× 21 ×

J'ai toujours eu peur d'être quelconque
En regardant mon corps je me sentais misérable
Toujours accroché à l'apparence
Je veux être invisible
-Whatever it takes

×××

- Quand le dieu Sanshin m'a confié la protection de cette forêt et que je suis devenu une divinité, j'ai été accepté dans cette dimension qui nous est propre, et celle des hommes m'est devenue difficile d'accès. Ma présence n'est nécessaire que si la forêt se meurt. Même en retenant un maximum ses effets comme tout à l'heure, le simple fait d'être ici fait foisonner la vie autour de moi et pourrait vite tout dérégler. Les pouvoirs des divinités sont trop puissants pour que nous nous baladions physiquement dans cette dimension sans conséquences. Nous utilisons des intermédiaires, pour que ces pouvoirs arrivent à vous à petites doses.

Mon père leva une main et pointa les fées du doigts.
L'une d'elles, visiblement heureuse d'être le centre de l'attention, se mit à voleter vers nous, jusqu'à aller s'asseoir sur l'épaule de son maître.

- Elles sont d'une certaines façon mes filles. Je les ai créées même si je ne m'y suis pas pris de la même façon que pour toi. On pourrait les considérer comme tes grandes sœurs, même si le concept de famille ne leur est pas très familier. En tout cas celles qui se sont occupées de toi t'apprécient beaucoup, elles étaient tristes de devoir te quitter.

Mes grandes sœurs. C'était vrai. Puisqu'elles avaient toujours été ma seule famille, ce rôle leur allait bien.
Je tendis les doigts vers le petit être qui voleta jusqu'à moi pour s'asseoir grossièrement en tailleur sur ma paume, se moquant visiblement de nos positions.
Je laissai échapper un sourire et ramenai ma main vers moi, faisant reposer mon avant bras sur ma cuisse.
De l'index de l'autre main, je me mis à caresser la tête de la petite fée, pas plus grosse qu'un grain de raisin, mais garnie de petits cheveux duveteux.

- Elles m'ont manqué aussi...

Leur peau bleutée et leurs grands yeux d'insectes me sortaient par les trous de nez pendant certaines périodes de mon enfance ou de mon adolescence, c'est vrai, mais je devais avouer que depuis un mois j'avais beaucoup pensé à elles.

- Le masque permet de devenir humain momentanément, poursuivit mon père, il stoppe donc aussi les effets de nos pouvoirs. Les quelques fleurs bleues que tu vois là ont poussé lorsque tu es revenu récupérer mon cadeau ici à ta sortie du lac. Et maintenant que tu te tiens là sans le masque, d'autres vont arriver.

Jusque là, je comprenais, il s'agissait de conclusions auxquelles j'étais déjà arrivé.

- D'où vient-il ? demandai-je, avide de comprendre.

- C'est Sanshin qui l'a créé pour moi. Je désirais devenir humain... Pour une femme.

Je pinçai les lèvres, cessant de caresser la fée qui resta tout de même étendue dans ma main, en profitant pour se reposer un peu.

- Le masque nous donne une apparence humaine... soufflai-je. Mais ce n'est qu'un mensonge. Et quand on aime quelqu'un, qu'on veut être avec lui... Mentir, c'est...

- Tu penses que l'apparence que tu as avec le masque n'est pas la tienne ? Qu'elle n'est qu'un leurre ? C'est toujours toi tu sais, tu ne voles le visage de personne. C'est toi, seulement une version un peu différente. Les humains qui se maquillent ou se déguisent en font parfois autant.

C'était moi, mais il y avait tellement plus qu'une question d'apparence... C'était toute ma vie que j'essayais de cacher à Jungkook, ainsi que notre première rencontre... C'étaient toutes ces choses que je ne supportais plus de lui cacher.

- Mais le masque ne sert pas qu'à ça. En fait, ce n'est même pas son but premier.

