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Une fois encore je mets un masque pour venir te voir
-The truth untold

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Je m'étais réveillé le lendemain matin avec l'impression d'avoir le corps en miettes.

Ce n'était pas très éloigné de la vérité cela dit, les bandages de Jungkook me recouvraient pratiquement des pieds à la tête.

Il me les avait d'ailleurs changés dès mon réveil et m'avait de nouveau fait avaler des anti-douleurs, alors je me sentais un peu drôle depuis quelques heures, comme si je flottais légèrement au dessus du sol.

- Je suis passé en ville hier pendant que tu dormais, j'ai fait une petite réserve.

Il me montra deux sacs en plastique contenant les bandes de tissu blanc et les gazes qu'il était allé acheter.

Je me sentais un peu mal de le voir dépenser et s'occuper de moi... Je n'avais rien, donc pas de quoi le rembourser correctement,  même sans parler de la monnaie que les humains utilisaient.

Pour l'instant il ne me demandait rien en retour, mais je ne comptais pas le laisser veiller sur moi sans jamais payer mes dettes.

Il y avait également autre chose qui me taraudait depuis que j'avais compris où je me trouvais. Le Jungkook d'il y a vingt ans m'avait bien dit que la grande maison dans la forêt était celle de sa grand-mère, or il n'y avait personne.

Je ne pouvais pas vraiment lui demander où était son aïeule puisque je n'étais pas censé savoir à qui était le manoir.

Et puis, de façon générale, je n'osais pas trop lui parler de moi-même, initier la conversation, me contentant de répondre à ses questions, osant à peine croire à ce qui m'arrivait.

Être à visage découvert devant une autre personne avait quelque chose d'excitant et de terrifiant à la fois, j'avais l'impression qu'il pouvait découvrir le masque à tout instant.

- Tu peux me dire ce qui t'es arrivé ? demanda-t-il finalement alors que j'avais réussi à aller m'assoir à table en face de lui.

Il n'avait pas l'air pressant, même pas curieux, juste un peu inquiet. Il y avait de quoi je suppose, j'étais vraiment dans un sale état, et juste à côté de chez lui qui plus est, dans un endroit désert.

- Je faisais de la randonnée...

Les fées me disaient parfois quand j'étais petit que les seules personnes qui pouvaient s'approcher de notre abris étaient des randonneurs, ces gens qui allaient marcher dans la nature pour faire de l'exercice et prendre soin de leur santé.

- Je suis tombé, ajoutai-je, il y avait des ronces...

Jungkook me regarda un instant sans rien dire, puis acquiesça lentement. Je ne savais pas s'il croyait à mon histoire, mais il s'en contenta.

- Des ronces... Il y en a pas mal par ici.

Il garda le silence pendant quelques secondes puis secoua légèrement la tête comme pour changer de sujet et servit du riz dans mon bol et dans le sien.

Je commençai à manger, piochant dans tous les plats disposés sur la table en essayant de ne pas montrer que je me régalais et que j'aurais pu manger tout ce qu'il y avait dans cette maison en quelques minutes. La nourriture des fées était simple, frugale, et pratiquement jamais cuite, sauf quand elles me rapportaient un peu de viande, mais cela arrivait rarement.

Il ne s'agissait pas de cuisine comme ce que me servait Jungkook depuis mon arrivée.

- Ça te plait ? demanda-t-il avec un sourire amusé.

Finalement, je n'avais pas réussi à cacher complètement mon enthousiasme.

- Oui, tu cuisines très bien !

J'avais l'impression qu'il me regardait avec attention, mais je continuai à manger, ignorant ses yeux posés sur moi.

Je passai ensuite l'essentiel de la journée à me reposer sur le canapé. Jungkook, lui, était concentré sur son ordinateur portable.

Il n'avait aucune idée d'à quel point sa simple présence dans la même pièce que moi m'apaisait. J'avais toujours été très seul alors trouver une silhouette familière dès que j'ouvrais les yeux était agréable.

Le soir venu, il fallut à nouveau vérifier les pansements.

Il était très attentionné dans ces moments là, ses doigts se faisant légers au possible pour éviter de me faire mal.

