5 搖滾女王 Rock'n'roll Queen



Yuya se réfugia au creux de l'arbre contre lequel il était adossé, la queue entre les jambes, prêt à être lui aussi envoyé dans les arbres. Rien ne se produisit. 

Il entendit les cris de rage du chasseur qui se débattait dans les hauteurs alors que les branches des arbres commençaient à l'étreindre de plus en plus fortement. 

Plus il se débattait, plus le bois se resserrait comme la toile d'une araignée. Etait-ce la forêt, la Nature, qui avait réussi à se soulever du sol ? Mais cette voix ?

Le renard enfouit instinctivement son museau dans les feuilles et la terre. Il sentit le pas léger d'un humain qui approchait, sans susciter de réaction de la part de la forêt. 

Il entendit l'incantation que prononça le chasseur pour faire brûler les branches qui le gênaient, mais l'humidité de l'air était si pesante qu'il dût y ajouter un sort de déflagration avancé pour faire durer ses flammes. Il tomba au sol lourdement, sur ses deux jambes, prêt à revenir à l'assaut.

—Sors de ta cachette, enfoiré ! Viens te battre, beugla-t-il.

Yuya releva la tête et vit une femme apparaître entre les lianes pendantes d'un arbre. Le renard sentit l'étrange magie primitive qui l'accompagnait se déposer sur les lianes autour d'elle comme une traine d'énergie qui excitait les arbres et les rendait plus agressifs. Elle était... étrange. 

Avant même de voir les contours de son visage, Yuya vit ses grands yeux verts émeraude, presque luisants dans l'obscurité de la forêt. Son visage petit et symétrique était dessiné avant tout par ses sourcils épais et ses lèvres pleines. 

Ce devait être une femme originaire des anciens royaumes centraux d'Eurasie. Une princesse, pensa-t-il immédiatement. Elle avait le port altier et la magnificence d'une noble, et sa longue chevelure d'ébène était attachée dans son dos en une longue queue de cheval à la manière des héroïnes de romans des Anciens.

Cependant quelque chose dénotait dans son allure. Quelque chose qui cassait cette impression de royauté de son visage et qui lui donnait des airs de bandit de grand chemin. Son corps fin était enveloppé dans des vêtements amples et poussiéreux, une veste de yukata délavée arborant un petit blason blanc représentant un croissant de lune, un pantalon noir bouffant, serré aux mollets par des guêtres de tissu de la même couleur, des geta, des sandales à lanière de tissu sur des semelles de bois.

Le renard se redressa sur ses pattes avant en voyant la femme s'avancer. Sous sa veste de yukata trop large, elle portait un tee-shirt noir aux motifs stupéfiants. Un monstre aux dents d'acier était dessiné dessus, et des lettres en langue des Anciens étaient inscrites au-dessus. Un artefact de l'Ancien Monde ! Yuya frémit d'excitation. 

Ce devait être une sorcière au pouvoir phénoménal pour posséder un tel habit. Peut-être lui procurait-il des pouvoirs particuliers. Ses yeux de renards n'étaient pas assez bons pour distinguer les lettres.

Il allait s'avancer vers elle, oubliant toutes ses craintes, lorsqu'elle tourna le regard vers le chasseur. Elle pencha légèrement son corps sur la droite et esquiva un projectile magique en une fraction de secondes.

—Viens par là, salope !

—Tiens, Rito. Je croyais déjà t'avoir jeté sur un tas de cadavres, répondit-elle tranquillement.

Les yeux de Rito s'agrandirent, comme s'il réalisait soudainement à qui il avait affaire.

—Tu... Tu es...

Sans répondre, la femme frappa le sol d'un coup de pied et une vague de magie fit remonter un bloc de terre au niveau de son visage. D'un coup de poing, elle balança le bloc sur le chasseur qui le reçu en pleine tête sans avoir le temps de lancer un sort de protection. 

