Interlude.

Eve se réveilla de sa sieste, les joues baignées de larmes. Lentement, elle se redressa en essuyant les traînées humides de ses joues avec ses manches. Elle passa une main dans ses cheveux blonds, puis sortit de sa chambre pour partir à la recherche de Smee.

Tous les scientifiques qu'elle croisait baissaient la tête face à son regard jaune qui rappelait sans cesse celui de Peter Ratri. Face à la jeune femme, personne ne disait rien, mais dans son dos, on chuchotait qu'ils avaient les mêmes yeux. Cela la faisait sourire, d'autant plus qu'ils étaient proches de la vérité.

Après de nombreux couloirs blancs, tant de fois arpentés quand elle subissait des expériences - par réflexe, elle leva une main pour caresser les cicatrices des piqûres dans sa nuque -, elle arriva enfin auprès de Smee qui l'interrogea d'un simple regard. Eve hocha discrètement la tête avant d'attraper plusieurs boîtes de médicaments, qu'elle rangea dans les poches de sa blouse. Puis elle s'éloigna dans d'autres couloirs, marchant rapidement à cause du temps accordé : une heure.

La blonde décida de commencer par ceux qui seraient récalcitrants à l'écouter, à savoir les sujets qui se nommaient Zazie, Cislo et Barbara. Pour leur dernière rencontre, elle allait les appeler autrement que par leur matricule. Elle allait leur rendre leur humanité. Rien qu'à l'idée, elle se mit à sourire. L'humanité était quelque chose de précieuse, il fallait la chérir à chaque instant, quitte à devenir un monstre protecteur de cette humanité. Devant la porte de Zazie, Eve s'arrêta un instant : elle était devenue l'un de ces monstres.

— Zazie ? J'entre, d'accord ? fit la jeune femme en ouvrant la porte.

Le grand garçon de cinq ans la fixa du regard, en restant dans le fond de la pièce, roulé en boule, avec son sac sur la tête. Eve le regarda à peine, se contentant de poser des flacons de médicaments au milieu de la pièce ; elle recula ensuite.

— Pour ta fuite, l'informa-t-elle. Avec d'autres enfants. Tu les protègeras, d'accord ? Je peux compter sur toi, Zazie ?

Le concerné grogna avant d'attraper sauvagement les flacons de médicaments pour les serrer contre lui, ses yeux ne la lâchant pas du regard. La scientifique esquissa un sourire avant de quitter la pièce, heureuse de voir qu'il n'avait pas été difficile. En serait-il de même pour Cislo et Barbara ? Elle en doutait fort.

Voyant qu'il ne lui restait plus que cinquante minutes, Eve courut presque dans les couloirs vides jusqu'aux chambres des deux difficiles. Cislo et Barbara seraient capables de lui grappiller une vingtaine de minutes, et il en était hors de question. Elle s'occupa d'abord de l'adolescente, toquant à sa porte.

— Barbara ? lâcha doucement la jeune femme en sortant déjà les boîtes de médicaments.

— Derrière toi, connasse ! s'écria l'adolescente en tentant de l'attraper par la nuque.

Eve se retourna d'un coup et lui attrapa les poignets pour la coincer contre le mur, l'empêchant de bouger. Les deux femmes se regardèrent dans les yeux. Barbara essaya de lui cracher au visage, mais la blonde resserra sa prise sur ses poignets.

— Tiens-toi tranquille ! Prends ces réserves de médicaments et prépare-toi lorsqu'il faudra vous sauver.

— Arrête de me raconter des conneries, la scientifique !

Ladite scientifique lâcha les médicaments et ouvrit sa chemise en faisant sauter les boutons, montrant la marque de Lambda sur sa poitrine, faisant taire la sauvageonne devant elle. Barbara se laissa tomber à terre lorsqu'elle fut lâchée, fixant cette marque qu'elle maudissait chaque soir.

— Tu comprends maintenant, Barbara ? murmura Eve. Je vous offre la liberté que je n'ai pas pu prendre ! Je vous offre la liberté de mettre ce monde en morceaux, de le faire éclater. Alors, tu te tiens prête avec tes médocs et tu la fermes !

Puis la blonde sortit de la chambre, se rendant chez celle de Cislo pour vivre sensiblement le même cirque. Le garçon lui envoya son poing dans le ventre avant d'apercevoir la marque de Lambda, ce qui le mit dans le même état que Barbara.

La jeune femme n'avait pas le temps d'y faire attention, alors elle se contenta de filer vers les couloirs où étaient Vincent et Norman, les deux nouveaux génies créés par Lambda. Puisqu'elle n'avait plus que vingt minutes, elle commença par Norman, entrant sans s'annoncer. Le jeune garçon sursauta et la regarda lorsqu'elle lui donna des fioles de médicaments. Face à son regard perdu, elle se dépêcha de donner des explications.

— Pour votre fuite. Je dois encore prévenir Vincent, mais Cislo, Barbara et Zazie sont déjà au courant, chacun avec une réserve de médocs. Norman, écoute-moi bien, libère les enfants des laboratoires, deviens Minerva, retrouve ta famille, mais barrez-vous de ce monde par n'importe quel moyen ! Une fois en lieu sûr, vous pourrez également contacter le refuge B06-32 en utilisant "Eve" pour rassurer les enfants qui y seront. Compris ?

— Compris, bafouilla l'enfant en fixant cette drôle de dame qui lui rappelait Maman Isabella. Il nous reste combien de temps ?

— Quand les alarmes se déclencheront, vous partez. Tiens, un plan du bâtiment que Smee vous a dégoté.

Eve lui tendit la feuille de papier qu'il attrapa maladroitement avant qu'elle ne file voir Vincent, l'ultime enfant sur qui elle avait jeté son dévolu pour l'évasion à venir. Il ne lui restait que dix minutes pour rejoindre Smee et les autres scientifiques.

Vincent écarquilla les yeux lorsqu'elle lui raconta le plan dans les grandes lignes, ne sachant quoi penser. Mais il suivrait Norman et les autres. Il attrapa ses médicaments juste avant qu'elle ne parte en courant rejoindre ses collègues pour l'organisation de l'évasion avec ceux qui lui avaient juré fidélité.

Et tandis que tous s'activaient pour que cette évasion soit une réussite, Eve repensa à ces années où elle avait choisi de coopérer avec les monstres afin que les enfants aient l'occasion de s'échapper, au moment où elle s'était dit que...

Lambda devrait bientôt fermer ses portes.

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