Je ne pouvais m'empêcher de me demander si c'était ainsi qu'une mère prenait soin de son enfant. Peut-être que si je n'avais pas été repoussant, ma génitrice m'aurait aussi touché avec autant d'attention, comme si j'étais quelqu'un de précieux et fragile.

Même si cela me rappelait les circonstances qui m'avaient amené à être blessé, je ne pouvais arrêter complètement le sourire qui s'étalait sur mon visage à chaque fois qu'il me soignait.

- Tes blessures ont beaucoup réduit, s'exclama-t-il cette fois-ci, on dirait que tu récupères vraiment bien. Tu dois vraiment avoir une santé solide.

Je hochai la tête, me demandant si ma vitesse de régénération était à ce point exceptionnelle du point de vue d'un humain. Peut-être qu'il allait me trouver bizarre s'il n'y avait plus rien d'ici une semaine...

Et s'il me trouvait vraiment trop étrange et qu'il me mettait dehors ?

Mon sourire disparut, attirant tout de suite l'attention de Jungkook qui passa une main sur le dessus de mon crâne pour ébouriffer mes cheveux.

- Fais pas cette tête, tu pourras rester encore un peu même une fois rétabli. Je vois bien que t'as des problèmes et la maison est grande alors ça me dérange pas si tu en as besoin.

J'ouvris de grands yeux ronds, comprenant peu à peu ce qu'il me proposait. Est-ce qu'il venait vraiment de me dire qu'il était prêt à m'héberger ?

- Merci, soufflai-je, sa main toujours sur ma tête, je t'aiderais dans la maison c'est promis, je ne veux pas être un poids pour toi. Je partirai dès que possible.

Je ne savais pas faire grand-chose, mais j'étais prêt à apprendre et à mettre la main à la pâte, il était hors de question que je me laisse inviter chez lui et qu'il fasse tout à ma place.

Sa main quitta mes cheveux quand il se redressa avec un sourire.

- Comme tu veux, mais j'ai quelques conditions.

Ah... Nous y voilà.

Je savais bien que c'était trop beau pour être vrai, personne n'acceptait comme ça un inconnu chez lui juste par gentillesse.

Il allait vouloir quelque chose en échange, mais je ne pouvais rien lui donner, pas même des réponses à ses questions...

- Premièrement, tu prendras une chambre à l'étage, je ne peux pas te laisser dormir sur le canapé si tu restes. Ensuite, il faut que je puisse t'appeler par ton nom, donc si tu ne veux pas me dire le tien, pour quelque raison que ce soit, il va falloir en trouver un autre pour le temps que tu passeras ici.

Je le fixai une seconde, à court de mots et légèrement abasourdi.
J'avais envie de pleurer. Pourquoi...? Je n'en avais aucune idée.

Je retins mes larmes et acquiesçai de nouveau.

- Tu peux m'appeler comme tu veux, lui dis-je en lui offrant un sourire crispé.

Il s'esclaffa et se détourna pour ranger la bouteille de désinfectant et les ciseaux.

- Tu sais, commença-t-il en ouvrant le placard à pharmacie de l'autre côté du salon, quand je t'ai vu dans la forêt, avant de comprendre que tu étais blessé, je pensais que tu étais un fan égaré.

- Un fan ? demandai-je, ne comprenant pas trop le rapport avec ce que nous venions de dire.

- Oui, je me suis retiré dans cette ancienne maison de famille pour écrire. Je suis un écrivain, assez connu depuis que mon premier roman a été adapté en drama à la télévision.

Je n'avais aucune idée de ce qu'était un drama, mais je pensais comprendre ce qu'il entendait par écrivain et roman. En gros, il écrivait des livres, et les gens le connaissaient.

- Tu me rappelles un peu le héros de mon livre, expliqua-t-il en se retournant vers moi, il se retrouve seul dans un endroit qu'il ne connait pas et il a perdu la mémoire alors il a besoin d'aide.

Il revint s'assoir à côté de moi, tout sourire.

- Je vais t'appeler comme lui, Taehyung.

×

Taehyung.

Quelqu'un avait trouvé que j'étais assez digne d'intérêt pour me donner un nom. Et une chambre.

