Chapitre 15 — Pour l'ultime rébellion

Dans une salle de Lambda, des scientifiques se regardaient, nerveux, avant de regarder Eve qui était assise en bout de table et les fixait en silence. Elle n'avait plus rien dit depuis sa proposition, tant et si bien que certains avaient cru à une mauvaise blague.

— Vous voulez... délivrer les enfants ? redemanda l'un des scientifiques pour être sûr de ce que la blonde leur demandait.

— Oui, répondit cette dernière en esquissant un étrange sourire. Ici, dans cette pièce, il n'y a que des gens qui détournent le regard car ça les dérange de s'en prendre aux enfants, mais qui continuent car ils ne veulent pas mourir.

Un nouveau silence, puis des chuchotements qui se muèrent en réponses. Certains préférèrent s'abstenir, ayant peur des représailles, les autres décidèrent de suivre la jeune femme dans son ultime rébellion contre le Clan Ratri.

— Comment va-t-on procéder ? questionna une femme.

Eve posa son regard jaune sur la scientifique qui déglutit difficilement, stressée par la situation. Puis la blonde ouvrit la bouche pour répondre.

— Nous choisirons cinq enfants, dans un futur proche ou non, pour qu'ils mènent l'évasion. Nous devrons leur fournir des médicaments et un plan du laboratoire. Le jour de leur évasion, quelqu'un déclenchera les alarmes et on s'efforcera de garder tous les scientifiques à l'entrée principale pour accueillir Peter Ratri.

— Que vient faire ce chien dans le plan ? s'exclama quelqu'un.

— Ce... chien... voudra faire le ménage des alliés de son frère, répondit calmement Smee. Je vais mourir, et il est bien possible que tous ceux ici présents subissent le même sort.

— Ce n'est pas cher payé pour tout ce que nous avons fait, ricana une femme. Notre mort contre la vie de plusieurs enfants... Continue, Eve.

L'interpellée hocha la tête et s'installa confortablement dans son siège en souriant.

— Nous aurons un comité d'accueil pour Peter : des fusils, du poison... Il faut que ça le ralentisse et que ça ralentisse ses troupes pour que les enfants puissent s'éloigner du laboratoire. Et puis, comme l'a dit Smee, eh bien... Nous mourrons pour cette cause en emmenant ce laboratoire qui n'aurait jamais dû voir le jour.

Un silence s'installa où chacun se dévisageait, l'air résolu. Puis une femme tapa des mains, un sourire aux lèvres, attirant l'attention de chacun.

— Qu'attendons-nous pour nous préparer dans ce cas ?

Eve esquissa un sourire et échangea un regard avec cette femme qui se nommait Gabrielle. La scientifique sourit à la blonde, la remerciant silencieusement d'avoir forcé les membres de Lambda d'agir. Puis tout le monde quitta la pièce.

Les années filèrent, puis vint l'arrivée de Norman, ce petit garçon choisi par Eve pour être élevé par Isabella. La jeune femme sut qu'elle avait bien fait en voyant l'intelligence du blanc briller dans ses yeux bleus. Isabella avait bien éduqué Norman, le formant du mieux qu'elle pouvait pour qu'il devienne un petit génie pouvant attirer l'attention de Lambda lorsqu'il devrait être livré.

Tous les scientifiques s'étaient alors occupés de lui et d'autres enfants, tels que Vincent, Cislo, Barbara et Zazie, les sélectionnant sur conseil de la blonde qui avait vu chez eux du potentiel pour son plan de l'ultime rébellion. D'une certaine manière, ils les avaient conditionnés pour cette rébellion.

Pendant que certains s'occupaient des enfants, d'autres préparèrent des fléchettes de poison pouvant transpercer les uniformes des gardes de Peter Ratri, et d'autres se fournirent en armes pour l'affrontement où ils devraient gagner du temps.

Le temps avait continué de filer, laissant l'occasion à Norman et Vincent de sympathiser comme l'avaient fait Eve et Clément. La jeune femme les observa faire de connaissance de loin, le cœur serré. Et elle se rendait souvent auprès de Peter qui suspectait Smee et d'autres scientifiques. Encore aujourd'hui, il l'avait fait demander.

Lorsqu'elle arriva dans le bureau de Peter, ce dernier l'accueillit, un verre de vin à la main. Comme à chaque fois, elle refusa de boire, disant que ça interférerait avec son traitement - traitement qu'elle prenait depuis sa première expérience, quand elle avait dix ans. Aujourd'hui, elle approchait des trente-trois, presque trente-quatre.

— Eve ! s'exclama l'homme.

— Monsieur, sourit-elle en le saluant d'un signe de tête.

— Vas-y, dis-moi tout.

— Eh bien, ils ont bientôt fini leur stock de fléchettes de poison et ils cachent des armes un peu partout. Quant à Smee... il parle assez souvent à 22194, il m'interdit d'être présente quand il lui parle, donc je ne saurai vous dire le contenu de leurs conversations.

— Dois-je toujours entrer par la porte principale ? demanda Peter en buvant une gorgée de vin.

— Selon moi, commença la blonde, vous devriez mettre des petites unités aux entrées latérales de la principale, afin de les contourner et de les attaquer dans le dos.

— Bien. Je te fais confiance.

Il la libéra et elle s'en alla, retournant au laboratoire où l'attendait Smee pour discuter de sa récente conversation avec le chef des Ratri. Tandis qu'ils accomplissaient leurs tâches du jour, ils commencèrent à parler, s'assurant d'abord qu'aucune oreille indiscrète ne les surprendrait.

— Il a mordu, ricana Eve.

— Tant mieux, sourit Smee. Tu nous rends la tâche plus facile en le manipulant.

— Effectivement. Mais Smee, dis-moi, tu es sûre de toi en disant que je dois être la seule à survivre ?

— Oui. Si tu meurs, Peter ne comprendrait pas. Et puis... Ta place te permettrait de rejoindre Isabella et de faire en sorte qu'elle ait le soutien des Mamans et Sœurs lorsque les évadés de Grace Field retourneront chercher leur famille laissée derrière.

Le scientifique posa une main sur son épaule dans un geste paternel et lui fit un sourire avant de la lâcher lorsqu'elle entra dans l'ancienne chambre de Clément, laissée en l'état. Elle s'assit sur le lit et prit le doudou de son ancien camarade pour le serrer contre elle. Elle esquissa un sourire en regardant la peluche.

— Clément... On en a fait du chemin, non ? murmura Eve. Ne t'en fais pas, ta mort ne sera pas vaine... Je te le promets.