69 अपोलो का बेटा Le fils d'Apollon


— Votre... Plus rude combat ? 

Mastani donna un coup d'accélérateur et ils quittèrent l'ombre des arbres glacés pour s'élancer dans la steppe blanche. Les collines s'étalaient à l'horizon comme une mer de vagues blanches. 

On pouvait voir des montagnes confondues au loin avec la courbe de la Terre, et de multiples points noirs apparaissaient par endroit. Certainement des loups des steppes et autres créatures irriguées de Magie qui peuplaient ces étendues inhabitées des hommes. 

— Tu as dû sentir l'immense pouvoir du Monde des Esprits et ses possibilités infinies, non ? 

— Oui, j'en ai fait l'expérience.

— Là-bas, la puissance ne se jauge pas à l'aune de la connaissance magique, de la force ou de l'agilité. Elle n'existe qu'à travers la volonté... Et la volonté s'acquiert par le combat, et surtout par la défaite. Moi je n'en avais pas encore assez vu. Ma volonté partait dans tous les sens, contrôlée par ma colère. Elle était suffisante pour me guider jusqu'au Voyageur que je cherchais, mais pas assez pour me permettre de le vaincre. 

— Qui était ce Voyageur ? 

— Tu ne le connais probablement pas. Il s'appelait Quintus Corbulon, c'était un descendant des Loups, qui avait dissimulé ses origines au Conseil des Etats d'Eurasie pour obtenir le titre de général. Un homme qui chassait ses propres frères... Il avait enchaîné Chamunda une décennie avant que je ne la trouve, et lorsque j'ai franchi le Voile, il avait une quarantaine d'années.

— Une gamine de treize ans qui n'avait jamais fait que s'amuser dans le désert face à un militaire au sommet de sa carrière... Vous n'aviez aucune chance, Maître ! 

— Dans le Monde des Esprits, j'en avais une. Ce jour là je me suis vraiment battue comme un démon.  Ce jour là j'ai tout donné, je n'avais ni Esprits ni armes avec moi, et je ne me suis battue qu'avec la magie qui m'entourait. Mon but était simple, tuer Quintus ou le pousser à libérer Chamunda par n'importe quel moyen... Et je te jure que j'ai tout essayé. 

J'ai même testé les illusions ! Ça avait beau être un vieux Loup entraîné, je lui en ai fait voir de toutes les couleurs. Les règles, les incantations et les préparations de sortilèges, je connaissais pas ça moi. Je le frappais de toutes mes forces, j'en invoquais tout ce que je pouvais, et je crois bien que mon bordel avait rameuté toute une foule d'Esprits terrifiés. T'aurais dû me voir, j'étais rouge de colère, le monde autour de moi s'était transformé en lave et ce vieux débris avait du mal à m'esquiver... Rien que pour ça, ça en valait la peine. Voir un traître de l'ancienne école qui perd pied au-dessus de la roche en fusion pour se rattraper au dernier moment, c'est un spectacle qui vaut le voyage...

  Je savais qu'une fois que je l'aurais forcé à libérer Chamunda, j'aurais le dessus sur lui. La Déesse de la Destruction était prête à m'offrir la force pour devenir sa championne.Mais il ne m'en a pas laissé l'occasion. Il m'a prise avec lui pour me faire repasser le Voile et je me suis retrouvée projetée dans la grande salle de notre forteresse des dunes. Il savait que sans entraînement, le voyage de retour m'épuiserait. 

— Pourquoi vous a-t-il ramené chez vous ?

— Parce que c'était chez lui à ce moment. J'avais passé plus d'une semaine en compagnie de mon nouvel ami de l'oasis, et pendant ce temps, Quintus avait attaqué les derniers restes du Rājavaṃśa. Ma famille avait été exterminée pendant mon absence, et il ne restait plus personne, à part le général et l'escouade avec laquelle il avait pris la forteresse...

— C'est comme ça que vous avez perdu votre famille ? Vous deviez être folle de regret...

— Non, je te l'ai dit. Je savais ce qui allait se produire, et je savais que ma famille prenait le mauvais chemin. J'ai été triste, mais j'étais heureuse d'avoir survécu pour me lier aux Esprits. Ils étaient tout ce qui me restait. 

— Qu'avez-vous fait face à Quintus alors ?

— Justement, j'ai ouvert une fissure dans le Voile, une déchirure béante, en invitant tout ce que je savais mauvais, maléfique et plein de la même colère que moi à me venir en aide... Je n'arrivais toujours pas à libérer Chamunda, alors j'avais besoin de plus de monde. 

— Ça a fonctionné ? 

— Mieux que je n'aurais pu le rêver. Tu as dû le voir lors de ton passage dans l'Autre Monde. Les Esprits ont besoin d'alliances avec les Voyageurs pour grandir en puissance et en prestige entre eux. Et moins il y a de Voyageurs, plus les Esprits sont prêts à tout pour se lier avec eux. La requête que j'ai fait ce jour-là en ouvrant un peu le Voile n'avait pas été faite depuis longtemps. 