J'étais actuellement assis sur mon lit, les jambes repliées contre ma poitrine et le sourire aux lèvres.

J'avais toujours dormi à la belle étoile, mais aujourd'hui, j'étais heureux de contempler la lune à travers le cadre de la fenêtre.

J'étais heureux de pouvoir me rappeler de la chaleur de la main de Jungkook sur ma tête, de son regard concerné et curieux, de son sourire.

Toutes ces petites choses pouvaient paraitre normales pour n'importe quel humain, mais j'avais l'impression que tout était spécial.

Jungkook avait été la première personne qui m'avait adressé la parole, et il était aujourd'hui la première personne à vraiment s'inquiéter pour moi.

Ce n'était pas un gardien, c'était une sorte... d'ami ? Quelqu'un qui choisissait de m'accueillir et de rester avec moi, et ça me donnait l'impression de valoir quelque chose.

S'il voulait bien de ma présence, c'est que je devais être un minimum intéressant.

J'étais impatient de voir ce qui allait se passer. J'étais heureux, juste à l'idée que lui et moi puissions devenir amis.

Que moi, Taehyung, puisse avoir un ami.

Mes doigts parcoururent mon visage. La peau semblait naturelle, c'était vraiment comme si je ne portais rien.

Je ne savais pas comment enlever cette chose, mais je doutais d'en avoir envie un jour. Sans cela, rien n'aurait été possible. Jungkook aurait pris peur comme vingt ans plus tôt et m'aurait laissé mourir dans la forêt.

C'était la seule ombre au tableau, la seule chose qui parvenait à entacher mon bonheur actuel, mais tant que j'avais le masque, tout irait bien.

Si mon père me l'avait offert, c'était bien pour que j'aie une vie normale non ?

Mon père... Je sentais son influence partout dans ma vie, il était le créateur de ma prison d'épine, le maître des fées et le propriétaire de ce masque, mais je ne l'avais jamais vu de mes yeux.

Mes gardiennes me l'avaient parfois décrit comme un grand personnage qui, comme moi, pouvait en effrayer certains. S'il avait eu besoin du masque pour s'approcher de ma mère, il y avait des chances pour qu'il soit difforme lui aussi, mais sûrement moins que moi, sans quoi il n'aurait pas eu honte de moi au point de m'enfermer dans le monde des mortels.

J'étais tout de même heureux de voir qu'il s'était soucié de ma personne pour cette fois, même si je ne comprenais toujours pas pourquoi ce cadeau était arrivé aussi tardivement. Sans doute ne le saurais-je jamais, je doutais d'avoir un jour l'occasion de lui poser des questions.

Je tournai la tête vers la porte entrouverte par laquelle filtrait un peu de lumière. Comme j'avais beaucoup dormi le premier jour, je n'avais pas remarqué s'il avait aussi veillé tard, mais ce soir, j'entendais toujours faiblement les touches de son ordinateur au rez-de-chaussée.

Quand il était devant son écran et ses piles de petits carnets, il avait l'air tellement concentré que le reste du monde aurait pu s'écrouler autour de lui sans qu'il s'en aperçoive. C'était beau à regarder pour moi qui n'avais jamais été passionné par rien.

Je voulais comprendre. Le comprendre lui, mais aussi les humains de façon générale, j'avais envie de savoir tout ce qu'il y avait à savoir, de tout découvrir, de pouvoir devenir un peu plus humain moi aussi.

Ce que je voulais le plus, c'était rester l'ami de Jungkook. Petit comme grand, il avait été présent pour moi, et même s'il m'avait déjà tourné le dos une fois, je ne pouvais pas lui en vouloir, j'aurais fait la même chose...

Disons que je voyais notre deuxième rencontre comme une seconde chance, la possibilité d'apprendre réellement à se connaitre, sans que tout ne se brise comme la première fois.

Je redressai la tête en entendant le bruit de ses pas dans les escaliers, je n'avais même pas fait attention à l'arrêt de celui de ses doigts sur les touches du clavier.

Je l'entendis se rapprocher et je me couchai immédiatement sur le côté, feignant d'être endormi.

