7 獵人之獵頭人 Chasseur de chasseur


Il y avait une jeune fille dans une vaste prairie. Et cette jeune fille avait le visage couvert de rouge. Ses larmes s'étaient mêlées au sang de ses ennemis.

Les mains tendues vers la terre, elle avançait dans la prairie.

Elle pleurait de joie. Elle était enfin libre, elle s'était défaite de toutes ses chaînes, elle avait terrassé tous les dragons qui menaçaient la terre, et il ne restait plus qu'elle et les hommes libres qui marchaient dans ses pas.

A ses pieds, gisaient les trois grands dragons qui terrorisaient le monde. Personne ne voulait le croire, mais c'était bien elle qui les avait tués. Ceux qui marchaient derrière elle s'arrêtèrent autour des corps qu'elle avait laissé, comme des charognards, prêts à faire festin de cette viande avariée. Ils s'apprêtaient à s'en repaître, à se vautrer dans leur sang, à couper leurs têtes de reptiles pour s'octroyer la victoire.

Elle les laissa se jeter sur les dragons. Elle n'en avait que faire. Elle avait ce qu'elle n'avait jamais désiré, au-delà de tous les vœux jamais exprimés par des hommes. Elle avait le monde, la terre à ses pieds, la magie et la nature entre ses mains ensanglantées.

Elle n'avait jamais écouté les Anciens, elle avait craché sur leur savoir, elle avait suivi les Maîtres de l'espace et du Monde Silencieux.

— Tu as peur, Yuya Tanada ?

— Vous êtes... vous êtes avec eux ? Les hommes qui ont attaqué mon école...

Elle sourit sans répondre immédiatement, contemplant le signe sur la moto. Elle gratta l'inscription, écaillant la peinture.

— Tu n'as rien à craindre. Cette moto, c'est un trophée de chasse.

— Un trophée ?

— Je chasse le Loup, gamin. Tu as faim ? J'ai des légumes séchés et un peu de riz.

Elle se redressa nonchalamment et s'approcha d'un pot de terre qu'elle avait planté dans la cendre, près du feu. Il s'assit docilement en face d'elle et accepta le bol plein de riz tiède et de légumes salés qu'elle lui présenta.

— Une chasseuse de loups végétarienne, alors ? réussit-il à plaisanter malgré la crainte qui subsistait au fond de lui.

— Je ne me nourris pas de chair morte. Mange plus, je vais te resservir, dit-elle alors qu'il avait à peine commencé.

Yuya mit le riz dans sa bouche et laissa le goût frais des grains faire remonter en lui des souvenirs d'enfance. On leur servait exclusivement des nouilles à l'école, et cela faisait des années qu'il n'avait plus eu de mère pour l'inciter à se resservir.

Les légumes salés ressemblaient à ceux qui étaient importés dans les districts d'Outremer, leur saveur forte ramenaient l'étudiant plus loin encore dans son passé. Est-ce qu'il allait retourner en Outremer, se demanda-t-il soudainement, comme si ce plat l'avait naturellement dirigé vers cette question. Il sentit la tristesse et la peur remonter brusquement en lui.

—Bon, quels sont tes projets maintenant ? demanda Mastani comme si elle avait perçu ses tourments.

Il réfléchit un instant.

— Je ne peux pas rentrer chez moi, je n'ai rien accompli. Si je fais ça, je serai une honte pour ma famille. Et... Sans l'école, je n'ai plus rien, je ne peux pas continuer ma formation de sorcier.

— Donc tu veux toujours être sorcier ? Tu as vu ce que ces gens ont fait à des apprentis, imagine ce qu'ils seront prêts à faire lorsqu'ils seront totalement reformés et prêts à s'attaquer à des mages aguerris.

— Comment les connaissez-vous ?

— J'ai fait partie d'une mission, il y a une dizaine d'années. Une sorte d'escadron de la mort, qui avait pour but de les anéantir. A l'époque, les Loups étaient une secte puissante, avec des centaines de membres. Ils chassaient les sorciers partout dans les plaines d'Eurasie. Ils étaient très puissants, capables de choses bien pires que ce que tu as vu hier soir, et ils étaient gouvernés par trois chefs, deux sorciers et un Seigneur de Guerre.

— Un Seigneur de Guerre ? Pourquoi est-ce que je n'en ai jamais entendu parler en cours d'Histoire ?

