17h - À voix haute
« Te dire que tu ne dois pas y penser reste une pensée, tu sais. »
- Moonchild
Mono
———
-Hey.
-Hey…
Je te sentis t'installer à mes côtés dans un silence presque pesant.
Je ne bougeai pas, assis dans l'herbe humide, les genoux rapprochés contre mon torse et les épaules tendues.
Je portai par réflexe les mains à mon visage avant de me rendre compte que celui-ci était sec, vide de toute trace de larme. Je soupirai. Je ne pleurais même pas.
-Tu vas bien ?
Je tournai la tête à ma gauche pour te regarder, installé à même le sol également, mais plus détendu. Tes jambes étaient dépliées devant toi et ton corps était penché en arrière afin d'admirer le ciel étoilé, les avants bras enfoncés dans la terre derrière toi.
Tu sentis probablement mon regard agacé malgré l'obscurité parce que tu te redressas un peu, passant une main nerveuse dans tes cheveux.
-Ouais… Question con. Désolé.
Je reportai mon attention sur le fleuve Han en contrebas, toujours recroquevillé sur moi-même.
Les lumières de la ville illuminaient sa surface tremblotante. Ça m’agaçait. J'aurais aimé pouvoir voir le ciel se refléter sur son épiderme. Il était beau, ce fleuve, quand il se trémoussait pour tenter d'échapper à cette beauté avec laquelle il ne pouvait pas se coordonner.
Il avait bien trop d'horreurs sur la conscience pour pouvoir se permettre de perdre patience.
Un jour peut-être, le ciel lui pardonnerait et viendrait le retrouver.
Mais ce n'était pas pour tout de suite, de mon perchoir, je parvenais à discerner toutes les âmes torturées qui n'arrivaient pas à s'en échapper et pour la première depuis très longtemps, j'avais envie de m'y enfoncer.
-À quoi tu penses ?
-À mon enfance.
-Ton enfance ?
-Oui.
Tu dus faire un mouvement car le son du frottement entre l'herbe et tes vêtements me donna envie de parler avec le vent. Ça faisait bien trop longtemps.
-À quoi tu penses de ton enfance ?
-Au vent.
-Au vent ?
-Oui, j'ai envie de parler au vent.
-De parler au vent ?
-Oui. J'avais l'habitude de parler au vent, avant.
Je portai ma main à la poche droite de ma veste bien trop légère, j'avais envie d'intoxiquer l'air.
-Très bien. Alors ce soir, je serais ton vent.
Je m'arrêtai en pleine action, était-ce le fruit de mon imagination ? Toi, Namjoon, cet être model, avais-tu fini par oublier que je n'en valais pas la peine ?
-Mon vent ? Pourquoi diable voudrais-tu être mon vent ?
-Parce que le vent ne répond pas.
Je dépliai mes jambes pour les croiser devant moi, mon corps s'ouvrant inconsciemment à la discussion, avant que je ne me renfrogne, fronçant les sourcils, et ne reprenne ma position initiale. Je sentis ton regard s'intensifier sur ma personne, me brûlant la peau, me l'arrachant pratiquement, et je m'étonnai moi-même à attendre que tu la chiffonnes.
-Bien sûr que si il répond, soufflai-je dans un chuchotement enfantin qui fit hurler mon ego bien trop malmené lors de cette interminable soirée. Je n'avais pas pu m'en empêcher.
Je t'entendis bouger à nouveau, mais ne daignai pas te regarder. Mes yeux restaient inlassablement posés sur mes pieds, le menton bien loin d'être relevé.
Le silence prit son temps avant de s'estomper, chacun de nous réfléchissant à ce que mes mots avaient bien pu signifier. Le son de la ville bien plus animée de l'autre côté parvenait à mes oreilles dans un vacarme étranger auquel je n'avais plus envie de me mélanger.
L'envie de me tirer ne m'était plus si fugace, en réalité elle ne m'avait jamais été aussi vivace, intense, écrasante. Mes pensées se confondaient entre elles dans l'attente.
-Le vent ne m'a jamais répondu, il m'a toujours offert un silence affreusement terrifiant.
Je penchai légèrement la tête vers la droite, sans quitter les étoiles plantées sur la terre du regard.
-Ton intention serait-elle de me laisser parler dans le vide, dans ce cas ?
Tu soufflas du nez, un peu amusé par mon ton faussement outragé.
-Non…
Tu semblais hésiter, alors je laissai mon silence t'encourager.
-Pour moi, ça a toujours été la mer.
-La mer ?
-La mer. Elle m'a toujours répondu, dans des hurlements chuchotés par les vagues qui venaient se frotter à mes pieds. Ça m'a toujours donné l’impression qu'elle m’engueulait tout en me disant qu'elle m'aimait, au contraire du vent qui n'a jamais vraiment cherché à m'apaiser. Le feu aussi a beaucoup été présent, bien que plus rarement, quand je vivais encore chez mes parents.
Je sentis mes lèvres s'étirer doucement.
-Personnellement, le feu a toujours été éteint par le vent.
Tu ne répondis pas, alors je te jetai un regard sur le côté. J'écarquillai les yeux en voyant le clair de lune se refléter sur tes dents. Tu avais un sourire vraiment bruyant, un véritable vacarme incohérent qui faisait de mon cœur un concert de battements.
Nous ne prononçâmes rien pendant un moment, avant que tu n'ouvres la bouche et que mon sang ne se glace un instant.
-Tu es amoureux de Jungkook ?
Mes paupières se baissèrent et je pris une longue inspiration.
-Pardon ?
-Tu es amoureux de Jimin ?
Mes paupières se rouvrirent et je sentis le sang battre dans mes temps très violemment.
-Pardon ?
Ma voix était de plus en plus chevrotante, le chewing-gum dans ma bouche n'avait presque plus le goût de menthe. Je fouillai dans ma poche pour en attraper un autre d'une main tremblotante.
Je ne parvenais pas à mettre la main sur le paquet plastifié, alors mes doigts commencèrent à malmener tout ce qui pouvait s'y trouver. C'est finalement les cigarettes qui tombèrent les premières, je n'hésitai pas une seule seconde avant d'en porter une à ma bouche tout en sachant que c'était la dernière.
Je fouillai un peu dans l'herbe fraîche avant de mettre la main sur le bien que je recherchais. Mon briquet. Celui que Jimin m'avait donné il y a de cela tant d'années et dont je n'avais jamais eu le courage de me débarrasser.
Foutu passé.
Une main se posa sur mon épaule et je ne pus m'empêcher de m'immobiliser, la chaleur se dégageant de celle-ci perturbant mon corps complètement gelé.
-Tu fumes ?
-Quand je suis trop émotif, ouais.
Je sentis ton pouce commencer des mouvements circulaires par dessus ma veste et je me demandai si tu espérais que ça me détende suffisamment pour m'empêcher de fumer.
Au final, je reposai mon briquet à mes côtés. Je n'avais pas l’énergie pour faire rouler de mon pouce la pierre abîmée. Chaque fois que je l'allumais, je me demandais comment elle pouvait encore fonctionner, à croire que le karma ne m'avait jamais véritable laissé l'occasion de tout oublier. Ou alors, aurais-je du m'en séparer dès que l'occasion s'était présentée ? Était-ce de ma responsabilité que tout soit de nouveau sur le point de s'écrouler ?
-Oui, et oui.
Je pinçai mes lèvres brusquement en me rendant compte que j'avais pensé à voix haute. Je ne voulais pas que tu comprennes à quel point tout était de ma faute.
-Tu es amoureux de Jungkook et de Jimin ?
Mon cœur s'arrêta une seconde avant d’accélérer vivement. Je sentis mes joues se réchauffer délicatement, presque timidement. J'étais sur le point de m'envoler avec tout ce vent.