- Quel est son but alors ?

Il sourit un instant avant de répondre.

- Je t'ai dit que je voulais devenir humain. C'est ce que le masque de Sanshin fait.

Un rire nerveux m'échappa.
Le masque ne me transformait pas, j'étais toujours aussi hideux, et il me faisait juste mal inutilement.
Mais je vérifiai tout de même en me touchant le visage. Peut être que mes défauts avaient diminué ?
Non... Ils étaient toujours là, de la même taille qu'avant.

- Il n'agit pas comme ça, me corrigea-t-il en comprenant ce à quoi j'avais pensé. Tu as besoin d'un autre humain. En fait, à partir du moment où tu as porté le masque de Sanshin une fois, si un être humain est capable de t'aimer toi, sous ta vraie forme, s'il t'embrasse sans le masque, tu peux choisir d'adopter une forme humaine.

Je venais sûrement de me prendre une tonne de pierres sur la tête, cela expliquait pourquoi je me sentais brusquement assommé.
M'embrasser sans le masque ? Mais qui voudrait...?
J'essayai de m'imaginer ainsi face à Jungkook, mais la seule fois où je l'avais fait, ici même, je l'avais juste terrifié.

- C'est... C'est ce que vous avez essayé de faire alors...?

- Oui. Ça faisait des mois que j'observais une jeune femme depuis notre dimension. Une biologiste qui était venue travailler avec un petit groupe dans cette forêt. Elle me distrayait, et je me plaisais à veiller sur elle et à envoyer les fées créer de belles fleurs pour elle et son équipe. Avant que je ne le réalise, je passais mes journées à ne m'occuper que d'elle...

Un sourire beaucoup plus doux fleurit sur les lèvres fines de l'homme assis devant moi. Son regard se voila légèrement, tombant dans le vague comme s'il regardait vers le passé.
Il voyait sans doute son visage, se souvenait d'elle et de tout ce temps passé à la regarder.

- J'ai demandé à Sanshin de faire quelque chose pour moi... De toute manière, j'étais devenu une divinité assez inutile, je négligeais mes devoirs... Je lui ai demandé de me laisser une chance, de commencer à me chercher un remplaçant. C'est là qu'il m'a donné ce masque.

J'avais du mal à imaginer correctement les événements, il y avait encore tellement d'inconnues pour moi.
À l'extérieur, un bruit ténu m'indiqua que la pluie commençait à tomber.
Je risquai un regard vers le plafond du jardin.
Il était ouvert au dessus du feu, et ce dernier allait peut être bien s'éteindre, mais la végétation créée par la présence de mon père nous protégerait lui et moi.

Je me concentrai donc à nouveau sur mes questions :

- À quoi ressemblait-elle ?

Il posa le menton au creux de sa main, plongeant à nouveau dans ses souvenirs, mais restant conscient de ma présence, puisqu'il me répondit :

- C'était une femme grande, elle avait une allure et une aisance que peu ont dans les bois. Elle était curieuse de tout, et vraiment passionnée par ce qu'elle faisait. Elle pouvait rester assise des heures à faire un croquis ou à juste observer, prendre des photos. Elle adorait la photo, vraiment. Si elle n'avait pas été biologiste, elle serait devenue photographe. Physiquement, tu lui ressembles beaucoup. Tes yeux sont identiques, seule leur couleur vient de moi, avec le masque la ressemblance est frappante. La forme de ton visage aussi, ton nez rond,... Tu me la rappelles beaucoup.

Je tentai d'imaginer cette femme, en vain. Je n'avais pas assez d'informations... Je me sentais à la fois heureux d'en apprendre un peu sur celle qui m'avait donné naissance, et frustré de ne pas pouvoir la voir de mes yeux.

Sensibles aux émotions négatives, les fées couinèrent et celle qui se trouvait dans ma main s'ébroua avant de se relever et de secouer mon pouce avec force pour attirer mon attention.