Yuya se colla à nouveau contre le tronc d'arbre, stupéfait. Elle venait de lancer un sort sans incantation ? Etait-ce seulement un sort ou un sortilège ? Cela ressemblait plus à de la magie pure qui sortait de ses membres, sans aucune condensation préalable. Comment était-ce possible ?

La femme s'avança vers le chasseur qui avait heurté un arbre et dont le visage était à présent couvert de terre et de sang. D'un coup de pied circulaire, elle fit déplacer les racines de l'arbre entre eux pour qu'elles emprisonnent les bras de l'homme. Elle examina le blouson en cuir qu'il portait et ses yeux verts se concentrèrent sur l'écusson cousu sur sa poitrine.

—Qu'est-ce que tu fous ici avec cette veste Rito ? T'es nostalgique ? Tu dois comprendre que si tu portes encore ça, je peux pas te laisser rentrer tranquillement chez toi.

—Les Loups de Midgard se sont reformés, sale chasseuse de prime de mes deux ! cria t-il en riant nerveusement.

—Reste poli, Rito. C'est quoi ce bordel, « reformés » ? Vous êtes pas un putain de groupe de rock, les gars, faut redescendre un peu.

—Tu as eu beau couper la tête du serpent de nouvelles sont-

Il prit un coup de geta dans le ventre qui lui coupa le souffle.

—Ferme-la, Rito. Vous avez de nouveaux chefs ?

—On en a plus besoin de trois, on en a un, et il est plus puissant qu'Ashmodaï, Asazel et Feng Hui réunis !

A ces noms, la femme eut un mouvement de recul. Elle le fixa sans répondre. Est-ce qu'elle cherchait à savoir s'il mentait ? Est-ce que ces noms l'effrayaient ?

—Ca... C'est pas un sorcier de merde comme toi qui serait capable d'en juger, souffla-t-elle plus bas.

Elle fit un pas en arrière et se tourna vers Yuya. Ses yeux verts pénétrants pétrifièrent le petit renard. Elle l'étudiait.

—C'est ça, la nouvelle mission de ta secte alors ? Chasser des gamins terrifiés ?

—On les chasse par centaines, ouais, gémit Rito en sentant les racines des arbres se resserrer contre lui.

La femme leva les yeux vers la cime des arbres, au-delà des feuilles, et huma l'air.

—Vous avez attaqué l'école ?

—Quoi, tu vas pas me dire que ça te fais quelque chose ? Toi et l'éducation...

—N'aies pas la prétention de me connaître, sous-merde. Je te garde en vie seulement parce que tu parles trop bien. Dis-moi quel est le nom de votre nouveau chef. C'est le fils de Feng Hui ?

—Tu crois que cette fois-ci tu vas pouvoir t'allier avec un Seigneur de Guerre pour nous traquer comme la dernière fois ? Ce n'est plus pareil, Mastani. Ce ne sont plus les mêmes guerres que nous mènerons, dorénavant. Nous sommes l'avenir de-

Avant qu'il ait pu finir sa phrase, la femme s'était retournée et s'était jetée sur lui pour lui asséner un coup de poing dans le thorax.

Son coup fut si puissant qu'il fit voler en éclat les racines et l'arbre derrière le chasseur. Son corps à lui resta entier, mais il cracha du sang une dernière fois avant que sa tête ne parte en arrière, livrant son dernier souffle.

La femme avait le visage couvert de sang. Elle s'essuya de sa manche de kimono et regarda son œuvre sans sourciller. Cela ne lui faisait ni chaud ni froid d'avoir tué un homme. Elle se tourna alors vers Yuya et lui dit en souriant :

— On a beau tirer la chasse, les cafards remontent toujours par la cuvette !

Elle fit un pas vers lui et sursauta, sentant soudainement une nouvelle présence ennemie. Yuya jappa de surprise en voyant l'homme à la barbe blonde jaillir des fourrés, lançant immédiatement un éclair à la femme. 

