Une fac' sur dix mille.
Oula ! Il a été rapide, je n'ai même pas eu le temps de respirer. À peine je lui ai dit mon pseudo qu'il s'est empressé de le passer dans la barre de recherche. Mais avant d'accepter, j'appuie sur son bitmoji. Mmm. Il lui ressemble, de manière très simpliste. Le mien... Mais le mien me fait honte ! Dire que c'est ce qu'il a vu en premier. Je ne l'ai pas changé depuis la 6ème et il fait le double de mon poids. Pourquoi j'ai menti comme ça... Alors que j'suis skinny. J'ai toujours été un skinny. Donc, rien ne va.
— Tic tac, l'heure tourne et j'ai toujours pas de Snap.
— Ça va, deux sec' !
Pressé. Il veut vraiment que je me flash la gueule à minuit passé ? Bon... Puisque c'est lui, je décide quand même d'allumer ma lampe. Histoire qu'on me voit un minimum. Puis, je ferme un œil en me prenant en photo. Bref, le résultat... Je suis beau, je pense. Enfin, je me trouve beau là ! J'augmente la luminosité pour mieux voir les détails de mon visage et jure en m'aveuglant.
Aucun filtre, car je n'ai rien à cacher ou à sublimer.
— Toi aussi, envoie moi.
— Ouais, attends.
Je reste sur l'écran de mes contacts et voit qu'à peine quelques secondes, Idryss ouvre mon Snap. Ça se trouve il va me trouver mais éclaté et j'aurai du fermer ma gueule sur les filtres. Il ne dit rien puis rejoue ma photo une deuxième fois. Au fond de moi, j'espère que je lui plais un minimum ! Sinon, tant pis.
— C'est bien c'que je pensais.
Qu'il s'exprime mieux, non.
— De ? je demande sous son silence.
— Ben, t'es mignon.
Je lève mes yeux au plafond et sourit, heureusement qu'il ne me voit pas. Bien, bien. Bonne réponse satisfaisante. Mon selfie est donc réussi, j'avais pas la force d'en faire un autre de toute façon. Donc j'éteins de nouveau ma lampe, me replongeant dans l'obscurité. Ma voix reprend une fois posé, calmement.
— À toi maintenant.
Le garçon ne me répond pas immédiatement mais j'entends du bruit dans le fond de mes écouteurs, tournant le fil de ces derniers sous la pulpe de mes doigts.
— Va voir. T'es bien allongé là ?
— Oui... Pourquoi ?
— Tombes pas.
Ce mec... Ces remarques me font rire. Il est bien trop sûr de lui et je vais vite juger ce qu'il vient de m'envoyer. Je m'empresser d'appuyer sur le bouton rouge qui n'attend plus que le contact avec mon pouce. De là s'affiche le visage du gars avec qui je suis en appel même. Son faible sourire, remontant sur le coin de ses lèvres est ce que je préfère je crois. Il ne m'a pas menti, déjà... Il est vraiment beau, sans filtre. Sa peau est matte, ses cheveux ondulés bruns froncés possèdent la même couleur que ses iris, je suppose, en tout cas en photo. Ouais, c'est vraiment lui ! Dans un sens, je suis rassuré que ce ne soit pas un fake. J'en ai assez vécu, puis c'est comme si mon cœur pouvait se permettre de s'affoler plus à l'instant même.
Ah, je m'énerve par contre ! Je manque de lâcher mon téléphone sur mon visage, la voix de ce beau gosse me faisant sortir de mes pensées.
— C'est souvent l'effet que je fais.
Oui, il aime se vanter. Je note.
— Ne crois pas trop, hein...
— Tu vas m'dire le contraire ?
— Mmm. Alors je savais déjà à quoi tu ressemblais donc ça va, pas trop surpris.
— Au moins t'as la preuve que c'est bien moi.
Il a raison, mais là je ne me fais plus aucune idée puisque c'est une preuve suffisante. Hors de question que je me retrouve à flirter de nouveau avec un pervers ou autre type bizarroïde. Ou une fille se faisant passer pour un garçon, et inversement ! J'en ai eu assez.
— Wesh, fais moi des snaps là.
Aaah non, voilà. Je le savais. C'est toujours comme ça. J'espère qu'il va pas me demander des photos à longueur de journée désormais... Je pourrais lui en faire mais actuellement je suis trop bien calé pour me bouger. Pff. Je sais pas. Une était déjà suffisante à mon goût.
— Toi, fais moi.
— Hé, c'est quoi ton bitmoji là ? Il est trop moche, putain.
Ouais. Je sais... Malheureusement j'ai un peu la flemme de le changer, et à chaque fois j'oublie ! Mais oui, il est éclaté et ne me ressemble à aucun cas.
— Bref vas-y fais moi des snaps, je rigole pas.
Ça va oui ! Je n'ai même pas le temps de me défendre qu'il m'agresse. Enfin, j'emploie tout de suite les grands mots mais quand même.
— Mais je viens de t'en faire un... je rétorque alors.
— C'est pas assez.
— Si.
Un soupir traverse la barrière de ma bouche avant d'ouvrir ma caméra. Chiant. Je n'allume plus aucune lumière rien, utilisant simplement le flash de mon iPhone. Voilà. Je rigole en envoyant ce Snap. Il va me bloquer, c'est sûr.
