78 में तुम्हारा ही इंतज़ार कर रहा था J'étais en Train de te Chercher
Le parfum des œillets emplissait la salle. Leur fragrance fraîche et poudrée, épaississait l'air, déjà chargé d'encens lourds et boisés. A ses côtés, l'odeur de frangipanier, presque vanillée, berçait le monde d'une vague de douceur et de calme capable d'inviter les dieux parmi les hommes.
Mastani ouvrit lentement les yeux, éveillée par les effluves des offrandes portées devant son autel.
Les lueurs vertes de ses iris firent frissonner les fidèles lorsqu'elle les fixa. Ils s'empressèrent de frapper le sol de leurs fronts pieux, alors qu'elle souriait de leur ignorante docilité. Ses lèvres vermeilles s'étirèrent et ses longues canines de fauve apparurent.
Ses membres se mirent à bouger lentement, alourdis par les lois physiques de ce monde, et elle replia lentement les doigts de ses mains, pour former les mudras Surya et Prana, la domination du feu sur la terre. Le feu sacré se mit à jaillir de son corps et elle se contempla avec satisfaction.
Sa peau était noire comme la nuit, comme la mort, et elle brillait à présent, couverte de flammes blanches.
Déesse Mastani, dernière incarnation de Chamunda, êtes-vous prête à combattre l'armée des démons ?
Elle bomba sa poitrine, prête à faire face à l'Enfer, tournant la tête vers tous les angles de la salle, comme si derrière les longs voiles colorés, par-delà les colonnes sculptées et les cloisons de bois de santal, les bêtes immondes pouvaient se trouver tapies dans l'ombre.
C'est alors qu'elle le vit, le démon. Dissimulé dans la lumière, il avait couvert sa flèche des éclats du soleil volé pour cacher le poison maléfique dont il l'avait imprégnée. Il avait couvert son visage de la peau d'un vieil ami, pour cacher les traits abominables de la peur et de la putréfaction de son âme.
Lentement, il banda son arc, sortant de sa cachette de lumière pour apparaître sous sa véritable apparence, celle d'une créature brisée, perdue, l'œil larmoyant d'avoir trop mendié la pitié des dieux.
Tu ne les a jamais prié, tu n'y as jamais cru, et maintenant tu veux les détruire.
Le démon poussa un grognement vengeur, et relâcha la corde d'un seul coup.
La flèche vola dans l'espace comme une étoile filante, et Mastani tendit la main pour s'en saisir.
Elle pouvait le faire. Elle avait déjà détruit des monstres bien plus grands et arrêté des projectiles bien plus puissants.
Mais la flèche glissa entre ses doigts, comme un serpent esquivant toute prise, et se figea dans son cœur.
Étonnée, la déesse regarda son propre sang couler sans comprendre, et le retint entre ses doigts comme si elle pouvait en arrêter le flot abondant.
Une douleur froide traversa son corps et elle se tordit de douleur, une sensation qu'elle avait oubliée depuis des siècles.
Tout autour d'elle disparut soudainement, ne laissant plus rien du temple, de l'autel, de la douce lumière d'une fin d'après-midi. L'univers entier se couvrit de ténèbres, d'une noirceur épaisse, visqueuse et rampante.
Mastani tomba à genou, accablée par l'obscurité et la solitude. Son sang se mit à couler en rivière, comme si son cœur avait toujours contenu un océan de vie, aux flots inépuisables.
— Qu'est-ce donc cela ? C'est comme ça que tu te vois dans l'Au-Delà, en Déesse de la rage et de la violence, à revivre ta mort éternellement, pour expier ta propre faiblesse ? résonna soudainement une voix grave.
Mastani leva la tête et vit un homme devant lui, un quarantenaire à l'épaisse barbe noire et au regard sombre, aux cheveux noués en une épaisse natte qui tombait dans son dos, sur sa veste de cuir et de clous, couverte d'une fine pellicule de sable.