Qu'étais-je censé répondre ? Lui dire la vérité, que ce n'était qu'une réponse absurde à moi-même et prendre le risque qu'il s'interroge ? Ou lui dire la vérité en confirmant ce qu'il pensait ? Quelle était la vraie vérité dans ce cas? Quel était le mensonge ? Où est-ce que j'avais le plus à perdre ? Que dire, que faire ? Comment sortir de cet enfer où je sentais mon rythme cardiaque aussi violenté que si j'étais sur le point de me noyer ? L'étais-je ? Étais-je sur le point de me laisser couler ?
Ma respiration était bien trop agitée, pourquoi étais-je si affolé ?
-Taehyung ?
La chaleur de ta main revint se glisser sur mon épaule, frôlant la peau de ma gorge. Ton geste apaisa légèrement l'orage, dissipant quelque peu les nuages.
-Si tu ne veux pas en parler, je comprends tu sa-
-Oui.
Mon souffle se coupa. C'était moi qui venait de dire ça ?
Ta prise se resserra.
-Enfin...c'est un peu compliqué que ce que tu ne crois.
-Je ne crois rien. J'écoute juste, tu te souviens ?
Je frissonnai de froid. Je tremblais.
Était-ce une bonne idée d'en parler ? N'allais-tu pas me juger, te tirer, fatigué de mon esprit tourmenté ?
-Jimin est mon premier amour et…
Je déglutissais, ma voix était bien trop enrouée.
-...Jungkook celui avec lequel je pensais pouvoir définitivement l'oublier.
Le périphérique de l'autre côté me donnait envie de danser, les lumières de leurs phares qui se mouvaient me faisaient penser à l'ambiance d'une certaine soirée bien trop arrosée. J'avais soudain envie de ne plus rien contrôler, mes pensées, au moins, me foutraient la paix.
-Et tu ne le savais pas, je vois…
Ta main droite, je supposais, me quitta, venant se fourrer dans la poche de ton manteau sans doute dans l'espoir de s'y réchauffer.
Je ricanai.
-Comment aurais-je pu deviner que Jimin était le mec dont il ne faisait que de me parler ?
« Il a en horreur les gens qui parlent constamment de perfection, il préfère les imperfections. »
« Ses yeux disparaissent complètement quand il rit, tellement qu'il dit qu'il voit mieux la nuit. »
« Il croit aux lutins voleurs de chaussettes, aux fées qui viennent chercher tes dents par les fenêtres... »
J'aurais pu en fait, mais j'ai préféré fermer les yeux, c'était bien trop douloureux à regarder.
Comme toujours.
J'étais de ceux qui se compressaient les oreilles des mains pour ne pas entendre ce qu'ils ne voulaient pas comprendre, qui abaissaient les paupières et se détournaient simplement quand leur regard s'attardait sur quelque chose de déplaisant.
Pitoyable, mais vrai.
-Ça va aller ?
Non, sans doute que non. J’allais sûrement finir par me coucher dans mon lit et ne me relever que quand ma vessie serait sur le point d'exploser. Pendant une semaine ou deux. Puis je me relèverais une journée pour assurer à tout le monde que je n’étais pas en train de me décomposer avant de retourner me coucher. Avec un peu de chance, ce ménage ne durerait qu'un mois ou deux avant que je ne retombe amoureux.
-Mais oui, ne t'inquiètes pas.
J'étirai mes lèvres au maximum en me tournant vers toi pour limiter les dégâts. Avec un peu de chance, tu te dirais que je ne te mentais pas.
***
-Taehyung… ?
Parfait. Vraiment parfait.
Ça faisait des semaines que je restais enfermé et la seule fois où je sortais de ma tanière parce que je n'avais plus rien à bouffer, je les croisais.
Quel putain de plaie. J'avais envie de hurler.
Jungkook me regardait avec de grands yeux, surpris mais joyeux.
Jimin me regardait avec de grands yeux, paniqué et loin d'être heureux.
Je déglutis quand mon regard coula vers leurs deux mains entrelacées.
Génial. Mon cœur aurait pu s'arrêter de battre, ça m'aurait fait le même effet.
-Hyung, ça fait si longtemps !
Je clignai des yeux lentement et le plus jeune se jeta sur moi en me serrant dans ses bras brusquement.
Je restai immobile quelques secondes, complètement soumis à mes battements de cœur déjantés qui ne savaient plus sur quel pied danser, avant de timidement refermer mes bras sur mon cadet.
Jimin n'aurait pas été là, je plongeais mon nez dans le creux de son cou. Son odeur avait toujours eu tendance à me rendre fou.
Pas autant que celle de Jimin dans mes souvenirs, maintenant que je les laissais revenir, mais je ne risquais pas d'y avoir droit pour un sou.
Ce dernier nous observait du coin de l’œil, faisant mine de ne pas me regarder de manière saccadée. Je ne le quittais pas des yeux, perdu entre la chaleur habituelle mais agréable que m'offrait le plus jeune et celle complètement inattendue mais plus ancienne que la présence de Jimin apportait à mon cœur. J'avais chaud, mais je ne savais pas si c'était plus à l'extérieur qu'à l'intérieur. Ses yeux ne cessaient de danser dans une valse endiablée bien que quelque peu glacée entre ce qu'il se passait à l’intérieur de l'épicerie devant laquelle nous nous trouvions et le pêle-mêle étrange de bras et de jambes que Jungkook et moi devions former. Mais enfin, la musique ralentit, le tempo aussi et lorsque les danseurs se dispersèrent nos regards se trouvèrent.
J'avais chaud. Je sentais la sueur s'amasser librement dans mes gants.
Jungkook se détacha de moi après un petit moment, sa main glissa instantanément dans la mienne pour la serrer doucement et mon attention se détacha légèrement de cet ange venu du passé qui ne faisait que me hanter.
-Tout va bien ? T'as pas l'air en forme.
Je rompis le contact visuel avec son aîné pour le rassurer d'un sourire amusé.
-Tu t'inquiètes pour moi maintenant ?
Il roula des yeux.
-Non, t'as raison je m'en fous, c'est pas comme si t'étais important.
Il rigolait, je le savais, c'était moi qui venait de le provoquer, mais avec Jimin maintenant à ses côtés je ne pouvais m'empêcher de me demander si ce n'était pas un peu vrai.
Je me fis violence pour ne pas laisser mes yeux se baisser et ordonnai à ma main de le lâcher, l'épiderme de ses doigts me picotait.
Je reculai d'un pas pour mieux le regarder. Jimin s'était de nouveau approché de lui, le téléphone à la main et les sourcils ne s'étant toujours pas défroissés.
Alors c'était toujours ça l'effet que je lui faisais, même après toutes ses années ?
-Hyung ?
Mes yeux se refermèrent sur le regard inquiet du plus jeune. Ce n'était pas lui que j'étais censé regarder, après tous ces mois passés à tomber ? Je croyais l'aimer, était-ce vrai ? Oui, alors pourquoi était-ce si facile pour moi de ne pas le regarder ?
-Oui ?
-Tout va bien ?
Je sentis mes lèvres se pincer à mon insu avant d'avoir pu empêcher mon corps de parler. Jungkook était bien trop doué pour deviner ce que la bouche ne voulait pas laisser passer quand c'était de moi que l'on parlait. Depuis le début j'étais un putain de livre ouvert pour cet esprit fougueux dont j'étais pratiquement certain d'être amoureux. Ça m'avait agacé, fortement agacé, jusqu'à vouloir le détester. Mais au final, j'avais fini par succomber, comme toujours quand une quelconque attention m'était portée.
Je tournai la tête sur le côté.
-Oui.
-Tu mens.