— Tu te fous de moi ?
— Ben... T'aimes pas ma perruque ?
— Ouais. Tu te fous de moi.
C'est à son tour de souffler. Ça va, c'était pour rire... Puis dans tous les cas, je lui envoie ce que je veux car il n'a pas précisé ce qu'il voulait exactement comme Snap. Ça peut être... Tout et n'importe quoi.
— Tu vas pas dormir ? je tente, essayant de changer de sujet.
Car il est minuit passé, bientôt 01:00 et je ne dors toujours pas. Demain je vais être crevé, en y pensant ! Mais bon on s'en fiche, c'est le week-end. Je me mets des coups de pression alors que j'oubliais que je vais juste faire une bonne grasse matinée. Du coup, ça va mieux.
— Nan. Pas maintenant.
— Pourtant il est tard.
— Pour les gosses, ouais. Toi, tu veux dormir ?
Non, pas vraiment. Enfin, si j'écoutais mon corps bien sûr... Mais mon esprit, lui, ne veut pas. Je veux rester au tel quitte à m'endormir ainsi. En plus, je sens bien que Morphée m'attire dans ses bras à défaut d'autres.
— Hé vas-y dors, tu parles plus.
Mais j'ai pourtant envie de rester. C'est chiant cette sensation. Même si on ne parle pas, on pourrait rester comme ça encore un peu.
— Tu travailles demain ? je demande.
— Non. J'ai ce week-end, tranquille.
— Et tu fais quoi comme boulot du coup ?
Depuis un moment cette question me tournait dans la tête. Je pensais qu'Idryss allait me répondre mais il ne dit rien. Quoi ? C'est pas comme si c'était compliqué.
— J'suis à la fac. Mais ça me gave, j'vais arrêter je pense.
— Tu fais fac de quoi ?
— Droit. T'sais le truc que tu fais parce que tu sais pas quoi faire.
— Hmm...
— Du coup, j'pense que j'vais quitter avant la fin de l'année là.
— Mais si tu arrêtes, tu sais qu'est ce que tu veux faire ?
— Travailler. Je travaille déjà à côté, j'aide mon oncle dans son garage. J'me débrouille bien.
Franchement, maintenant que j'en parle avec lui ça me fait réfléchir. Même moi je sais pas si je veux aller dans une fac ou pas, mais à mon avis oui ! Il me reste cette année pour choisir, bon ce n'est pas pour maintenant mais pour quelques mois, ça me met la pression car ça va passer vite.
— J'suis pas payé des masses mais ça me permet de mettre de côté et de régler les factures. J'ai un appart et mes parents m'aident de ouf par contre.
— Ils habitent loin de toi ?
— Marseille.
Pouce.
Euh... C'est à côté de chez moi, non ? Enfin... À quelques kilomètres mais quand même. Soudainement, c'est comme si dans ma tête j'avais un déclic. Mais logiquement. Peut-être que lui aussi, serait d'ici ? Ou au contraire, loin de moi.
— Mais tu vas à quelle fac, du coup ?
— Comment ça, quelle fac ?
— Ben... Son nom.
Je vois. Mince.
Là, quand sa voix cite l'université de ma ville, c'est comme si ça me prenait à l'intérieur. Mais non ! Pourquoi je pensais qu'on était physiquement très loin alors que... Non ! Je décide de rien dire, Idryss me faisant rapidement reprendre mes esprits.
— Quoi, tu connais ?
— Euh... Non, t'inquiète.
J'arrive pas à y croire, ouais ! Je suis bête de dire ça mais... Non, je peux pas lui dire maintenant. Ça se trouve il va vouloir me voir et tout, je suis pas encore prêt de le rencontrer ! Hors de question.
— Ah, ok.
Heureusement qu'il ne force pas. De toute façon, il n'a pas vraiment de raison particulière pour... Bref. Je décide de m'échapper après quelques maigres minutes, prétextant une envie extrême de dormir. Idryss a trouvé ça bizarre que je parte de cette façon, on était pourtant très bien. Et c'est vrai ! Mais... En laissant tomber mon téléphone sur mon torse, je viens soupirer dans la pénombre de ma pièce.
Pourquoi tout devient compliqué, tout d'un coup ?! J'arrive pas à croire qu'il va à la fac de ma ville. De toutes les fac de droit, il a fallu que ce soit celle-là ! C'est fait exprès, c'est pas possible. Je m'attendais pas du tout à ce qu'il soit si proche, ça ne m'étais jamais arrivé avec quelqu'un sur Internet. J'étais toujours celui à l'autre bout du monde, rien qu'avec Lou ! D'ailleurs, est-ce qu'elle le savait ? En parlant de cette dernière, j'ai vu qu'elle m'avait envoyé quelques messages sur Discord.
Vu l'heure tardive, je vais pas répondre maintenant. Elle va poser des questions, surtout qu'elle est en ligne en train de jouer à un jeu en ligne. Je laisse tomber, la fatigue finissant par m'emporter malgré la tournure des choses. C'est pas grave, on fera comme si de rien n'était.
Mais me connaissant... Pour pas très longtemps non plus.
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