Laisse moi te montrer ! Je vais te montrer ! Nous étions là aussi !

Je questionnai mon père du regard mais il se contenta de hocher la tête, semblant trouver l'idée acceptable.

Je relevai ma main devant mon visage et d'autres petits êtres s'agglutinèrent sous mes yeux, les cinq fées semblant pressées de participer.

Lorsque j'étais enfant, elles me montraient ainsi tout ce qu'elles ne pouvaient pas faire entrer dans mon jardin, projetant leurs images mentales dans mon esprit. J'étais habitué à cette drôle de sensation.

Elles posèrent toutes leurs mains minuscules sur ma tête, tout autour de mon front et sur mes joues, et je fermai les yeux.

D'abord, tout ce que j'entendis fut le bruit de la pluie, de plus en plus intense, puis il s'éteignit et l'image d'une forêt dense apparut sous mes paupières.

Les points de vue des fées étaient souvent partiels, et puisqu'elles avaient en grande partie espionné ces passages, je voyais la scène de loin, mais le fait qu'elles soient ici cinq à me transmettre leur mémoire m'aidait à y voir très clair.

Je reconnus mon père sous sa forme humaine arriver dans la clairière où je me trouvais désormais. Une femme y était assise, ses cheveux lui tombant en un carré très noir juste en dessous du menton. Il me semblait qu'elle avait les yeux fermés et le visage tourné vers le soleil.
Un gros sac gris à bandoulière était posé juste à côté d'elle à l'ombre. Elle devait faire une pause dans son travail.

Mon père s'approcha et la salua. Les fées, reliées à lui, avaient alors senti son cœur battre tout rompre à cet instant.

- Bonjour...

La jeune femme ouvrit les yeux. Elle avait bel et bien les mêmes que les miens... C'était troublant.
Elle observa l'homme devant elle un instant, remarquant ses vêtements plus que sommaires et ses pieds nus.

- Vous êtes perdu monsieur ?

Sa voix me donna un léger frisson. J'avais envie de tendre la main vers elle, de courir dans sa direction, de lui parler... Mais le souvenir se fana et disparut comme il était venu, laissant place à une vue sur les carreaux d'une maison, frappés par la lumière d'un temps beaucoup plus nuageux.
Je ne pouvais que regarder à travers, les fées n'étaient évidemment pas rentrées dans ce qui ressemblait à un petit appartement de la ville.

Mon père et ma mère riaient autour d'une table sur laquelle reposaient les restes de leur repas terminé, un verre dans la main.
Il me semblait que mon père racontait quelque chose.
Ils avaient l'air heureux, ils s'observaient un peu comme pouvaient le faire Yeri et Hoseok, avec cette tension dans les silences.

C'était étrange, de les voir heureux et si beaux ensembles... N'était-ce pas une histoire qui finissait mal ?

Les fées répondirent à ma question en changeant à nouveau de décor.
Une plage, la forêt de nouveau, à plusieurs endroit, un parc, une maison,... Je suivis mes parents à beaucoup d'endroits, les observant toujours une minute, contemplant leur bonheur.
Tout avait l'air si... Parfait. Lui ne semblait pas se soucier de porter un masque, et elle avait l'air si amoureuse...

Jusqu'à ce retour dans la toute première clairière.
Les traits désormais familiers de la jeune brune étaient fermés, ses cheveux beaucoup plus longs que la première fois.
Mon père était en train de parler, sa voix me parvenait doucement, mais son appréhension surtout, sa peur, son angoisse même.
Ma mère l'écoutait parler, tendue, et je compris à quel moment nous étions.

C'était celui que je redoutais de provoquer avec Jungkook, celui qui me terrifiais.
Et je saisis finalement pourquoi le grand Haetae m'avait expliqué tout à l'heure qu'on m'avait caché toute cette partie de l'histoire pour ne pas me décourager, ou me faire peur.
C'était maintenant que tout s'écroulait. Que l'histoire heureuse prenait fin.