Des siècles d'enseignements des Loups avaient appris aux Voyageurs à ne pas se lier avec des Esprits issus du monde tellurique, parce qu'ils étaient naturellement insensibles à la compassion et à la pitié, et que c'était des prédateurs démoniaques amateurs d'âmes. Donc on peut dire qu'ils étaient un peu... les laissés-pour-compte parmi les Esprits. Et moi... Je demandais à me lier à eux, à devenir l'émissaire, l'interprète de leur monde chthonien sur Terre.  

— Donc... Ils sont venus ? 

— Oh que oui. J'ai eu droit au cortège macabre, petit. Les hommes de Quintus ont été dévorés vivants par une armée de démons sortis des Enfers. Et putain c'était beau. Les murs de marbre blanc ornés de dorures et d'arabesques antiques de mon enfance ont été déchirés par leurs griffes, les tapisseries ont été repeintes de sang, toutes les boiseries sont parties en cendres et les Esprits se sont mis à tournoyer en nuées au-dessus des tours. J'étais ivre de pouvoir, j'en venais à regretter qu'il n'y ait pas une véritable armée pour nourrir tout ce beau monde. 

Estomaqué, Yuya n'arriva pas immédiatement à poser une nouvelle question pour faire continuer le récit. Il avait besoin d'un instant pour imaginer, pour réfléchir à l'horreur de la scène, de ce qu'avait dû vivre cet enfant de treize ans, et l'état d'esprit dans lequel elle se trouvait déjà pour faire toutes ces choses et oser défier des adultes, des guerriers. 

Il repensa involontairement au bossman qui avait pris le contrôle d'un navire militaire du Dongnan et qui s'était lié au Dieu Noir alors qu'il était âgé d'à peine une dizaine d'années. 

— ... et Quintus ? finit-il par demander, alors que ses pensées retrouvaient émergeaient de ce chaos d'informations.

— Il s'en est sorti. Enfin... Il a tenté de fuir en passant par les souterrains d'évacuation. C'était malin. Mais il n'est pas allé bien loin. Lorsqu'il a rejoint la surface, il s'est retrouvé face à un autre général qui l'attendait pour l'exécuter, car il avait réussi à découvrir son identité de Loup. Ce général, c'était Aelius Titus, le Général du Kopet Dagh. Il a pourfendu Quintus de son épée et Chamunda a été libérée. 

— Vous n'aviez pas dit que vous étiez prête à offrir une armée à vos nouveaux amis ?

Mastani éclata de rire, son rire grave et mauvais qui fit frémir Yuya.

— Tu as tout compris, Yuya. J'étais tellement ivre de colère et de puissance que je n'ai pas réfléchi en voyant Aelius et ses hommes. J'ai retrouvé la déesse Chamunda et j'ai fusionné avec elle... J'étais un peu jeune pour une première fois, mais c'était incroyable... J'ai touché la rage primordiale, la haine la plus intense que tu puisses ressentir, à la limite du supportable pour un humain... J'étais prête à dévorer toute l'humanité, plus rien n'avait d'importance que la beauté de la destruction. 

— Et que s'est-il passé ?

— Aelius est arrivé, avec son arc et ses flèches d'or, et il a commencé à tuer les démons. Il a réussi à m'encercler avec ses hommes et il m'a forcé à m'agenouiller devant lui. Ensuite, j'ai refermé la fissure du Voile. 

— Quoi ? Vous ! Vous agenouiller ?? Vous lui avez fait payé j'espère ! 

Elle émit un rire grave qui surprit Yuya. 

— Gamin... Je n'étais plus moi-même, il fallait que quelqu'un ou quelque chose me calme. Une gamine de treize ans possédée par un Esprit Supérieur ? Mon corps ne l'aurait pas supporté longtemps, et ce peu importe que je sois devenue la Reine du Royaume Terrestre ce jour-là ou non. Aelius m'a redonné le contrôle de mon corps, et la souveraineté sur moi-même...

— Qui est vraiment ce général ? Un sorcier ? Un exorciste ? 

— Tu veux savoir le plus effrayant ? Il n'est rien de tout cela. C'est un homme Sans Pouvoirs... Tu n 'y crois pas ? Moi non plus, au départ, je pensais qu'il était impossible qu'un homme sans Magie puisse combattre des Esprits et les calmer, en s'armant seulement de techniques et de stratégie. Et puis j'ai réalisé que c'était vrai. Il est l'exemple vivant de l'erreur des Loups. Il est la preuve que nous pouvons vivre dans un monde séparé des Esprits. 

Les Hommes n'ont pas à être sensibles à la Magie pour vivre avec elle et qu'il n'est pas nécessaire de forcer l'évolution en les plongeant dans le monde du Soleil Bleu. 

— Qu'est-ce que vous voulez dire ? 

