6 萍水相蓬 Rencontre Fortuite
Voyager à travers la terre, à la vitesse d'un avion. Yuya n'arrivait pas à réaliser ce qui était en train de se passer.
Il avait été secouru par une sorcière aux pouvoirs étranges, en possession d'un artefact de l'Ancien Monde, après que son école ait été réduite en cendres par les membres d'une secte qui se faisaient appeler les Loups de Midgard.
Il lui sembla qu'ils voyageaient depuis à peine quelques minutes lorsque la sorcière ralentit le rythme avant de changer de sens pour remonter à la surface.
La pression qui les comprimait commença à diminuer et Yuya sentit bientôt la terre plus fraîche et parfumée de l'humus au contact de l'air extérieur. Il se sentit expulsé à la surface et enfonça ses griffes dans l'habit ancien de la sorcière sans plus penser à sa valeur.
L'air chaud de la nuit tropicale chatouilla son museau et il ouvrit les yeux pour regarder autour de lui. Elle le tenait toujours entre ses bras, fixant l'horizon de ses yeux brillants, comme si elle pouvait voir dans l'obscurité.
Elle reposa le renard délicatement sur le sol et l'énergie magique qui émanait d'elle diminua, comme si elle la contrôlait. Yuya regarda autour de lui et découvrir avec étonnement les lumières électriques de la ville de Yunhai, couvertes par un voile de pluie qui tombait dans la vallée. Le nom de ville "à la mer de nuages" faisait référence aux cumulus océaniques qui venaient s'arrêter au dessus de la ville, stoppés par les chaînes de montagnes autour.
Le renard aux petits yeux fauves n'arrivait pas à percevoir l'immensité des montagnes autour, mais il pouvait sentir la puissance de la Nature qui les environnait. Elle avait quelque chose d'immense et de menaçant. Comment les gens de cette ville pouvaient ils vivre à côté de ces montagnes hostiles ?
L'étudiant renard regarda autour de lui les roches qui surplombaient la ville. Ils se trouvaient sur un promontoire naturel et désertique couvert d'herbe. La femme avait commencé à s'éloigner vers les montagnes.
— On n'est pas très loin de mon campement. On devrait y être tranquille. Ça a été le voyage ?
Yuya tourna la tête vers elle, incapable de lui parler dans une langue humaine. Ce voyage avait été le plus étrange de toute son existence, ils s'étaient déplacé de plus d'une centaine de kilomètres en quelques minutes, et pourtant, il ne se sentait absolument pas fatigué ou malade.
— C'est vrai que c'est pratique.
Surpris, le renard resta statique alors qu'elle s'éloignait. Elle entendait ses pensées ? Comment était-ce possible ?
— Les animaux ont des pensées simples, ils sont faciles à comprendre. Il faut croire que toi aussi, répondit-elle aux questions silencieuses, aller, viens.
Yuya essaya de marcher vers elle, mais il resta en retrait, sentant les effets de son sort et la brûlure sur son ventre qui commençaient à l'affaiblir. Il peinait à rester debout sur ses quatre pattes, écrasé par le voyage et sa transformation.
Il n'avait jamais tenu un sort aussi longtemps de toute son existence. Malgré l'affaiblissement de son sort, il ne ressentait aucun retour à l'état humain comme la fois précédente. Il ne se métamorphosait plus.
— Tu vas mourir d'épuisement si tu ne te retransforme pas rapidement en humain. Tu as perdu du sang dans les deux formes, et les deux t'affaiblissent, dit la sorcière en revenant sur ses pas. Tu ne maîtrises pas le sort que tu as lancé, n'est-ce pas ?
Honteux, Yuya baissa la tête et elle le prit à nouveau dans ses bras. Elle le porta jusqu'à une petite tente de toile cirée installée au milieu du promontoire, face à un feu de camp refroidit. D'un coup de pied dans les cendres, elle fit jaillir un feu ardent qui brûlait sans combustible. Émerveillé, Yuya fixa les flammes avant de voir leur éclat se refléter dans l'acier noir d'une moto garée de l'autre côté du campement. Elle semblait étonnement lourde et encombrante. Il peinait à imaginer la sorcière chevauchant cet engin sur les petites routes infestées par la végétation du Dongnan.
