Les alarmes du laboratoire hurlèrent dans les couloirs tandis que les enfants sortaient des chambres avec précipitation, s'enfuyant loin des voix des adultes qui criaient des directives. Un groupe de cinq enfants se rassembla et dirigèrent la fuite après avoir échangé un regard, s'étant reconnus dans les descriptions faites par Eve.

A l'entrée principale, les scientifiques s'armaient, se lançant des armes et des cartouches de balles avant de prendre position, empêchant la moindre fuite de ceux qui n'étaient pas au courant du plan pour l'ultime rébellion. Eve apparut et attrapa une mitrailleuse dont elle passa la anse à son épaule. Smee fit de même à ses côtés.

Tandis que les enfants fuyaient par la sortie menant dans la lande, l'entrée principale s'ouvrait dans un chuintement, camouflant l'ouverture des entrées latérales aux rebelles. Peter échangea un regard avec la blonde qui hocha discrètement la tête. Les soldats visèrent les scientifiques.

Puis quelqu'un tira une première balle.

Ce qui enchaîna une réplique de l'autre côté.

Des corps tombèrent au milieu de la poussière, des cris résonnèrent dans le silence. Quelque chose explosa dans un couloir. Puis les scientifiques se firent prendre en tenaille, continuant de tirer malgré les balles qui les frôlaient dangereusement. Du poison se répandit sur le sol. Peter disparut du champ de bataille, se réfugiant à l'arrière en fixant Eve qui restait en première ligne pour donner illusion.

L'entrée de la lande explosa. Smee se retrouva dans le dos de sa protégée, une protégée sur laquelle il veillait depuis vingt-trois ans. Vingt-trois années consécutives à protéger une héritière des Ratri, une enfant des fermes, une scientifique hors-pair jouant un dangereux double-jeu avec l'ennemi qui lui avait tout pris.

— Rendez-vous ! cria l'un des soldats. Ça ne sert à rien de lutter !

— Notre mort ne sera pas vaine ! hurla Gabrielle. Nous sauvons des innocents ! Nous-

Une balle lui transperça le cœur avant qu'elle ne puisse terminer sa phrase. Lentement, elle lâcha ses armes qui tombèrent lourdement sur le sol jonché de balles, de corps et d'armes. La jeune femme esquissa un sourire en regardant Eve. Puis elle s'écroula lentement au sol, une flaque de sang entourant son corps. Son regard se voila. Gabrielle n'était plus.

Lorsque les scientifiques remarquèrent le corps de Gabrielle, ils hésitèrent à continuer leur révolte. Ce choix leur fut fatal puisqu'ils se firent faucher les uns après les autres, ne laissant bientôt plus que Smee et Eve au milieu du couloir blanc. Les survivants échangèrent un regard.

— Tu as été comme ma fille, Eve... murmura le scientifique avant qu'une balle ne l'atteigne au bras, puis au ventre avant de terminer par le cœur et le cerveau.

Le calme revint dans le laboratoire en proie aux flammes à l'arrière. Peter s'approcha et toucha le corps de Smee du bout du pied avant de soupirer de soulagement.

— Au moins, il me fera plus chier celui-là... commenta-t-il avant de se tourner vers la blonde. Prête à devenir une Ratri pour de bon, Eve ?

— Oui, monsieur...

Elle abandonna ses armes qui rejoignirent le sol et s'avança vers Peter pour partir du laboratoire qui n'allait pas tarder à exploser. Deux minutes plus tard, lorsqu'ils furent loin dans le couloir, un souffle chaud les rattrapa.

— C'est fini, réalisa la blonde, hébétée.

— Eh oui ! s'exclama Peter. Fini !

Il explosa de rire tout en avançant. Bientôt, ils furent rejoints par des soldats amochés aux uniformes déchirés. Et puis, là, comme ça, Eve pensa à Clément et à ses affaires qui disparaissaient actuellement dans les flammes. Elle pleura.

Comme ça, bêtement.

Elle pleura. Avec un sourire aux lèvres.

Elle rit en pleurant.

Elle se disait que Peter ne verrait pas sa dernière rébellion venir lorsque 63194 et 81194, soit Emma et Ray, retourneraient à Grace Field pour faire passer leur famille dans le monde des humains, là où ils ne devraient pas s'inquiéter d'être dévorés à chaque instant qui passait.

Elle pensa également aux deux enfants de Glory Bell qui avaient pu s'enfuir de Goldy Pond en vie. Elle se demanda ce qu'il advenait d'eux, de Yugo et Hazel.

Elle pensa à cet enfant qui l'avait marqué par son physique lorsque Peter livrait de nouveaux enfants pour le terrain de chasse clandestin. On lui avait dit que cet enfant s'appelait Charlie.

Elle pensa au petit Oscar qu'elle avait rencontré, il y a quelques mois, pour un soin de santé. Elle savait qu'il n'était plus de ce monde.

Elle pensa à tous ces enfants qui attendaient une lueur d'espoir pour se rebeller contre ce monde qui ne voulait pas d'eux. Elle pensa à Ray, Norman et Emma, ces enfants confiés à Isabella pour qu'ils rebattent les cartes du vieux jeu auquel s'adonnaient les Démons et les Ratri depuis des siècles.

Elle sourit.

Le monde des Démons allait exploser, que Peter soit d'accord ou non avec l'idée. Les enfants n'allaient pas attendre la mort, substitut d'une liberté, alors qu'ils pourraient se battre pour arracher leur indépendance et arrêter cet odieux système d'élevage.

— Eve ? appela Peter.

— J'arrive ! répondit la blonde.

FIN