Je me fis violence pour ne pas réagir à ce ton accusateur, presque blessé, avec lequel il venait de parler. Je ne pouvais plus, je ne devais plus. J'en avais assez de toujours finir par me laisser emporter par la mer et ses vagues énervées qui ne cherchaient visiblement qu'à me faire couler. J'en avais assez d'être esclave de mes propres émotions, comme un poisson devenant esclave de la taille de son petit bocal tout rond. Il ne savait rien faire d'autre que de nager, nager et encore nager, toujours dans le même sens, toujours à la même vitesse, toujours à la même distance du bord de cette petite prison emplie de souffrance.
J'étais un poisson, tenter de me convaincre du contraire ne provoquerait que désillusion, déception et destruction.
J'étais un poisson.
Et malgré la passion avec laquelle j'essayais de me convaincre que l’acceptation était le début de la guérison, je me sentais toujours aussi con.
***
-Tu crois qu'elles vont où les étoiles filantes qui disparaissent à l'horizon ?
J'avais bu, beaucoup trop bu. Et toi, mon cher Namjoon, tu étais patient, beaucoup trop patient.
-Je sais pas, dans l'eau peut-être ?
Je pouffai disgracieusement, si tu me promettais jour et nuit que tu ne me jugerais jamais, je ne pouvais qu'en douter avec ce que je te montrais de ma personnalité. Surtout alcoolisé.
-Dans l'eau, Namjoon ?
Bordel, cette voix nasillarde était insupportable, comment faisais-tu pour ne pas avoir envie de me jeter dans le canal ?
-Pourquoi les étoiles iraient-elles dans l'eau ? Il n'y a pas d'eau dans l'espace !
Tu soufflas du nez et je riais. Toi aussi, Namjoon, tu pouvais faire du vent ; il était là ton véritable élément.
-Ah bon ? Tu es sûr ?
Je m'arrêtai de rire comme le demeuré complètement bourré que j'étais pour te regarder. Qu'est ce que tu racontais ?
-Bah… Oui ? C'est vide l'espace, il n'y a rien ?
Pourquoi est-ce que je te posais la question ? Il n'y a rien dans l'espace, c'est un fait, pas une interrogation ! Non ? Je commençais à douter, du coup. Est-ce que tu avais raison ? Est-ce qu'il y avait de l'eau dans l'espace ? Comme une mer ? Avec de l'eau douce ou de l'eau salée ? Quelle forme avait-elle cette mer ? Ressemblait-elle à un paresseux endormi ? Ou à un bocal ? La mer se trouvait-elle dans un bocal ? L'Univers lui-même était-il un immense bocal où tout tournait en rond, constamment ?
-Tu es sûr ? Répétas-tu en laissant le ciel étoilé quitter quelques secondes ton champ de vision pour me regarder avec amusement, un sourire taquin planté sur les lèvres qui disparut rapidement quand tu fis attention à mon expression.
Tu te foutais de moi. Tu te foutais de moi, et moi je pleurais stupidement parce que j'avais cru pendant quelques instants que l'Univers était un bocal à poissons géant.
-Merde, Tae, qu'est-ce qui t’arrive ? Pourquoi tu pleures ?
Ton visage était drôle quand tu étais paniqué, et beau surtout. Sublime, en fait. On aurait plus te confondre avec une fée.
Tes sourcils étaient d'un temps à l'autre relevés puis froncés. Tes yeux étaient si écarquillés que je pouvais les voir en entier, les admirer complètement dans leur beauté magnifiée. Tu sais Namjoon, tu portais l'Univers entier dans ton regard, si je me concentrais assez je pouvais même voir toutes les étoiles du monde y danser. Ta bouche restait constamment entrouverte tant tu parlais, les mots se bousculant entre tes lèvres de manière désordonnée tellement il te semblait important de ne pas laisser le silence s'installer. Tu semblais presque terrifié, était-ce mes larmes ou la possibilité de voir le silence entre nous se créer ? Pourtant, c'était ton agitation qui me rendait si émotif, tant et si bien que je n'arrivais plus à parler. Je n'arrivais pas à t'expliquer pourquoi ces traîtresses de gouttes d'eau salée coulaient, mes sanglots ne laissaient pas les bons mots s'échapper. Seuls les noms de Jungkook et Jimin parvenaient à se frayer un chemin entre mes lèvres gercées qui ne cessaient de trembler. Et le tien aussi, mais ça ne devait pas être audible, du moins je l'espérais parce que je savais même pas pourquoi je le prononçais.
J'étais bourré, pitoyable et j'avais honte. J'avais envie que le sol s'ouvre sous mes pieds et m'avale. J'avais envie de disparaître pour ne jamais réapparaître. J'avais envie de mourir en fait, mais ce n'était pas nouveau, alors je respirai un grand coup et essayai de me calmer, me concentrant de nouveau sur ta personne qui ne semblait pas le moins du monde rassurée.
-Ça… Ça va. Désolé. C'est l'alcool, tu me connais…
Mais justement tu me connaissais, alors à ce moment-là, tu savais très bien que ce que je disais n'avait pas le moindre sens, pas la moindre importance non plus.
Mais tu n'avais rien dit. Sur le moment je t'en avais presque voulu. Tu savais. Tu savais mais tu ne faisais rien. Tu agissais comme si tout allait bien. Mais c'était ce que je voulais alors je n'allais pas me mettre à crier, hein ?
J'avais froid, j'étais frigorifié.
Tu l'avais vu et malgré ta mine concernée qui ne demandait qu'à ce que je te laisse entrer tu n'avais rien ajouté de plus, tu t'étais simplement levé et m'avait tendu la main pour m'aider à me relever en tournant la tête sur le côté.
Je l'avais regardé quelques secondes avant de la prendre. La paume de ta main était chaude contre la mienne, mais pas beaucoup. Suffisamment pour me réchauffer mais pas assez pour me faire transpirer.
Tu m'avais raccompagné et avais accepté de monter avec moi. Tu refusais d'ordinaire, mais là il était vraiment tard alors j'avais insisté. Tu avais cédé et nous avions pris l'ascenseur côte à côte comme les deux gros flemmards que nous étions. C'est durant la montée que je m'étais rendu compte que l'alcool était redescendu. J'avais paniqué à l'idée que tu ne t'en rendes compte alors, tout le reste de la soirée avant que le sommeil ne vienne me trouver, j'avais agis comme si j'étais encore complètement allumé. J'avais même fini par te supplier de venir te coucher avec moi dans mon lit au lieu d'attendre éveillé les premiers bus de la journée pour te tirer.
Tu avais cédé.
De toute façon, tu n'avais jamais su me résister.
Je crois pouvoir dire que d'une certaine façon, toi aussi tu m'aimais.
***
« T'as pas l'impression de déconner un peu en ce moment, Tae ? »
Je soupirais en entendant la voix fatigante et fatiguée de Yoongi-hyung directement après avoir décroché. Ce petit con venait de me réveiller.
-Bonjour à toi aussi Hyung, tout va bien en cette si jolie journée ensoleillée ?
« Essaie pas te faire passer pour un ange qui n'a pas complètement disparu de la circulation depuis un mois, mec, tu sais très bien que ça ne marche pas avec moi. »
-Ça ne marche pas vraiment avec les autres non plus, tu sais, rétorquai-je, mais eux au moins ils ne me font pas chier.
Un silence accueillit joyeusement ma remarque pimentée.
J'étais injuste, je le savais, mais il me faisait vraiment chier. Je ne savais pas comment gérer et il refusait de me foutre la paix. C'était la deuxième fois qu'il m'appelait quand les autres avaient au moins la décence de ne m'envoyer des messages qu'en faisant genre qu'ils s'étaient trompés.
J'étais injuste, je le savais, mais je n'avais pas envie qu'il me foute de nouveau devant le fait accompli.
-Pas ça, Yoongi-hyung, pas maintenant, s'il-te-plaît, j'ai pas l'énergie.
