② Vénus
Vénus n'éprouvait pas le banal et inutile besoin de gâcher le silence lourd qui s'était lentement imposé. Je n'entendais que le souffle régulier de sa respiration sereine et détendue. Il aurait pu y avoir un orchestre infernal de bruits que je n'aurais même pas remarqué leur présence.
Vénus était assise à ma gauche, les mains pâles sagement posées sur ses genoux, immobile, belle. Elle semblait regarder l'horizon, comme si elle pouvait trouver la moindre trace de beauté dans ce triste amas d'immeubles gris. Elle a toujours possédé ce don unique de discerner ces choses infimes invisibles aux yeux des autres.
J'aurais voulu que ce foutu bus n'arrive jamais. Que ce moment perdure sans fin. J'aurais tout donné pour que nous restions éternellement, Vénus et moi, tels jeunes amoureux, assis sur la banquette usée de l'arrêt de bus, dans un silence d'or que seuls les idiots briseraient.
Je me sentais cruellement chanceux, presque coupable de mon sort que n'importe qui aurait des raisons d'envier. Je n'ai d'ailleurs jamais compris pourquoi elle tient tant à moi. Après tout je ne suis plus ou moins qu'un grand adolescent, fruit de mon éducation et progéniture de la société et ses failles ; tandis qu'elle est une étoile.
Cinq minutes avaient dû s'écouler depuis que nous nous étions posés sous cet arrêt de bus, pourtant j'avais l'impression que j'étais assis à quelques centimètres de Vénus depuis des heures, si proche même que je pouvais sentir son parfum à l'essence de rose. Une vague de chaleur s'était emparée de moi, cependant l'air était si glacial que les joues de Vénus rougissaient, se démarquant plus qu'autre chose sur sa peau blanche, et son haleine se métamorphosait en de fins nuages de buée s'échappant de ses lèvres.
Cette fille, je l'aimais. C'était mon Aphrodite à moi. Plus qu'autre chose, plus que n'importe qui, plus que n'importe quoi. Se doutait-elle seulement de ce tumulte de sentiments affolés et inextinguibles en pleine effervescence qui se confrontaient dans mon cœur en ce moment-même ? Avait-elle la moindre idée de la tornade que je devais perpétuellement combattre, cette décharge d'adrénaline que je devais surmonter et qui me poussait à lui crier : « Je t'aime ! » ? Elle qui réussissait à percevoir l'invisible, pouvait-elle lire mon cœur à travers moi ? Cet amour fou et éperdu que je lui portais était-il réciproque ? Si oui, attendait-elle que je lui tende la main ? Que devais-je faire, que devais-je lui dire ? Comment lui prouver ce que je ressentais pour elle ?...
Ce flot de questions tourbillonnaient à répétition dans mon esprit, comme des échos qui se répercutaient sans fin. Je me sentais idiot de ne pas savoir quoi faire devant cette muse éclatante de splendeur, cette maîtresse de l'amour et de la beauté, cette déesse tout droit sortie de l'Olympe.
Je devais le faire maintenant. Je saisis mon courage à deux mains, comme les cornes d'un taureau enragé, et me lançai avant de changer d'avis :
- Vénus ?
- Oui ?
La douceur de sa voix me découragea encore plus ; comment pourrais-je avoir le moindre espoir d'un amour réciproque entre elle et moi ?...
- Je dois... je dois te dire quelque chose.
- Ah oui ?
- Je...
- Je t'aime.
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