— Au moins, tu es plus facile à transporter sous cette forme, fit-elle remarquer en le déposant près du feu.
Elle entra dans la tente et il resta dehors, observant l'étrange moto. Elle portait un symbole étrange que ses petits yeux ne pouvaient discerner. Avant qu'il n'ait pu s'en approcher, la sorcière était revenue. Elle tenait dans ses mains un spray cicatrisant et de l'antiseptique. Quoi ? Comment une magicienne de son niveau pouvait-elle être incapable de faire des sorts de guérison de base ?
— Ouais, bah ça va, chacun sa spécialité ! Fais voir comment tu arrives bien à reprendre ta forme d'origine, le novice ! Arrête de bouger.
Le renard s'immobilisa tandis qu'elle lui appliquait les deux médicaments et regarda son visage. Elle avait l'air d'avoir une trentaine d'années. Peut-être plus jeune, peut-être plus âgée. Il avait du mal à évaluer son âge rien qu'à son visage. Il avait vu si peu de femmes eurasiennes des plaines centrales.
Elle avait le nez plutôt long, comparé aux femmes du Dongnan, et ses sourcils épais et noirs soulignaient les formes de son visage sans être laids. Était-elle considérée comme belle parmi les siens ? Est-ce que tous les sorciers eurasiens étaient capable de lancer des sorts sans incantation et sans cercle d'invocation ? Il n'avait vu ça dans aucun livre.
— Bien, passons aux choses sérieuses. Il va falloir te faire retrouver ta forme d'origine. Non pas que tu ne sois pas mignon en renard, mais je ne pense pas que tu sois prêt à réduire ta longévité d'une soixantaine d'années.
D'un seul coup, toute la magie étrange qui émanait de la sorcière revint et se concentra sur le corps animal de Yuya. Elle retroussa ses manches et il découvrit des tatouages étranges sur ses bras. Des loups, des dragons, quelque chose semblable à une horde de cavaliers et des montagnes qu'il n'arrivait pas à dissocier clairement. Il lui sembla soudainement les voir s'animer, comme si les cavaliers et les monstres partaient à l'assaut de ses poignets.
Il glapit de douleur et ferma les yeux, sentant tous ses atomes se mettre en mouvement. Ce n'était pas aussi étrange que lorsqu'il s'était transformé la première fois, mais c'était beaucoup plus douloureux. Il pouvait sentir que la sorcière dissipait l'enchantement sans savoir le résultat final qu'elle obtiendrait. Elle usait d'une force similaire à un rayon magnétique pour détruire le sort.
Le renard roula sur lui-même et se recroquevilla en sentant ses membres regagner leur taille originale. Il avait l'impression de sentir les pensées revenir à son esprit sous forme d'un bourdonnement insupportable. Il en était assailli de toutes parts.
Lorsqu'il finit par s'y habituer, il ouvrit les yeux sans plus sentir aucune douleur. Les seules qui subsistaient étaient celles dans son épaule et dans son cœur. Sa forme animale l'avait préservé du choc et de la tristesse. C'était comme s'il réalisait soudainement tout ce qui venait de se produire.
— L'école... murmura-t-il en s'agenouillant à même le sol.
La femme le laissa reprendre ses esprits et retourna dans sa tente pour y chercher une couverture. Elle couvrit l'étudiant jusqu'aux épaules et le fixa de toute sa hauteur, les mains sur les hanches. Il n'avait même pas réalisé qu'il était nu comme un ver.
Des larmes commencèrent à rouler sur les joues de Yuya. Il avait tout perdu en quelques heures. Ses amis, le foyer dans lequel il avait passé les deux dernières années de sa vie, ses rêves de magie.
Il revit tous les visages de ses camarades avec lesquels il avait prévu d'aller au réfectoire après leur examen, ceux à qui il avait promis d'aller jouer aux échecs le lendemain... Tous ces projets, si banaux soient-ils, ils s'étaient tous évanouis dans l'incendie. Y aurait-il seulement un lendemain à cette nuit horrible ?