Je l'entendis soupirer fortement à l'autre bout de la ligne. Il s'inquiétait, je le savais.
« Alors quand ? »
Je ne répondis pas. Il fallait vraiment que range ma chambre, j'allais finir par trouver un renard en train de manger mon matelas.
« Jamais, c'est ça ? Tu vas juste disparaître pendant des mois de la surface de la terre comme deux ans en arrière en nous disant que tu as besoin de temps pour toi pour au final recommencer dans trois mois ? C'est ça ? »
Ça faisait mal. Je savais qu'il ne me disait pas ça par plaisir, que ça lui faisait sûrement presque plus de mal à lui qu'à moi, que ces mots sortent de sa bouche. Mais c'était vrai, c'était humiliant, c'était douloureux.
-Non…
« Non, en effet, et tu sais pourquoi ? Parce que je te laisserais pas faire, pas cette fois, une fois mais pas trois. Habille-toi, je passe te prendre dans vingt minutes. »
-Mais Hyung…
« Pas de mais Tae, tu- »
-Je t'ai déjà dit que je détestais être en dessous, tu veux me prendre comment ?
Un ange passa et je plaçai mon point à l'intérieur de ma bouche pour me retenir de rire. Il allait me tuer.
« Je vais te tuer. »
Je le savais. Mais je savais aussi qu'il m'aimait, même si je pouvais toujours rêver pour l'entendre le prononcer.
« Ferme-là et habille-toi, je passe te prendre dans vingt minutes. En bus. »
Et il raccrocha sans attendre alors que mon bruyant rire se faisait entendre.
Peut-être que ce soir, en m'allongeant dans ce matelas bien trop grand, j'aurais envie d'autre chose que de me jeter au fond de l'océan. Ça faisait longtemps.
***
-J'ai vu Yoongi aujourd'hui…
-Ah oui ?
-Oui, on est allés voir le spectacle annuel de l’école de danse d'Hoseok…
Tu me jetas un coup d’œil étonné.
-C'est une bonne chose, tu es sorti avec quelqu'un d'autre que moi pour une fois comme ça, pourquoi tu tires cette tête alors ?
Je baissai cette dernière, honteux. J'avais l'impression que la honte faisait dorénavant partie entière de mon existence, elle me collait à la peau et j'avais beau frotter, frotter et encore frotter à m'en faire rougir la peau pendant des jours, elle ne voulait pas me lâcher.
-J'avais oublié…
J'avais pratiquement chuchoté, tu te penchas vers moi, le regard toujours vissé au ciel à travers la fenêtre que j'avais entrouverte pour fumer.
-De quoi ?
-J'avais oublié.
Tu te redressas, réajustant le plaid que je t'avais donné pour que tu ne prennes pas froid étant donné que tu ne couvrais jamais tes épaules un peu frêles. J'avais peur que tu ne te brises les ailes.
-Qu'est ce que tu avais oublié ?
-Le spectacle de Hoseok. Ça fait des mois qu'il en parle, il rêve de ce solo dans le spectacle depuis qu'il a intégré cette université et moi je l'ai oublié.
Je relevai la tête vers le ciel à mon tour, la moquette sale visible entre mes jambes sur laquelle nous étions tous deux installés en tailleur était une vision qui manquait d'animation. Il fallait que je passe l'aspirateur, le proprio était un vieux bonhomme qui faisait assez peur.
-Bah non.
Je pivotai mon visage vers le tien à ma droite en levant un sourcil. Comment ça « Bah non » ?
-Tu ne l'as pas oublié puisque tu m'en parles.
Mon autre sourcil rejoint son compagnon. Qu'est ce que tu me racontais là ?
-Qu'est ce que tu dis ?
-Tu m'en parles, tu sais précisément de quoi il s'agit, quel rôle il avait dans ce spectacle et pourquoi il était si important pour lui : tu ne l'as donc pas oublié.
Je clignai plusieurs fois des paupières, je n'avais aucune idée de comment réagir. Je me demandai un instant si tu avais bu.
Tu sentis probablement mon regard insistant sur toi parce que tu pivotas le visage pour m'observer, les ombres de la lune rendant les traits de ton visage un peu plus tendus qu'à la normale.
-J'ai tord ?
Mes pupilles descendirent à la naissance de ton cou. L'imbécile que tu étais n'avait pas pris d'écharpe et laissait la couverture glisser le long de ses épaules sans la remettre à sa place. Je tendis la main pour la remonter. Tu me laissas faire et je me redressai un peu pour tendre l'autre afin d'attraper le bout du plaid qui se trouvait le plus éloigné de ma main. Tu te tournas un peu plus vers moi tandis que je t'enroulais comme une saucisse dedans en faisant en sorte que ton cou soit parfaitement protégé du vent glacial. Il ne fallait pas que tu prennes froid. C'était la dernière chose qu'il fallait, je détestais t'entendre éternuer.
-J'ai tord ? Répétas-tu une fois que j'eus fini de replacer le morceau de tissu.
Je grognais. Je n'avais pas envie d'aller sur ce terrain là, je savais qu'on allait tous les deux finir déçus.
-Taehyung.
Tu m'énervais.
-Non, tu n'as pas tord. Je ne l'ai pas complètement oublié, c'est vrai, mais si Yoongi-hyung ne m'avait pas appelé je n'y serais pas allé parce que ça m'était complètement sorti de la tête.
-Mais Hyung t'a appelé alors je ne vois pas le problème, tu y es allé, tu es même resté malgré ta culpabilité pour profiter un peu de sa fête.
Je ne répondis pas toute de suite, te regardant sans doute comme si une oreille venait de pousser sur ton front. Qu'est ce que tu racontais ? Je m'attendais à ce que tu m'annonces t'être pris un coup de bâton.
-Mais enfin Hyung, m'insurgeais-je, j'ai failli le rater. J'ai failli rater Hoseok-hyung. Si Hyung ne m'y avait pas traîné, combien de temps penses-tu qu'il m'aurait fallu pour m'en rendre compte ? Et combien de temps penses-tu qu'il m'aurait fallu pour oser lui envoyer un message d'excuses après l'avoir découvert ?
-Et combien de questions futiles vas-tu encore te poser avant de t'apercevoir qu'elles le sont ?
Je m'arrêtai une nouvelle fois dans ma contemplation. Qu'est ce qu'il te prenait ce soir ? Je ne comprenais rien de ce que tu me disais.
-Qu'elles sont quoi ?
-Futiles.
-Futiles ? Tu trouves vraiment que ces questions sont futiles ? Je suis en pleine remise en question, Hyung ! Ce n'est pas ce que tu souhaitais vouloir m'arriver ?
-Elles sont futiles parce qu'elles ne sont pas utiles à cette remise en question justement.
-Comment ?
-Tu te poses des questions, c'est bien, mais pas les bonnes, ça c'est moins bien.
Une bourrasque de vent m'obligea à fermer les yeux un petit moment, me permettant de réfléchir un peu à ce que tu venais de prononcer en chuchotant.
Le vent était en train de se lever à nouveau. J'avais froid, mais moins que d'ordinaire, heureusement que j'avais pris de quoi me tenir chaud.
-Je ne comprends pas en quoi ces questions ne sont pas bonnes, bougonnai-je finalement au bout d'une minute ou deux.
Tu te tournas vers moi et je sentis mon organe vital se réchauffer en remarquant le regard attendri que tu me portais.
-Ce sont des « Et si », et les « Et si » ne sont jamais bons. Ils impliquent une réalité parallèle, passée, qui ne nous apporte que souffrance et regrets. Ce n'est pas des « Et si » qu'il faut se poser.
-Quoi, alors ?
Je me sentais redevenir enfant pour quelques instants et je ne savais pas si c'était agréable ou extrêmement humiliant.