Ses pas arrivèrent tout près de la porte et une ombre noire masqua la lumière par l'entrebâillement. Je vis à travers le faible espace de mes paupières légèrement entrouvertes la porte bouger un peu, sans doute pour qu'il jette un coup d'œil à l'intérieur.

Il ne regarda pas longtemps, sûrement juste le temps de m'assurer que j'étais confortablement installé, puis il s'éloigna et la lumière finit par s'éteindre. La lueur chaude du lustre du salon fut remplacée par celle, plus froide, mais plus douce, de la lune dehors.

Cette lumière-ci m'était plus familière. Même si tout mon monde venait de changer brutalement et que ma vie avait radicalement pris un autre tournant, la lune ne changeait pas. Je l'avais toujours trouvée très belle, et je m'étais toujours dit que j'aurais préféré être un enfant d'une divinité de la lune... Peut être n'aurais-je pas été aussi repoussant.

Mais aujourd'hui, la lumière de la lune éclairait un visage tout à fait normal, aux traits humains.

Je les touchai encore une fois, ne me lassant pas de ma nouvelle apparence.

Quelque chose me fit soudain me redresser dans mon lit, une simple constatation.

Ce nouveau visage, je ne l'avais jamais vu.

Je fis circuler mon regard autour de moi mais ne trouvai aucune glace, par contre, mes yeux s'arrêtèrent sur une petite porte que Jungkook avait désignée un peu plus tôt comme étant celle de ma salle de bain.

Je me levai le plus silencieusement possible, retirant la couverture de mes jambes pour me faufiler jusqu'à la porte, le cœur battant.

Comment avais-je pus ne pas y penser pendant tout ce temps ?

Probablement à cause des calmants qui m'avaient un peu étourdis ces derniers jours... Et à cause du fait que regarder mon reflet m'était tout sauf naturel avant.

J'abaissai la poignée et me glissai dans la petite pièce, allumant la lumière pour découvrir un carrelage blanc et bleu ciel ainsi qu'une petite douche, des toilettes et un lavabo. Un lavabo au-dessus duquel se situait un grand miroir.

Je m'avançai courbé, pour ne pas encore voir mon visage. Et si le masque m'avait juste rendu normal mais avait gardé ma laideur ? Cela aurait expliqué une partie de la pitié dans les yeux de Jungkook.

Et si j'étais juste un peu moins horrible ?

Je me redressai timidement, avec hésitation, et le haut de mon front finit par apparaître, avec mes yeux, marrons comme ceux de Jungkook.

Je continuai encore un peu, et à part une expression un peu crispée, je ne décelai rien d'anormal sur mon visage.

Je clignai plusieurs fois des yeux, à présent debout devant la glace, et touchai ma peau. Personne n'aurait pu dire que je portais un masque.

Mes traits se détendirent et je me mis à tourner la tête un peu dans tous les sens pour m'observer sous toutes les coutures. Je n'avais pas énormément de critères ni de comparaison possible, mais je ne pensais pas être particulièrement moche.

C'était étrange tout de même... Je me reconnaissais toujours, mais c'était comme si on avait gommé tout ce qui n'allait pas, tout ce qui sortait du cadre. Mes traits principaux étaient toujours là, mais il manquait ce qui me rendait effrayant et monstrueux autrefois.

Une larme s'échappa de mon œil gauche et se mit à rouler sur ma joue. Étonné, je l'écrasai du dos du pouce avant qu'elle n'atteigne ma bouche.

Je n'étais pas triste pourtant...

Je n'en avais pas encore conscience, mais la douleur et la peine n'étaient pas les seules émotions qui pouvaient vous arracher des larmes, rendre vos yeux humides.

Joie, frustration, surprise, plaisir... J'allais tout expérimenter.

Il le fallait, pour devenir humain.

×

Et voilà le chapitre du week end ^^
Taehyung a enfin un nom :3

Je ne sais pas trop quoi dire pour cette partie, donc je vais parler de quelque chose qui n'a pas vraiment de rapport x)
Je sais que j'ai un art book ici, mais je pense de plus en plus à le laisser tomber pour me concentrer un peu plus sur mon compte Instagram que j'ai enfin commencé à remplir :')

Donc si vous voulez y jeter un œil, n'hésitez pas :3

À la semaine prochaine ! :)

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