28 歡迎來海外地區 Bienvenue dans le district d'Outremer
Image: Hiroshigue . Dangereuse vague dans la passe de Satta près de Yui, 1855. Les Cent Vues d'Edo
Le Vindsang se rapprochait doucement des côtes d'Outremer, sur une mer calme et laiteuse, alors que le soleil était presque au zénith. Les seules traces de la lutte contre le calamar dans la baie de Heidao étaient en train d'être lavées et brossées sur le pont.
Mastani s'était changée dans sa cabine et avait fait sécher son blouson en cuir qui avait déteint à cause de l'eau salée. Yuya était resté à côté du capitaine, à la barre, écoutant ses conseils sur la navigation. Le vieil homme venu de l'Ouest avait apprécié les efforts de l'étudiant dans la tempête, et il se faisait à présent un devoir de lui enseigner rapidement tout ce qu'il pouvait sur son bateau.
— Vous les gens d'Outremer, vous avez un peu du sang de l'océan dans vos veines, la mer vous choisi et vous la chevauchez, alors que nous ne faisons que demander la permission pour l'emprunter, en le payant chaque fois d'un peu de nos vies, expliqua le marin en laissant Yuya remonter les vagues et calculer le vent qui les faisait tanguer.
Yuya manœuvra la barre pour briser une vague de front en évitant qu'elle ne les percute sur le côté.
— C'est un travail sans fin !
— Eh, l'océan ne va pas s'arrêter de vivre pour que tu glisses dessus. C'est sans fin jusqu'à ce que tu arrives au port, avec tous tes hommes en vie, pour qu'ils revoient une fois de plus ceux qu'ils aiment. C'est ça la vie de navigateur... Au moins tu auras appris ça avant de revenir chez toi, ajouta-t-il en lançant un regard à la bague de cèdre solitaire au doigt de l'étudiant.
Yuya regarda l'anneau gravé où des entailles avaient été préparées pour recevoir la deuxième partie en os de baleine.
Le bateau cessa de tanguer sous l'assaut des vagues.
Ils entraient dans la baie de 北島, Kitajima, et les anciennes montagnes immergées apparaissaient comme des alignements de rochers entourés de bouées jaunes brillantes.
— J'ai appris beaucoup de choses ces derniers temps... mais je ne suis pas sûr que cela fasse de moi un marin d'Outremer. Et tant que je ne ramènerai pas une prise, je ne pourrai pas "revenir chez moi".
— Je savais qu'on aurait dû remorquer ce poulpe, intervint Mastani en montant les escaliers menant à la cabine de pilotage. Ça t'aurait fait une belle prise, plaisanta-t-elle.
Le capitaine sourit en montrant le disciple de la sorcière qui tentait de rester concentrer sur la trajectoire du bateau. Mastani hocha la tête, reconnaissante, et s'approcha pour voir par elle-même comment Yuya se débrouiller. Elle finit par se retourner vers le capitaine en prenant un air plus sérieux.
— Grønvold, j'ai à vous parler.
— Je vous écoute.
Elle sortit les cartes au vaisseau fantôme qu'elle avait trouvé chez Abigail.
— Elles ont pris l'eau avec ma veste, mais j'ai fait ce que j'ai pu pour les sauver. Vous devriez pouvoir les lire sans problème.
Grønvold en ouvrit une et passa une main dans sa barbe en lisant les écritures délavées.
— Quand vous aurez terminé votre chasse dans le nord... continua Mastani sans insister.
— ... Nous irons trouver ce vaisseau, conclut le capitaine en hochant la tête sérieusement.
La sorcière lui donna une tape sur l'épaule emplie d'une timidité et d'une rigidité qui étonna Yuya. Le capitaine reprit la barre de ses mains.
— On va se préparer à descendre, Yuya. Ils vont nous laisser au port avant de remonter vers les nord.
