Un appel un peu... gênant.





Ça y est.

Nous y est.

Une petite boule se forme dans mon ventre, et ce n'est pas parce que j'ai mal mangé ou quoi. Un sentiment de stress s'empare de tout mon être lorsque j'appuie finalement sur le bouton de couleur verte, le pointeur de ma souris tremblant affreusement. Punaise, je réagis vraiment comme une poule mouillée !

Ce n'est qu'une cam ! Et ce n'est pas la première fois que j'en fait, depuis le temps ! Pourquoi je me sens comme ça ? J'me pose la question alors que dans le fond, on sait très bien pourquoi. Le « on » désigne moi et mes multiples personnalités. En parlant de personnalités, laquelle devrais-je montrer à Idryss ?

Le Mathis calme et paisible, à la limite de la froideur ? Mmm. Il se demanderait ce qui m'arrive. Le Mathis un peu taré, gênant même sur les bords ? Il se moquerait sûrement de moi. Le Mathis shy, en train de se toucher les deux index de timidité ? Ou bien un mélange de tout ça ? Pff. N'importe quoi ! Je deviens dingue.

— Lève ta tête un peu, non ?

Sa voix s'élève dans mon casque mal positionné sur mes cheveux en bataille. Rapidement, ça me fait rougir parce que même s'il me voit à travers une banale caméra, j'arrive à me sentir observé de toute part. Je soupire vite fait, essayant de faire évacuer cette tension et ce poids sur mes épaules, me redressant subitement sur mon siège gamer. Bon, aller ! Du nerf, Mathis. Tu vas réussir à affronter ce type. Niveau 90 ? Pff, c'est du easy.

Ce dernier couine légèrement, c'est gênant. Je parle de mon siège, hein ! Olala, qu'il se brise ce silence. D'habitude il parle plus. Et moi, je sais pas quoi dire ! À part me toucher la joue, je ne vois pas ce que je pourrais lui sortir, là, tout de suite. J'ai parlé trop vite. Comme d'hab.

Je me contente de lui sourire, ça me saoule de me retrouver comme un con timide... Ce n'est pas moi ça, d'habitude ! Et il le sait, il commence à me connaître.

C'est si différent d'un appel.

T'as perdu ta langue, ça y est ? T'es pas drôle, hein... rajoute-t-il, me rendant encore plus mal à l'aise.

Je me suffoque légèrement, lui offrant alors mes premières paroles. Aide-moi, et ne m'enfonce pas !

— ... Bah, non ! C'est juste que... C'est juste que je ne m'étais pas préparé mentalement pour que tu m'appelles en cam...

Quel con je fais. Il ricane légèrement en me voyant me débattre et c'est à partir de ce moment-là que commence mon inspection visuelle. Maintenant que je le vois animé, il est beaucoup plus beau. Beaucoup plus vivant. J'ai l'impression de vraiment parler à quelqu'un, je ne me l'imagine plus. Il est réel, cet idiot est vraiment réel et... C'est illégal pour mon p'tit coeur d'artichaut, j'aurai préféré que ce soit un fake ! Ça m'aurait bien arrangé, tiens... Tout serait beaucoup plus tranquille dans ma vie parce qu'actuellement, c'est du n'importe quoi !

Je pense Idryss, je vois Idryss, je m'imagine Idryss, je parle Idryss, je mange Idryss, je... Non, la dernière, c'est du mensonge. J'aurai bien aimé, mais c'est impensable. Je pose mon coude contre ma table en bois et je soupire à nouveau, mon doigt venant s'amuser avec une babiole posée sur le côté de mon écran d'ordinateur. Je m'intéresse faussement au jouet alors que dans ma tête, je ne pense qu'à lui.

Il est vraiment beau, ça m'énerve.

Un petit silence s'installe encore, et ça me désole de ne pas savoir quoi lui dire. C'est comme s'il n'y avait plus cette alchimie entre nous, et ça me fait quelque chose intérieurement ! Voilà, s'il n'avait rien proposé, on serait en train de chiller normalement...

