Mathilda ouvrit lentement les yeux, éblouie par la lumière douce du soleil qui filtrant à travers les rideaux de la petite chambre. Elle sentit une brise légère caresser son visage, apportant avec elle l'odeur familière de l'océan qui bordait l'île de La Réunion. Pourtant, malgré la sérénité apparente de ce matin, un poids pesait sur sa poitrine.

Encore une fois, elle avait fait ce rêve étrange, cette vision floue de silhouettes dans la brume, des voix lointaines l'appelant, mais qu'elle ne pouvait jamais atteindre. Elle tenta de s'en souvenir, mais comme à chaque réveil, tout s'effaçait, ne laissant qu'un sentiment d'inquiétude sans nom.

Dans le lit à côté du sien, sa sœur jumelle, Teanna, dormait encore paisiblement. Teanna semblait toujours si sereine, comme si rien de tout cela ne la touchait. Mathilda, elle, se sentait souvent différente, comme une pièce manquante dans un puzzle qu'elle ne comprenait pas.

Elle se redressa lentement, observant la mèche bleue dans ses cheveux, unique trace de son passé avant l'accident. Personne ne savait pourquoi cette couleur était apparue dans ses cheveux après l'accident, ni pourquoi elle se sentait constamment en décalage depuis. Elle souffrait d'amnésie, incapables de se souvenir clairement de cette nuit tragique. Seuls des fragments la hantaient : des éclats de lumière, des cris, et ensuite... le noir complet.

Les souvenirs de ses parents et de son petit frère étaient vagues, presque comme un mirage qu'elle ne parvenait jamais à saisir. Tout ce qu'elle savait, c'était qu'ils étaient partis, et que maintenant, elle et Teanna vivaient chez leur oncle et leur tante. Leur nouvelle maison, bien qu'emplie de chaleur et de sécurité, n'effaçait pas le sentiment persistant que quelque chose manquait, que leur histoire était incomplète.

Mathilda se leva discrètement pour ne pas réveiller Teanna, traversant le plancher de bois qui craquait légèrement sous ses pas. Elle sortit sur la petite terrasse qui donnait sur l'immensité bleue de l'océan. Le bruit des vagues s'écrasant sur les rochers en contrebas était apaisant, mais son esprit était en proie au doute. Pourquoi elle? Pourquoi Teanna et elle avaient-elles survécu quand le reste de leur famille avait péri?

Alors qu'elle laissait ses pensées dériver, elle entendit des pas derrière elle. C'était son oncle Jules, déjà debout comme à son habitude, avec son chapeau de paille et ses bottes de travail. Il lui lança un regard bienveillant, comme s'il savait que quelque chose la tourmentait.

— Mathilda, tu es déjà debout? murmura-t-il doucement. Le soleil n'est même pas encore complètement levé.

Elle hocha simplement la tête sans répondre. Jules ne posait jamais trop de questions, mais il avait un don pour percevoir quand les choses n'allaient pas. C'était l'une des raisons pour lesquelles elle l'appréciait tant.

— Je vais au champ, dit-il en ajustant son chapeau. Viens me voir si tu veux, ça te changera les idées.

Elle le regarda partir, sentant la solitude revenir. Pourtant, à cet instant, une étrange sensation la traversa, comme un frisson qui courut le long de sa colonne vertébrale. Elle posa instinctivement la main sur son front, là où se trouvait la mèche bleue. Quelque chose bougeait en elle, quelque chose qu'elle ne comprenait pas, mais qui devenait de plus en plus difficile à ignorer.

Alors qu'elle fermait les yeux, une voix douce et lointaine résonna dans son esprit, une voix familière, celle de sa mère, peut-être? "Ne les laisse pas te trouver... Pas encore."

Mathilda ouvrit brusquement les yeux, le cœur battant à tout rompre. Qu'est-ce que cela signifiait? Était-ce un rêve? Un souvenir enfoui? Une prophétie?

Elle n'avait pas de réponses, mais une certitude grandissait en elle : quelque chose se préparait. Le destin qu'elle partageait avec Teanna n'était pas un hasard, et bientôt, tout changerait.

Mais pour l'instant, elle devait garder ce sentiment pour elle.