-Pour moi, et c'est uniquement mon point de vue au final tu en fais ce que tu veux, il n'y a qu'une seule bonne question.
-Laquelle ?
-« Comment est-ce que je peux faire mieux ?»
***
-Comment est-ce que tu peux faire mieux ? Faire mieux quoi ?
Hoseok me regardait comme s'il me redécouvrait. À croire qu'il n'était pas habitué à mon côté un peu perché.
-Je sais pas...Tout ?
-Tout ? Tu veux tout faire mieux ?
-J'ai envie d'essayer oui. Est-ce un peu présomptueux ?
-Un peu, mais je trouve surtout ça un peu malheureux.
-Oui, sans doute un peu.
Je le laissai se lever pour aller nous chercher nos tasses de cafés. Les serveurs ici avaient un peu de mal avec l'efficacité.
Hoseok m'avait demandé de le rejoindre en fin de matinée pour aller prendre un café, après ce qu'il s'était passé je n'avais pas eu l'audace de refuser.
-Je t 'ai déjà dit que ce n'était pas grave, tu sais.
-Et pourtant ça l'est.
Je ne rajoutai rien quand je l'entendis soupirer, je n'avais pas envie de l'agacer plus qu'il ne l'était.
-Je suis pas agacé, juste fatigué de te voir penser que tu es la pire personne sur terre, Tae.
Je baissai les yeux sur ma boisson chocolatée.
-Je sais. Désolé.
J'étais pire qu'un enfant, je n'osais pas imaginer la déception que cela pouvait créer chez mes parents. Ou du moins, je refusais d'y penser. C'était plus facile que de me laisser aller à imaginer comment ils m'annonceraient que j’étais déshérité et à quel point ils regrettaient de m'avoir adopté.
-Non, c'est moi qui suis désolé.
Mes yeux allèrent se planter vivement dans les siens. Pourquoi est-ce qu'il me regardait comme si il allait m'annoncer n'être pas quelqu'un de bien ?
Il fut le premier à rompre le contact visuel et il n'y avait rien de moins habituel. Je sentis les battements de mon cœur accélérer, j'avais maintenant peur de voir sa bouche commencer à bouger.
-Je t'ai pas fait venir ici pour te parler en réalité.
-Ah non ?
-Non. C'est toi qui dois parler.
Je le regardai simplement, un peu hébété. Est-ce qu'il s'attendait à ce que je me mette à nu devant lui comme les arbres le faisaient en quittant leur feuillage enjolivé à la fin de l'été ? Je n'étais pas un arbre, mes feuilles à moi je ne pouvais pas m'en séparer.
-Je sais que t'en as pas envie, mais il est temps que tu lui dises la vérité.
Je déglutis, j'avais peur de voir ses lèvres de nouveau se séparer. Les miennes ne purent s'en empêcher.
-De qui tu parles ?
Ma voix tremblait, et je savais que dans très peu de temps ce serait mon corps tout entier.
-Tu le sais.
C'est vrai. Mais je n'avais pas envie de me l'avouer. J'avais peur de le voir débarquer avec son sourire enjolivé et ses cheveux attachés. Cet enfoiré n'avais définitivement pas pensé à mon cœur quand il avait décidé de se les laisser pousser. J'avais peur de le voir débarquer et retourner mon âme dans tous les sens. J'avais peur de le voir. J'avais peur de son regard.
Depuis le premier jour il inspirait chez moi une terreur sourde et douloureuse, il s'était infiltré dans ma peau en un instant comme un poison à l'acidité mortelle et doucereuse.
Il était ce serpent qui rampait dans les tréfonds dans mon cœur en attendant le moment parfait pour le dévorer d'une seule bouchée. Je le savais, pourtant, qu'il fallait que je lui dise la vérité. Mais je savais aussi que ça pourrait me sauver comme m'achever.
J'étais terrifié.
-Hyung ?
Je relevai la tête si vivement que je sentis les muscles de mon cou se plaindre violemment.
Où étais-je donc ? Je jetai un coup d'oeil en face de moi pour apercevoir le fleuve sombre traversant la ville de ces torrents mortels tremblotants. Ils avaient froids eux aussi, il fallait que je pense à dire à Namjoon de ramener mon plaid pour que je puisse les réchauffer également.
J'étais assis sur un banc. Sur notre banc.
Et Jungkook me regardait planté là, dans le vent.
Il allait attraper froid si il ne se rapprochait pas, il ne portait pas un manteau assez couvrant.
Je me penchai sur le côté, les yeux vissés sur sa main aux doigts bleutés pour l'attraper et le tirer à mes côtés.
Il s'assit sans un mot, je sentais son regard me brûler le visage, j'enroulai mes bras autour de lui sans le lui retourner.
Je le sentis se crisper un instant contre moi avant qu'il ne se détende, le côté droit de son dos collé à mon torse s'affaissant doucement contre mon cœur qui palpita.
Quelques minutes passèrent ainsi avant qu'il ne me rende discrètement mon étreinte en posant sa main sur mon bras droit enroulé autour de son torse qu'il pressa tendrement.
C'était un toucher léger, volatile, presque imperceptible, le genre dont il avait le secret le plus habile.
Jungkook était de ceux qui aimaient discrètement, presque timidement. Il en faisait des tonnes au quotidien, toujours là à rire à gorge déployée, toujours là à hurler, à gesticuler, à montrer son immense sourire dans son entièreté, toujours là pour faire rire la galerie à coup de conneries toutes plus stupides les unes que les autres pour remonter le moral des troupes anéanties. Toujours là, en fait. Toujours. Même quand il ne l'était pas. Et pourtant, paradoxalement, c'était sûrement le plus discret de nous sentimentalement. Même si il en était le plus bruyant. Il ne disait jamais je t'aime, son regard le faisait constamment, il ne demandait jamais à personne pourquoi celle-ci semble sur le point de se jeter sous un pont, il se contentait de faire le con, il initiait rarement les câlins, sauf quand il était dans un état d'excitation extrême, mais il n'en refusait jamais un.
Et là, maintenant, à cet instant précis, il me tenait la main si puissamment que je sentais la douleur vive me traversant les doigts me rappeler que j'étais bien vivant.
-Raconte-moi...chuchota-t-il, et le vent se tut un instant.
J'inspirai le plus calmement possible l'air environnant pour apaiser mes poumons tremblotants.
-Je…
Qu'est ce qui allait bien pouvoir sortir de ma bouche dès que j'entrouvrirais mes lèvres ? Quels seraient les premiers qui s'échapperaient de mon subconscient qui ne rêvait que d'une trêve?
Je n'avais aucun foutu contrôle sur ce qu'il se passait, ni sur ce qu'il se passerait à l'instant où mes lèvres se sépareraient. J'étais terrifié. Je tremblais.
Je sentis ma main être lâchée, je craignais un instant qu'il ne soit agacé avant de sentir deux mains la rattraper pour commencer à la cajoler.
Je ne le voyais pas, mes yeux étaient fermement fermés, mais je le sentais. Mon dieu, qu'est ce que je le sentais. Cette chaleur, cet amour qu'il me transmettait. Il me faisait trembler et un feux d'artifice se mettait à tambouriner au fin fond de mon âme écervelée.
-Tout va bien, Hyung, ce n'est que moi…
C'est vrai, ce n'est que toi, mais ça reste toi, et ça, ça changera pas.
Alors mes lèvres cessèrent de s'embrasser, et les mots commencèrent à s'embraser.