Mais là, on a juste l'air de deux cons !

Si ça te gêne tant que ça, tu peux couper ta cam. J'te mets pas le couteau sous la gorge, j'proposais juste comme ça.

Mmm. Sa remarque me fait lever les yeux au ciel et bien sûr qu'il le remarque, maintenant que je suis à découvert.

Réponds au moins ! rigole-t-il, désespéré. Aya, j'vais vraiment couper ma cam, t'es trop chiant...
— Mais... ! Non !

Aaaah, que ça m'énerve ! C'est lui qui est trop chiant ! Enfin... Non, c'est moi. Je suis incapable de me comporter correctement. Mais il doit me comprendre, alors je m'explique. En vain.

— C'est que j'suis pas à l'aise avec les caméras ! J'suis pas une star moi... ! je m'exclame doucement, chuchotant presque ma deuxième phrase.
Parce que moi j'en suis une ?

Pff, bien sûr. Tu es la star de mon coeur, oui. Dommage que parfois tu es bête et incompréhensif. Je me surprends à le fixer, les paumes de mes mains tenant mes joues, sa beauté pourrait faire laguer ma connexion internet.

T'essayes de m'faire quoi là, avec ta tête ?
— Quelle tête ? je réponds, tout con.
On dirait un poisson mon reuf.
— ... Aller, ciao. Je quitte.
Mais j'rigole ! P'tain, t'es trop susceptible...

Un autre rire, décidément, il est bien heureux ce soir. C'est l'effet Mathis, je pense.

Qu'est ce que je raconte encore. Je crois que je commence à délirer. Depuis tout à l'heure j'essaye de ne rien faire paraître mais je suis tout tremblant de stress ! J'ai limite froid, j'arrive pas à me réchauffer. C'est tellement bizarre...

— Je suis très susceptible, j'affirme. Je pourrais couper ma cam' et te bloquer si tu me fais des blagues comme ça.
Ah ouais ?

Son ton change du tout au tout, il devient limite joueur. J'en attendais pas moins, c'est un sale geek alors...

— Sans doute ! je réponds, voulant changer de sujet.

Car bien sûr, je suis certes susceptible sur les bords mais je ne pourrais le bloquer. Ou alors, cinq minutes et pas plus. Et même après, ce serait moi qui le redemanderait en ami. Je suis ce genre d'idiot, c'est vrai...

— Tu me bloqueras pas.
— Qu'est ce que t'en sais ?
J'le sais, c'est tout. T'es pas capable de ça.
— Mais... Me cherche pas trop !
Pourquoi pas ? On s'ferait chier si j'étais trop gentil avec toi.

Et c'est ce que je mérite, wesh !

— Tu me tapes sur le système... je soupire, regardant mon clavier machinalement pour éviter son regard.
Et toi sur le mien. Mais OKLM. J'accepte et mon cœur reste ouvert.
— Dis, Idryss ?

Il ne s'attendait pas à ce que je change de sujet aussi brutalement. Je prends encore quelques précieuses secondes pour le regarder. Il est légèrement avachi sur sa chaise rouge, ses cheveux noirs sont coiffés vers l'arrière à cause de son casque. Ses yeux noirs cherchent les miens à travers l'écran et ses doigts sont croisés, il tient ses deux mains devant son visage tout en attendant une quelconque suite de ma part.

— Tu... Comment dire ça... je cherche mes mots, venant gratter l'arrière de mon crâne.
Il t'arrive quoi, le sang.

Je ferme les yeux et fronce les sourcils rapidement, c'est quoi cette appellation ?

— J'suis pas ton sang !
Pourquoi pas ?
— Parce que...

Parce qu'on pourrait pas se péchoter si j'étais ton sang, voilà ce que j'aimerai lui lancer en pleine figure ! Mais bien évidemment, je suis trop faiblard. Je pense aussi que j'ai peur de sa réaction, même si... S'il commence à me faire vachement douter.

Par moment, tout semble si naturel entre nous que je pourrais lui sortir ce genre de dinguerie.