Il s'approcha et resta debout. Lentement, la sorcière se pencha en avant et posa son front sur les pieds de l'homme, en signe de respect, avant qu'il ne s'asseye en tailleur, face à elle.
— Mon oncle... Ce n'est pas moi qui aie choisi cette mort.
— Mais tu as choisi cette vie. Tu t'es crue toute puissante, comme Thanatos marchant sur le cadavre sans vie d'Eros, lui expliqua Ashmodaï, sans jamais considérer que si l'un précipite l'autre, ce même autre peut sauver l'un.
Elle fronça les sourcils et fit un mouvement vers l'arrière pour exprimer sa perplexité.
— C'est la mort qui t'a rendu aussi cryptique ? Tu viens jouer le juge des vivants, peser mon âme ? Tu m'apportes un petit écran, qu'on se fasse un marathon "Vie de Mastani" toute la nuit ?
Ashmodaï esquissa un sourire rêveur, comme si les paroles de la sorcière ne faisaient que lui rappeler une époque lointaine où elles avaient encore du sens, tel l'écho d'une vie.
— Je ne suis pas vraiment là, Masta', tu le sais bien. C'est ton esprit à toi qui est responsable de ce merdier. Tu crois vraiment que je ne suis pas passé dans l'Au-delà et que j'attends ta visite depuis dix ans ? Non, je viens te dire quelque chose d'important, pour toi. Pour que tu puisses passer dans l'Au-Delà.
— Les tarifs d'entrée et les horaires d'ouverture ? grinça-t-elle sarcastiquement.
— Non. Je viens te dire de ne pas y aller en colère.
— Quoi ? Après cette putain de mort ridicule ? Après que cet enfoiré de détective de mes deux m'ait tiré dans le dos ? Alors que je laisse le monde à la guerre sans avoir pu... terminer quoi que ce soit ? En laissant Yuya et Munetoshi s'affronter ?
— Mastani, la colère est une forme de regret, de rébellion, c'est l'émotion qui t'a conduite jusqu'à ta mort, mais tu es sensée la surpasser, ne la laisse pas te submerger et—
— Je n'en veux pas de ton Au-Delà, Ashmo', je ne veux pas partir. Je ne veux pas passer dans un autre monde, je veux y retourner et terminer ce que je dois faire !
— Ce n'est pas possible, les choses bougent sans toi, quoi que tu fasses, et ce que tu as quitté, tu ne le reverras jamais.
Elle s'approcha et malgré le sang qui s'écoulait de plus en plus densément, saisit son oncle par le col pour le tirer vers elle.
— J'en ai rien à faire de tes maximes et tes paroles de sage à la con, fais-moi redescendre, Ashmodaï, ou j'irai déterrer ton squelette et le jeter dans l'océan.
Le sorcier du désert eut un dernier sourire, triste et fatigué, et son corps se dissout soudainement en millions de grains de sable qui roulèrent au sol, faisant soudainement réapparaître le temple à la Déesse de la Destruction, complètement vide et toujours nimbé de lumière.
Mastani se mit à haleter de plus en plus rapidement, alors qu'elle sentait ses organes se dessécher peu à peu sous l'effet de la flèche empoisonnée. Elle avait l'impression que ses viscères devenaient cassants et poreux comme une roche calcaire, alors que son cœur se durcissait de plus en plus. Était-ce cela ? Allait-elle mourir en corps statufié dans le minéral ?
Elle leva difficilement la tête vers le soleil couchant dont les rayons baignaient la salle de couleurs chatoyantes, et vit une silhouette approcher.
Une femme aux longs cheveux attachés en une natte noire qui descendait sur son épaule se dirigeait vers elle. Elle portait d'immenses colliers et boucles d'oreilles en or qui rehaussaient de lumière son sari rouge cousu de soie qui brillait lorsqu'elle bougeait.
Elle avait le port altier et une démarche noble, si bien qu'elle semblait entourée d'une aura de puissance et de force qui aurait mis mal à l'aise les plus grands rois du monde.