Elle tendit simplement le bras pour recevoir la foudre et la laissa entrer dans son corps, avant de la rediriger vers l'homme en tirant de son autre bras. L'éclair qui partit de sa main fut plus puissant et chargé en magie que celui que son adversaire avait lancé. Il l'esquiva rapidement et fit un pas en arrière.

—Mastani, toujours à nos trousses.

—Tyros, tiens, ça faisait longtemps. En fait je tombe sur vous par hasard. Toi aussi, je croyais t'avoir laissé parmi un tas de cadavres. C'est la dernière retrouvaille de ce genre, ou bien je vais devoir aller déterrer Ashmodaï et les autres pour vérifier s'ils mangent toujours des pissenlits par la racine ?

—Tu es toujours aussi grinçante, chasseuse de primes. Mais nous avons changé.

—Oui, « la guerre a changé », « nouveau chef », etc. Merci, Rito m'a déjà tout expliqué, dit-elle avec impatience, désignant le cadavre au sol. Mais tu vas peut-être pouvoir éclaircir un point qui me dérange. C'est qui votre nouveau chef, le fils de Feng Hui ?

—Non, ce n'est pas lui.

—Ah, j'avais un doute. J'aurais regretté de ne pas l'avoir tué avec son père. Il paraît qu'il a pris un bon virage en reprenant le cartel de son oncle, Chef de la mafia, c'est quand même plus honorable que gourou d'une secte d'allumés.

—N'insulte pas notre bossman.

Elle leva les yeux au ciel en souriant. Elle aimait ce petit dialogue entre ennemis.

—Bon, Tyros, je sais que ça te fais plaisir de me revoir et de ressasser le passé, mais on fera ça un autre jour.

Il cracha au sol de dédain et fit mine de laisser charger un nouvel éclair en commençant une incantation.

—Si je rapporte ta tête au bossman, je serai nommé sous-lieutenant avant la fin de la période d'essai.

—Ah, vous êtes vraiment en pleine reformation alors ? Et ils font aussi passer un test aux anciens membres ? Il avait raison Rito, un vrai petit groupe de rock, ces Loups de Midgard, dit-elle pour elle-même en riant.

—Tes sarcasmes vont manquer au monde de la sorcellerie, dit Tyros, sans pouvoir lui aussi cacher son sourire.

— Te fais pas d'illusions, tu auras l'occasion de les écouter à nouveau.

Avant qu'il ait le temps de lancer son sort, elle se jeta sur Yuya et s'enfuit sous terre. Yuya sentit le corps de la femme projeter toute sa puissance magique dans le sol alors qu'ils s'enfonçaient de plus en plus profondément.

Il sentait l'humus, la terre, les racines et les insectes qui passaient sur lui comme s'ils n'étaient plus faits d'une quelconque densité. Serré contre la poitrine de la sorcière, le museau collé contre son ventre, il gardait les yeux fermés pour ne pas mourir de peur. 

Ils étaient en train de « nager » dans le sol. Sans aucune incantation, elle avait réalisé un sort dont il n'avait jamais entendu parler. La terre semblait changer de propriétés physiques au contact de la sorcière.

Alors qu'il venaient d'atteindre un couche de roche plus solide, elle stoppa leur descente et changea de position, comme un nageur s'apprêtant à repartir après avoir atteint l'extrémité d'une piscine.

Elle prit appui sur la roche plus dense et resserra ses bras autour du petit renard. Il sentit la magie charger autour d'eux, lui donnant l'impression très nette de nausée. C'était beaucoup trop d'énergie pour son corps animal. Il ouvrit les yeux un instant et releva la tête. Il pouvait ainsi lire les mots dans la langue des Anciens qu'il n'arrivait pas à voir à distance. « Motörhead ».

Il fut surpris par la caresse rassurante de la sorcière sur son pelage. Accroche-toi, lui murmura une voix à travers les profondeurs de la terre. D'un coup retentissant, semblable à l'explosion d'électricité d'un coup de tonnerre, la sorcière les propulsa à travers la roche. 

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