Chapitre 4
Le jeune homme regarda les deux femmes sortir de la maison de la psychologue. Un frisson lui parcourut l'échine quand il reconnut la plus âgée du duo, mais son visage n'exprima pas la moindre émotion. D'ici, elle ne pouvait pas le voir.
Assis en tailleur sur le toit d'une habitation voisine, il était hors de vue, excepté pour un pigeon irascible qui le fixait depuis une bonne heure déjà. Apparemment, le jeune homme avait pris sa place attitrée, mais le volatile était trop peureux pour tenter de le chasser, se contentant visiblement de prier pour que son regard furieux suffise à déloger ce grossier personnage.
— Trouillard, marmonna-t-il en reportant son attention sur la maison.
Apparemment, c'était le défilé des créatures surnaturelles, ici. A peine l'ange noir avait-il passé la porte que Maze et la gamine inconnue avaient pris sa place. Impossible de s'approcher en toute sécurité.
« Un boulot tranquille », avait dit Auriel. « Tu ne peux pas manquer ton coup. »
Mon cul, oui. Tu ne m'avais pas dit que la cible était protégée par deux malabars de compétition !
Quand l'être céleste était venu le voir en Enfer, il avait cru faire une bonne affaire. Le plan n'était pas compliqué, en soi. Il tuait la psychologue en se faisant passer pour un banal cambrioleur, l'ange capable de ralentir le temps perdait toute confiance en l'humanité et ramenait son rejeton au Paradis. En échange, le démon recevait le droit de rester sur Terre.
En soi, vivre entouré d'humains ne lui plaisait pas tant que ça. Mais il avait encore moins d'affection pour ses congénères, et son visiteur le savait parfaitement – sans qu'il sache comment. Et il n'y avait pas que du mauvais dans ce monde, et Auriel le lui avait fait découvrir en lui offrant l'une des plus formidables inventions des hommes : la barre chocolatée.
Bon sang, comment pouvait-on vivre sans ?
En guise de pré-payement, l'ange lui en avait offert un sac rempli.
Le démon en sortit d'ailleurs une de son sac, commençant à la mâchonner en ruminant son ressentiment.
C'était bien gentil de la part d'Auriel de lui demander de tuer quelqu'un, mais il aurait au moins pu le prévenir que la femme en question était protégée par Maze. Ce qui laissait entendre que, pour ne rien arranger, Lucifer était dans le coin. Et son maître verrait sans doute d'un mauvais œil que le jeune démon ait quitté l'Enfer sans son autorisation.
Quant à la gamine qui trainait avec la démone... Vu les moignons dans son dos, elle devait être un ange, mais il avait un peu de mal à le croire. Jamais il n'avait vu de créature aussi pitoyable. Misérablement petite, maigrichonne, regard de bête traquée, elle ressemblait à un chiot venant d'arriver à la SPCA.
Même moi, je ressemble plus à un ange qu'elle.
Il préférait cependant se méfier. Les êtres dans son genre étaient en général redoutables, et même si celle-ci avait l'allure d'un chaton à moitié noyé, elle cachait peut-être son jeu.
Maze et l'avorton disparurent au coin de la rue. Le démon fit craquer ses vertèbres cervicales, passablement agacé – et un peu nerveux, pour être honnête.
C'était raté pour aujourd'hui. Amenadiel ne quitterait pas sa compagne de la journée, à présent. Son idiote de sœur avait réduit à néant sa fenêtre d'action. Le jeune homme devrait attendre le lendemain, plus longtemps, peut-être. Il s'autorisa un juron à l'égard des lilims, frustré à l'idée d'être l'un d'entre eux.
De toutes les espèces, il avait fallu qu'il soit un démon. Il aurait pu être n'importe quoi, un humain, un chat, un de ces fichus pigeons sans cervelle. Mais non. Il avait fallu qu'il soit un fils de Lilith. Belle application de la loi de Murphy. Qui, apparemment, le poursuivait, puisqu'il devenait de plus en plus improbable qu'il réussisse sa mission. Ce qui signifiait que deux destins s'offraient à lui : mourir entre les mains de sa sœur ou d'un des anges, ou se faire renvoyer en Enfer par son employeur. A vrai dire, il ne savait pas quelle idée le répugnait le plus.
Il sortit une nouvelle barre chocolatée. Autant en profiter tant qu'il le pouvait.
Il ne comptait pas laisser tomber. Il la buterait, cette foutue humaine. Il suffirait de lui trancher la gorge. Rapide, précis, ciao amigos. Après ça, il pourrait vivre sa vie tranquille. Barres chocolatées, alcool, drogue, et éventuellement du sexe – même s'il n'avait pas la moindre idée de comment ça pouvait bien fonctionner.
Oui, ce serait parfait.
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