L'étudiant obtempéra non sans jeter un dernier regard envieux au capitaine. Cette vie de navigateur avait quelque chose d'étrangement plaisant. Peut-être était-ce la liberté et la proximité avec le danger qu'il avait expérimenté ce matin...
Avant de descendre sur le pont, Mastani se retourna une dernière fois:
— Si vous trouvez quelque chose dans 黑島, Grønvold, prévenez moi. Je vous payerai ma tournée.
Le capitaine acquiesça sans répondre et la sorcière descendit, accompagnée par Yuya qui n'y comprenait vraiment rien.
Pourquoi étaient-ils soudainement si distants alors qu'ils venaient de passer l'enfer, et qu'ils allaient se séparer pour peut-être ne plus jamais se revoir ? Il avait trop apprécié cet homme pour tolérer qu'on en finisse avec lui de la sorte.
— Yuya, il faut savoir faire preuve de retenue dans certains moments.
Il poussa un petit rire sarcastique.
— C'est vous qui dites ça, maître ?
— Ce n'est pas le moment de faire de l'humour. Ce que j'ai demandé à cet homme... C'est une mission qui le conduira certainement à la mort, lui comme tout son équipage. On ne revient jamais de la recherche d'un vaisseau fantôme.
Yuya perdit instantanément son sourire.
— Mais alors... pourquoi a-t-il accepté ?
— Parce que lui et son équipage nous doivent la vie. Une vie pour une vie, c'est ainsi que fonctionnent les codes d'honneur des marins. Et puis... ils ont une chance de s'en sortir.
— Laquelle ?
— Ils ont les cartes d'Abigail. Ils vont pouvoir pister le bateau sans tomber dessus directement, expliqua-t-elle en arrivant sur le pont.
— Et ensuite ? Que vont-ils faire ?
— Ça, petit, il n'y a que des chasseurs aguerris qui puissent aller plus loin, intervint un marin à la longue barbe rousse qui passait par là en transportant une caisse. Ne vous en faites pas pour nous, on est tous prêts à le faire.
Yuya ne comprit pas de quoi il parlait. Il se contenta d'ouvrir sa veste alors qu'il sentait l'humidité de la côte venir jusqu'à lui. Il se tourna vers la sorcière qui libérait ses longs cheveux de sa veste et remontait son tee-shirt sur sa poitrine, provoquant quelques émules chez les marins autour. N'avaient-ils pas le droit à un dernier souvenir de Mastani ?
Le port de Kitajima apparaissait juste devant les hautes montagnes couronnées de brume. Depuis le bateau, ce n'était qu'une petite ville de bois et de béton, couverte des empreintes verdâtres de la moisissure qui rongeait les bâtiments, parsemée d'arbres qu'on laissait pousser dans les rues, sauf dans le quartier habité par les étrangers où un bouclier magique avait été dressé.
Cette petite ville n'avait pas de grands panneaux de néons annonçant de grandes enseignes, ni de hautes tours de verre, et c'était pourtant l'un des plus grands ports d'Outremer.
Ici, les bâtiments en béton étaient considérés comme un luxe venu du continent, qui attirait peu, alors que la plupart des gens vivaient de l'artisanat et construisaient en bois pour que les maisons résistent aux séismes et soient faciles à reconstruire après les typhons.
Une foule de bateaux arborant les couleurs du Dongnan continental étaient amarrés le long des pontons. En les voyant, Yuya retrouva une vieille sensation d'inconfort qu'il avait oublié sur le continent. Ici, en Outremer, les Dongnanien de l'autre côté de la mer étaient considérés comme des colonisateurs.
Cette impression fut confirmée lorsqu'il vit un grand bateau blanc sur lequel était marqué de l'insigne des Collecteurs d'impôts, assermentés par le 總督, le Sōtoku, le Gouverneur du district d'Outremer, représentant de l'autorité du Dongnan.
La terreur qu'inspirait l'administration centrale du Dongnan poussait les pêcheurs aux petites barques longues à s'écarter du port pour éviter d'approcher du grand bateau. Ils allaient risquer leur sécurité en descendant contre les falaises pour éviter la police. La plupart d'entre eux pêchaient pour nourrir leurs familles et n'avaient pas de licence.