Alors je parlai. Mon enfance, Busan, mon père, Jimin, l'école, Namjoon, le collège, Jimin, le lycée, Jimin, puis la fin du lycée et la fin de Jimin, et la fin de mon père aussi. Puis la solitude, la rancœur, la haine, la peur, et l'espoir de retrouver Jimin. Puis Séoul, Yoongi, Hoseok et toujours un peu d'espoir. Puis l'abandon des études, le début du travail chez le vieux Ho, puis la dépression qui reste, qui ne veut pas me quitter, qui refuse de partir et de me laisser en paix, qui finit par s'aggraver. Puis ce jour là, ce jour précis où j'avais décidé que j'en avais assez, que si c'était pour vivre comme ça autant crever, et qu'au moment où j'allais fermer, au moment où j'allais tout lâcher, il s'était pointé, essoufflé, le manteau pas boutonné et le regard affolé.
-C'était moi, il n'avait pas prononcé un mot depuis que j'avais commencé et entendre sa voix sur le point de se briser manqua de faire couler les quelques larmes que je m'empêchais de laisser tomber.
-C'était toi, je soufflai, avant d'inspirer.
Les mots sortaient, les mots sortaient et je ne voulais pas les louper. Je ne voulais pas rater cet envol au ciel étoilé qui les attendait les bras écartés pour mieux pouvoir les embrasser. Je sentis mes yeux s'embuer, les larmes s'amasser. Les mots sortaient, les mots sortaient et plus jamais je ne voulais les laisser se faire enfermer. Plus jamais.
Et enfin, enfin, le bloc de glace commença à fondre.
Enfin, enfin, la cascade allait pouvoir se remettre à couler pour permettre à ses gouttes pailletés de rejoindre le reste du monde.
-Je… Je crois que je suis tombé amoureux de toi.
Je le sentis bouger, il était maintenant pratiquement allongé contre moi. La position était inconfortable, le bois du banc était douloureux contre mon dos, mon crâne gelé, et nos jambes emmêlées pendaient dans le vide de la voie lactée. Il était complètement affalé sur moi, mes bras enroulés autour du haut de son corps, une main dans son dos et l'autre dans sa chevelure tandis que les siennes s'étaient réfugiées dans la mienne dans des mouvements circulaires qui me donnaient sommeil, sa tête installée contre mon cœur battant.
Et pourtant, pourtant, j'étais bien. Je crois même que je ne m'étais jamais senti aussi bien.
J'avais chaud.
-Tu crois ?
Son rire à peine retenu nous fit trembler et nous manquâmes de tomber avant qu'il ne parvienne à nous stabiliser.
-Je… Oui, je crois.
Il se redressa un instant pour me regarder en plissant des yeux, il me détailla du regard quelques instant pendant lesquelles j'eus tous les malheurs du monde à ne pas fondre comme neige au soleil sous la gêne avant qu'il ne repose sa tête contre mon torse en reprenant ses mouvements affectueux, emmêlant de nouveau ses doigts dans mes cheveux.
-Je vois.
Cette fois, ce fut à mon tour d'exploser de rire, d'un rire nerveux mais joyeux.
-Arrête de faire le mec si sérieux, ça me rend nerveux, chuchotai-je en plongeant le nez contre ses cheveux. Il y avait cette odeur, il y avait la mer.
-Tu préfères que je fasse le mec qui n'en a rien à faire ?
-Non… Je préfère que tu continues d'agir comme si ce que je venais te dire ne te faisait pas souffrir.
Il soupira, et j'observai l'air glacé s'animer dans un nuage de fumée qui me faisait rêver. J'avais envie de fumer.
-Je peux pas faire ça, ce ne serait juste ni pour toi ni pour moi.
Mon cœur se serra. Bientôt, il ne serait plus là.
-Je vois…
Mon ventre m'était abominablement douloureux, tout comme le reste de mon corps qui n'attendait qu'un sommeil cotonneux.
Je tressaillis, le froid était de nouveau là, me congelant lentement accompagné du vent.
-À quoi tu penses ?
Sa voix profonde et rocailleuse trancha l'air dans un murmure intense.
Je fus tenté de répondre « le vent », mais au final ça n'aurait pas été très pertinent.
-À toi.
Une nouvelle bourrasque fit soulever nos chevelures dans un mouvement obscur. Son visage se tourna vers le mien, le regard pétillant d'une affection inchangée qui me fit de nouveau presser sa main.
-À moi ?
-Oui.
-À Jimin aussi ?
Mon cœur loupa un battement et j'entendis le vent rire à mes oreilles doucement. J'avais espéré qu'il n'y fasse pas attention, naïvement. Et pourtant dans son ton il n'y avait aucune mauvaise intention.
-Comment ?
-Pas de pression, on est pas obligés de parler de ça maintenant.
Je posai de nouveau mon regard sur son visage, il avait fermé les yeux, il paraissait étrangement heureux et à cette vision je sentis dans ma gorge se former un nœud.
Son visage était paisible, un doux sourire à peine prononcé y était visible, et je ne comprenais pas comment cela était possible.
-Je t'aime…
Ses paupières se rouvrirent, ses yeux s'agrandirent et l'univers posa dans son regard une nuée d'étoiles qui m'attendrirent.
Les grelots de son rire résonnèrent dans mes oreilles et bientôt l'air accueilli à bras ouverts mes sanglots.
-Hyung…
Il se redressa, sa chaleur me quitta, et alors que j'allais laisser retomber mes bras, il m'enlaça.
Mon dos se décolla du bois et je me retrouvai en position demi-assise sur ses genoux, roulé en boule et fermement accroché à son cou.
Mon visage enfoncé dans le creux de sa nuque, je pleurai de tout mon saoul comme je ne l'avais plus fait depuis des années, alors que lui me tenait si fort que je ne pouvais pratiquement plus respirer.
C'était si douloureux, de me sentir ainsi me déchirer.
C'était si douloureux d'enfin laisser la douleur s'installer une fois pour toute sans la réduire au silence, sans la cacher, que je crus me sentir pour la dernière fois sombrer.
Tout était sombre, tout était obscur, brouillon, caché, affreusement torturé. Je ne voyais rien, ne ressentais plus rien à part la souffrance pure et brutale que moi-même je m'infligeais. J'étais si fatigué... Tous mes muscles me lançaient, me hurlaient de cesser ce que j'étais en train de leur infliger. Toutes les cellules de mon corps me brûlaient. J'avais l'impression de sentir mon cœur m'être arraché.
Je lâchai prise. Pour la première fois, je lâchai tout ce que j'avais. Une vague intense de souvenirs, de peurs, de souffrances, d'amour, de tristesse, de joie, de soulagement prit forme au large de mon monde.
Je la regardai s'agiter, se rapprocher, me frôler sans bouger.
J'en avais assez, il était temps de la laisser me balayer, cela faisait bien trop longtemps que je l'ignorais.
Il était grand de la laisser tout briser.
Mon monde ne tenait plus sur grand-chose de toute façon, le bois était rongé des années passées à laisser la marée monter, les plantes étaient desséchées, ma maigre maison perchée sur la falaise était sur le point de s'écrouler. La mer montait, la vague arrivait et je la regardais me narguer du haut de mon petit balcon rouillé. Je me penchai sur la rambarde en la souillant de mes ongles rongés, le haut de mon corps prostré dans le vide au dessus des remous de plus en plus élevés que la vague apportait.
Je n'avais pas envie d'attendre qu'elle s'approche suffisamment pour me noyer.
Je ne voulais plus être seul spectateur de cette danse qui me menait à la décadence.
Je ne voulais plus attendre que le fond m'attire à lui pour m'exécuter, j'avais envie de m'y enfoncer de ma propre volonté.
Alors je plongeai, la tête la première, dans cette vague de larmes salées.
Et je la laissai tout achever.
***
-Pourquoi tu pleures, petit bonhomme ?
Cette phrase était notre préface, le début de toute notre farce.
Tu m'avais abordé avec celle-ci la première fois que tu étais venu me trouver, moi, petit enfant perdu au milieu de l'océan.
-J'ai pas eu de gâteau, le petit moi de dix ans t'avait répondu au milieu de ses sanglots.