— Aelius est l'espoir des Sans Pouvoirs, il est la voie de la liberté pour eux, celui qui peut leur montrer qu'ils sont aussi forts que les sorciers, et qu'ils ne leur sont pas inférieurs. 

— Un pro-Sans Pouvoirs alors ? Que s'est-il passé après qu'il vous ait calmé ? Il chassait les Loups, non ? Il devait en avoir après vous. 

— Non, il m'a offert de rejoindre ses troupes.

— Quoi ?! Mais vous avez dit que...

— Je te l'ai dit, c'est un Sans Pouvoirs, mais ce n'est pas un chef vengeur qui cherche à régler ses comptes avec la Magie. Il chassait les Loups parce qu'ils ouvraient des fissures partout sur Terre et que cela mettait en danger la population. Il n'avait rien de personnel contre moi et il était intéressé par mes capacités à refermer les fissures... Mais j'ai refusé. 

Enfin... On ne refuse pas vraiment une offre du général Aelius. Disons que j'ai fuis par la terre. Il avait beau être l'avenir de l'Humanité, personne ne me fait m'agenouiller et prêter allégeance dans la même journée, putain ! Faut pas exagérer ! C'était la première fois que j'utilisais la magie héréditaire de ma famille, d'ailleurs. 

— Vos voyages à travers le sol ? Pourquoi ne nous rendons nous pas à Balasagun par ce moyen d'ailleurs ? Vous ne vous sentez pas mieux ?

— Parce qu'on aurait pas le temps de parler, répondit-elle brusquement avec un large sourire. Je suis donc partie chercher ce que je pouvais faire avec mes pouvoirs. J'ai passé des années à sillonner l'Eurasie, en compagnie de Chamunda qui m'apprenait tout de son Monde. La déesse m'enseignait comment ouvrir les montagnes, brûler tout, jusqu'à la roche la plus dure, elle m'enseignait les mécanismes des hommes pour que je sache comment les parer, et elle me faisait rencontrer des Esprits courroucés pour que je leur vienne en aide. J'en ai pas l'air comme ça, avec tous les démons sur ma peau... Mais je sauvais toujours tout le monde, moi ! L'Esprit dont je calmais la haine et ses victimes qui pouvaient enfin dormir en paix !

— Avec des dommages collatéraux comme à Watasabe ?

— Eh... Oui, ça arrivait... Enfin, bref ! Je voyageais en évitant toujours les Villes Englouties où je risquais de croiser des membres éloignés de ma famille. Je suis allée au Dongnan, au Karakhitar, et j'ai grandi en nomade, accompagnée simplement de mes tatouages. C'était l'époque où je vivais comme Munetoshi, persuadée que les Esprits avaient plus à m'offrir que les Hommes. Je voulais être forte, je voulais que même Aelius ne puisse plus me faire faiblir... Jusqu'à il y a une dizaine d'années...

— Les trois bossmen ? 

— Oui, j'avais entendu parler de leurs méfaits, et je savais qu'ils recrutaient. Dans le Monde des Esprits, tout le monde parlait d'Azazel, c'était la pointure en matière de manipulation d'âmes. Un nécromancien, aussi haï que respecté dans l'Autre Monde... Bien sûr, Feng Hui était détesté partout. Je crois que les humains comme les Esprits ne sont pas faits pour apprécier la magie d'illusion... Après tout, qui aime être manipulé à son insu ? 

— Probablement tout le monde après une journée de travail, Maître. Sinon il n'y aurait pas d'audience sur les premières chaînes de la télévision centrale du Dongnan, s'esclaffa Yuya.

— Le sarcasme te sied à merveille, jeune apprenti... Et donc, un jour où je campais dans les monts de Kunlun, un peu trop près de la frontière du Kopet Dagh, j'ai été découverte par une unité de cavaliers d'Aelius. Au lieu de m'attaquer, ils m'ont dit que leur général me cherchait et qu'il avait besoin de moi. Pendant toutes ces années, il n'avait pas oublié la gamine qui faisait sortir des démons du Voile, le vioque !

— Vous y êtes allée ?

— Bien sûr ! On me proposait de passer la nuit sous une tente avec de la nourriture gratuite et de l'eau que je n'avais pas à creuser dans le sable ! Et puis, je savais qu'ils faisaient un alcool de lait de jument à se damner ! 

— Maître... vous buviez déjà ? l'interrogea Yuya avec exaspération.

— Bien sûr, qu'est-ce que tu crois ? Les Esprits telluriques sont les rois de la distillation. Les plus malins font jaillir de la vodka depuis les sources de montagne ! A ton âge je-

— Eh... Très bien... dit Yuya, perplexe, est-ce qu'on peut en revenir à votre histoire...     

Mastani éclata à nouveau de rire. Alors qu'elle parlait, la moto s'était tellement réchauffée que la neige fondait à une dizaine de mètres partout autour d'eux, comme si cette histoire l'excitait elle aussi. 

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