Le masque tomba dans l'herbe et la bête imposante apparut dans la clairière dans un hurlement de terreur venant de l'humaine.
Elle tomba à genoux et se prit la tête entre les mains, criant que ce n'était pas possible, que ce n'était pas vrai.

Mon père essaya de parler, mais elle lui hurla de partir, de la laisser, pour toujours.
Elle avait été trompée par un monstre, et le réaliser était forcément un choc.
Je ne pouvais qu'imaginer sa détresse, mais je ressentais celle de mon père.
D'abord parce que je la partageais, notre situation étant curieusement similaire, mais aussi parce que les fées avaient ressenti ses émotions avec violence.

Je manquai de suffoquer, me rappelant de justesse que je devais respirer, et je faillis perdre le contact avec le fil de souvenirs, mais je me ressaisis à temps pour voir le dernier arriver.

Les cris cessèrent brusquement, pourtant l'endroit était toujours le même.
Les plantes avaient un peu changé, la luminosité et le point de vue exact aussi, mais nous étions toujours dans la clairière.
Une femme s'avançait seule, le pas lent, l'air peu décidée.
Elle portait quelque chose contre sa poitrine, serré fermement contre elle et enveloppé dans du tissu bleu clair.

Quand elle s'approcha de la lisière où les fées s'étaient cachées à l'époque, je vis qu'elle pleurait. Ou en tout cas, elle l'avait fait. Ses yeux et ses joues étaient humides.

Elle se sépara lentement de son chargement et se pencha doucement vers l'herbe haute, le déposant avec un soin tout particulier. Un sanglot lui échappa quand elle posa les yeux sur ce qu'elle venait de lâcher et un hoquet de surprise me secoua à mon tour.

C'était un bébé.
Un bébé cornu, recouvert d'écailles et de fourrure. Ses oreilles étaient pointues, tout comme ses dents et ses yeux ressemblaient à ceux d'un serpent.
C'était moi.

Ma mère releva la tête et sembla regarder droit dans ma direction, ou plutôt celle de la créature à qui appartenait ce souvenir. Je tremblai devant sa détresse évidente.

- Je t'en prie ! Seonwoo ! Si tu es là... Prend ton enfant... Je ne peux pas l'élever, il n'appartient pas à mon monde... Il...

Elle baissa un instant les yeux vers sa progéniture qui commençait à s'agiter, perturbée par ses cris.
Sa voix s'étrangla et elle plongea son visage dans ses mains.
Elle pleura un moment avant de se relever.
Elle avait l'air fatiguée, exténuée même, elle était pâle et maigre.

- Prend soin de lui je t'en prie. Je ne peux pas le protéger... Pas moi...

Le bébé commença à pleurer lui aussi, et comme si elle prenait peur, la jeune femme commença à reculer.
Elle jeta un regard perdu vers la forêt, un autre, déchiré, à son enfant, puis elle ferma les yeux de toute ses forces pendant une seconde avant de se retourner brusquement et de partir en courant.

Je la regardai s'éloigner, sous le choc. Quand elle eut disparut de l'autre côté de la clairière, je me sentis furieusement vide.
C'était donc la dernière fois que j'avais vu ma mère...

Un cri strident me ramena à moi et je me sentis voleter jusqu'au petit emmaillotté dans sa couverture bleue.
Quand son regard doré croisa le mien, il s'arrêta de pleurer, ouvrant de grands yeux curieux.
S'observer soi-même était vraiment une expérience curieuse. Je me perdis dans mon propre regard, essayant de me rappeler ce moment de mon point de vue, sans succès.
J'étais bien évidemment trop jeune pour ça.

