Chapitre 9 - 2014
Jeudi 15 mai 2014.
Mathilde descendait du bus accordéon qu'elle avait pris à l'arrêt en bas de chez elle et traversait la place du Vigan. Elle avait profité du vent estival qui rendait la chaleur plus agréable pour laisser ses cheveux longs détachés. Après être allée à la bibliothèque, Mathilde prit la rue piétonne et passait devant le magasin de macarons pour rejoindre la cathédrale. A côté de la cathédrale Sainte-Cécile se trouvaient les jardins du Palais de la Berbie dans lesquels elle aimait se promener auparavant pour se ressourcer.
Tandis qu'elle descendait les escaliers qui menaient aux jardins, Mathilde reprenait son souffle. Prendre l'air lui faisait du bien. Après avoir passé presque deux mois sans être capable de mettre les pieds dehors, elle avait ressenti l'envie et le besoin de sortir après être rentrée de chez son papa.
Peu de temps avant les vacances de pâques, l'ambiance chez elle s'était tendue progressivement. Sa mère l'avait désinscrite du collège pour la scolariser au CNED car Mathilde refusait qu'on la change de collège. Elle était persuadée que peu importe l'établissement dans lequel elle serait, elle serait entourée du même genre de personnes. Alors elle passait ses journées avec sa mère dans la pièce à côté qui n'hésitait pas à la mettre à mal dès qu'elle le pouvait.
Lorsque Mathilde se pesait, sa mère ne se retenait pas de lever les yeux au ciel ou de faire des commentaires. Et, alors qu'elle avait toujours encouragé sa fille dans ses rêves d'études supérieures, Mathilde avait maintenant le droit à des remarques décourageantes qui lui faisaient perdre petit à petit l'ambition qu'elle pouvait avoir. Peu à peu Mathilde était devenue une personne isolée, taciturne et remplie d'idées noires. Et par-dessus tout, elle avait perdu toute confiance en elle. Mathilde se sentait morte de l'intérieur, alors qu'elle était l'utilité de continuer ainsi ?
En refusant de sortir, et de faire autre chose que lire ou regarder des séries, elle s'était coupée de tout contact extérieur mis à part les réseaux sociaux. Mathilde avait bien gardé contact au début avec Valentin, son meilleur ami qui était aussi le seul ami du collège qui lui restait, qui avait toujours été correct et bienveillant envers elle. Mais, alors que l'état de Mathilde se détériorait, elle avait préféré couper les ponts avec son ami pour ne pas lui infliger une responsabilité qu'il n'avait pas à endosser. Les seules personnes avec qui elle continuait de parler étaient des personnes rencontrées sur internet grâce aux points communs qu'elle avait avec elles. Lizzy, Marina et Calandra étaient un vrai soutien moral pour Mathilde au quotidien.
Lorsque l'esprit de Mathilde tournait en rond et qu'elle pensait qu'en finir était la seule issue, parler à ses trois amies qu'elle n'avait jamais rencontré lui permettait de tenir encore un peu.
Pendant qu'elle était en vacances chez son papa, elle avait appris à ce dernier qu'elle était déscolarisée. Il avait été très énervé de savoir que son ex-femme avait fait ça sans lui en avoir parlé auparavant. Surtout, il ne comprenait pas pour quelles raisons Mathilde avait voulu arrêter d'aller à l'école.
Lors des deux semaines de vacances, sa belle-mère et elle étaient parties une journée à Paris et, pour une fois, elle n'avait pas eu peur d'être dans les rues piétonnes et de croiser des gens qu'elle connaissait. Alors, lorsqu'elle était rentrée dans le sud-ouest, chez sa mère, elle avait passé plusieurs jours à peser le pour et le contre à propos d'une possible sortie.
Au bout d'un certain temps de réflexion, le pour eût gagné. Elle s'était alors préparée et avait mis les vêtements, à sa taille, qu'elle avait acheté récemment. Puis elle s'était rendue compte qu'elle avait vraiment besoin de sortir lorsqu'elle eût entendu la conversation téléphonique de sa mère en sortant.
"J'ai une gamine dépressive et déscolarisée de 12 ans sur les bras dont je dois m'occuper toute seule, vous savez."
Mathilde s'était stoppée net. Elle pouvait comprendre que sa mère essayait de négocier pour payer son loyer plus tard, mais elle ne pouvait comprendre en aucun cas pourquoi son interlocuteur devait absolument être au courant de sa santé mentale. Mathilde, en se pinçant les joues, se retenue de dire quoi que ce soit et préféra quitter l'appartement. Elle savait très bien qu'à la moindre parole de travers sa mère pouvait se mettre dans une colère noire et partir dans un monologue dans lequel Mathilde en prendrait plein la tête pendant une demie-heure. Si elle avait appris à parler et se comporter avec les autres comme ils le voulaient, c'est parce qu'elle avait pris l'habitude de fonctionner ainsi avec sa mère, sans quoi la vie que celle-ci lui menait était insupportable. Et comme se faire rabaisser pendant de longues minutes sans pouvoir s'exprimer n'était pas vraiment sa passion, Mathilde avait préféré quitter l'appartement et prendre le bus pour affronter l'extérieur.
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