Mmm, il réfléchit de son côté. Ah ouais, j'y pense. Oublie, si t'es mon sang, ça devient trop chelou.

Il aurait comprit tout seul ? Impressionnant.

— Tu vois ! je renchéris tout de suite après, un peu sauvé.
T'inquiète, t'inquiète, j'suis pas dans ce genre de bail.

Je lui souris en secouant légèrement ma tête et... Trop bien, l'atmosphère est beaucoup plus détendue désormais ! J'me sens tellement mieux que notre discut' dure encore quelques minutes, bien que je commence à être fatigué. Rester devant le PC, assis sur ma chaise, ça devient lassant !

Alors, pour le bien de mes petits muscles endormis, je viens me relever légèrement et m'étirer ouvertement, sans penser au fait qu'une personne bien particulière est toujours en train de me fixer.

Ben quoi, il n'a jamais vu quelqu'un s'étirer ou quoi ?

Les doigts retenant sa joue et le coude posé sur sa table, il sourit, comme un débile. Mais... Quoi ?

C'est fou, rajoute-t-il pour me troubler.

De quoi, qui est fou ? Oui, toi t'es fou ! Il réagit comme n'importe quoi parfois. Il voudrait que je dise quoi, ça me gêne un peu maintenant...

— Et ben...
T'as vraiment aucune conscience de l'effet que t'as sur moi, c'est une dinguerie d'être comme ça.

Moi qui était en train d'ouvrir ma bouteille d'eau, voilà que je referme bien sagement le bouchon...

Limite, tu fais exprès.

Il est... Dingue de me sortir des trucs comme ça ! Voilà que j'ai la tête qui tourne et mes joues deviennent furieusement rouges et fiévreuses. Il devrait arrêter de me dire des choses comme ça en face à face, s'il ne veut pas que j'ai un arrêt. Alors, je fais l'innocent et boit une gorgée de mon eau, me retournant bien pour être dos à lui. Cependant, j'ai toujours sa voix dans mes oreilles...

T'es exactement le type que j'aime.
— A... Arrête, laisse-moi boire bordel... !
Maladroit, et mignon.

Toujours dos à lui, je me fais de l'air en bougeant le col de mon t-shirt. Non mais, quelle plaie. Je vais mute mon casque s'il continue à me raconter sa vie.

Je mens, j'vais bien tout écouter jusqu'à la fin. Mon ventre se tord dans tous les sens et je n'ai plus soif.

— ...

Et ben, c'est tout ce qu'il à dire ? Dommage, j'pensais qu'il allait continuer à m'énumérer toutes mes merveilleuses qualités.

— Ce que tu peux être bizarre, toi... je lance alors, me retournant, un peu déçu.

Nos regards se croisent, encore, de nouveau, son sourire me fait légèrement sourire du coup, moi aussi. D'un point de vue extérieur, on aurait l'air de deux idiots. Ses mots n'arrêtent pas de tourner dans ma tête. Ca va même finir par me faire exploser. Mais...

— Tu devrais éviter de dire ça aux hommes, si tu veux pas t'en prendre une...

Ma réponse est pitoyable, mais il continue.

Si ça vient de toi, j'prends.

Tuez-moi. Ou tuez ce malade !

— T'es... je passe mes doigts sur mon front, désespéré.

Mais bordel, c'est toi qui n'a aucune conscience de l'effet que tu me procures ! Si t'étais devant moi, je... Non, je n'aurais sans doute rien fait ! Tu es bien trop intimidant comme mec... C'est ça, de tomber pour un mec plus âgé que moi. Ca me rend tout petit.

T'es trop drôle.

Bien sûr. Notre conversation devient de plus en plus muette, ne trouvant plus quoi dire. Je souhaite reprendre quelque chose mais tout d'un coup, quelque chose ou plutôt quelqu'un m'en empêche. Comme dans un mauvais film d'horreur, je sursaute et me retourne doucement vers la porte de ma chambre, cette dernière s'étant entrouverte... Sur... Sur... Sur ma mère !

— Maman, mais... ! Tu dors toujours pas ?!









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