Le bébé et ses joues rondes finirent par s'effacer lentement à leur tour et le jardin nocturne revint.
Ma respiration sifflait dans ma gorge et mon cœur battait bien trop vite, ça avait été un voyage particulièrement éprouvant.
Je mis un moment à réussir à me tenir droit sans l'aide de mon père qui s'était rapproché et je constatai que le feu s'était éteint, douché par l'averse qui tombait au centre.

Il faisait sombre, nous n'avions plus que quelques lucioles et la lumière diffuse de la lune à travers les nuages pour nous éclairer.
Pourtant je croisai le regard de mon père assez facilement.

- Elle ne voulait pas me laisser, soufflai-je sur un ton légèrement saccadé, elle était triste...

- Bien sûr qu'elle aurait préféré te garder avec elle. Jaein était une femme pour qui la famille comptait énormément.

Je réussis à retrouver à peu près mon calme et il lâcha mes bras avant de s'asseoir à côté de moi, l'air un peu triste. Il devait avoir vu une partie de ce que j'avais vu, puisqu'il avait été en contact avec moi sur la fin.

- Pourtant elle vous a rejeté...

- À l'époque dans laquelle elle vivait, et avec la famille qu'elle avait, c'est compréhensible... Elle était perdue, elle était terrorisée, et elle était jeune aussi... Je ne savais pas qu'elle était enceinte quand je l'ai quittée. Je l'ai compris quand elle est venue te confier à moi. Avant et après ça, elle n'a pas remis un pied dans la forêt, elle était en dehors de mon champ de vision. Je l'ai perdue de vue...

Elle ne m'avait pas abandonné sans remords et sans pitié comme je l'avais longtemps cru. Il s'agissait évidemment de mon apparence, mais elle n'avait pas eu l'air de me traiter comme un monstre...

- Jaein...

- Min Jaein, c'est le nom de ta mère. Et mon nom humain était Kim Seonwoo. Je n'en avais pas avant de mettre le masque, c'est à vrai dire le seul que j'aie jamais eu. J'ai vu que tu en avais reçu un toi aussi. Kim Taehyung.

Ma lèvre inférieure trembla et je me contentai de hocher la tête en de ramener mes genoux sous mon menton, encore perturbé par le retour dans le passé que je venais de vivre.

- Comment le savez vous ?

- Je n'ai pas arrêté de veiller sur toi tu sais ? J'attendais le bon moment pour te confier le masque et te laisser une chance de devenir ce que tu voulais être à ton tour. Je me suis assuré que tu sois à l'abri toutes ces années, j'ai éloigné tous ceux qui s'approchaient. Jusqu'à ce garçon... Il avait une âme très pure, une âme d'enfant, je me suis dit que votre rencontre pourrait t'être bénéfique. Et puis il y a eu ta chute dans le lac.

Son air triste quitta son visage et il se retourna vers moi, presque enthousiaste dans ses explications.

- Tu l'aurais vu ce petit, il est retourné sur le lac, il te cherchait. Il a continué à t'appeler jusqu'à ce que sa mère vienne l'emmener. J'aurais pu te sortir de l'eau et te faire regagner le jardin... Mais j'ai senti qu'il était temps de faire quelque chose, que cette rencontre n'était pas anodine. Je t'ai placé en sommeil, jusqu'à ce qu'une opportunité se présente. Quand il est revenu, je t'ai réveillé. Je me disais que même si lui n'était pas capable de t'aider, c'était la meilleure piste possible pour le moment, et qu'il fallait bien te lancer dans le monde un jour.

Je digérai lentement et en silence les informations qu'il faisait pleuvoir sur ma tête, ne sachant pas trop quoi en penser.
Mon père que je croyais absent avait en réalité tiré les ficelles dans l'ombre, depuis sa dimension, contrôlant chaque aspect de ma vie, jusqu'à ma rencontre avec Jungkook...

- Vous avez décidé de tout pour moi... murmurai-je.