— C'est une histoire qui ne rend pas très bien entre deux paragraphes sur l'unité et la puissance du Dongnan. Cela ne m'étonne pas que ce ne soit pas au programme...

— C'était un Seigneur du Dongnan ? demanda-t-il, surpris. Il avait du mal à imaginer que le Dongnan et ses milliers d'habitants puissent cacher une secte si puissante.

— Ecoute, je crois que j'en ai déjà trop dit à leur sujet. Dis-moi quand tu te sens prêt à partir et on démontera le camp, dit-elle en se levant.

— Attendez ! A... A quel âge avez-vous fait partie de cet escadron de la mort ?

Elle se retourna vers lui et le fixa froidement.

— Quel âge as-tu ?

— Seize ans.

— Alors je devais en avoir seize, déclara-t-elle nonchalamment.

Il leva la tête vers elle, intrigué. Puis une nouvelle idée naquit dans son esprit.

— Est-ce que... Est-ce que vous pouvez m'apprendre ?

—Quoi ?

—Tout ce que vous savez faire avec la magie, la façon dont vous l'utilisez sans incantation, sans cercle d'invocation.

—Tu veux des cours particuliers ? s'esclaffa-t-elle en sortant son pot de la cendre.

— Je n'ai plus d'école, plus de professeurs... Et je suis sorcier, je maîtrise la magie, c'est mon destin de continuer sur cette voie.

— Tu crois que tu maîtrises la magie actuellement ? Eh, tu aurais mieux fait de te transformer en renard si tu voulais que je m'apitoie sur ton sort. Ce ne sont pas tes facilités naturelles qui déterminent ta vie, petit. Il n'y a pas que le sorcier qui vit avec la magie.

— Mais il n'y a que lui qui sait la maîtriser !

— C'est ce qu'on t'a appris à croire à l'école. Et c'est ce dont ces Loups sont persuadés. Moi je n'ai pas besoin de m'alourdir de ces pensées. Tu vas certainement trouver un bon maître en ville, ou une nouvelle école, et tu reprendras tes études... en attendant que les Loups ne reviennent.

Yuya serra les poings face à ces paroles dures.

— Je ne me laisserai pas faire, nous serons prêts à les recevoir la prochaine fois qu'ils viendront. Et les sorciers sont les seuls à pouvoir protéger les hommes de la Nature.

Mastani sourit. « Protéger les hommes de la Nature », répéta-t-elle sarcastiquement. Elle semblait avoir envie de répondre, d'ajouter quelque chose, mais elle se retint et resta silencieuse.

La sorcière défit rapidement les cordages de la tente et replia la toile en la roulant sur elle-même. Elle ficela ses outils à l'arrière de la moto et referma sa veste de kimono avec une ceinture de tissu bleu foncé. Elle s'arrêta un instant pour regarder le soleil qui se levait sur la ville, avant de s'asseoir sur son engin.

— Ca ira ton épaule ? Aller, monte.

Yuya hocha la tête et s'assit à son tour. Elle démarra et la moto poussa un rugissement étrange, presque animal. Le garçon sursauta de peur.

— Qu'est-ce que c'est ?

— Ca, gamin, c'est le chant des Anciens. Un engin mécanique, sans une once de magie.

Etonné, il regarda les cadrans avec des aiguilles d'acier. Le tableau de bord n'était pas teinté du bleu particulier des technologies magiques. Il n'y avait ni système de guidage mental, ni écran à reconnaissance magique. Comment était-il possible de contrôler une machine sans magie ? Yuya s'accrocha plus fortement à l'arrière de son siège.

— A qui appartenait cette moto, quand vous l'avez prise aux Loups de Midgard ?

— A Ashmodaï, le Sorcier des Villes Englouties.

Yuya frissonna. Il ne connaissait pas ce nom, mais il avait entendu parler d'un sorcier des Villes Englouties, les villes qui apparaissaient et disparaissaient au gré des tempêtes de sable dans le désert eurasien. Il avait entendu parler d'un homme capable de soulever des dunes et d'enterrer des armées. Mais c'était une vieille histoire, une légende.

Ils descendirent du promontoire rocheux par un chemin couvert de végétation. La moto écrasait les racines sans effort et gardait son équilibre malgré le poids supplémentaire du passager.