— Il y en aura un. Et beaucoup d'autres, murmura soudainement la sorcière en abandonnant sa pose menaçante. Je ne sais pas ce que tu vas faire maintenant, renard novice, mais je vais à Yunhai demain. Je peux te conduire en ville.
Elle le fixa en étudiant ses traits. N'avait-elle jamais vu de natifs des districts d'Outremer ? Elle regardait son visage et ses cheveux noirs avec une attention toute particulière, dérangeante avec ses yeux brillants.
Yuya détourna le regard en essuyant ses larmes. Aller en ville ? Pourquoi ? Et pourquoi pas ? Que pouvait-il faire à présent ? Il avait survécu à l'attaque de son école, mais peut-être y avait-il d'autres survivants. Il eut soudainement l'idée d'y retourner pour chercher ses amis dans les décombres.
Puis un frisson de douleur remonta le long de sa colonne jusqu'à son épaule blessée et il se rappela les deux chasseurs de sorciers. Il ne pouvait pas y retourner, non. La sorcière se déplaça en face de lui et il remonta la couverture contre ses épaules. Il vit qu'elle fixait aussi sa bague en cèdre et la cacha de son autre main.
— Il faut bien que je te soigne. Fais-moi voir ta blessure, dit-elle simplement.
Il eut soudainement un éclair de lucidité, et au lieu de présenter son épaule, il se pencha en avant pour frapper le sol de son front dans un signe de révérence extrême.
— Excusez-moi, je ne vous ai pas encore remercié de m'avoir sauvé, dit-il brusquement, en s'efforçant de prendre une voix forte.
La sorcière sourit, amusée.
— Tu ne veux pas que je te soigne le bras avant de faire tes petites révérences ?
Il garda le visage contre le sol et continua en fermant les yeux:
— Je suis désolé de vous avoir causé tant d'ennuis.
— Tu te vides vraiment de ton sang, petit.
Il ouvrit les yeux en sentant le goût du sang dans sa bouche. Il se redressa trop vide et sentit sa tête partir en arrière sans pouvoir la retenir. Il tomba inconscient en entendant seulement les derniers mots de la sorcière:
— 小屁孩兒"xiao pi hai'r".
"Petit morveux". Elle le prenait vraiment pour un enfant.
Lorsqu'il rouvrit les yeux, les premières lueurs de l'aube pointaient au-dessus de la ville de Yunhai. Les grandes tours de verre scintillantes semblaient flotter au-dessus d'une mer de brume matinale. Il avait dormi dehors, toujours couvert de la couverture de la veille.
Un bandage avait été habilement noué sur son épaule et sa poitrine. Des vêtements sales étaient posés en tas à côté de sa tête et il les enfila sans se poser de question. Lorsqu'il se releva, il trouva la sorcière en train de revisser un tube sur son étrange moto. Yuya secoua ses cheveux poussiéreux et s'approcha. Elle ne semblait pas faire attention à lui.
— Tu sens mauvais, commença-t-elle, attends, c'est pas mes vêtements que tu portes, là ? Eh, je les ai pas mis là pour que tu les prennes ! (Elle lâcha une clef à mollette) Oh, et puis merde, vas-y, sers toi dans mes affaires, te prive pas.
Il regarda la veste ample de yukata qu'il avait mis avec un tee-shirt trop serré et un pantalon rapiécé qui lui arrivait au milieu des mollets. Il murmura un remerciement gêné et baissa la tête.
— Euh... Je m'appelle Yuya, Yuya Tanada, dit-il les mains jointes, comme il était d'usage lorsque l'on se présentait à un étranger.
— Mastani, répondit-elle sans se retourner.
— Je tenais à vous remercier pour-
— Par pitié, ne me dis pas que tu vas me le répéter tout le temps, s'énerva-t-elle en se retourna soudainement vers lui, faisant voler ses longs cheveux par-dessus son épaule.
Découvrant l'autre partie de la moto qu'elle cachait de sa chevelure, Yuya découvrit le symbole sur l'acier qu'il avait eu du mal à identifier la veille avec ses yeux de renard. Un loup en entrelacs, le même que celui qu'il avait vu... sur les blousons en cuir des chasseurs de sorcières.
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