- Nous n'avions pas une grande marge de manœuvre, à partir du moment où tu entrais en possession du masque, le compte à rebours commençait. Il fallait que je trouve le meilleur moment pour te le donner, c'est tout. Je l'ai attendu, et Jungkook l'a provoqué en débarquant dans ta vie.

J'étais extrêmement mitigé quant à cette partie de l'histoire, mais je n'avais pas envie de perdre du temps à me disputer avec lui au sujet de son contrôle sur ma vie. J'étais déjà bien conscient depuis tout jeune de ma condition de pion, de prisonnier même.
Au moins, j'apprenais que tout avait été pensé avec de bonnes intentions au départ, cela rendait les choses plus douces...

- Quel compte à rebours ? Ça a à voir avec les crises provoquées par le masque ?

Il m'observa un instant puis hocha la tête.

- Un artefact aussi puissant ne peut pas être illimité. Le masque a une durée de vie totale d'un an lorsqu'il est porté. J'ai révélé mon identité à Jaein un peu plus d'un mois avant la date limite. C'est le temps qu'il te restait quand je te l'ai confié. Les douleurs sont des avertissements.

Un peu plus d'un mois.
La petite fête que Jungkook venait juste d'organiser résonna un peu différemment dans mon esprit lorsqu'elle me revint en mémoire.
Cela faisait précisément un mois que j'étais sorti du lac, que j'avais mis le masque...

- C'est trop tôt...! m'étranglai-je. Je ne peux pas déjà lui montrer ! En presque un an ma mère n'a pas réussi à vous aimer assez, comment pourrait-il...?

La panique me quitta aussi vite qu'elle m'avait gagné lorsqu'il m'attrapa fermement les épaules pour me retourner bien face à lui.

- Taehyung. Jungkook n'est pas Jaein. Ta mère était fragile et écrasée sous la pression familiale, elle rêvait de normalité et d'une vie bien rangée. Jungkook a grandi dans une famille beaucoup plus libre et ouverte, il rêve sans cesse, il vit porté par son imagination. Il faut que tu lui fasses confiance et que tu sautes le pas, tu n'as pas le choix.

Je voulais protester, m'insurger, mais il avait raison. Ses mots n'étaient rien de plus que l'écrasante vérité...
Je devais lui faire confiance et sauter le pas. Cesser de repousser ce moment encore et encore.
Et comme il l'avait dit, Jungkook n'était pas comme ma mère. Pas même comme Seokjin. Il était très spécial.

- Je dois bientôt y aller, finit par déclarer mon père en commençant à lacher doucement mes épaules. J'aimerais rester plus longtemps, mais je te prends du temps, et Sanshin est formel, les divinités sous son commandement ne sont pas censées venir ici comme bon leur semble.

Non, pas déjà...?
J'avais tellement de choses à lui demander, tellement de choses à lui dire, trop d'années à rattraper...!

Ma détresse dut se voir sur mon visage, car finalement, ses mains ne quittèrent pas mes bras.

- J'ai encore le temps pour une question, choisis-la bien.

Cela aurait pu sonner comme un dilemme, mais à vrai dire, une en particulier me brûlait les lèvres depuis quelques minutes :

- Ma mère... Vous savez ce qu'elle est devenue ?

- Non... Avant de la quitter, elle habitait Ilsan, mais tout ce que j'ai réussi à apprendre depuis était qu'elle avait déménagé...

Je répétai plusieurs fois ces informations dans ma tête, pour être certain de ne pas les oublier.
Min Jaein, Ilsan. Min Jaein, Ilsan.
Je hochai fermement la tête une fois bien sûr de les avoir mémorisé, mais une paire de bras s'enroulant autour de moi me prit soudain au dépourvu, manquant de tout me faire sortir de la tête.

Mon père me serra un instant contre sa poitrine.

- Je suis heureux d'avoir pu te rencontrer Taehyung. Je suis fier de la personne que tu es devenu, n'en doute jamais. Mon plus grand regret aura toujours été de ne pas avoir pu être un père pour toi.