Yuya avait longtemps haï le Dongnan, comme tous les gens de son village. Les taxes qu'il imposait à l'Outremer étaient exorbitantes et les forces de l'ordre n'hésitaient pas à abuser de leur pouvoir dans ce district si loin de la civilisation, où les Cours de Justice étaient dirigées par des Dongnaniens continentaux.
Comment avait-il pu oublier l'injustice que subissait sa terre et sa colère contre le Dongnan, alors qu'il vivait des avantages du continent, profitant d'une éducation pro-colonialiste où on lui enseignait que le Dongnan avait apporté la civilisation, la médecine et l'ordre en Outremer.
Il eut soudainement honte de lui-même et regarda à nouveau sa bague de cèdre. Non, il ne méritait vraiment pas de revenir chez les siens. Il sentit la main de Mastani se poser sur son épaule avec douceur et leva la tête. Elle sourit sans rien dire.
Le Vindsang ne s'amarra pas. Les districts d'Outremer étant des colonies, les bateaux étrangers ne pouvaient pas s'arrêter s'ils n'avaient pas d'autorisations spécifiques à chaque port. Ces lois dures servaient à éviter le marché noir et l'apport d'armes étrangères, dans l'éventualité d'une révolte.
Grønvold n'avait donc pas de laisser-passer pour Kitajima.
En réalité, Mastani non plus, mais sa catégorie de sorcière lui donnait certains avantages, dont un droit de passage en zones colonisées, si elle allait tous les ans poser une vignette sur sa licence de sorcier, prouvant par la même occasion sa loyauté à l'Etat.
Cela faisait quelques années qu'elle n'avait pas changé sa vignette, mais elle comptait user des vieilles habitudes des douaniers qui regardaient à peine les licences pourvu qu'elles soient du Dongnan.
Mastani saisit à nouveau Yuya par le bras.
— Tu n'arrives toujours pas à utiliser la magie pour sauter ? demanda la sorcière en s'agrippant à la rambarde du bateau pour évaluer les dix mètres qui les séparaient du ponton. Accroche-toi à moi, je vais t'aider.
Sans qu'il ait le temps de répondre. Elle usa de la magie pour se propulser par-dessus le pont en entraînant son disciple avec elle. Ils retombèrent sur le ponton en faisant grincer le bois sous leur pieds et se retrouvèrent face au Vindsang qui commençait sa manœuvre pour sortir du port. Depuis la terre, le remorqueur avait l'air immense.
Yuya le regarda les dépasser avec un pincement au cœur.
Les marins apparurent tous sur le pont et se mirent à chanter en chœur pour saluer les deux sorciers qu'ils quittaient pour de bon. Ils chantèrent "Hanging Johnny"de voix puissantes qui résonnèrent sur l'eau, tandis que le klaxon du remorqueur annonçait sa sortie du port, en guise de dernier au-revoir.
They call me Hanging Johnny
Away, boys, away!
But I never hanged nobody
So hang, boys, hang!
Yuya vit le capitaine lui faire un signe de la main depuis la cabine de pilotage. Il sentit cette pointe de tristesse étrange lui percer le cœur. Il avait le sentiment qu'il ne les reverrait jamais.
https://youtu.be/c1dbzNqEz0E
Pour la photo de Kitajima: photo de la ville de Hualien face aux montagnes du Taroko, Taiwan, prise en juillet 2018.
Bon vent au Vindsang et à son équipage ! Que pensez-vous que ces marins vont affronter alors que Mastani et Yuya vont poursuivre leur aventure en Outremer ?
Avez-vous aimé ce chapitre ? Je vais faire des formats un peu plus courts par moments, parce que la temporalité de l'Outremer est différente de celle du Dongnan, vous verrez si vous sentez un changement ^^
Que pensez-vous qu'ils vont trouver sur cette terre ?
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