Et ton rire à ces mots avait été le plus beau des cadeaux.
C'était le jour de mon anniversaire, nous étions en plein hiver, et pourtant tu te trouvais devant en moi sans veste alors que le sol était couvert de neige.
Tu m'avais donné la tienne sans broncher avant de me tendre la main en me disant que tu allais me raccompagner.
Nous avions marché ce qu'il me semblait des heures, à tourner, virevolter, danser, alors que je cherchais le bon chemin pour rentrer.
Tu n'avais pas soufflé, pas râlé, pas montré le moindre signe d'agacement alors que tu avais sans doute bien d'autre chose à faire que de t'occuper d'un enfant perdu haï par son père parce qu'il le considérait comme responsable de la mort de sa mère.
Tu n'avais rien dit, tu m'avais simplement écouté pleurer, tu avais laissé mes chaussures racler contre le bitume abîmé alors que mes larmes ne cessaient de couler.
Tu n'avais rien dit, tu m'avais simplement écouté hurler ma douleur d'enfant qui n'arrivait à lire ni les cartes ni l'heure et qui avait peur.
Tu n'avais rien dit, tu m'avais simplement souri.
Je pense que tu avais déjà compris, ce qu'il m'arriverait dès l'instant où la porte de ma maison serait franchie.
Mais tu n'avais rien dit, dieu merci, je n'aurais jamais supporté que tu aies des ennuies à cause de mon incapacité à avoir pu la sauver.
C'était de ma faute après tout, si elle s'était suicidée. Pas celle de mon père, qui lui, avait toujours été parfait.
Tu n'avais rien dit, mais le lendemain, tu étais venu me chercher.
À la sortie de l'école, tu avais dit être heureux d'avoir pu me trouver, que tu allais m'emmener manger puisque mon ventre ne cessait de gargouiller.
J'avais ri, et tu m'avais souri.
Et tu étais venu me retrouver le lendemain aussi.
Les mois étaient passés ainsi, j'avais Jimin à l 'école, et je t'avais toi à la sortie, qui me raccompagnait systématiquement jusqu'au palier.
Mon père te détestait, il me disait que tu voulais sûrement m'habituer à ta présence pour pouvoir m'enlever mais je ne l'ai jamais écouté, et du haut de tes seize ans tu étais bien trop bien bâti pour qu'il n'ose essayer de te mettre un coup bien senti.
Tu m'as sans doute sauvé, en réalité.
Mon père aurait sans doute fini par me tuer si il ne craignait pas que tu sois le premier à t'inquiéter.
Et puis, il est tombé malade.
Gravement.
Tellement qu'il a fini par aller vivre à l'hôpital, et moi par être pris en charge.
On m'a placé chez une des enseignantes de notre petit commune à côté de Busan, alors j'ai pu rester à tes côtés et tu as continué de m'emmener manger tous les soirs avant de me raccompagner.
Pour la première fois depuis que ma mère était décédée, je me sentais aimé.
Et c'était un sentiment si agréable que j'en pleurais, le soir, quand je passais la porte de ma maison d'accueil et que je me laissai tomber dans le canapé en regardant le nouveau jouet que j'avais gagné parce que tu m'avais emmené manger.
Et puis il y a eu ce matin où je me suis levé et que l'enseignante me regardait avec ce regard apeuré, comme si elle était effrayée à l'idée que je puisse m'écrouler.
Et puis, elle me l'avait annoncé.
Ton décès.
Cette voiture qui t'avais fauché au milieu de l'allée, et ton crâne qui s'était cogné.
Je me souviens de ce jour comme de la dernière fois où j'ai pleuré.
Et comme la première fois où le vent s'est installé à mes côtés pour discuter.
-Tu l'as encore cette boîte, dans laquelle tu rangeais tous ces jouets ? Tu me demandais alors que nous observions tous les deux le soleil se lever.
-Oui, elle est cachée dans les rembourrages de mon canapé.
-C'est vrai ? Tu riais.
Je te regardai avec curiosité, alors tu te calmais.
-Non, c'est juste que...Je trouve ça drôle que tu ressentes le besoin de la cacher. Ce n'est pas une honte d'avoir de précieux souvenirs à garder.
Je reportai mon attention sur l'horizon qui m'éblouissait.
-Je sais, c'est juste que...j'ai envie de les protéger.
Tu restas silencieux quelques instants, avant de nous faire part, à moi et au vent.
-Ce n'est pas parce que tu les laisses respirer et être partagés que tu risques de les oublier, tu sais.
Je sentis mes yeux s'écarquiller.
-Ce n'est pas...c'est pas...ça…
-Ah non ? Tu pouffais. Qu'est ce que c'est dans ce cas ?
Je réfléchissais, incapable de mettre des mots sur ce que je ressentais.
-Tu as peur de le trahir, de l'oublier, de ne plus te souvenir à quoi ses adorables fossettes quand il souriait et ce regard affectueux qu'il te lançait ressemblaient. Je le sais, c'est bien pour ça que je suis là, moi. Pour que tu puisses ne jamais l'oublier. Tu as peur d'oublier la seule personne au monde que tu crois qui t'ait sincèrement offert de l'amour un jour. Celui de Jimin, tu as fini par complètement l'effacer. Celui de Yoongi, d'Hoseok et des autres, tu n'y croiras jamais vraiment assez. Et celui de Jungkook ? Tu refuses de l'accepter.
Je pleurais, je sentais les larmes couler et mon nez se boucher.
Je passai le revers de mes mains sur mes yeux embués, humides, rougis et bientôt gonflés.
Je ne voulais pas pleurer, j'avais assez donné avec mon cadet.
-Au contraire, laisse couler ! Cesse de vouloir les emprisonner, laisse tes émotions s'exprimer.
Je ne voulais pas. Ça faisait trop mal, c'était désagréable, je ne voulais pas continuer de pleurer.
-Alors tu vas tout laisser recommencer ? Tu vas ressortir de l'eau et reconstruire ce petit monde bancal et abstrait sur la plage avec ce bois mouillé que la dernière vague a éclaté en attendant que la prochaine vienne te trouver ? C'est ridicule, Tae, tout ne va faire que se répéter, sans arrêt, jusqu'à ce que tu n'aies plus de bois à couper et que tu te retrouves seul sur la plage avec des vêtements trempés, frigorifié.
-Alors qu'est-ce que je suis censé faire, je criai, plongeant mon regard dans le sien qui brillait, plonger, me laisser couler, fatiguer et laisser l'océan me noyer ?!
Mes cordes vocales me tiraient, mes yeux me brûlaient et mes cheveux se faisaient violenter par le vent qui s'amusait.
Ta bouche ne se rouvrit pas et je plongeai mon visage dans mes bras.
Je tremblais, j'avais chaud, j'avais froid. Quelque chose dans ton regard ne me plaisait pas.
-Tae…
Ta main se posa sur mon avant-bras, je la repoussai d'un mouvement d'humeur qui ne me soulagea même pas. Tu réessayas et je me laissai faire cette fois, je sentis la chaleur de ta paume et mes yeux se remplirent d'eau à nouveau. J'entendis tes vêtements se froisser alors que je sentais ta chaleur corporelle se rapprocher jusqu'à me toucher, tes bras s'enroulèrent autour de moi et une chaleur nouvelle m'enveloppa.
Mon cœur accéléra.
-Tae...tu chuchotas au creux de mon oreille et me fis frissonner.
Tu le sentis et tes bras accentuèrent leur prise calmement, ta tête caressa la mienne tendrement.
-L'eau ne pourra t'étouffer que si tu cherches à lui échapper, l'océan te noiera seulement si tu te débats…
***
-Taehyung, mais qu'est ce que tu fais là ?
Jimin me regardait comme si un troisième bras venait de me pousser sur le côté.