Son visage était penché et à moitié enfoui dans mon épaule, mais ses mots étaient très clairs et venaient de me figer sur place.
Nous restâmes dans cette position pendant un long instant, une petite poignée de minutes peut-être.
Peu importe à quel point il était pressé par le temps, je crois que avions aussi peu envie l'un que l'autre que ce moment se termine.
Il avait été bien trop bref.

Quand il s'écarta, ses yeux étaient aussi brillants que les miens

- Maintenant tu sais tout et tu as toutes les cartes en main mon fils, j'espère que le destin sera clément avec toi.

Après ces mots, il recula de quelques pas, dépassant le feu éteint et arrivant devant la grande entrée qu'il avait façonnée.
Il pencha le visage en avant et retira le masque qu'il me lança immédiatement, tant que ses mains possédaient encore des doigts.

Je l'attrapai maladroitement, avec l'impression que mes mains pesaient dix kilos chacune et les yeux rivés sur la transformation plus qu'impressionnante de mon géniteur.
Quelque part, je comprenais ce que ma mère avait pu ressentir... Il était évident qu'il était quelque chose qui n'entrait pas dans la compréhension humaine.
Il n'était pas une simple créature, même pas un monstre, il était un dieu, et sa simple présence était écrasante et avait quelque chose d'effrayant.
S'imaginer passer sa vie avec une personne aussi hors du commun pouvait en repousser certains j'imagine.

Restait à savoir ce qu'en penserait Jungkook.

Le grand Haetae prit une grande inspiration une fois sa transformation achevée et il posa ses pupilles si particulière sur ma personne une dernière fois.

- Cette fois-ci, les fées ne seront jamais bien loin, et promis, plus de mystères. Si tu as besoin de moi, elles seront nos intermédiaires.

Je souris, sincèrement soulagé de ne pas être abandonné une nouvelle fois, complètement livré à moi même.
J'essuyai mon visage trempé avec l'une des manches de mon pyjama rayé et secoua la main vers l'immense bête qui reculait déjà dans l'obscurité de la nuit.

- Je suis heureux moi aussi.

D'avoir pu le rencontrer, d'avoir vu ma mère, d'avoir obtenu certaines réponses qui m'avaient échappées toute ma vie.

Il disparut dans un sourire et le nuage doré qui l'entourait sous sa forme divine s'évanouit dans la nature quelques secondes après lui.
Les fées, elles, vinrent se percher sur mes épaules, discutant activement entre elles de tout ce qui venait de se produire et de tout ce qui pouvait arriver désormais.

Je les écoutai d'une oreille distraite, les observant toutes tour à tour.

Cette famille n'était pas parfaite, c'est vrai. Mes parents n'avaient pas été très présents dans ma vie, et mes sœurs étaient un peu tyranniques parfois, et excentriques surtout. Mon père était un lion géant et ma mère était perdue quelque part dans le pays, si elle n'avait pas quitté ce monde durant ces quarante dernières années, ce n'était pas le genre de parents que je pouvais facilement présenter.
Elle était loin d'être idéale je suppose, mais j'en avais une. Je me fichais qu'elle soit bancale, elle ne m'avait pas complètement abandonné comme je l'avais cru.

C'était la famille gênante que j'allais devoir tenter d'expliquer à Jungkook.
C'était ma famille.

×××

Bonjouuuuur
Il fait horriblement chaud

Un looong chapitre qui, je l'espère éclaire pas mal de choses 🤔

La fin de Masquerade a été écrite :3
La fiction se finira bien au mois de juillet, d'ici une semaine et demi en fait

Ça me fait vraiment bizarre de la terminer, j'ai à la fois l'impression qu'il est plus que temps de conclure et qu'il me reste deux tonnes de choses à dire
Très bizarre comme sensation...


À mercredi
💜
(En principe je devrais pas oublier cette fois, je serai dans le bus pour la Japan Expo)

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