Ses grands yeux entourés de khôl fixaient Mastani sans réellement s'attacher à son regard, comme s'ils ne faisaient que contempler une idée d'elle, distante et vaporeuse. Le visage de la femme, dur et serré, n'était nullement attendri par ses rides et ses lèvres pulpeuses. Elle semblait implacable, comme si la vie lui avait déjà donné trop de raisons de ne plus faire confiance.
En la voyant, Mastani sentit des larmes se former au coin de ses yeux et se mettre à couler sur ses joues, plus douloureuses que le poison dans sa poitrine.
— Mère... murmura-t-elle faiblement.
La femme s'approcha en relevant son sari pour éviter qu'il ne s'imbibe de sang et se pencha au-dessus de son enfant. D'une main fine, aux ongles vernis de noir, elle caressa la chevelure de la sorcière blessée et poussa un soupir rauque, d'une voix usée par l'alcool et le tabac dont sa fille n'avait que de vagues souvenirs.
— Ma pauvre petite Mastani... Quelle idée avons-nous eu de te donner le nom d'une ancienne princesse en peine ? Ton père... était vraiment une lopette romantique. Je voulais t'appeler Baruni, une variante de Durga, la déesse lionne... Peut-être que ton destin aurait été différent avec ce nom.
— Je suis désolée, Mère... Je n'ai pas été à la hauteur de votre sacrifice.
— Pff... C'est ton père qui n'a pas été à la hauteur. J'ai accepté la mort pour que ma famille puisse vivre et cet abruti s'est enfermé dans son passé à attendre son propre trépas. Non, ma fille, tu as fait honneur à toutes les femmes de notre clan. Tu as foutu la merde dans ce monde d'hommes et tu leur a montré qui était la reine, cracha la femme d'une voix noble.
Un sourire franc et dur naquit sur son visage. Elle releva la manche de son sari, révélant le tatouage à moitié effacé d'un monstre au corps d'homme et à tête d'aigle, un Garuda qui s'inclina profondément face à Mastani.
— Mère... Est-ce qu'il y a un moyen pour que je retourne sur Terre ?
— Sur Terre ? Ce n'est plus possible, ma pauvre enfant...
— Que puis-je faire, alors ? Je ne peux pas laisser le monde tel qu'il est !
— On a toujours quelques coups de pieds au cul qu'on aurait aimé donner avant de partir, peu importe notre fin. Mais tu ne peux plus rien faire. Toi qui a toujours agis pour changer les choses, armée seulement de ton corps et de ton courage, aujourd'hui cela ne dépend plus de toi.
— Putain ce n'est pas possible, après tout ce que j'ai fait... Ce que j'ai dû faire...
— Je comprends ta rage, ma fille. Moi aussi j'ai été en colère les premières années après ma mort. Le monde est une véritable chiure sans cœur, il n'y a aucune justice dans l'Au-delà, et personne ne paye jamais pour ses crimes. Mais les êtres solitaires comme nous ne devons notre salut qu'à l'amour des autres. C'est le tien qui m'a empêché de sombrer dans les regrets et de devenir un pathétique fantôme errant sur Terre. Et c'est celui de tes amis qui te sauvera.
Mastani saisit la main de sa mère pour la poser contre sa joue quelques instants avant de la lui rendre.
— J'aurais aimé mieux te connaître.
— Moi aussi, ma chérie. Moi aussi...
La femme disparut progressivement, alors que le soleil laissait place à une lune bleue dans le ciel nocturne.
Mastani resta là, seule au milieu du temple. Le dessèchement de son corps s'était arrêté, comme si ses larmes l'avaient à nouveau hydratée de sentiments plus doux, calmant la sécheresse de sa colère.
Et voilà, pour ce chapitre où on voit apparaître la mère de Mastani, je pensais à Chrisjen Avasarala dans la série The Expanse. Vous ne connaissez pas cette série ? Vous vous prétendez amateurs de soap opéra ? Foutaise, remuez-vous ! Vous êtes en train de rater le plus grand phénomène SF de cette décennie les gars !
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