-Chim...Je soufflai, les yeux d'ors et déjà humidifiés.
Son regard trouva le mien et je vis dans le sien passer une palette d'émotion étouffées qu'il essayait de refréner avec une volonté de fer que nous avions sûrement similaire.
Je ne détournai pas le regard et l'affrontai, me mettant à nu à ses côtés comme j'aurais dû l'avoir fait il y a des années.
-Tae…
Mon souffle se coupa, ce surnom, il avait été le tout premier à me le donner. Je sentais mon cœur crépiter.
-Tu m'as manqué, je riais entre mes larmes au goût sucré.
Cette honnêteté, c'était lui qui me l'avais inculquée.
« Jamais, au grand jamais, tu ne dois t'empêcher de me dire ce que tu avais envie de prononcer. Ne t'empêches jamais de me dire la vérité mon Tae. »
Il ne répondit pas, mais je vis qu'il s'en empêchait. Je lui avais fait du mal, je ne devais pas trop espérer, mais voir qu'il ne me claquait pas la porte d'entrée de son appartement au nez était déjà quelque chose que je ne m'étais jamais laissé imaginer.
Je pourrais me contenter de ce regard blessé, méfiant mais toujours aussi aimant malgré tout ce qu'il faisait pour essayer de le camoufler.
Je ne savais pas quoi ajouter, le flot de mes larmes silencieuses ne se tarissait pas mais je parvenais à ne pas m'en préoccuper.
Je savais que c'était à moi de parler, après tout, j'étais celui qui était stupidement planté devant son entrée en se balançant nerveusement sur ses deux pieds, mais…
-Tu veux entrer ?
Au final tu avais raison, c'était sûrement une meilleure idée de se laisser couler.
***
-Hyung, qu'est ce que tu fous ? Descends de là !
Je jetai un coup d'oeil à Jungkook qui me hurlait de descendre de mon rocher en contrebas, la main de Jimin enlacée à la sienne alors que celui-ci me prenait en photo de l'autre bras, riant aux éclats.
Je glissai de nouveau mon regard vers l'horizon, le vent marin décoiffant mes cheveux en gênant ma vision.
-Jungkook, je criai pour me faire entendre, lance-moi ton bandana !
-Quoi ?
-Ton bandana ! Je répétai, forçant sur ma voix.
Je le vis froncer les sourcils avant de se tourner vers Jimin, que je devinai lever les yeux au ciel malgré ses lunettes de soleil, avant que celui ne le retourne sans ménagement pour ouvrir son sac dans son dos et chercher cette petite merveille.
-TaeTae ! Il hurla à son tour en ne se souciant guère des regards agacés que lui jetait l'unique couple présent sur la plage déserte en cette rare journée ensoleillée de la saisonnée. Si tu ne l'attrapes pas du premier coup tu nous payes la bouffe de ce midi, si tu l'attrapes c'est Jungkook qui s'en charge !
-Quoi ?! S'insurgea immédiatement son petit-ami.
J'éclatai de rire en rejetant la tête en arrière si fort que je crus rejoindre les mouettes. Je préférais les animaux de nuit, comme les chouettes.
-Attentiooon…. !
Il la lança suffisamment haut pour que je n'ai qu'à me pencher légèrement.
-Jungkook nous paye la bouffe ce midi ! M'écriai-je une fois que le bandana fut en sécurité autour de mon bras alors que je levai celui-ci avec une fierté enfantine non dissimulée et que ce dernier se mettait à râler.
Mon ami d'enfance et moi éclatâmes de rire en le voyant faire et celui-ci se mit à lui courir après en hurlant comme un demeuré. Je les regardai se lancer dans une course poursuite sans fin, le sourire aux lèvres, le cœur embaumé d'une chaleur inhabituelle mais bien réelle. Mes yeux me picotèrent alors que je plaçais le morceau de tissu dans mes cheveux pour les dompter. Quelques larmes s'échappèrent et je fermai les yeux en les sentant s'envoler avec l'air.
-Le soleil se lève.
Je sursautai, tu avais un véritable don pour apparaître quand jamais je ne m'y attendais.
-Ça a été une longue soirée entre nous, pas vrai ? Regarde, le vent a même fini par se coucher.
C'était vrai, il était en un instant tombé, comme si il voulait nous laisser l'espace de discuter sans avoir besoin de crier.
Je te regardai, le soleil couchant m'éblouissait mais je refusais de laisser mes paupières se fermer.
Il disparaîtrait à tout jamais si je le faisais.
Je vis ton ombre troublée se tourner vers moi de nouveau, j'aurais pu jurer voir le soleil et la lune s'embrasser sous un tango dans ce sourire émerveillé. Ta silhouette commençait à se désintégrer. Tu t'en allais.
-Regarde, le soleil est enfin levé, murmuras-tu en regardant ce dernier qui se couchait.
Je souriais.
-C'est vrai, mais la journée ne fait que commencer.
-C'est vrai, fais attention à ne pas te brûler.
-Je te promets d'essayer, riais-je.
-Pas besoin, je sais que tu finiras par cramer.
Nos rires résonnèrent un instant alors qu'une bourrasque de vent sortie de nulle part me faisait perdre l'équilibre brusquement.
Ta main gauche m'attrapa fermement pour me stabiliser avant que tu ne te mettes sur tes pieds.
-Bon, tu soufflas et je jurai voir tes yeux se mettre à briller, il est temps pour moi d'y aller.
Je baissai le regard sur mes mains liées.
Je le savais.
-Pourquoi ?
-Parce que je ne peux pas le laisser partir sans moi.
Je le savais.
-Qui ça ?
-Le vent.
Les battements de mon cœur résonnaient bien trop fortement contre mes oreilles. Le vent s'en allait, il me laissait ?
-Rassure-toi, il reviendra te prendre dans ses bras dès que tu auras un peu froid.
-Et toi ?
-Moi ?
-Oui. Tu reviendras si j'ai froid ?
Ton rire résonna, mon cœur trembla. Qu'est ce que je pouvais t'aimer...Je ne voulais pas que tu partes sans que je ne te vois t'envoler.
-Moi je serai toujours là.
Mon cœur s'arrêta. Puis, le temps reprit ses droits et il redémarra. La chaleur prit vie et me réchauffa.
-Taehyung !
-Hyung !
Jimin m'appelait, Jungkook m'appelait.
-Ils t'appellent, tu devrais sauter.
Je te regardai, le regard embué, et le sourire apaisé que tu me renvoyas me réconforta.
Je baissai de nouveau les yeux vers mes deux amis, qui me tendaient leurs bras, les paumes de leur mains n'attendant que moi.
-Il est dix-sept heures, Taehyung. N'est-ce pas l'heure parfaite pour commencer à s'aimer ?
Alors je sautai, les mains tendues devant moi, prêt à attraper les leurs et à ne plus jamais les lâcher.
Mes yeux se fermaient,
Les larmes flottaient,
La bourrasque de vent s'envolait,
Et…
Notre rire résonnait.
———
Bonsoir bonsoir ~
J-8 avant Noël, les amis, j’espère que ce calendrier de l’avant un peu spécial vous plait toujours autant ^^
Ce fut un long périple biscornu pour moi mais je suis très heureuse d’en être arrivée là, cet os m’est devenu très cher et j’espère sincèrement qu’il vous a plu. Je vous avoue que poser le point final à cette petite histoire sur le papier m’a beaucoup émue.
Ce fut un très grand honneur pour moi de participer à ce merveilleux projet.
Un grand merci à charliegyr de m’y avoir invitée et aux auteurs talentueux de ce calendrier avec qui nous nous sommes tous mutuellement encouragés.
Et merci à vous de nous lire, lecteurs, vous n’imaginez pas à quel point vous réchauffez nos coeurs.
*Traduction des paroles de RM par Bangtan Fansub
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