
Le silence se ramène, nous plongeant tous les deux dans un profond malaise envahissant.
-T'es au courant que si tu me dis ça, j'ai toutes les raisons du monde de penser que tu as perdu à notre petit jeu.
-J'en ai bien conscience.
Je sens son regard se poser sur moi, comme s'il avait des doutes sur ma parole.
-Alors tu veux dire que...
-Effectivement. (Je me tourne pour le regarder droit dans les yeux.) Je t'aime, Patron.
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