Yuya regardait le paysage évoluer au-fur-et-à-mesure qu'ils approchaient de la ville. La forêt tropicale était peu à peu remplacée par de grands espaces vides de terre brûlée, sur lesquelles les lianes et l'herbe avaient déjà recommencé à pousser.

Les premières équipes en charge de la lutte contre l'invasion végétale étaient en train de se mettre en place pour commencer le déboisement. D'ici une demi-journée, il faudrait reprendre le travail, brûler à nouveau les mêmes arbres qui auraient repoussé entre temps.

Yuya regarda ces hommes en tenues noires, préparant leurs cercles d'incantations à l'aide de sachets jaunes de soufre en poudre qu'ils répandaient à leurs pieds. Des incantations de magie élémentaire de niveau cinq, récita-t-il naturellement.

Mastani ralentit à leurs abords. Yuya sentit son corps se contracter sur la moto, alors qu'elle les fixait intensément, Ces hommes en charge du maintien des limites entre la forêt et la ville semblaient lui inspirer un grand dégoût.

— C'est ça que tu veux faire de ta vie, Yuya Tanada ? demanda-t-elle soudainement. Tu penses que ces gens "maîtrisent" la magie ?

—Au moins, ils ne tuent pas. Vous les jugez durement parce que vous êtes... une mercenaire.

La moto s'arrêta brusquement, elle mit pied à terre.

—Tu ne sais pas qui je suis, apprenti-renard. Et tu penses que les sorciers ont toujours été pacifistes ? Qu'ils le seront toujours ? Ceux que tu as vus hier soir ont aussi été formés dans des écoles comme la tienne. C'est avec des sorts comme ceux que tu vois ici qu'ils ont brûlé ton école. Et derrière cette bande de chiens fous, il y a certainement des gens importants, contre lesquels le Dongnan sera obligé d'utiliser ses propres sorciers.

—Qu'est-ce que vous racontez ?

—Etre sorcier ce n'est pas un métier, gamin. Etre sorcier c'est être une arme. Une arme à la solde d'un Etat.

—Qu'est-ce que vous êtes, vous ? s'énerva Yuya. Vous maîtrisez la magie, vous ne pouvez pas dire que vous n'êtes pas une sorcière.

La moto repris de la vitesse sur la route et dépassa la zone brûlée pour atteindre de petites fermes au milieu de rizières.

—Je ne connais pas de sorts ou de sortilèges comme ceux que tu apprends à l'école, gamin. Je n'ai pas de tours, d'incantations. La Magie est là, tout autour de nous et en nous, je fais ce que je peux avec, c'est tout. Comme... un menuisier avec le bois.

Cette idée révolta d'abord Yuya, puis il se mit à y penser. Il revit la façon qu'elle avait eu de soulever la terre, d'utiliser les racines des arbres pour immobiliser son ennemi, la manière avec laquelle elle s'était plongée dans la terre sans plus en éprouver les contraintes physiques.

—Vous êtes sûre que vous ne voulez pas prendre de disciple ? 

Elle ne répondit pas et alluma la radio pour couvrir le bruit croissant des voitures et du métro aérien alors qu'ils approchaient de la banlieue extra-muros de Yunhai. Derrière elle, Yuya n'entendait que les sursauts électriques d'une musique ancienne. 

La moto passa sous de grands arches métalliques brillants de magie. La Première Barrière. Mastani slaloma entre une série de voitures aux formes allongées, recouvertes d'un rayon luisant d'énergie. Au milieu de l'immense axe routier, la moto semblait sortir d'un autre monde, comme un morceau de ferraille rouillé malencontreusement tombé dans un magasin de réfrigérateurs.

Yuya finit par se détendre. Il se desserra légèrement de Mastani et se mit à regarder les conducteurs autour d'eux qui les dévisageaient depuis leurs vitres bleutées. Il sentit une sensation proche de l'angoisse remonter dans son ventre. 

Une sorte d'excitation incontrôlable qui le fit sourire bêtement. Il était là, voyageant sur un bolide de l'Ancien Monde, aux côtés de la plus puissante sorcière qu'il ait jamais vu. Et cette musique violente commençait à l'entraîner. Il avait envie de crier, de se moquer de ces gens dans leurs voitures en aluminium. Il se sentait fier, libre.  

https://youtu.be/AkMZ6fV3T_0

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